Lettrage en broderie numérique
Introduction
Résumé : Lettrage en broderie numérique
Le lettrage en broderie numérique consiste à intégrer du texte dans un motif brodé, qu’il s’agisse de logos, de noms ou de citations. Contrairement à une image vectorielle ayant une forme simple, chaque lettre doit être numérisée de manière adaptée afin d’assurer une broderie lisible, durable et esthétique.
Plusieurs approches sont possibles : la composition automatique de mots à partir de polices intégrées dans un module de lettrage, l’importation de fichiers contenant des lettres déjà numérisées, ou encore la numérisation manuelle lettre par lettre. L’utilisation de modules de lettrage spécialisés est recommandée, car ces outils s’appuient sur des glyphes conçus par des experts et permettent des transformations géométriques (texte en arc, en cercle, etc.).
La taille des lettres a un impacte important : la plupart des polices intégrées sont optimisées pour une plage de hauteurs minimale et maximale. Le texte est généralement brodé en point satin, mais un point de remplissage tatami peut être utilisé pour les grandes lettres qui dépassent 3-4 cm. En dessous de 5 mm, les points satin deviennent peu fiables, sauf avec un fil très fin (wt 60 ou 75).
Il est possible de créer ses propres polices brodées, mais cela demande un travail minutieux et de nombreux essais. Le lettrage impose une attention particulière aux déformations dues à l’étirage, ainsi qu’aux contraintes liées aux largeurs, aux angles, aux virages et à la densité.
Le lettrage est une composante essentielle de la broderie numérique, qu’il s’agisse d’ajouter un nom, une citation, un logo typographique ou une information personnalisée sur un textile. Mais bien plus que la typographie imprimée, la broderie impose des contraintes techniques spécifiques, en particulier en ce qui concerne la taille des lettres, le type de point, le tissu et le fil utilisés.
Pourquoi utiliser les modules de lettrage des logiciels ?
La plupart des logiciels de broderie intègrent des modules de lettrage spécialisés. Ces outils permettent :
- de saisir du texte directement dans l’interface ;
- de choisir parmi des polices optimisées pour la broderie, souvent appelées polices numérisées (ou digitized fonts) ;
- de profiter de réglages automatiques pour la taille, l’espacement, les sous-couches, les compensations et les ajustements pour tissus extensibles ;
- d’utiliser des outils de transformation géométrique sans crainte, par exemple disposer le texte le long d’un arc ou encore créer des lettres dansantes.
L’usage de ces modules de lettrage est vivement recommandé, car ils garantissent une meilleure lisibilité et réduisent les erreurs fréquentes liées à l'importation de polices non adaptées. Contrairement aux polices TrueType importées et numérisées automatiquement, les polices numérisées sont conçues spécifiquement pour la broderie, avec des formes et des structures adaptées au point de couture (généralement du satin)
Chaque police a une plage de taille optimale
Chaque police brodée est conçue pour être utilisée dans une plage de taille bien définie. En général :
- les petites et moyennes lettres (6–35 mm) sont presque toujours numérisées en point satin ;
- les grandes lettres (> 35mm) peuvent être brodés avec une variété de points, y compris des "décorations" en plus;
- en dessous de 5–6 mm, le point satin devient délicat à utiliser : les traits sont trop courts et les détails peuvent se perdre.
Pour des lettrages entre 3 et 5 mm, certains logiciels comme Ink/Stitch proposent des polices spécialement conçues pour ces tailles réduites. Il est fortement déconseillé de réduire simplement la taille d’une police standard : cela entraîne un excès de densité, une perte de lisibilité, voire des casses de fil. Bref, un rendu lisible en satin reste possible, à certaines conditions :
- utiliser un fil plus fin : du fil 60 wt (voire 75 wt pour les détails extrêmes), à la place du fil standard 40 wt ;
- utiliser une aiguille plus fine (par exemple NM 60 ou NM 65) pour limiter les trous et améliorer la netteté ;
- augmenter la densité des points, car le fil fin couvre moins de surface ;
- privilégier des polices simples, ouvertes et sans empattement.
Utiliser une police en dehors de sa plage optimale peut entraîner :
- des lettres illisibles ou trop serrées ;
- des cassures de fil, des densités excessives, voire des déchirures de tissu ;
- des déformations dues aux effets pull / push.
Les polices intégrées aux logiciels indiquent en principe leur plage de taille recommandée. Certains outils permettent même de filtrer les polices selon la taille ou le style.
Utilisation d'une police numérisée
Un module de lettrage permet de créer un lettrage simple ou déformé avec des polices déjà numériséesPrincipe général d’un module de lettrage :
- Saisir le texte (sur une ou plusieurs lignes) ;
- Choisir une police adaptée ;
- Configurer la taille, l’alignement et d'autres paramètres ;
- Appliquer des transformations géométriques (placement en arc, ajustements, etc.).
