Droite 1968
Description générale
Le jeu Droite 1968 est une fiction interactive qui a été créé pendant la Game Jam des Rendez-vous de l'Histoire en 2024. L'intrigue se déroule à Paris, en mai 1968, dans le contexte des élections législatives de juin 1968, suite à la dissolution de l'Assemblée nationale par le président De Gaulle. Le joueur incarne un responsable de recrutement des militants gaullistes dont l'objectif est l'élection de Charles Prairie. La mission du joueur consiste à analyser le profil des militants, puis de leur attribuer une action militante et de découvrir leurs conséquences sur le déroulement de la campagne. On y découvre donc l'histoire politique française dans un contexte politique tendu, au moment des mobilisations gaullistes de 1968, accompagné des pratiques militantes de la droite face au mouvement de la gauche jugé comme un danger. Le système fonctionne en point-and-click, avec une image fixe sur laquelle se succèdent les différents militants du scénario et les bulles de dialogue.


Environnement informatique
Le jeu est disponible directement sur une page Web via HTML5, en libre accès. Il est également possible de le télécharger sur Windows, MacOs et Linux. Il a été développé à l'aide de Godot Engine, un moteur de jeu multiplateforme permettant de créer des jeux vidéo.

Accès
Le jeu est accessible gratuitement ici, sur itch.io, un site web permettant d'héberger, distribuer et vendre des jeux vidéo. Il n'y a aucun éditeur, car il s'agit d'un jeu indépendant fait par une petite équipe au cours du Game Jam Rendez-vous de l'Histoire en 2024. Cependant, il réunit plusieurs contributeurs, tels que Fantôme Apparent pour le game and narrative design, Baptiste Lac et Camille Rouet pour le développement, Theo Goths et Marie-Bérénice Forsans pour la direction artistique, ainsi que Tobiii pour le son et la musique.
Analyse pédagogique
Contenu enseigné
Les objectifs pédagogiques du jeu visent à favoriser la compréhension du contexte politique et social de la France post-Mai 68, en s’intéressant plus particulièrement aux stratégies, priorités et modes d’action des droites gaullistes de l’époque. Le joueur est plongé dans une période charnière de recomposition politique et de tensions sociales, où il doit agir dans la dynamique militante propre à ce contexte.
L’expérience de jeu permet d’appréhender les pratiques militantes à travers des situations directement inspirées de données historiques réelles — citations, articles de presse, événements d’époque — issues notamment de travaux universitaires. Le joueur découvre ainsi de manière concrète la réalité du militantisme de terrain et les mécanismes électoraux de la Ve République naissante.
Le jeu amène également à réfléchir aux dilemmes moraux et éthiques liés à l’action politique : les choix proposés ne sont pas toujours justes ou loyaux, et confrontent le joueur à des décisions où il doit parfois choisir entre agir selon sa conscience ou selon la ligne du parti. Cette confrontation entre engagement individuel et stratégie collective constitue un axe majeur de l’apprentissage.
Enfin, l’approche repose sur l’expérimentation et la curiosité : en testant différentes décisions et en observant leurs effets sur le scénario, le joueur est encouragé à approfondir sa compréhension historique et à rechercher, au-delà du jeu, des informations complémentaires pour relier les éléments fictifs aux faits réels qui les ont inspirés.
Principes pédagogiques
L’approche pédagogique du jeu s’appuie avant tout sur l’apprentissage expérientiel : le joueur agit dans des situations inspirées du réel (gestion de militants, stratégie de campagne, communication politique), puis observe les conséquences immédiates de ses choix. Cette expérimentation active transforme des connaissances historiques abstraites en expériences vécues, renforçant ainsi la mémorisation et la compréhension. L’échec y est perçu non comme une sanction, mais comme une étape constructive du processus d’apprentissage.
Dans une perspective constructiviste, le joueur construit lui-même son savoir à travers l’action. L’histoire n’est pas transmise de manière descendante, mais découverte par l’expérimentation et le feedback. Chaque mission confronte ses intuitions aux réalités politiques et sociales de 1968, générant un conflit cognitif propice à la réflexion critique et à l’assimilation de nouveaux savoirs.
Le jeu mobilise également une démarche d’apprentissage actif, où le joueur devient un acteur pleinement engagé dans ses décisions. Ce positionnement interactif renforce la rétention des connaissances par rapport à un enseignement purement transmissif.
L’immersion historique et le rôle incarné favorisent une compréhension profonde des enjeux politiques et moraux de l’époque, transformant le contenu académique en une expérience à la fois réflexive, ludique et formatrice.

