« Mémoire et émotion » : différence entre les versions

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== Mémoire et Emotion ==
{{Progress reporting bases utopia}}
<!--{{Progress_reporting_bases_tetris}}-->Dans cet article, nous allons tenter de comprendre pourquoi certaines choses reviennent facilement en mémoire alors que d'autres choses semblent être oubliées.


'''Article original disponible sur''' : http://deliriumstudens.org/wiki/index.php
= Quelques notions de mémoire =
Non seulement la mémoire est une chose très complexe, mais elle représente beaucoup ce qu'on est. En effet, en l'enlevant, il devient difficile, voire impossible de se projeter dans le passé et/ou dans le futur.
 
[http://www.neur-one.fr/la%20m%E9moireemotion.pdf Article de synthèse]
 
= Systèmes de mémoire =
La mémoire à long terme (MLT) se décompose en plusieurs autres types de mémoires (Markowitsch & Staniloiu, 2011):
La mémoire à long terme (MLT) se décompose en plusieurs autres types de mémoires (Markowitsch & Staniloiu, 2011):
*la mémoire procédurale qui permet d'avoir une réflexion consciente sur l'environnement et qui est liée à une activité motrice;
*la '''mémoire procédurale''' est la mémoire grâce à laquelle on peut se souvenir comment exécuter une séquence de gestes. Elle est très stable dans le temps;
*le priming (ou amorçage) est l'indice permettant la reconnaissance d'une information perçue au préalable;
*la '''mémoire perceptuelle''' est ce qui permet de reconnaitre ce qui est perçu (les stimuli);
*la mémoire perceptuelle est ce qui permet de reconnaitre les stimuli, c'est-à-dire ce qui est perçu;
**c'est elle qui permet de distinguer une pêche d'une poire, par exemple. On dit que c'est une mémoire pré-semantique puisque les personnes dont la mémoire sémantique est atteinte ne sont pas affectés par des pertes de capacité de mémoire perceptuelle,
**c'est ce qui permet de distinguer une pêche d'une poire, par exemple. On dit que c'est une mémoire pré-semantique puisque les personnes dont la mémoire sémantique est atteinte ne sont pas affectés,
*la '''mémoire sémantique''' est orientée vers le moment présent et représente les faits, sans contexte particulier;
*la mémoire sémantique est orientée vers le moment présent et représente les faits, sans contexte particulier;
**c'est, par exemple, le fait de savoir que Paris est la capitale de la France. Nous savons que nous le savons, mais nous ne sommes pas capables de contextualiser cette information, c'est-à-dire que nous ne savons pas où nous l'avons appris,
**c'est, par exemple, le fait de savoir que Paris est la capitale de la France. Nous savons que nous le savons, mais nous ne sommes pas capables de contextualiser cette information, c'est-à-dire que nous ne savons pas où nous l'avons appris,
*la mémoire épisodique/autobiographique est reliée au moment de l'encodage de l'information, c'est la mémoire qui nous permet de nous projeter dans le passé et/ou dans le futur.
*la mémoire '''épisodique/autobiographique''' est reliée au moment de l'encodage de l'information, c'est la mémoire qui nous permet de nous projeter dans le passé et/ou dans le futur.


Le '''priming (ou amorçage)''' est l'indice permettant la reconnaissance d'une information perçue au préalable.


Comme nous pouvons le voir ce modèle n'incorpore pas de notion affective.
Dans la représentation hiérarchique de la MLT (figure 1) deux choses sont à retenir :
#il se peut que les mémoires procédurale et le <i>priming</i> se développent de manière parallèle plutôt que séquentielle;
# la mémoire joue un rôle important pour le langage, la théorie de l'esprit, la représentation de soi mais surtout dans le concept du temps.
[[Fichier:Diagramme_de_Tulving.png|500px|thumb|center|<i>Figure 1.</i> Diagramme de l'<b>organisation hiérarchique de la MLT</b> démontrant, en plus, l'aspect développemental de la formation de la mémoire). D'un point de vue [http://www.cnrtl.fr/definition/phylogénétique phylogénétique] et [http://www.cnrtl.fr/definition/ontogénétique ontogénétique], concernant les deux mémoires les plus précoces (mémoire procédurale et <i>priming</i>/amorçage), il se peut qu'il ne s'agisse pas d'un développement séquentiel, mais parallèle. C'est pour cela qu'ils sont séparés par une ligne discontinue. (Markowitsch & Staniloiu, 2011)]]




Dans ce cours, nous allons nous focaliser sur la mémoire sémantique autobiographique.
Le temps est important pour la mémoire. Muller & Pilzecker en faisaient déjà mention en 1900 (figure 2). Dans leur modèle, une information est encodée, puis elle est consolidée, et enfin elle est récupérée. Ainsi, selon ces auteurs, la mémoire est initialement labile (sujette à changement) puis se stabilise à travers le temps.
[[Fichier:Memoire-encodage_consolidation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 2.</i> Le modèle du fonctionnement de la mémoire de 1900 (Muller & Pilzecker).]]




== Type de consigne ==
Depuis lors, il y a eu une évolution dans les modèles de mémoire. Pour Nader <i>et al.</i> (2000), la mémoire peut également être labile, mais à un stade ultérieur. Un événement ne va pas rester stable dans le temps, il va être mis à jour, reconsolidé, remis à jour, etc. (figure 3).
Il y a des types de consignes incidentes et des types de consignes intentionnelles. Dans un type de consigne incidente, le sujet n'est pas averti qu'on va lui faire faire une tâche de mémoire. Dans un type de consigne intentionnelle, au contraire, il sera prévenu.




La question posée quant à la mémoire autobiographique sémantique est de savoir pourquoi certains choses reviennent facilement en mémoire alors que d'autres semblent être oubliées.
[[Fichier:Memoire-encodage_consolidation_reactivation_reconsolidation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 3.</i> Le modèle de la mémoire revu et corrigé par Nader <i>et al.</i> (2000).]]Le fait de se remémorer un événement et de le rediscuter peut créer des hésitations quant à ce qui s'est passé, où cela s'est passé, quand cela s'est passé... De plus, chaque personne ayant pris part à un même événement aura son propre souvenir, pas forcément équivalent à celui des autres personnes.


Dans la suite de cet article, nous allons chercher à déterminer ce qui fait qu'un événement sera rappelé, et ce qui fait que le souvenir sera de plus ou moins bonne qualité.


== Systèmes de mémoire ==
= Émotion & mémoire =
[[Fichier:Diagramme_de_Tulving.png|500px|thumb|center|<i>Figure 1.</i> Diagramme montrant l'hypothèse de Tulving de l'<b>organisation hiérarchique de la MLT</b> démontrant, en plus, l'aspect développemental dans la formation de la mémoire). D'un point de vue [http://www.cnrtl.fr/definition/phylogénétique phylogénétique] et [http://www.cnrtl.fr/definition/ontogénétique ontogénétique], concernant les deux mémoires les plus précoces (mémoire procédurale et <i>priming</i>/amorçage), il se peut qu'il ne s'agisse pas d'un développement séquentiel, mais parallèle. C'est pour cela qu'ils sont séparés par une ligne discontinue. (Markowitsch & Staniloiu, 2011)]]
Les événements émotionnels sont mieux rappelés que d'autres types d'événements. Il y a un effet de facilitation sur la mémoire. Mais quelle est la raison de cette facilitation?




Dans cette représentation hiérarchique de la MLT (figure 1) il y a deux choses importantes:
[[Fichier:encodage_facilitation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 4.</i> Sharot & Phelps, 2004, Kensinger <i>et al.</i>, 2007, D'argembeau <i>et al.</i>, 2004.]]
#qu'il se peut que les mémoires procédurale et le <i>priming</i> se développent de manière parallèle plutôt que séquentielle;
#le langage, la théorie de l'esprit, la représentation de soi et le concept du temps jouent un rôle important dans la mémoire et en particulier le concept du temps.




== Mémoire ==
Un souvenir n’est pas une copie conforme de la réalité, il peut subir des déformations voire être un faux souvenir. La mémoire épisodique a un aspect affectif. Dans la vision classique, la mémoire est représentée par une ligne du temps: encodage &rarr; consolidation &rarr; récupération (figure 2). Le chercheur Nader a ajouté sur cette ligne de temps la réactivation et la reconsolidation (figure 3), qui permettrait l’intégration de nouvelles informations sur un souvenir déjà existant. La mémoire serait donc plutôt labile. Nous savons en outre que les stimuli émotionnels ont un effet de facilitation sur la mémoire. Les trois modèles que nous discutons dans les sections suivantes de cet article s'attèlent à expliquer cet effet de facilitation de l'émotion sur la mémoire :
Comme nous l'avons vu dans le [[#système de mémoire|système de mémoire]], le temps est important dans la mémoire. Ceci a d'ailleurs déjà été noté en 1900 par Muller & Pilzecker (figure 2). Lors de l'encodage d'une information, elle est consolidée, puis elle est récupérée. C'est comme si on avait une mémoire initialement [http://www.cnrtl.fr/definition/labile labile] (sujet à changement) qui se stabilise à travers le temps.
*la théorie de l'<i>arousal</i> (une forte implication émotionnelle);
*la théorie de la valence;
*la théorie de la pertinence.


La carte conceptuelle ci-dessous essaie d'expliquer comment une émotion intervient dans le processus de mémorisation d'un événement. [http://tecfaetu.unige.ch/etu-maltt/volt/waegers0/Bases/Videographie%20-%20M%C3%A9moire%20et%20emotions%20-%20v1.ogv Une vidéo explicative] de cette carte présente des concepts fondamentaux sur la mémoire et l'impact de l'émotion positive ou négative sur la mémorisation d'un événement.