- Ajuster le positionnement
Exemple avec Ink/Stitch 3.2 :
- Ouvrir l’outil de lettrage et saisir le texte (ici : Police excellente) ;
- Appliquer deux filtres : taille = 5 mm, type = sans empattement ;
- Le logiciel propose cinq polices adaptées ;
- Choisir l’une d’entre elles (ex. : Glacial Tiny) ;
- Régler la taille et l’alignement.
Une fois le texte généré, évitez de modifier la taille avec les outils de dessin. Il est préférable de revenir dans l’outil de lettrage et d’ajuster les paramètres depuis l’interface dédiée. Les logiciels commerciaux offrent davantage de possibilités de réglage. Dans tous les cas, on peut généralement ajuster la position de certaines lettres si le kerning automatique ne donne pas un résultat satisfaisant.
Types de polices
Il faut choisir une police numérisée selon plusieurs critères, notamment :
- Taille : chaque police possède des tailles minimales et maximales à respecter.
- Méthode de liaison : par exemple au point le plus proche ou manuelle (début et fin de chaque lettre).
- Type de tissu et de broderie : tissu stable, élastique ou poilu ; broderie normale, 3D ou appliquée.
- Message artistique transmis par le lettrage.
- Contraintes d’espace disponibles.
Les polices numérisées ont une taille minimale et maximale à ne pas dépasser. Si l’on réduit trop un lettrage, on risque un résultat peu esthétique, voire des problèmes techniques (rupture de fil, formation de nids, etc.). À l’inverse, si l’on agrandit trop, le lettrage peut devenir fragile ou perdre en qualité visuelle.
La plupart des polices utilisent une liaison au point le plus proche afin de limiter les sauts, ce qui est particulièrement important pour le petit lettrage.
Toutes les polices ne conviennent pas à tous les tissus :
- Éviter les polices comportant des parties fines en satin sur les tissus élastiques.
- La Broderie 3D exige des polices dont les extrémités sont bien fermées.
- Les polices pour appliqués sont généralement grandes, vides à l’intérieur et incluent des lignes de fixation et de découpe.
Une police transmet toujours un message, il faut donc la choisir avec soin, notamment dans un contexte professionnel. Une police trop ornée peut sembler peu sérieuse et sera souvent difficile à lire.
Une police brodée à la fois lisible et esthétique occupe souvent plus d’espace que ce dont on dispose. Il existe des polices plus compactes que l’on peut utiliser. Dans le cas contraire, il est possible de réduire la taille, tout en veillant à ne pas descendre en dessous du seuil minimal. On peut également recourir à des fils plus fins (wt 60 ou wt 75). Malheureusement, les logiciels destinés au grand public et aux semi-professionnels ne prennent pas en charge ce type de fil : il faut alors ajuster manuellement les densités (ce qui reste relativement simple). À l’inverse, Ink/Stitch propose un ensemble de polices spécialement conçues pour les petites tailles, testées et optimisées pour le fil wt 60.
Voici les catégories de polices utilisés par Hatch selon le manuel officiel. On a raccourci les descriptions. Une police peut appartenir à plusieurs
| Style de police | Description |
|---|---|
| Polices d’appliqué | Spéciales pour l’appliqué, avec points de contour, d’arrêt et de recouvrement. Idéales en grand format et pour réduire le nombre de points. |
| Polices majuscules | Sans-serif, très lisibles et adaptées aux noms et logos. |
| Polices fantaisie | Décoratives, utilisées selon le style du logo. |
| Polices de monogramme | Créées pour les initiales, fréquentes sur serviettes et linge de maison. |
| Polices de contour | Utilisées pour les vêtements de sport, surtout au dos des vestes. |
| Polices de points de passage | Adaptées aux petits caractères (<5 mm) quand le satin ne convient pas. |
| Polices cursives | Traits fluides et reliés, style manuscrit. |
| Polices sérif | Style ancien avec empattements, courant sur vêtements de sport. |
| Polices minuscules | Pour textes ≤6 mm, avec ajustements spécifiques. |
| Polices spéciales | Effets graphiques, multicolores ou décoratifs. |
| Polices non romaines | Inclut les polices cyrilliques, grecques et japonaises. |
Ink/Stitch utilise une typologie indirecte. Dans l'interface on peut choisir une police selon une catégorie, par exemple: serif, petite, tartan, titre.
