Vécu étudiant de la distance
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Introduction
Apprendre à distance devient une réalité pour de plus en plus d'êtres humains, en particulier au niveau académique et en formation continue. Les formats à distance facilitent l'accès à des formations autrefois limitées en temps et géographiquement. Cette démocratisation du savoir s'accompagne tout autant de libérations de contraintes que de nouvelles difficultés à adresser. Cet article se concentre sur le vécu des apprenants, en décrit les principaux défis et s'articule avec la page Vécu enseignant de la distance pour proposer des pistes d'optimisation.
Suite à l'urgence du passage à distance au printemps 2020 dû aux confinements massifs qui ont eu lieu au niveau international, des apprenants de tous horizons se sont retrouvés confrontés abruptement à la distance. Leur vécu devrait faire l'objet d'une analyse isolée de l'expérience d'apprentissage à distance, car non représentative des développements des décennies passées sur les formations en ligne. Cependant, il semble plausible qu'il y aura un avant et un après covid, avec une adaptation, bien que soudaine, souvent forcée et possiblement brutale, des individus à la formation à distance. Les conclusions à tirer de cette expérience sont encore fraiches et les propositions ci-dessous évolueront très certainement grandement dans les années à venir.
Défis principaux de la distance
L'apprentissage est un acte complexe qui a lieu naturellement à un niveau cognitif, mais également affectif et social. La distance influence toutes ces dimensions, pas forcément négativement, et comprendre ce qui se joue à chaque niveau peut permettre autant à l'étudiant.e qu'à l'enseignant.e de réviser leurs méthodes et fonctionnements pour les adapter à la distance.
Selon Parrish (2005), l'expérience d'apprentissage survient de l'interaction des étudiants avec le contenu, le type d'activités, les méthodes pédagogiques, les intervenants et le contexte dans lequel elle se déroule. Alors que les dispositifs d'apprentissage en ligne permettent de plus en plus de garder des traces quantitatives des apprentissages, il existe encore peu d'analyses qualitatives du vécu des étudiants. La recherche nous donne néanmoins des pistes de réflexion sur des éléments qui semblent avoir une influence importante sur le vécu et ses conséquences sur l'apprentissage.
Charge cognitive
La théorie de la charge cognitive de Sweller dit en substance qu'un humain possède des ressources attentionnelles limitées et qu'une fois la mémoire de travail à sa capacité de traitement maximale, l'humain arrive à saturation et ne parvient pas à gérer de nouvelles informations. Cet aspect est autant à prendre en considération en présence qu'à distance, mais la distance ajoute la composante de gestion technique d'applications ou logiciels qui peut venir diminuer les ressources à disposition. En effet, pour un nombre non négligeable d'apprenant.e.s, utiliser un outil de visioconférence, tout en prenant des notes sur une page de traitement de texte et en échangeant sur un chat, sont des pratiques nouvelles ou peu communes et très gourmandes en ressources cognitives.
Emotions
Les émotions ont la cote dans les recherches sur l'apprentissage. Après avoir été ignorées, considérées comme non pertinentes par rapport à des processus cognitifs très étudiés, les études dans le champ des émotions et de l'apprentissage montrent qu'au contraire, elles sont essentielles à détecter et réguler pour soutenir l'acte d'apprendre.
Comment la distance influence-t-elle le vécu émotionnel ? Naturellement, la réponse émotionnelle est très variable d'un individu à l'autre, en plus d'être brève et dynamique. La recherche actuelle sur les émotions épistémiques, aussi appelées émotions académiques, notamment dans les modèles de Pekrun(2005), soit les émotions qui émergent durant l'apprentissage, semble présenter des théories relativement en accord sur les émotions à favoriser ou à éviter. Les émotions à favoriser sont l'intérêt (Silvia, 2008), le plaisir et dans une certaine mesure la confusion, dans une version productive qui pousse l'étudiant.e à traiter de manière plus profonde l'information et à résoudre le déséquilibre créé dans la phase de confusion. Les émotions à éviter sont l'ennui et la frustration (D'Mello & Graesser, 2011). Une revue systématique et méta-analyse réalisée par Loderer, Pekrun
Avec la distance, l'absence de contact physique, d'indices non-verbaux, de la possibilité de lire l'atmosphère dans une classe, l'état des autres étudiant.e.s sont autant de risques de mener à l'ennui ou à l'anxiété. Les stratégies d'auto-régulation, comme décrites par Cosnesfroy (2005), ainsi que la promotion des échanges informels et des sessions de travail collaboratif semblent avoir un impact positif sur les émotions ressenties.