[[Fichier:Memoire-encodage_consolidation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 2.</i> Le concept du fonctionnement de la mémoire vu en 1900 (Muller & Pilzecker).]]
[[Fichier:Mémoire et émotion Vfinale.png|vignette|Mémoire et émotion  - carte conceptuelle par [[Utilisateur:SebastienWaeger]] |centré|700x700px]]Par conséquent, la carte présente un impact des émotions sur la mémorisation et le fait qu'une forte activation émotionnelle (l'arousal) facilite le processus de mémorisation. La carte note également qu'un souvenir est mieux mémorisée s'il est lié à un stimulus émotionnel pertinent (la pertinence) et positif ou négatif (la valence). De plus, la carte mentionne qu'un souvenir n'est pas toujours fidèle à un événement passé, mais peut être manipulé par le sujet lui-même ou par un autrui.


== Arousal & mémoire ==


Depuis cette façon de voir, il y a bien entendu eu une évolution. Pour Nader <i>et al.</i> (2000), la mémoire peut être labile, mais à un stade ultérieur. Un événement ne va pas rester stable dans le temps, il va être mis à jour, reconsolidé, remis à jour, etc. (figure 3).
Note: "arousal" est un terme anglais signifiant éveil ou stimulation. Le sens dans lequel il est généralement utilisé en psychologie n'est pas exactement celui-là, aussi, il est difficilement traduisible, et nous le laisserons tel quel dans la suite du texte. Ainsi, un mot "haut en arousal" est un mot qui suscite des émotions, tel que les mots "mort", "sexe", "violence", etc.


L’arousal a un effet de facilitation en mémoire.


[[Fichier:Memoire-encodage_consolidation_reactivation_reconsolidation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 3.</i> Le concept de la mémoire revu et corrigé par Nader <i>et al.</i> (2000).]]
===L'expérience de Sharto et Phelps===


Dans une expérience (Sharto et Phelps, 2004), un mot neutre (peu chargé émotionnellement, c'est-à-dire "bas en arousal") est présenté au centre de l’écran accompagné d'un autre mot en périphérie de l'écran. Le mot en périphérie de l'écran est soit un mot neutre soit un mot haut en arousal. Les participants doivent dire à quel point le mot du centre est fréquent dans la langue. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne sont pas conscients qu'ils participent à une expérience sur la mémoire. La question sur la fréquence du mot dans la langue n'intéresse absolument pas les expérimentateurs, elle n'est qu'un leurre destiné à tester la mémoire des sujets.


== Mémoire &ne; réalité ==
Par la suite (tout de suite après pour une moitié des sujets, 24 heures après pour l'autre moitié) un mélange de mots jamais vus par les participants et de mots présentés en périphérie de l'écran dans la première tâche sont présentés et les participants doivent dire s’ils les ont déjà rencontrés dans la première tâche.
Le fait de se remémore un événement et de le rediscuter peut créer des hésitations quand à ce qui s'est passé, où cela s'est passé, etc. De plus, chaque personne (ayant participé au même événement) pourra avoir son propre souvenir de ce qui s'est passé, où cela s'est passé, etc.


===Résultats et interprétation===


Mais qu'est-ce qui fait qu'un événement sera rappelé et qu'est-ce qui fait qu'il sera mieux rappelé?
Les mots hauts en arousal sont mieux rappelés que les mots neutres seulement dans la condition où les sujets sont interrogés 24 heures après la première tâche. Par contre, les mots neutres sont mieux rappelés que les mots hauts en arousal quand on interroge les sujets directement après la première tâche. Il y a donc une stabilité dans le temps des mots émotionnellement chargés. Un stimulus émotionnel en périphérie attire l'attention du sujet bien qu'il n'en soit pas conscient. Ainsi, il y aurait une consolidation de la trace mnésique grâce au sommeil.




== Émotion & mémoire ==
[[Fichier:Arousal_et_memoire-sharto_et_phelps.png|300px|thumb|center|<i>Figure 5.</i> Taux de reconnaissance pour des mots périphériques testés immédiatement et après un délai. Un mot (neutre ou «excitant») était présenté en périphérie en même temps qu'un mot neutre était présenté au milieu de l'écran. D'après Sharot & Phelps (2004)<ref>Sharot, T., Phelps, E.A.(2004) How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention. <i>Cogn. Affect. Behav. Neurosci. 4</i>:294–306. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [http://www.psych.nyu.edu/phelpslab/papers/04_CogAffBehav_Vol4.pdf], consulté le 2013.04.20.</ref>.]]
Les événements émotionnelles sont mieux rappelés que d'autres. Il y a un effet de facilitation. Mais quelle est l'élément clé qui est responsable de cette facilitation?




[[Fichier:encodage_facilitation_recuperation.png|500px|thumb|center|<i>Figure 4.</i> Sharot & Phelps, 2004, Kensinger <i>et al.</i>, 2007, D'argembeau <i>et al.</i>, 2004.]]
[[File:arousal_facilitation_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 6.</i> Sharot & Phelps (2004).]]


== Valence & mémoire ==


Un souvenir n’est pas une copie conforme de la réalité, ils peuvent subir des déformations voir être des faux souvenirs. La mémoire épisodique a un aspect affectif. Dans la vision classique de la mémoire, on la représente par une ligne du temps: encodage &rarr; consolidation &rarr; récupération (figure 2). Nader a ajouté sur cette ligne de temps la réactivation et la reconsolidation (figure 3), qui permettrait l’intégration de nouvelles informations sur un souvenir déjà existant. La mémoire serait donc plutôt labile. Nous savons aujourd’hui que les stimuli émotionnels ont un effet de facilitation sur la mémoire. Trois modèles essayent d’expliquer cela:
les stimuli négatifs ont un effet facilitateur sur la mémoire. Ils seraient mieux rappelés que les stimuli neutres ou positifs.  
*la théorie de la valence;
*la théorie de l'<i>arousal</i>;
*la théorie de la pertinence.
 
 
=== Arousal & mémoire ===
L’arousal permettrait un effet de facilitation en mémoire. Un mot neutre était présenté au centre de l’écran et un mot neutre ou haut en arousal étaient présenté en périphérie de l’écran. Les participants devaient dire à quel point le mot du centre était fréquent dans la langue (vérifier l’encodage du mot). Dans la seconde expérience (soit tout de suite après ou 24h après) de nouveaux mots et des anciens étaient présentés et les participants devaient dire s’ils les avaient déjà rencontré dans la première expérience. Les mots hauts en arousal (en périphérie) permettaient une facilitation en mémoire seulement lorsque la seconde expérience se faisait 24h après la première (consolidation), ces mots étaient mieux rappelés. Les mots neutres sont mieux rappelés immédiatement qu’après 24h. Il y a donc une stabilité dans le temps des mots émotionnels, soit haut en arousal. Un stimulus émotionnel en périphérie attire notre attention inconsciemment.


===L'expérience de Kensinger (2007)===


[[Fichier:Arousal_et_memoire-sharto_et_phelps.png|300px|thumb|right|<i>Figure 5.</i> Taux de reconnaissance pour des mots périphériques testés immédiatement et après un délai. Un mot (neutre ou «excitant») était présenté en périphérie en même temps qu'un mot neutre était présenté au milieu de l'écran. D'après Sharot & Phelps (2004)<ref>Sharot, T., Phelps, E.A.(2004) How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention. <i>Cogn. Affect. Behav. Neurosci. 4</i>:294–306. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [http://www.psych.nyu.edu/phelpslab/papers/04_CogAffBehav_Vol4.pdf], consulté le 2013.04.20.</ref>.]]
Deux images sont présentées à des participants : soit un serpent (image négative) soit un singe (image neutre). Les animaux sont placés dans un contexte neutre constitué soit par l'image d'une forêt, soit par l'image d'une rivière. Les participants doivent ensuite retrouver l’image qu'ils ont vue précédemment. Cette image leur est présentée parmi des images de serpents ou de singes appartenant à d'autres espèces (donc similaires mais pas complètement).
Pour Sharot et Phelps, ce sont les événements hauts en [http://dictionnaire.reverso.net/anglais-francais/arousal <i>arousal</i>] <i>vs</i> ceux qui sont bas en <i>arousal</i>.


===Résultats et interprétation===


Dans leur étude, il y a toujours un mot neutre au centre de l'écran. Par contre, en périphérie, le mot qui apparait est soit neutre, soit haut en «<i>arousal</i>» (il s'agit souvent des mots négatifs tels que: mort, cancer, etc.). Le sujet doit fixer le mot au centre de l'écran sans prêter attention aux mots en périphérie. Il s'agit d'une tâche incidente (c'est-à-dire que les sujets ne savent pas qu'on va les tester sur leur mémoire des mots vus). Il y a deux groupes, un qui passe la tâche immédiatement et doit identifier les mots en périphérie alors qu'on ne leur a pas demander de les mémoriser, et l'autre groupe qui est testé 24h après (parce qu'entre deux ils auront dormi et que le sommeil est supposé aider la consolidation des souvenirs en mémoire).
Les serpents sont plus facilement retrouvés. Le contexte  quant à lui (rivière ou forêt) est mieux rappelé lorsqu’il est associé au singe (image neutre), car l’attention du participant n’est pas focalisée sur le serpent et il peut ainsi regarder les détails de l'image qui lui est présentée.
 
 
Les résultats (figure 5) montrent que les mots neutres sont mieux reconnus immédiatement après l'expérience, tandis que les mots émotionnellement chargés sont mieux reconnus le lendemain. Il se peut donc qu'il y ait une forme de consolidation grâce au sommeil. Attention toutefois, l'expérience était transversale («<i>between subjects</i>») et non longitudinale.
 
 
[[File:arousal_facilitation_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 6.</i> Sharot & Phelps (2004).]]
 
 
=== Valence & mémoire ===
les stimuli négatifs permettent un effet facilitateur sur la mémoire. Les stimuli négatifs seraient mieux rappelés que les stimuli neutres ou positifs. Deux images étaient présentées aux participants : une forêt ou une rivière (neutres) avec un serpent (négatif) ou un singe (neutre). Les participants devaient ensuite retrouvés l’image du singe ou du serpent parmi d’autres membres de leurs espèces. Les serpents étaient mieux retrouvés. Le background seul (rivière, forêt) était mieux rappelés lorsqu’ils étaient associés au singe (neutre), car l’attention du participant n’était pas focalisée que sur le serpent et pouvait regarder les détails du background.