Transformations de la forme du lettrage
Un module de lettrage permet en général de transformer la forme du texte brodé, notamment :
- faire suivre le lettrage le long d’un chemin : soit une forme géométrique (comme un cercle ou un arc), soit une ligne libre dessinée par l’utilisateur ;
- appliquer une enveloppe (envelope) : il s’agit d’une transformation qui modifie la forme globale du texte, via des gabarits prédéfinis ou des points de contrôle manuels (ou les deux).
Voici un exemple réalisé avec Embroidery Office, où le texte est aligné le long d’une courbe. Les étapes sont les suivantes :
- Entrer le texte ;
- Choisir la police ;
- Sélectionner la transformation souhaitée, ici un arc supérieur ;
- Tirer vers le bas le point de contrôle central pour créer la courbure ;
- Glisser un autre contrôle pour ajuster le lettrage le long de l’arc ;
- Ajuster l’espacement global des lettres ;
- Ajouter des coupes automatiques pour éviter d’avoir à couper les fils manuellement (ce qui serait recommandé, car la machine tire sur le tissu quand elle coupe).
Outre les formes géométriques, on peut également utiliser des enveloppes personnalisables via des points de contrôle. Comme dans la plupart des outils modernes, il est possible d'ajuster aussi chaque lettre individuellement (position, taille, inclinaison, espacement, etc.).
La maîtrise de ces transformations demande un peu de temps. Il est vivement conseillé de consulter la documentation officielle. Voici par exemple le manuel de Embroidery Office 23 (en anglais) :
- Une enveloppe comme un arc peut contenir jusqu’à 8 points de contrôle ;
- Chaque lettre peut ensuite être ajustée individuellement via 5 points de contrôle supplémentaires.
Voici un autre exemple, réalisé avec Ink/Stitch. Le texte est aligné le long d’un chemin vectoriel :
- Créer un lettrage ;
- Dessiner le chemin que doit suivre le texte ;
- Sélectionner à la fois le texte et le chemin ;
- Lancer l’outil « Lettrage le long d’un chemin » ;
- Choisir l’alignement souhaité.
On peut aussi déformer l’enveloppe dans Inkscape via les effets de chemin (menu : Path Effects), notamment l’option Déformation par enveloppe (Envelope Deformation).
Dernier exemple : une transformation simple réalisée avec Hatch 3. Ce logiciel propose, dans la section « Art du lettrage », une vingtaine d’enveloppes prédéfinies, avec quelques options de personnalisation via l’outil de refaçonnage :
- Entrer le texte ;
- Choisir la police ;
- Sélectionner une forme dans « Art du lettrage » ;
- Ajuster la forme via les points centraux (haut/bas) en mode « Refaçonner ».
Cet outil reste cependant relativement limité : si nous avons bien compris, il ne permet pas une déformation libre comme dans un véritable outil de dessin vectoriel.
Formats de polices compatibles selon les logiciels
Les logiciels de broderie utilisent divers formats de polices. Certains sont propriétaires et contiennent directement les instructions de broderie pour chaque lettre ; d'autres sont des polices standards (comme les TrueType) converties automatiquement en points. Voici un aperçu des principaux formats :
| Format | Type | Logiciels compatibles | Remarques |
|---|---|---|---|
| .ESA | Police numérisée (native) | Wilcom | Contient des données de points optimisées pour chaque lettre selon la taille et le tissu. |
| .BX | Police mappée lettre par lettre | Embrilliance (et logiciels compatibles) | Permet d’utiliser des lettres individuelles dans un module de lettrage. |
| .TBF | Police intégrée | Hatch | Équivalent fonctionnel du format .ESA, mais propre à Hatch. |
| .TTF / .OTF | Police système (TrueType / OpenType) | La plupart des logiciels | Converties automatiquement en broderie, mais sans intelligence de point : les résultats sont souvent approximatifs et nécessitent des retouches. |
Il n’existe pas de format universel : les polices .ESA, .BX ou .TBF ne sont pas interchangeables d’un logiciel à l’autre. Il reste néanmoins possible de numériser manuellement une police TrueType, mais cela demande du travail et des ajustements pour garantir un rendu brodé correct.
Outils pour créer ses propres polices
Il est possible de créer ses propres alphabets brodés à l’aide de modules spécialisés ou manuellement. Créer une police demande :
- de numériser chaque caractère avec des paramètres adaptés à sa taille cible ;
- de gérer l’ancrage, l’espacement et les repères de base (baseline, alignement vertical) ;
- de tester le rendu sur tissu avant validation.
Voici quelques outils:
- Wilcom EmbroideryStudio (version complète "Designing") inclut Alphabet Creator et exporte au format .ESA. Séparément, il est vendu 999 Euros.