Motivation
La motivation est l'un des prédicteurs majeurs des performances d'apprentissage. Selon les modèles actuels, par exemple le modèle intégratif de Fenouillet, elle dépend de nombreux facteurs, dont la distance peut modifier l'influence. Le nombre important d'abandon lors de formations à distance - on compte des taux d'abandon de plus de 90% dans les MOOC (Science, 2019) - demande d'apporter une vigilance accrue pour identifier les facteurs et soutenir l'envie de continuer à apprendre malgré les difficultés.
La motivation est un sujet vaste dans le domaine des sciences de l'éducation. Sur cette page, nous nous concentrons à décrre les stratégies de maintien de la motivation, dans la section sur l'autorégulation.
Sentiment d'isolement
Les cours en présence permettent de répondre au besoin d'appartenance des apprenants : échanges informels lors des pauses, lectures des indices verbaux et para-verbaux pour se situer dans le groupe, sentiment de traverser les mêmes difficultés et d'avoir l'espace pour en parler ou au contraire de réussir ensemble et de bénéficier de pairs pour partager et faire évoluer sa connaissance. La distance met à mal cette communication facilitée par la présence physique. L'importance des interactions entre membres du groupe, notamment informelles, semble donc fondamentale. Elles sont documentées de manière détaillée sur la page des interactions informelles et distance entre les étudiants.
Il existe toutefois de nombreux outils de communication synchrone qui sont passés dans l'usage commun, tels que Slack, Discord ou Whatsapp. De plus en plus de personnes prennent l'habitude de communiquer à distance et cet aspect de transformation sociétale facilite le passage à une formation à distance. En effet, l'élément crucial est de favoriser l'adhésion au groupe par la gestion de la dimension collaborative et adapter les théories sur les groupes dans un format à distance. Les activités collaboratives, scénariser les moments de présence, avec présence de l'enseignant.e ou entre pairs font partie des éléments à utiliser massivement pour maintenir le sentiment de lien dans le groupe.
Dans une revue de la littérature sur les stratégies d'engagement à distance, Bollinger & Martin (2018) organisent les interactions à distance en trois grandes catégories : apprenant-apprenant, apprenant-enseignant et apprenant-contenu. Parmi ces trois catégories, les auteures soulignent que ce sont les stratégies d'engagement qui ont été le plus appréciées par les étudiant.e.s. Une communication régulière, par le biais d'annonces ou de rappels, ainsi qu'une rubrique de notation ont été perçus comme particulièrement bénéfiques. En ce qui concerne la catégorie apprenant-apprenant, la dimension collaborative et les interactions informelles sont ressorties comme pertinentes pour l'engagement, tout comme les projets sur des thématiques réelles et les discussions guidées pour la catégorie apprenant-contenu.
Sentiment de liberté
La distance offre en liberté ce qu'elle ôte en sécurisation : la possibilité d'adapter son temps d'études à d'autres contraintes quotidiennes, d'avoir accès aux ressources sur des supports mobiles et flexibles (ordinateurs, tablettes, smartphones) et en tout temps, d'avoir un contrôle sur le rythme d'apprentissage (passer plus vite sur des notions connues et se concentrer sur les nouveautés). Malgré un sentiment de perte de lien, cette liberté est souvent relevée comme positive par les étudiant.e.s qui n'ont plus à se déplacer pendant les heures de pointes et gagnent en temps de travail ce qu'ils et elles perdent en temps de trajet. Cela ouvre aussi la possibilité à des personnes de suivre des cours alors qu'elles ne pourraient pas y assister en format présentiel, par exemple par contrainte d'horaires ou de déplacement. Enfin, en restant à domicile, cela laisse également la possibilité de garder un lien avec ses proches durant la journée, impossible avec la présence.
Ce sentiment de liberté partielle n'équivaut cependant pas à une individualisation de la formation. Bien que les contenus soient disponibles en tout temps, il serait tentant de croire que l'apprenant.e bénéficie d'une formation personalisée et adaptée à son rythme. Cela dit, comme le relève Glikman (2002), une réelle individuation de la formation signifierait que "tous les éléments de la formation (objectifs, moyens, méthodes, rythmes, etc.) soient adaptés aux demandes et aux contraintes de chaque apprenant". La plupart des formations à distance, du moins les certifiantes, imposent des rythmes de rendus réguliers et des conditions de travail liées à des environnements précis. Ces contraintes contribuent à donner un cadre aux étudiant.e.s qui limite les risques d'abandon.