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Pour Kensinger <i>et al.</i> (2007)<ref>Kensinger, E. A., Garoff-Eaton, R. J., & Schacter, D. L. (2007). Effects of emotion on memory specificity: Memory trade-offs elicited by negative visually arousing stimuli. <i>Journal of Memory and Language, 56</i>, 575–591. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [http://www.wjh.harvard.edu/~dsweb/pdfs/07_05_EAK_RGE_DLS.pdf], consulté le 2013.04.20.</ref>, il ne s'agit pas d'<i>arousal</i>, mais de valence. En particulier les stimuli ayant une valence négative. Dans leur expérience, les stimuli sont soit négatifs, soit neutres. La reconnaissance de l'objet (stimulus) lui-même est sur un fond («<i>background</i>») neutre. Les images sont présentées et on demande aux sujets ce qu'ils ont vu. Les résultats montrent que les stimuli négatifs sont mieux rappelés que les stimuli neutres (figure 7). Par contre, selon le type de «<i>background</i>», c'est celui qui est neutre, avec un objet neutre qui était reconnu (figure 8). Les stimuli négatifs attirent et négligent la périphérie de la scène.
Pour Kensinger <i>et al.</i> (2007)<ref>Kensinger, E. A., Garoff-Eaton, R. J., & Schacter, D. L. (2007). Effects of emotion on memory specificity: Memory trade-offs elicited by negative visually arousing stimuli. <i>Journal of Memory and Language, 56</i>, 575–591. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [http://www.wjh.harvard.edu/~dsweb/pdfs/07_05_EAK_RGE_DLS.pdf], consulté le 2013.04.20.</ref>, il ne s'agit pas d'<i>arousal</i>, mais de valence. La valence est l'attractivité intrinsèque d'un objet, qui peut être soit positive soit négative. Elle se distingue de l'arousal qui constitue plutôt une mesure du "taux d'excitation" provoqué par un objet. Ainsi, le serpent serait mieux rappelé, parce qu'il est jugé très négativement par les participants et attirerait par conséquent leur attention.
 


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<gallery perrow="2" widths="300" heights="181">
Image:valence_et_memoire-reconnaissance_objet.png|<i>Figure 7.</i>  
Image:valence_et_memoire-reconnaissance_objet.png|<i>Figure 7.</i> Le serpent est mieux rappelé que le singe parce qu'il présente une valence négative.
Image:valence_et_memoire-reconnaissance_background.png|<i>Figure 8.</i>  
Image:valence_et_memoire-reconnaissance_background.png|<i>Figure 8.</i> Le contexte associé au singe est mieux rappelé, parce que ce dernier présente une valence neutre.
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=== Pertinence & mémoire ===
Cette expérience contredit la théorie de l'arousal. En effet, selon cette dernière, le contexte neutre, donc faible en arousal, ne devrait pas être plus ou moins bien rappelé selon l'image que qu'on lui associe.
Proposé sous d'autres formes, mais relié à l'émotion, on dit que ce serait la pertinence du stimulus qui compte. En lien avec buts, valeurs et survie, ce qui est pertinent par rapport à nos buts faciliteraient la mémorisation.


== Pertinence & mémoire ==
Une autre interprétation possible du lien entre mémoire et émotion est celle de la pertinence du stimulus. Ainsi, un stimulus pertinent par rapport à nos buts, à nos valeurs, à notre survie, faciliterait la mémorisation.


Si un événement est évalué comme pertinent il y a déclenchement d’une émotion. La pertinence est évaluée par rapport à nos buts, à nos valeurs ou à notre survie. L’amygdale est très importante pour les stimuli émotionnels, elle est un détecteur de la pertinence et est importante pour la mémoire. C’est donc la pertinence, repérée par l’amygdale qui permettrait une facilitation de la mémoire. Dans une expérience IRM, les participants devaient s’imaginer une situation (parking IKEA), le visage d’une personne et imaginer que cette personne allait partir de sa place de parc (goal relevant) / sortir avec son caddy (neutral) / nous piquer la place (goal obstructive). Nous nous rappelons mieux des visages qui nous ont laissé ou piqué la place (situations émotionnelles). Les visages présentés étaient toujours neutres, c’est donc la pertinence évaluée par le participant qui compte pour faciliter la mémoire. Une autre expérience a été faite dans laquelle les participants pouvaient gagner ou perdre des points en répondant à des questions sur des objets (encodage). Immédiatement ou 24h après, les objets étaient représentés et les participants devaient dire s’ils les avaient déjà vu. Le fait de gagner est quelque chose d’important pour les buts des participants. Ils devaient ensuite évaluer l’arousal, la valence et la pertinence des objets. Les objets étaient tous neutres mais lorsqu’ils étaient évalués comme plus pertinents et plus hauts en arousal car associés à un gain. Les stimuli associés à une perte n’étaient pas évalués comme aussi pertinents et aussi hauts en arousal que ceux associés à un gain. Dans la condition immédiate, ce sont les objets sans gain ni perte qui sont mieux rappelés. Par contre, 24h plus tard, ce sont les objets associés à un gain qui sont mieux rappelés. Les stimuli pertinents se consolident en mémoire alors que les stimuli neutres subissent une diminution du rappel mnésique dans le temps. Il existe peut-être un biais de positivité chez les participants, qui préfèrent garder en mémoire le gain que la perte. Dans une autre expérience, les participants devaient mémoriser un match de basket. Les participants se souviennent mieux des séquences de jeu dans lesquelles leur équipe avait marqué un panier (biais de positivité) que celles dans lesquelles l’autre équipe avait marqué.
Si un événement est évalué comme pertinent, il y a déclenchement d’une émotion. C’est l'amygdale qui jouerait le rôle de détecteur de la pertinence des stimuli émotionnels. Ce serait donc la pertinence, repérée par l’amygdale qui permettrait une facilitation de la mémoire.  




[[Fichier:Pertinence_facilitation_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 9.</i> Kensinger <i>et al.</i> (2007).]]
== Modélisation et bases physiologiques de la pertinence==
Un objet est pertinent pour quelqu'un lorsqu'il a de l'importance à ses yeux. La pertinence facilite la mémorisation de l'objet parce qu'elle déclencherait une émotion, comme montré sur la figure 10 (le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant une chose physique et tangible qu'une idée, ou un but).




==== Pertinence ====
[[Image:Pertinent_emotion.png|300px|thumb|center|<i>Figure 10.</i> La pertinence d'un événement déclenche l'émotion.]]
Comme vu dans les théories des processus composants ([[Déclenchement_et_différentiation_des_émotions:_théories_de_l%27appraisal|Théories de l'«<i>appraisal</i>»]]), la pertinence (ou «<i>relevance</i>» en anglais), est synonyme d'<i>importance</i>. C'est à dire que quelque chose est pertinent pour quelqu'un lorsque cette chose représente quelque chose [d'importan] à ses yeux. Cette pertinence d'un objet serait facilitatrice de la mémorisation dudit objet. Dans ce contexte, le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant quelque chose de physique et tangible qu'une idée, ou un but, par exemple.
 
 
L'accès à cet objet peut être facilité ou obstrué. Mais comme vu ci-dessus, la pertinence ou non de l'objet déclenchera ou non une émotion (figure 10).
 


[[Image:Pertinent_emotion.png|300px|thumb|center|<i>Figure 10.</i> La pertinence d'un événement déclenche l'émotion.]]
=== Importance de l'amygdale pour la mémorisation ===




==== Amygdale ====
[[Fichier:amygdale_detection_emotion.png|500px|thumb|center|<i>Figure 11.</i>]]
[[Fichier:amygdale_detection_emotion.png|500px|thumb|center|<i>Figure 11.</i>]]
[[File:Amygdala_small.gif|200px|thumb|right|<i>Figure 12.</i> L'amygdale en rouge dans cette animation tridimensionnelle.]]
[[File:Amygdala_small.gif|200px|thumb|right|<i>Figure 12.</i> L'amygdale en rouge dans cette animation tridimensionnelle.]]
[[File:Hippocampus_small.gif|200px|thumb|right|<i>Figure 13.</i> L'hippocampe joue un rôle important dans le mémoire.]]
[[File:Hippocampus_small.gif|200px|thumb|right|<i>Figure 13.</i> L'hippocampe joue un rôle important dans le mémoire.]]
Si un événement pertinent est détecté par l'amygdale (figure 12), cela provoquera une émotion. L'amygdale a un rôle important dans détection de stimulus. Il joue également un rôle dans la mémoire. Lorsque les stimuli sont mieux rappelés, il y a une plus grande activation de l'amygdale.
Si un événement pertinent est détecté par l'amygdale (figure 12), il provoque une émotion. L'amygdale a un rôle important dans la détection des stimuli. Elle joue également un rôle pour la mémoire. A une plus grande activation de l'amygdale correspond un meilleur rappel des stimuli.




Lors d'un événement captivant, celui-ci est détecté par l'[http://fr.wikipedia.org/wiki/Amygdale_(cerveau) amygdale], ce qui déclenche une émotion et ce qui faciliterait le stockage en mémoire où c'est l'hippocampe (figure 13) qui est sollicité.
Lors d'un événement captivant, celui-ci est détecté par l'[http://fr.wikipedia.org/wiki/Amygdale_(cerveau) amygdale], ce qui déclenche une émotion et facilite le stockage en mémoire où c'est l'hippocampe (figure 13) qui est sollicité.




Selon cette théories, c'est parce qu'un événement est pertinent qu'on mémorise (figure 14).
Selon cette théorie, c'est parce qu'un événement est pertinent qu'on le mémorise (figure 14).