- Ink/Stitch inclut des outils pour créer une police que l'on peut importer dans Ink/Stitch. Ce mécanisme a permis à la communauté de contribuer un nombre important de polices.
- Embrilliance StitchArtist 3 (niveau 3) inclut Publishing Fonts qui crée d'abord un fichier design .BE, puis exporte en .BX
- Embroidery Office inclut Embroidery Font Builder et Embroidery Font Builder Advanced. Le font builder demande une numérisation manuelle et la version "Advanced" prend des TTF comme source que l'on peut modifier par la suite.
Importer et utiliser des motifs de lettres brodées
Certains alphabets sont vendus sous forme de fichiers individuels, notamment sur des places de marché comme Etsy (ex. 26 fichiers .PES ou .EXP pour les lettres A–Z). Dans ce cas :
- chaque lettre est importée comme un motif indépendant ;
- l’utilisateur doit placer manuellement chaque caractère dans le logiciel pour composer un mot ;
- l’alignement et l’espacement sont à ajuster à la main.
Cette méthode, bien que fastidieuse, est parfois la seule option pour certaines polices artistiques ou décoratives.
Certains logiciels, comme Wilcom Hatch 3 ou Ink/Stitch, permettent d’associer des lettres à des touches du clavier, ce qui facilite leur réutilisation. Une fois les correspondances établies, on peut enregistrer cette "carte" et la réutiliser à volonté.
Résumé des opérations dans Hatch 3
- Dézipper les fichiers contenant les lettres dans un dossier facilement accessible.
- Ouvrir ce dossier dans la bibliothèque de dessins.
- Créer une nouvelle collection. Le logiciel demande une hauteur de référence, ainsi qu’un minimum et un maximum. Ouvrir le panneau « Informations relatives au dessin » pour vérifier (ex. : 80 mm).
- Sélectionner un fichier-lettre.
- Lui associer un caractère du clavier, en le tapant ou en le sélectionnant dans la liste.
- Cliquer sur « Mapper ».
- Répéter pour chaque lettre.
Une fois la collection créée, elle peut être utilisée comme une police personnalisée dans le module de lettrage :
Utilisation dans Ink/Stitch
Selon le manuel, l’outil « Lettres vers police » permet de convertir un ensemble de lettres déjà numérisées en une police utilisable avec le module de lettrage d’Ink/Stitch. Cela demande un petit effort initial, mais c’est rentable si l’on utilise souvent la même police.
Numériser manuellement du texte
Il est également possible de numériser manuellement un mot ou une phrase, en particulier pour des projets uniques ou très spécifiques. Cela permet une grande flexibilité, mais exige une bonne maîtrise du logiciel de broderie.
Les étapes sont les suivantes :
- Numériser chaque lettre à la main en choisissant le type de point approprié (satin, remplissage, droit). On peut importer des dessins vectoriels issus de polices TrueType désassemblées dans un logiciel de dessin. En général, on choisit le point satin, ce qui nécessite une bonne maîtrise des techniques de numérisation, notamment pour :
- diviser correctement les lettres en plusieurs segments,
- relier les parties de manière fluide,
- optimiser la direction des points.
- Gérer l’ordre de couture et les arrêts de fil pour éviter les sauts inutiles ;
- Compenser les déformations dues au tissu (effets pull et push) en adaptant légèrement les formes ;
- Ajuster les sous-couches et la densité selon la taille des lettres, le type de tissu et le fil utilisé.
Cette méthode est la plus souple et donne un contrôle total sur le rendu final, mais elle est aussi la plus exigeante techniquement. Cela dit, il est assez simple de créer un lettrage de grande taille en utilisant un simple point de remplissage.
Conseils pratiques
Voici quelques astuces à retenir.
Astuces
- Évitez d’utiliser directement des polices TTF/OTF. Même si le logiciel applique une conversion automatique, il est impératif de vérifier les lignes de direction et la densité.
- Ne brodez pas de satins étroits sur des T-shirts légers : le tissu risque de se déformer ou de se déchirer.
- Testez toujours le lettrage à la taille réelle de broderie, sur le tissu final prévu.
- Pour les petits lettrages, prévoyez une sous-couche très stable : deux sous-couches, ou un point couchant qui prépare bien la surface.
- Si le texte mesure moins de 5 mm, envisagez d’utiliser un point droit triple à la place du satin, ou utilisez un fil très fin (wt 60 ou 75).
- Pour les phrases longues, pensez à fractionner le texte en plusieurs objets afin de mieux contrôler l’ordre de broderie.
- Ne numérisez jamais un lettrage à partir d’une image : sauf exception, le rendu sera médiocre, voire inutilisable.
- Cherchez le manuel en ligne (HTML ou PDF) qui décrit les polices avec un bon visuel.
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