On constate alors que le processus de scénarisation pédagogique est un va-et-vient permanent dans les choix qui soutiendront un aspect ou l'autre des complexités de la distance dans l'apprentissage.
Stratégies
La formation à distance semble récente, alors que les premiers cours par correspondance date du 19e siècle. L'utilisation du numérique a certes fait évoluer les pratiques, mais bien des stratégies restent semblables. Parmi les nombreux auteur.e.s et chercheure.e.s qui ont proposé des stratégies pour optimiser l'apprentissage à distance, nous présentons une synthèse dans les deux sections suivantes.
Du point de vue étudiant
Cadre de référence
Les premières recherches sur les stratégies d'apprentissage ont été confrontées à un flou dans la définition de ce qu'est une stratégie. Suite à une revue des nomenclatures existantes, Béguin (2008) a élaboré un cadre de référence pour simplifier leur utilisation. Se basant sur les travaux de psychologie cognitive, il distingue deux grandes catégories - cognition et métacognition - pour organiser les stratégies à disposition des apprenant.e.s.
Il conçoit donc une nomenclature dont le niveau de base comprend les stratégies cognitives et les stratégies métacognitives :
- Les stratégies cognitives sont catégorisées en stratégies de traitement de l'information (sélectionner, répéter, décomposer, comparer, élaborer, organiser) et en stratégies d'exécution (évaluer, vérfier, produire, traduire, vulgariser); Béguin intégre tous les mécanismes répértoriés pour réaliser les activités scolaires
- Les stratégies métacognitives comprennent deux éléments : l'anticipation et la capacité d'autorégulation, étudiée en détail par Cosnefroy, résumée dans la section suivante. La métacognition est cruciale pour soutenir l'apprenant.e dans son parcours d'apprentissage. En effet, la conscientisation de ses propres processus cognitifs rend possible la mise en oeuvre de stratégies pour les influencer et les réguler, et les adapter aux contextes liés à des tâches et situations particulières.
Béguin précise qu'il a circonsrit sa nomenclature aux aspects cognitifs et métacognitifs, non parce que les aspects affectifs ou sociaux ne sont pas fondamentaux pour l'apprentissage, mais au contraire que ceux-ci sont tellement subtils et influencent de manière vaste qu'ils nécessitent des nomenclatures séparées.
Une description plus détaillée du cadre de référence de Béguin est disponible sur la page dédiée aux stratégies d'apprentissages
Autorégulation
Comme Béguin plus haut, Cosnefroy (2009) s'est basé sur la métacognition pour analyser les stratégies efficaces chez l'apprenant.e. Il décrit les conditions et caractéristiques nécessaires à une autorégulation réussie, comme :
- une motivation initiale
- un but précis
- un répertoire de stratégies à disposition
- un regard critique objectif sur son propre fonctionnement
L'aspect majeur de son travail réside dans la mise en lumière de la dynamique conflictuelle inhérente à l'autorégulation : s'engager sans réserve dans l'apprentissage et protéger la volonté d'apprendre en parallèle de mécanismes de défense de l'estime de soi et de résistance à activités concurrentes. Les stratégies de protection de la volonté d'apprendre sont appelées volitionnelles et s'ajoutent aux stratégies cognitives et métacognitives, dont la fonction est d'optimiser l'apprentissage.
Le tableau ci-dessous énumère les propositions de Cosnefroy sur les stratégies volitionnelles, par caractéristique d'autorégulation.
Taxonomie des stratégies volitionnelles | |
---|---|
Contrôles des états internes | |
Activation d'un but d'approche | rendre saillantes les raisons de poursuivre l'effort |
Activation d'un but d'évitement | rendre saillantes les conséquences négatives d'un échec |
Soutien du sentiment d'efficacité personnelle | auto-encouragement, activation de souvenirs de réussite, etc. |
Contrôle de l'émotion | évacuation de la tension corporelle, recherche de soutien auprès d'autrui, etc. |
Contrôle du contexte d'apprentissage | |
Structuration de l'environnement | aménager le lieu de travail pour empêcher les distractions ou créer un climat motivationnel favorable |
Accroissement des ressources disponibles | rendre la tâche plus maniable en obtenant des informations supplémentaires ou en renégociant la tâche prescrite |
Structuration du temps | anticipation et programmation des actions à mettre en oeuvre |
Une fois encore, connaitre les stratégies existantes est une aide précieuse pour tout étudiant.e dans son parcours, mais peut également (et devrait) être prise en compte lors de la conception pédagogique pour renforcer leur utilisation.