[[Image:role_amygdale_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 14.</i> Le rôle de l'amygdale dans la mémorisation.]]
[[Image:role_amygdale_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 14.</i> Le rôle de l'amygdale dans la mémorisation.]]


La carte conceptuelle ci-dessous résume les trois modèles qui tentent à expliquer l'effet de facilitation de l'émotion sur la mémoire.
[http://tecfaetu.unige.ch/etu-maltt/utopia/forerom0/BASES/Vid%C3%A9ographieFinaleMemoireEmotion.webm Une vidéo explicative] de cette carte éclaircit les liens principaux entre la mémorisation et les émotions. Les trois théories (l'arousal, la valence et la pertinence du stimulus) convergent sur le fait qu'une émotion facilite la mémorisation.


==== Expérience ====
[[Fichier:CarteM%C3%A9moireEmotion3.jpg|vignette|Mémoire et émotion  - trois grands concepts carte conceptuelle par [[Utilisateur:Angela F]] |centré|700x700px]]
Une expérience a été menée pour vérifier que la <i>pertinence</i> («<i>relevance</i>») joue effectivement un rôle dans l'encodage de la mémoire (la mémorisation), ainsi que la reconnaissance (le rappel) en utilisant l'IRM. Montagrin <i>et al.</i> (en prép.) ont inventé plusieurs histoires pour tester cela, la consigne était incidente (les participants ne savaient pas qu'il s'agissait d'une tâche de mémoire). La «<i>cover story</i>» était qu'il s'agissait d'une tâche sur l'imagerie mentale:
[[Image:pertinence_et_memoire-Montagrin_et_al.png|300px|thumb|right|<i>Figure 15.</i> Résultats de l'expérience de Montagrin <i>et al.</i> (en prép.).]]
*histoire 1 («<i>goal constructive</i>»):
**le sujet se rend à la poste où il y a 20 minutes de queue avant d'être servi. Le sujet prend un ticket pour attendre son tour;
**on lui montre un visage avec une expression neutre;
**puis l'histoire continue en disant que la personne vous donne son ticket parce qu'elle doit partir et il se trouve que le ticket donné porte le prochain numéro qui sera tiré;
**on remontre le visage neutre;
**on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;
*histoire 2 («<i>goal obstructive</i>»):
**le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour pouvoir prendre une place de parking qui vient de se libérer;
**on lui montre un visage avec une expression neutre;
**tout à coup une autre voiture passe et prend la place attendue;
**on remontre le visage neutre;
**et on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;
*histoire 3 («<i>goal irrelevant</i>»):
**le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour pouvoir prendre une place de parking qui vient de se libérer;
**on lui montre un visage avec une expression neutre;
**tout à coup un piéton passe avec un caddy devant la voiture du sujet;
**on remontre le visage neutre;
**et on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation.
 
 
On remontre tous les visages neutres vus (60 identités jamais vues auparavant) et les sujets sont demandés s'ils ont vu ou pas ces visages.
 
 
Les résultats montrent qu'il y aura une préférence à reconnaitre les visages présenté dans des situations négatives et positives en comparaison à des situations neutres (figure 15).
 


= Facilitation mnésique =
= Facilitation mnésique =
[[Fichier:Emotion_facilitation_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 16.</i>]]
[[Fichier:Emotion_facilitation_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 16.</i>]]
La facilitation mnésique est testée avec d'autres paradigmes. L'attention est quelque chose d'important pour la mémoire émotionnelle. Mais que se passe-t-il s'il l'attention n'est pas portée sur quelque chose, peut-il quand même y avoir un effet de facilitation?
L'émotion a un rôle de facilitateur de la mémoire parce qu'elle porte l'attention du sujet sur l'objet qui provoque l'émotion. Aussi, la question se pose de savoir comment se comportera la mémoire si l'émotion est absente, ou, du moins, atténuée.
 
 
Il y a un phénomène appelé le «<i>change blindness</i>» où les gens ne s'aperçoivent pas qu'une situation change. Il y a bon nombre de changement qui sont dans le champ visuel qui ne sont pas perçus. Mais est-ce quelque chose d'adaptatif (au sens darwinien du terme)?
 
 
La facilitation mnésique est adaptative car elle permet de se souvenir de stimulus dangereux (serpent) ou de visages pertinents qui avaient contrés ou aidés nos buts. Par contre, cette facilitation mnésique peut également être mal adaptative (ESPT, flash back et intrusions). Nous pouvons bloquer la facilitation mnésique grâce à un médicament, le béta-bloquant (propranolol), qui supprime l’émotion. L’hormone de stress (noradrénaline) est fortement liée à la formation de souvenirs émotionnels. Le béta-bloquant bloque l’action de l’adrénaline et de la noradrénaline. La libération de la noradrénaline se fait dans le noyau de l’amygdale ce qui permet une neuroplasticité dans d’autres zones cérébrales comme l’hippocampe. La consolidation ne peut plus se faire grâce au bétabloquant. Pour supprimer les intrusions provoquées par une ESPT, il faudrait prendre le bétabloquant avant l’événement (pas très pratique). Heureusement, d’autres auteurs ont montré qu’il serait possible de prendre ce médicament lors de la réactivation du souvenir et ainsi, de bloquer l’effet de facilitation mnésique.
 
 
== Mémoire émotionnelle & attention ==
Cette expérience compare deux groupes:
*un qui a faim;
*un qui est rassasié.


== Toujours adaptatif? ==
L'émotion permet, par exemple, un meilleur rappel des visages qui ont facilité nos buts. Ceci est probablement fonctionnel/adaptatif (au sens darwinien du terme). Cependant, il y a des cas où cette adaptation peut porter préjudice. Notamment, pour les personnes atteintes de d'[http://fr.wikipedia.org/wiki/ESPT ESPT] (état de stress post-traumatique) à cause des souvenirs intrusifs et des flashbacks qu'elles subissent<ref>À ce sujet, le lecteur pourra apprécier le cours de [[Psychopathologie_de_l%27adulte|Psychopathologie de l'adulte]] au sujet de [[L’état_de_stress_post-traumatique_(Psychopathologie_de_l%27adulte)|L’état de stress post-traumatique]].</ref>.


Lorsqu'on a faim on veut se rapprocher du stimulus de nourriture.


Cette problématique est à l'origine d'un nouveau champ de recherche qui s'intéresse à la manière dont on peut modifier les souvenirs. En d'autres termes, il s'agit de trouver comment intervenir et modifier, voire empêcher, l'effet de facilitation de la mémoire provoqué par l'émotion.


Aux deux groupes on montre des photos montrant de la nourriture ou du mobilier. Les personnes ayant faim reconnaissent plus les objets liés à la nourriture que ceux n'étant pas lié à la nourriture. Les personnes rassasiées, quant à elles, ne présentent pas de différence entre les deux types de photos.
==Stress post-traumatique==


La facilitation mnésique est adaptative car elle permet de se souvenir de stimuli dangereux (tels que le serpent) ou de visages pertinents qui ont contrecarré ou favorisé nos buts. Cependant, cette facilitation mnésique peut également se révéler non adaptative dans des pathologies telles que le syndrome de stress post-traumatique (ESPT). En effet, dans ces pathologies, l'émotion causée par des stimuli réactivant le souvenir du traumatisme provoque des flashbacks ou des intrusions incessants que les personnes qui en sont victimes vivent très mal.


== Toujours adaptatif? ==
La carte conceptuelle ci-dessous essaie d'expliquer les processus mnésiques impliqués dans la mémorisation des événements traumatisants.  
Comme nous l'avons vu plus haut, [[#Exp.C3.A9rience|l'émotion a un effet direct sur la mémoire]]. Il y a un meilleur rappel des visages qui ont facilité nos buts. Ceci est probablement fonctionnel/adaptatif. Cependant, il y a des cas où cet adaptation peut porter préjudice. Notamment, pour les personnes atteintes de d'[http://fr.wikipedia.org/wiki/ESPT ESPT] (état de stress post-traumatique) à cause, notamment, des souvenirs intrusifs et des flashbacks<ref>À ce sujet, le lecteur pourra apprécier le cours de [[Psychopathologie_de_l%27adulte|Psychopathologie de l'adulte]] au sujet de [[L’état_de_stress_post-traumatique_(Psychopathologie_de_l%27adulte)|L’état de stress post-traumatique]].</ref>. Cela reste adaptatif, mais n'est pas bien vécu.
[http://tecfaetu.unige.ch/etu-maltt/volt/linhqua0/bases/cartememoire-emotion1.webm Une vidéo explicative] de cette carte présente des caractéristiques principales des souvenirs traumatiques ainsi que des processus mnésiques liés à ces processus.


[[Fichier:Bases-Carte2_memoire%26emotion.png|vignette|Mémoire et émotion  - souvenirs traumatiques et mécanismes mnésiques impliqués carte conceptuelle par [[Utilisateur:Sophie.linh]] |centré|1000x1000px]]


Cette problématique a provoqué un nouveau champ de recherche: comment modifier le souvenir? C'est-à-dire comment intervenir et modifier, voire empêcher, l'effet de facilitation de mémorisation.
Les hormones de stress (adrénaline et noradrénaline) sont fortement liées à la formation de souvenirs émotionnels. La facilitation mnésique peut être atténuée grâce à un médicament, le béta-bloquant (propranolol), qui supprime l’émotion en empêchant l'action de ces hormones. Ainsi, la consolidation mnésique se fait beaucoup plus difficilement.  


Pour supprimer les intrusions provoquées par un ESPT, il faudrait prendre le béta-bloquant avant l’événement, ce qui est évidemment impossible. Néanmoins, d’autres auteurs ont montré qu’il serait possible de prendre ce médicament lors de la réactivation du souvenir et ainsi, de bloquer l’effet de facilitation mnésique.


=== ... & mémoire ===
=== Physiologie de l'action du bêta-bloquant sur la mémoire ===
[[Fichier:Schema_de_memorisation.png|400px|thumb|center|<i>Figure 17.</i> Basé sur McGaugh (2000).]]
[[Fichier:Schema_de_memorisation.png|400px|thumb|center|<i>Figure 17.</i> Basé sur McGaugh (2000).]]
Lors d'un événement stressant il y a (figure 17):
Lors d'un événement stressant il y a (figure 17):
Ligne 212 : Ligne 173 :




Il est possible d'inhiber les hormones [http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/adrénaline adrénaline] et noradrénalie grâce à des [http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/beta-bloquants beta-bloquants] qui empêchent ces hormones d'être capturés par les récepteurs idoines. Ceci a pour effet d'empêcher la  modulation au niveau de l'hippocampe et autres aires cérébrales (figure 18).
Il est possible d'inhiber les hormones [http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/adrénaline adrénaline] et noradrénalie grâce à des [http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/beta-bloquants bêta-bloquants] qui empêchent ces hormones d'être capturées par les récepteurs idoines. Ceci a pour effet d'empêcher la  modulation au niveau de l'hippocampe et autres aires cérébrales (figure 18).




[[Fichier:Schema_de_memorisation_inhibee.png|400px|thumb|center|<i>Figure 18.</i> Facilitation bloquée par bêta-bloquant.]]
[[Fichier:Schema_de_memorisation_inhibee.png|400px|thumb|center|<i>Figure 18.</i> Facilitation bloquée par bêta-bloquant.]]


=== Bêta-bloquant & mémoire ===
=== Bêta-bloquant & mémoire ===
[[Image:beta-bloquant_et_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 19.</i> Le bêta-bloquant empêche la facilitation pour la mise en mémoire.]]
[[Image:beta-bloquant_et_memoire.png|500px|thumb|center|<i>Figure 19.</i> Le bêta-bloquant empêche la facilitation pour la mise en mémoire.]]
Labar & Cabeza (2006) ont mené une expérience où il y avait deux groupes de participants. Les sujets d'un des groupes prenaient des bêta-bloquants ([http://fr.wikipedia.org/wiki/Propanolol propranolol]) 1 heure avant l'expérience tandis que les sujets de l'autre groupe recevaient un placebo. De plus, il y avait un patient souffrant de ???. Puis les sujets étaient amenés à écouter une histoire en regardant un diaporama. Pendant ce temps une histoire était racontée. L'histoire commençait par être neutre, puis elle devenait émotionnellement chargée pour redevenir neutre.
Labar & Cabeza (2006) ont mené une expérience avec deux groupes de participants afin d'étudier l'effet du bêta-bloquant sur la mémoire. Les sujets d'un des groupes prennent du bêta-bloquant ([http://fr.wikipedia.org/wiki/Propanolol propranolol]) 1 heure avant l'expérience tandis que les sujets de l'autre groupe reçoivent un placebo. Puis les sujets écoutent une histoire en regardant un diaporama. L'histoire est d'abord neutre, puis elle devient émotionnellement chargée pour redevenir neutre.




Les résultats (figure 20) montrent que le groupe prenant du propranolol se souvenait moins bien des images présentées durant la partie émotionnelle de l'histoire que que les sujets ayant pris le placébo.
Les résultats (figure 20) montrent que le groupe prenant du propranolol se souvient moins bien des images présentées durant la partie émotionnelle de l'histoire que les sujets ayant pris le placebo.




[[Fichier:Beta-bloquant_Labar_et_Cabeza.png|400px|thumb|center|<i>Figure 20.</i> Les résultats de Labar & Cabeza (2006).]]
[[Fichier:Beta-bloquant_Labar_et_Cabeza.png|400px|thumb|center|<i>Figure 20.</i> Les résultats de Labar & Cabeza (2006).]]
Par contre, il y a un problème pratique avec ce genre d'étude. En effet, pour éviter les effets d'un événement traumatique, il faudrait prendre le beta-bloquant 1 heur avant l'évévenement, mais on ne sait pas quand ce genre d'événement aura lieu.


=== Récupération ===
=== Récupération ===
Kroes, Strange & Dolan (2010) on fait une autre expérience impliquant également du bêta-bloquant. Mais au lieu de l'appliquer pendant l'encodage de l'événement, ils l'ont appliqué pendant une période de récupération en mémoire de l'événement (recodage).
Kroes, Strange & Dolan (2010) ont également réalisé une expérience impliquant le bêta-bloquant. Au lieu de faire prendre le bêta-bloquant à leurs sujets pendant l'encodage de l'événement, ils l'ont donné dans une période de récupération en mémoire de l'événement (recodage).




Dans l'expérience, il s'agissait d'encoder des mots neutres et des mots chargés émtionnellement et pour être sûr que les sujets se concentrent bien sur ce la tâche, ils étaient demandé de dire si le mot représentait quelque chose de vivant ou pas.
Dans leur expérience, les sujets se voient présenter des mots neutres et des mots chargés émotionnellement. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne savent pas qu'ils doivent mémoriser les mots. Pour être sûr que les sujets se concentrent bien sur la tâche, on leur demande de dire si le mot représente quelque chose de vivant ou non.




Le second jour, la moitié du groupe recevait un bêta-bloquant, tandis que l'autre recevait un placebo. Puis il y avait un rappel indicé. Le troisième jour, les mots étaient remontrés, certains avec une amorce et d'autres pas.
Le jour suivant, la moitié du groupe reçoit un bêta-bloquant, tandis que l'autre reçoit un placebo. Commence alors une séance de rappel indicé (les sujets doivent se rappeler s'ils ont vu ou non la veille les mots qu'on leur présente. Pour cela, ils sont aidés d'indices). Le troisième jour, les mots sont à nouveau montrés, et les sujets doivent dire s'ils les ont vus les jours précédents ou non.


===Résultats===


Les résultats montrent une réduction de la pression systémique (pression minimal lors du relâchement du cœur) chez les sujets ayant pris du propranolol, alors que ceux ayant pris le placebo ne présentaient pas de différence. Les résultats par rapport au rappel montrent une différence significative du placebo ayant un meilleur rappel des mots émotionnels que neutres (plus de liens avec les mots émotionnels que neutres) alors que les sujets ayant pris du propranolol ne montraient pas de différence entre les deux types de mots. Par conséquent, le bêta-bloquant a un effet sur le recodage du souvenir (figure 21).
Les résultats montrent une réduction de la pression diastolique (pression minimale lors du relâchement du cœur) chez les sujets ayant pris du propranolol, alors que ceux ayant pris le placebo ne présentent pas de différence. Les résultats concernant le rappel des mots montrent que les sujets ayant pris le placebo se rappellent mieux les mots chargés émotionnellement que les mots neutres alors que les sujets ayant pris du propranolol ne montrent pas de différence dans le rappel des mots émotionnels et le rappel des mots neutres. Par conséquent, les auteurs concluent que le bêta-bloquant a un effet sur le recodage du souvenir (figure 21).




Ligne 249 : Ligne 206 :




De plus, cette désactivation de l'association avec les mots chargés émotionnellement a perduré dans le temps (figures 22 et 23).
De plus, cette désactivation de l'association avec les mots chargés émotionnellement perdure dans le temps (figures 22 et 23).




[[Image:beta-bloquant_et_memoire-recuperation_resultats-rappel-jour2.png|500px|thumb|center|<i>Figure 22.</i> Jour 2.]]
[[Image:beta-bloquant_et_memoire-recuperation_resultats-rappel-jour2.png|500px|thumb|center|<i>Figure 22.</i> Jour 2.]]
[[Image:beta-bloquant_et_memoire-recuperation_resultats-rappel-jour3.png|500px|thumb|center|<i>Figure 23.</i> Jour 3.]]
[[Image:beta-bloquant_et_memoire-recuperation_resultats-rappel-jour3.png|500px|thumb|center|<i>Figure 23.</i> Jour 3.]]


=== Conclusion ===
=== Conclusion ===
*Il y aurait un rôle critique de la norédrénaline dans la récupération de souvenirs émotionnels;
*La norédrénaline a un rôle critique dans la récupération de souvenirs émotionnels;
*et il y aurait un maintient dans le temps de cet effet malgré l’absence de propranolol.
*il y a un maintien dans le temps de cet effet.


= Reconsolidation & mémoire =
[[Image:extinction_pendant_reconsolidation_empeche_reapparition_spontanee_de_peur_eteinte.png|300px|thumb|right|<i>Figure 24.</i> L'extinction pendant la reconsolidation empêche le retour spontané de peur éteinte.]]
Schiller <I>et al.</I> (2010)<ref>Schiller, D. , Monfils, M., Raio, C., Johnson, D., LeDoux, J.E., & Phelps, E.A. (2010). Preventing the return of fear in humans using reconsolidation update mechanisms. <i>Nature 463</i>: 49-53.</ref> on effectué l'expérience suivante.


Il serait donc possible de rendre un événement émotionnel labile et en manipuler le souvenir.
L'hypothèse que fait Schiller, est que la mémoire peut être mise à jour avec de nouvelles informations. Ainsi, un souvenir provoquant la peur peut être transformé afin de devenir inoffensif. Néanmoins, pour cela, il faudrait mettre à jour le souvenir à la fin de la période de reconsolidation, environ 6 heures après l'acquisition d'une peur conditionnée.


==L'expérience==


= Reconsolidation & conditionnement de peur =
Trois groupes subissent un conditionnement et apprennent à associer un carré de couleur jaune avec un choc électrique. Le jour suivant, vient l'extinction pour les trois groupes, qui consiste à présenter à nouveau le carré de couleur jaune sans choc électrique. Mais avant l'extinction, pour deux des groupes, on réactive le souvenir de la douleur en présentant une seule fois le carré jaune associé avec le choc électrique. Pour l'un des deux groupes "réactivés", on fait cela 10 minutes avant de pratiquer l'extinction, alors que pour l'autre, on le fait 6 heures avant l'extinction. Cette différence de temps s'explique par le fait que, selon l'auteur, 6 heures correspond à la fin de la période de reconsolidation du souvenir, tandis qu'après 10 minutes, le souvenir n'est pas encore reconsolidé. On ne réactive pas le souvenir de la peur pour le troisième groupe. Puis on attend encore 24 heure, puis on pratique une ré-extinction, à savoir que l'on présente à nouveau le carré jaune sans le choc électrique. A chaque étape, on mesure la conductance de la peau (la présence de transpiration sur la peau), qui constitue une mesure de la peur.