Objets tangibles
Des outils concrets ont été développés par Molinari & Schneider (2018) dans une recherche sur les designs tangibles pour soutenir la volition à distance.
Parmi les conclusions de l'étude, utiliser la motivation extrinsèque pour se récompenser des efforts fournis semble être une stratégie efficace pour maintenir l'engagement dans la formation. L'utilisation d'objects tangibles, existant dans la réalité physique de l'apprenant.e, permet une conscientisation d'actions concrètes à mettre en oeuvre, ainsi qu'une manipulation d'objets réels, facilitant l'intégration et le maintien des stratégies dans le quotidien. Schneider & Molinari proposent notamment des outils pour aider à gérer les distractions, faire des pauses (comme avec la technique du Pomodoro), conscientiser les émotions ou prendre consience de sa progression, entre autres.
Apprentissage collaboratif
Les nombreuses recherches sur l'apprentissage collaboratif à distance (Johnson & Johnson, 2015; Jorsack, 2011) mettent en avant l'importance du groupe qui soutient l'apprentissage à distance sur deux aspect (1) l'engagement, par le sentiment d'appartenance à un communauté d'apprenant et (2) l'approfondissement des connaissances, grâce à la confrontation des idées au sein du groupe (Shackelford & Maxwell, 2012).
Dépendant en grande part des choix didactiques lors de la conception de la formation, les apprenant.e.s peuvent néanmoins mettre en oeuvre des stratégies pour favoriser la collaboration : échanges de notes, utilisation de plateformes en ligne pour comparer et débattre sur les idées (par exemple Emoviz, pour la lecture de texte collaborative, rédaction commune de textes sur un sujet (par exemple un wiki), et feedback par les pairs des productions de chacun.e.
Du point de vue enseignant
Toutes les considérations précédentes peuvent être prises en compte par les équipes enseignantes dans le design de leurs cours en ligne. Elles sont également liées à leur propre vécu et gagnent à être pensées ensemble pour fournir une expérience d'apprentissage optimale pour les étudiant.e.s autant que pour les enseignant.e.s.
Liens
- The MOOC Pivot, Science, 2019
Références
- Bégin, C. (2008). Les stratégies d’apprentissage : un cadre de référence simplifié. Revue des sciences de l’éducation, 34(1), (pp. 47–67). doi:10.7202/018989ar
- Boekaerts, M. (2010). Motivation et émotion : deux piliers de l’apprentissage en classe. Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique (pp. 97-119). OECD
- Bolliger, D. U., & Martin, F. (2018). Instructor and student perceptions of online student engagement strategies. Distance Education, 39(4), 568-583.
- Cosnefroy, L. (2009). Les théories reposant sur le concept de but. Traité de psychologie de la motivation (pp. 89-105). Paris : Dunod
- Glikman, V. (2002). Des cours par correspondance au « e-learning ». Paris: Presses Universitaires de France.
- Graesser, A., & D’Mello, S. (2011). Theoretical perspectives on affect and deep learning. In R. Calvo & S. D’Mello (Eds.), New perspective on affect and learning technologies, 11–22.
- Johnson, D, & Johnson, R. (2015). Cooperative Learning: Improving university instruction by basing practice on validated theory. Journal on Excellence in College Teaching, 25. p. 85-118.
- Jorczak, R. L. (2011). An information processing perspective on divergence and convergence in collaborative learning. Computer-Supported Collaborative Learning, 6, p. 207-221. doi : 10.1007/s11412-010-9104-6.
- Loderer, K., Pekrun, R., & Lester, J. C. (2018). Beyond cold technology: A systematic review and meta-analysis on emotions in technology-based learning environments. Learning and Instruction, 70 (101162). https://doi.org/10.1016/j.learninstruc.2018.08.002
- Pekrun, R. (2016). Academic emotions. Handbook of motivation at school, 2, 120-144.
- Shackelford, J. L., & Maxwell, M. (2012). Sense of community in graduate online education: Contribution of learner to learner interaction. International Review of Research in Open & Distance Learning, 13(4), 228–249. doi:10.19173/irrodl.v13i4.1339
- Silvia, P. J. (2008). Interest - The curious emotion. Current directions in psychological science, 17(1), 57-60.
- Sweller, J. (1988). "Cognitive load during problem solving: Effects on learning". Cognitive Science 12 (2): 257–285. doi:10.1016/0364-0213(88)90023-7.