===Résultats===


== Conditionnement classique ==
L’extinction fonctionne pour tous les groupes. En ce qui concerne la ré-extinction, le groupe dont le conditionnement n'a pas été réactivé et le groupe ayant subi la réactivation 6 heures avant la ré-extinction montrent toujours un niveau élevé de conductance de la peau. Le groupe ayant subi la réactivation 10 minutes avant la ré-extinction ne montre plus de réponse cutanée. Ainsi, grâce à une réactivation du souvenir dans une fenêtre temporelle très restreinte, ce groupe ne peut plus associer le carré jaune au choc électrique. Il y a donc une mise à jour du souvenir qui se fait entre la reconsolidation et la récupération (figure 24).




=== Avant le conditionnement ===
Les sujets ont été revus 1 an après l'expérience et le groupe ayant eu le <i>reminder</i> 10 minutes avant avait la peur toujours éteinte alors que le groupe de 6 heures avait toujours la manifestation physiologique (figure 25).
Un stimulus inconditionnel, de la nourriture, par exemple, engendre une réponse inconditionnelle, de la salivation chez un chien, par exemple<!--(figure 24)-->.




Un stimulus neutre, un son de cloche par exemple, n'engendre pas de réponse conditionnelle, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de salivation<!--(figure 25)-->.
Les souvenirs sont donc malléables: ils peuvent être rappelés et modifiés.




=== Pendant le conditionnement ===
[[Image:blockage_du_retour_persisite_un_an_apres.png|150px|thumb|center|<i>Figure 25.</i> Le blocage du retour de la peur persiste un an après.]]
Un stimulus conditionnel, un son de cloche, auquel on ajoute un stimulus inconditionnelle – de la nourriture – donne une réponse inconditionnelle, de la salivation<!--(figure 26)-->.


= Faux souvenirs =
Les faux souvenirs constituent un champ important de recherche. Loftus (1994) a ainsi réussi à implanter un faux souvenir à des personnes ayant participé à son expérience (rencontrer Bugs Bunny à Disneyland alors que le lapin n'est pas de Disney).


=== Après le conditionnement ===
Pour arriver à ce résultat, l’expérimentateur recueille auprès de la famille le récit d'événements véridiques, qui se sont réellement produits dans l’enfance du sujet, puis y ajoute un évènement inventé, et lui raconte l’ensemble de l’histoire ainsi enrichie. Lorsque, plusieurs mois plus tard, on leur demande de raconter leurs souvenirs, 34 % des sujets intègrent à leur récit l’évènement inventé. Cette facilité pour implémenter des faux souvenirs peut avoir des répercussions sur les témoignages oculaires et sur la suggestivité en thérapie.
Un stimulus conditionnel, le son de cloche qui a retenti [[pendant le conditionnement|pendant le conditionnement]] enclenche une réponse conditionnelle, la salivation<!--(figure 27)-->.
 
 
= Reconsolidation & mémoire =
[[Image:extinction_pendant_reconsolidation_empeche_reapparition_spontanee_de_peur_eteinte.png|300px|thumb|right|<i>Figure 28.</i> L'extinction pendant la reconsolidation empêche le retour spontané de peur éteinte.]]
Schiller <I>et al.</i> (2010)<ref>Schiller, D. , Monfils, M., Raio, C., Johnson, D., LeDoux, J.E., & Phelps, E.A. (2010). Preventing the return of fear in humans using reconsolidation update mechanisms. <i>Nature 463</i>: 49-53.</ref> on effectué l'expérience suivante.
 
 
Trois groupes subissent un conditionnement et associent un carré de couleur jaune avec un choc électrique. Le conditionnement est refait 10 minutes ou 6 heures avant l’extinction («<i>reminder</i>»). On mesure la conductance de la peau et on remarque que le conditionnement fonctionnait. L’extinction fonctionne également pour tous les groupes. Au niveau de la ré-extinction, le groupe sans <i>reminder</i> et le groupe avec <i>reminder</i> 6 heures avant montrent toujours une activation de la conductance de la peau. Le groupe avec <i>reminder</i> 10 minutes avant ne montre plus de réponse cutanée. Grâce à un <i>reminder</i> (réactivation du souvenir) dans une fenêtre temporelle très restreinte, le groupe numéro 3 ne pouvait plus associer le carré jaune au choc électrique. Il y a donc une mise à jour du souvenir qui se fait entre la reconsolidation et la récupération (figure 28).
 
 
Les sujets ont été revus 1 an après l'expérience et le groupe ayant eu le <i>reminder</i> 10 minutes avant avait la peur toujours éteinte alors que le groupe de 6 heures avait toujours la manifestation physiologique (figure 29).
 


Les souvenirs sont donc malléables: ils peuvent être rappelés et modifiés.
Loftus a réussi à implanter des faux souvenirs encore bien plus cocasses chez certains participants : se faire lécher par Pluto à Disneyland, faire une demande en mariage à un distributeur de Pepsi...


=Pour aller plus loin=


[[Image:blockage_du_retour_persisite_un_an_apres.png|150px|thumb|center|<i>Figure 29.</i> Le blocage du retour de la peur persiste un an après.]]
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= Faux souvenirs =
Loftus a réussi à implanter un faux souvenir à 16% des participants (rencontrer [http://fr.wikipedia.org/wiki/Bugs_Bunny Bugs Bunny] à [http://fr.wikipedia.org/wiki/Disneyland Disneyland] alors que le lapin n'est pas de Disney). Cette facilité pour implémenter des faux souvenirs peut avoir des répercussions sur les témoignages oculaires et sur la suggestivité en thérapie.


*Loftus, E. F., & Pickrell, J. E. (1995). ''[http://www.grangebehaviouralsciences.com/uploads/1/0/1/9/10197659/loftusmem1.pdf The formation of false memories]''. Psychiatric Annals, 25(12), 720-725.
*Sharot, T., & Phelps, E. A. (2004). ''[http://www.psych.nyu.edu/phelpslab/papers/04_CogAffBehav_Vol4.pdf How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention].'' Cognitive, Affective, & Behavioral Neuroscience, 4(3), 294-306.


= Notes & références =
= Notes & références =
<references />
<references />
=Droits d'auteur=
*Les textes sont disponibles sous [http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr licence Creative Commons, paternité partage à l’identique 3.0, non transcrit (CC-BY-SA 3.0)]
*'''Article original disponible sur''' : http://deliriumstudens.org/wiki/index.php
*Une partie de cet article a été créée par les auteurs de cette page
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Dernière version du 30 juin 2020 à 23:00

Amélioré par Tatiana Timofeeva

Bases psychopédagogiques des technologies éducatives
Module: Introduction aux théories psychologiques
◀▬▬▶
à finaliser avancé
2020/06/30 ⚒⚒ 2014/11/14
Sous-pages et productions:



Dans cet article, nous allons tenter de comprendre pourquoi certaines choses reviennent facilement en mémoire alors que d'autres choses semblent être oubliées.

Quelques notions de mémoire

La mémoire à long terme (MLT) se décompose en plusieurs autres types de mémoires (Markowitsch & Staniloiu, 2011):

  • la mémoire procédurale est la mémoire grâce à laquelle on peut se souvenir comment exécuter une séquence de gestes. Elle est très stable dans le temps;
  • la mémoire perceptuelle est ce qui permet de reconnaitre ce qui est perçu (les stimuli);
    • c'est elle qui permet de distinguer une pêche d'une poire, par exemple. On dit que c'est une mémoire pré-semantique puisque les personnes dont la mémoire sémantique est atteinte ne sont pas affectés par des pertes de capacité de mémoire perceptuelle,
  • la mémoire sémantique est orientée vers le moment présent et représente les faits, sans contexte particulier;
    • c'est, par exemple, le fait de savoir que Paris est la capitale de la France. Nous savons que nous le savons, mais nous ne sommes pas capables de contextualiser cette information, c'est-à-dire que nous ne savons pas où nous l'avons appris,
  • la mémoire épisodique/autobiographique est reliée au moment de l'encodage de l'information, c'est la mémoire qui nous permet de nous projeter dans le passé et/ou dans le futur.

Le priming (ou amorçage) est l'indice permettant la reconnaissance d'une information perçue au préalable.

Dans la représentation hiérarchique de la MLT (figure 1) deux choses sont à retenir :

  1. il se peut que les mémoires procédurale et le priming se développent de manière parallèle plutôt que séquentielle;
  2. la mémoire joue un rôle important pour le langage, la théorie de l'esprit, la représentation de soi mais surtout dans le concept du temps.
Figure 1. Diagramme de l'organisation hiérarchique de la MLT démontrant, en plus, l'aspect développemental de la formation de la mémoire). D'un point de vue phylogénétique et ontogénétique, concernant les deux mémoires les plus précoces (mémoire procédurale et priming/amorçage), il se peut qu'il ne s'agisse pas d'un développement séquentiel, mais parallèle. C'est pour cela qu'ils sont séparés par une ligne discontinue. (Markowitsch & Staniloiu, 2011)


Le temps est important pour la mémoire. Muller & Pilzecker en faisaient déjà mention en 1900 (figure 2). Dans leur modèle, une information est encodée, puis elle est consolidée, et enfin elle est récupérée. Ainsi, selon ces auteurs, la mémoire est initialement labile (sujette à changement) puis se stabilise à travers le temps.

Figure 2. Le modèle du fonctionnement de la mémoire de 1900 (Muller & Pilzecker).


Depuis lors, il y a eu une évolution dans les modèles de mémoire. Pour Nader et al. (2000), la mémoire peut également être labile, mais à un stade ultérieur. Un événement ne va pas rester stable dans le temps, il va être mis à jour, reconsolidé, remis à jour, etc. (figure 3).


Figure 3. Le modèle de la mémoire revu et corrigé par Nader et al. (2000).

Le fait de se remémorer un événement et de le rediscuter peut créer des hésitations quant à ce qui s'est passé, où cela s'est passé, quand cela s'est passé... De plus, chaque personne ayant pris part à un même événement aura son propre souvenir, pas forcément équivalent à celui des autres personnes.

Dans la suite de cet article, nous allons chercher à déterminer ce qui fait qu'un événement sera rappelé, et ce qui fait que le souvenir sera de plus ou moins bonne qualité.

Émotion & mémoire

Les événements émotionnels sont mieux rappelés que d'autres types d'événements. Il y a un effet de facilitation sur la mémoire. Mais quelle est la raison de cette facilitation?


Figure 4. Sharot & Phelps, 2004, Kensinger et al., 2007, D'argembeau et al., 2004.


Un souvenir n’est pas une copie conforme de la réalité, il peut subir des déformations voire être un faux souvenir. La mémoire épisodique a un aspect affectif. Dans la vision classique, la mémoire est représentée par une ligne du temps: encodage → consolidation → récupération (figure 2). Le chercheur Nader a ajouté sur cette ligne de temps la réactivation et la reconsolidation (figure 3), qui permettrait l’intégration de nouvelles informations sur un souvenir déjà existant. La mémoire serait donc plutôt labile. Nous savons en outre que les stimuli émotionnels ont un effet de facilitation sur la mémoire. Les trois modèles que nous discutons dans les sections suivantes de cet article s'attèlent à expliquer cet effet de facilitation de l'émotion sur la mémoire :

  • la théorie de l'arousal (une forte implication émotionnelle);
  • la théorie de la valence;
  • la théorie de la pertinence.

La carte conceptuelle ci-dessous essaie d'expliquer comment une émotion intervient dans le processus de mémorisation d'un événement. Une vidéo explicative de cette carte présente des concepts fondamentaux sur la mémoire et l'impact de l'émotion positive ou négative sur la mémorisation d'un événement.

Mémoire et émotion - carte conceptuelle par Utilisateur:SebastienWaeger

Par conséquent, la carte présente un impact des émotions sur la mémorisation et le fait qu'une forte activation émotionnelle (l'arousal) facilite le processus de mémorisation. La carte note également qu'un souvenir est mieux mémorisée s'il est lié à un stimulus émotionnel pertinent (la pertinence) et positif ou négatif (la valence). De plus, la carte mentionne qu'un souvenir n'est pas toujours fidèle à un événement passé, mais peut être manipulé par le sujet lui-même ou par un autrui.

Arousal & mémoire

Note: "arousal" est un terme anglais signifiant éveil ou stimulation. Le sens dans lequel il est généralement utilisé en psychologie n'est pas exactement celui-là, aussi, il est difficilement traduisible, et nous le laisserons tel quel dans la suite du texte. Ainsi, un mot "haut en arousal" est un mot qui suscite des émotions, tel que les mots "mort", "sexe", "violence", etc.

L’arousal a un effet de facilitation en mémoire.

L'expérience de Sharto et Phelps

Dans une expérience (Sharto et Phelps, 2004), un mot neutre (peu chargé émotionnellement, c'est-à-dire "bas en arousal") est présenté au centre de l’écran accompagné d'un autre mot en périphérie de l'écran. Le mot en périphérie de l'écran est soit un mot neutre soit un mot haut en arousal. Les participants doivent dire à quel point le mot du centre est fréquent dans la langue. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne sont pas conscients qu'ils participent à une expérience sur la mémoire. La question sur la fréquence du mot dans la langue n'intéresse absolument pas les expérimentateurs, elle n'est qu'un leurre destiné à tester la mémoire des sujets.

Par la suite (tout de suite après pour une moitié des sujets, 24 heures après pour l'autre moitié) un mélange de mots jamais vus par les participants et de mots présentés en périphérie de l'écran dans la première tâche sont présentés et les participants doivent dire s’ils les ont déjà rencontrés dans la première tâche.

Résultats et interprétation

Les mots hauts en arousal sont mieux rappelés que les mots neutres seulement dans la condition où les sujets sont interrogés 24 heures après la première tâche. Par contre, les mots neutres sont mieux rappelés que les mots hauts en arousal quand on interroge les sujets directement après la première tâche. Il y a donc une stabilité dans le temps des mots émotionnellement chargés. Un stimulus émotionnel en périphérie attire l'attention du sujet bien qu'il n'en soit pas conscient. Ainsi, il y aurait une consolidation de la trace mnésique grâce au sommeil.


Figure 5. Taux de reconnaissance pour des mots périphériques testés immédiatement et après un délai. Un mot (neutre ou «excitant») était présenté en périphérie en même temps qu'un mot neutre était présenté au milieu de l'écran. D'après Sharot & Phelps (2004)[1].


Figure 6. Sharot & Phelps (2004).

Valence & mémoire

les stimuli négatifs ont un effet facilitateur sur la mémoire. Ils seraient mieux rappelés que les stimuli neutres ou positifs.

L'expérience de Kensinger (2007)

Deux images sont présentées à des participants : soit un serpent (image négative) soit un singe (image neutre). Les animaux sont placés dans un contexte neutre constitué soit par l'image d'une forêt, soit par l'image d'une rivière. Les participants doivent ensuite retrouver l’image qu'ils ont vue précédemment. Cette image leur est présentée parmi des images de serpents ou de singes appartenant à d'autres espèces (donc similaires mais pas complètement).

Résultats et interprétation

Les serpents sont plus facilement retrouvés. Le contexte quant à lui (rivière ou forêt) est mieux rappelé lorsqu’il est associé au singe (image neutre), car l’attention du participant n’est pas focalisée sur le serpent et il peut ainsi regarder les détails de l'image qui lui est présentée.


Figure 6. Kensinger et al. (2007).


Pour Kensinger et al. (2007)[2], il ne s'agit pas d'arousal, mais de valence. La valence est l'attractivité intrinsèque d'un objet, qui peut être soit positive soit négative. Elle se distingue de l'arousal qui constitue plutôt une mesure du "taux d'excitation" provoqué par un objet. Ainsi, le serpent serait mieux rappelé, parce qu'il est jugé très négativement par les participants et attirerait par conséquent leur attention.


Cette expérience contredit la théorie de l'arousal. En effet, selon cette dernière, le contexte neutre, donc faible en arousal, ne devrait pas être plus ou moins bien rappelé selon l'image que qu'on lui associe.

Pertinence & mémoire

Une autre interprétation possible du lien entre mémoire et émotion est celle de la pertinence du stimulus. Ainsi, un stimulus pertinent par rapport à nos buts, à nos valeurs, à notre survie, faciliterait la mémorisation.

Si un événement est évalué comme pertinent, il y a déclenchement d’une émotion. C’est l'amygdale qui jouerait le rôle de détecteur de la pertinence des stimuli émotionnels. Ce serait donc la pertinence, repérée par l’amygdale qui permettrait une facilitation de la mémoire.


Modélisation et bases physiologiques de la pertinence

Un objet est pertinent pour quelqu'un lorsqu'il a de l'importance à ses yeux. La pertinence facilite la mémorisation de l'objet parce qu'elle déclencherait une émotion, comme montré sur la figure 10 (le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant une chose physique et tangible qu'une idée, ou un but).


Figure 10. La pertinence d'un événement déclenche l'émotion.

Importance de l'amygdale pour la mémorisation

Figure 11.
Figure 12. L'amygdale en rouge dans cette animation tridimensionnelle.
Figure 13. L'hippocampe joue un rôle important dans le mémoire.

Si un événement pertinent est détecté par l'amygdale (figure 12), il provoque une émotion. L'amygdale a un rôle important dans la détection des stimuli. Elle joue également un rôle pour la mémoire. A une plus grande activation de l'amygdale correspond un meilleur rappel des stimuli.


Lors d'un événement captivant, celui-ci est détecté par l'amygdale, ce qui déclenche une émotion et facilite le stockage en mémoire où c'est l'hippocampe (figure 13) qui est sollicité.


Selon cette théorie, c'est parce qu'un événement est pertinent qu'on le mémorise (figure 14).


Figure 14. Le rôle de l'amygdale dans la mémorisation.

La carte conceptuelle ci-dessous résume les trois modèles qui tentent à expliquer l'effet de facilitation de l'émotion sur la mémoire. Une vidéo explicative de cette carte éclaircit les liens principaux entre la mémorisation et les émotions. Les trois théories (l'arousal, la valence et la pertinence du stimulus) convergent sur le fait qu'une émotion facilite la mémorisation.

Mémoire et émotion - trois grands concepts carte conceptuelle par Utilisateur:Angela F

Facilitation mnésique

Figure 16.

L'émotion a un rôle de facilitateur de la mémoire parce qu'elle porte l'attention du sujet sur l'objet qui provoque l'émotion. Aussi, la question se pose de savoir comment se comportera la mémoire si l'émotion est absente, ou, du moins, atténuée.

Toujours adaptatif?

L'émotion permet, par exemple, un meilleur rappel des visages qui ont facilité nos buts. Ceci est probablement fonctionnel/adaptatif (au sens darwinien du terme). Cependant, il y a des cas où cette adaptation peut porter préjudice. Notamment, pour les personnes atteintes de d'ESPT (état de stress post-traumatique) à cause des souvenirs intrusifs et des flashbacks qu'elles subissent[3].


Cette problématique est à l'origine d'un nouveau champ de recherche qui s'intéresse à la manière dont on peut modifier les souvenirs. En d'autres termes, il s'agit de trouver comment intervenir et modifier, voire empêcher, l'effet de facilitation de la mémoire provoqué par l'émotion.

Stress post-traumatique

La facilitation mnésique est adaptative car elle permet de se souvenir de stimuli dangereux (tels que le serpent) ou de visages pertinents qui ont contrecarré ou favorisé nos buts. Cependant, cette facilitation mnésique peut également se révéler non adaptative dans des pathologies telles que le syndrome de stress post-traumatique (ESPT). En effet, dans ces pathologies, l'émotion causée par des stimuli réactivant le souvenir du traumatisme provoque des flashbacks ou des intrusions incessants que les personnes qui en sont victimes vivent très mal.

La carte conceptuelle ci-dessous essaie d'expliquer les processus mnésiques impliqués dans la mémorisation des événements traumatisants. Une vidéo explicative de cette carte présente des caractéristiques principales des souvenirs traumatiques ainsi que des processus mnésiques liés à ces processus.

Mémoire et émotion - souvenirs traumatiques et mécanismes mnésiques impliqués carte conceptuelle par Utilisateur:Sophie.linh

Les hormones de stress (adrénaline et noradrénaline) sont fortement liées à la formation de souvenirs émotionnels. La facilitation mnésique peut être atténuée grâce à un médicament, le béta-bloquant (propranolol), qui supprime l’émotion en empêchant l'action de ces hormones. Ainsi, la consolidation mnésique se fait beaucoup plus difficilement.

Pour supprimer les intrusions provoquées par un ESPT, il faudrait prendre le béta-bloquant avant l’événement, ce qui est évidemment impossible. Néanmoins, d’autres auteurs ont montré qu’il serait possible de prendre ce médicament lors de la réactivation du souvenir et ainsi, de bloquer l’effet de facilitation mnésique.

Physiologie de l'action du bêta-bloquant sur la mémoire

Figure 17. Basé sur McGaugh (2000).

Lors d'un événement stressant il y a (figure 17):

  1. activation du système nerveux sympathique;
  2. libération de noradrénaline;
  3. une réponse combat-fuitefight or flight response»).


Il est possible d'inhiber les hormones adrénaline et noradrénalie grâce à des bêta-bloquants qui empêchent ces hormones d'être capturées par les récepteurs idoines. Ceci a pour effet d'empêcher la modulation au niveau de l'hippocampe et autres aires cérébrales (figure 18).


Figure 18. Facilitation bloquée par bêta-bloquant.

Bêta-bloquant & mémoire

Figure 19. Le bêta-bloquant empêche la facilitation pour la mise en mémoire.

Labar & Cabeza (2006) ont mené une expérience avec deux groupes de participants afin d'étudier l'effet du bêta-bloquant sur la mémoire. Les sujets d'un des groupes prennent du bêta-bloquant (propranolol) 1 heure avant l'expérience tandis que les sujets de l'autre groupe reçoivent un placebo. Puis les sujets écoutent une histoire en regardant un diaporama. L'histoire est d'abord neutre, puis elle devient émotionnellement chargée pour redevenir neutre.


Les résultats (figure 20) montrent que le groupe prenant du propranolol se souvient moins bien des images présentées durant la partie émotionnelle de l'histoire que les sujets ayant pris le placebo.


Figure 20. Les résultats de Labar & Cabeza (2006).

Récupération

Kroes, Strange & Dolan (2010) ont également réalisé une expérience impliquant le bêta-bloquant. Au lieu de faire prendre le bêta-bloquant à leurs sujets pendant l'encodage de l'événement, ils l'ont donné dans une période de récupération en mémoire de l'événement (recodage).


Dans leur expérience, les sujets se voient présenter des mots neutres et des mots chargés émotionnellement. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne savent pas qu'ils doivent mémoriser les mots. Pour être sûr que les sujets se concentrent bien sur la tâche, on leur demande de dire si le mot représente quelque chose de vivant ou non.


Le jour suivant, la moitié du groupe reçoit un bêta-bloquant, tandis que l'autre reçoit un placebo. Commence alors une séance de rappel indicé (les sujets doivent se rappeler s'ils ont vu ou non la veille les mots qu'on leur présente. Pour cela, ils sont aidés d'indices). Le troisième jour, les mots sont à nouveau montrés, et les sujets doivent dire s'ils les ont vus les jours précédents ou non.

Résultats

Les résultats montrent une réduction de la pression diastolique (pression minimale lors du relâchement du cœur) chez les sujets ayant pris du propranolol, alors que ceux ayant pris le placebo ne présentent pas de différence. Les résultats concernant le rappel des mots montrent que les sujets ayant pris le placebo se rappellent mieux les mots chargés émotionnellement que les mots neutres alors que les sujets ayant pris du propranolol ne montrent pas de différence dans le rappel des mots émotionnels et le rappel des mots neutres. Par conséquent, les auteurs concluent que le bêta-bloquant a un effet sur le recodage du souvenir (figure 21).


Figure 21. La différence Sy-Sy sous Propranolol est statistiquement significative.


De plus, cette désactivation de l'association avec les mots chargés émotionnellement perdure dans le temps (figures 22 et 23).


Figure 22. Jour 2.
Figure 23. Jour 3.

Conclusion

  • La norédrénaline a un rôle critique dans la récupération de souvenirs émotionnels;
  • il y a un maintien dans le temps de cet effet.

Reconsolidation & mémoire

Figure 24. L'extinction pendant la reconsolidation empêche le retour spontané de peur éteinte.

Schiller et al. (2010)[4] on effectué l'expérience suivante.

L'hypothèse que fait Schiller, est que la mémoire peut être mise à jour avec de nouvelles informations. Ainsi, un souvenir provoquant la peur peut être transformé afin de devenir inoffensif. Néanmoins, pour cela, il faudrait mettre à jour le souvenir à la fin de la période de reconsolidation, environ 6 heures après l'acquisition d'une peur conditionnée.

L'expérience

Trois groupes subissent un conditionnement et apprennent à associer un carré de couleur jaune avec un choc électrique. Le jour suivant, vient l'extinction pour les trois groupes, qui consiste à présenter à nouveau le carré de couleur jaune sans choc électrique. Mais avant l'extinction, pour deux des groupes, on réactive le souvenir de la douleur en présentant une seule fois le carré jaune associé avec le choc électrique. Pour l'un des deux groupes "réactivés", on fait cela 10 minutes avant de pratiquer l'extinction, alors que pour l'autre, on le fait 6 heures avant l'extinction. Cette différence de temps s'explique par le fait que, selon l'auteur, 6 heures correspond à la fin de la période de reconsolidation du souvenir, tandis qu'après 10 minutes, le souvenir n'est pas encore reconsolidé. On ne réactive pas le souvenir de la peur pour le troisième groupe. Puis on attend encore 24 heure, puis on pratique une ré-extinction, à savoir que l'on présente à nouveau le carré jaune sans le choc électrique. A chaque étape, on mesure la conductance de la peau (la présence de transpiration sur la peau), qui constitue une mesure de la peur.

Résultats

L’extinction fonctionne pour tous les groupes. En ce qui concerne la ré-extinction, le groupe dont le conditionnement n'a pas été réactivé et le groupe ayant subi la réactivation 6 heures avant la ré-extinction montrent toujours un niveau élevé de conductance de la peau. Le groupe ayant subi la réactivation 10 minutes avant la ré-extinction ne montre plus de réponse cutanée. Ainsi, grâce à une réactivation du souvenir dans une fenêtre temporelle très restreinte, ce groupe ne peut plus associer le carré jaune au choc électrique. Il y a donc une mise à jour du souvenir qui se fait entre la reconsolidation et la récupération (figure 24).


Les sujets ont été revus 1 an après l'expérience et le groupe ayant eu le reminder 10 minutes avant avait la peur toujours éteinte alors que le groupe de 6 heures avait toujours la manifestation physiologique (figure 25).


Les souvenirs sont donc malléables: ils peuvent être rappelés et modifiés.


Figure 25. Le blocage du retour de la peur persiste un an après.

Faux souvenirs

Les faux souvenirs constituent un champ important de recherche. Loftus (1994) a ainsi réussi à implanter un faux souvenir à des personnes ayant participé à son expérience (rencontrer Bugs Bunny à Disneyland alors que le lapin n'est pas de Disney).

Pour arriver à ce résultat, l’expérimentateur recueille auprès de la famille le récit d'événements véridiques, qui se sont réellement produits dans l’enfance du sujet, puis y ajoute un évènement inventé, et lui raconte l’ensemble de l’histoire ainsi enrichie. Lorsque, plusieurs mois plus tard, on leur demande de raconter leurs souvenirs, 34 % des sujets intègrent à leur récit l’évènement inventé. Cette facilité pour implémenter des faux souvenirs peut avoir des répercussions sur les témoignages oculaires et sur la suggestivité en thérapie.

Loftus a réussi à implanter des faux souvenirs encore bien plus cocasses chez certains participants : se faire lécher par Pluto à Disneyland, faire une demande en mariage à un distributeur de Pepsi...

Pour aller plus loin

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Notes & références

  1. Sharot, T., Phelps, E.A.(2004) How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention. Cogn. Affect. Behav. Neurosci. 4:294–306. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [1], consulté le 2013.04.20.
  2. Kensinger, E. A., Garoff-Eaton, R. J., & Schacter, D. L. (2007). Effects of emotion on memory specificity: Memory trade-offs elicited by negative visually arousing stimuli. Journal of Memory and Language, 56, 575–591. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [2], consulté le 2013.04.20.
  3. À ce sujet, le lecteur pourra apprécier le cours de Psychopathologie de l'adulte au sujet de L’état de stress post-traumatique.
  4. Schiller, D. , Monfils, M., Raio, C., Johnson, D., LeDoux, J.E., & Phelps, E.A. (2010). Preventing the return of fear in humans using reconsolidation update mechanisms. Nature 463: 49-53.

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