Analyse ludique
Mécaniques de jeu
Mécaniques principales
La mécanique principale repose sur la lecture des événements dans le talkie-walkie, le téléphone ou la radio et des dialogues par un clic gauche simple dans les bulles et l’analyse des profils des militants. Deux bulles de questions doivent être cliquées successivement afin de récupérer les informations sur les motivations et les compétences du militant. Ensuite, le joueur affecte une des trois activités exposées qui correspond le mieux au profil du militant, par un clic gauche prolongé. Par le survol de ces activités, le joueur peut lire leurs détails et explications.
Mécaniques de soutien (ou secondaires)
Le joueur peut lire le feedback narratif déclenché après chaque affectation d’activités, exposant les résultats (échec, moyen ou réussite). Lorsque les six militants ont été affectés de missions, le jeu se termine avec une compilation des réussites et des échecs et une mise en scène de la victoire ou de la défaite.
Mécaniques accessoires
Le joueur peut cliquer pour accélérer l’affichage des textes. Lorsqu’une tâche est sélectionnée, elle s’agrandit au fur et à mesure que le clic est maintenu, permettant d’indiquer que c’est bien elle qu’on est en train de choisir. Le jeu possède des Easter eggs avec des conséquences absurdes ou caricaturale et des citation ironiques, comme par exemple : « A la première bagarre, Nicolas a pris peur et s’est enfuit. Il n’a réussi à poser que deux affiches et ses compagnons sont tous à l’hôpital. Une vrai planche pourrie ! ». Si toutes les missions sont réussies, un bonus narratif est accordé à la fin du jeu (un message « spécial »).
Mécaniques englobantes
Il n’y a pas de système de niveaux ou de progression, ni de sauvegarde, mais on reçoit à notre bureau 5 militants les uns après les autres avec des profils différents et des missions différentes. Le jeu est réussi lorsque tous les choix sont corrects, sinon il est échoué.
Habillage
Monde fictionnel
Le jeu se déroule dans un univers fictionnel solidement ancré dans la région parisienne post-Mai 68, au cœur d’une campagne électorale gaulliste. L’ambiance mêle réalisme historique et satire politique, restituant avec fidélité les tensions et les pratiques militantes de l’époque tout en adoptant un ton critique et distancié.
Cette reconstruction documentée du contexte — nourrie par des sources historiques réelles — permet de revivre le climat politique de la fin des années 1960 : débats idéologiques, rivalités partisanes, et rapports de force entre droite gaulliste et gauche communiste. L’univers oscille entre authenticité et caricature, offrant une lecture à la fois instructive et ironique du militantisme de cette période.
Récit
Le joueur incarne un chef de cellule militante chargé de soutenir la campagne de Charles Prairie, un candidat gaulliste directement inspiré de Charles Pasqua (dont le pseudonyme dans la Résistance était « Prairie »). L’objectif est de faire barrage à la gauche communiste en organisant la mobilisation des militants et en gérant les actions de terrain.
La structure narrative est claire et rythmée : introduction → gestion des militants → dénouement, avec plusieurs variantes possibles (victoire, défaite ou issue humoristique). Les dialogues, souvent teintés d’ironie, reflètent les discours, les postures et les dilemmes moraux propres à la politique de l’époque, offrant une immersion à la fois ludique et critique.
Média (images, sons, etc.).
Le jeu adopte un style visuel en 2D, proche du roman graphique interactif. Les graphismes évoquent la bande dessinée rétro, avec des personnages caricaturaux, des décors statiques et des éléments emblématiques (téléphone, cendrier, affiches, tracts). L’interface, claire et cohérente, met en avant les échanges par bulles de dialogue, renforçant l’aspect narratif et immersif.
L’ambiance sonore repose sur une musique jazzy expérimentale et des tons rétro, qui s’adaptent parfois aux situations vécues. Ces choix esthétiques créent une atmosphère à la fois militante, tendue et ironique, accentuant la dimension satirique du jeu tout en plongeant le joueur dans le climat politique et culturel de Paris en 1968.
Temporalité et granularité
Le jeu s’organise dans un format court, jouable en quelques minutes et facilement rejouable, composé d’une succession de choix à faire, sans augmentation ou diminution marquée de difficulté. Le jeu ne comprend pas de niveaux mais plutôt des étapes :
- Introduction : mise en contexte historique et déroulement du jeu.
- Gestion des militants : entretient avec chaque militant et affectation d’une activité.
- Résultats : feedback immédiat après chaque activités sélectionnées.
- Fin : bilan global avec un journal (« Le Figaro » en case de victoire, « l’Humanité » en cas de défaite) et résumé des activités.
Chaque entretient correspond à une micro-scène indépendante, répétitive et modulaire. Il y a un récit linéaire avec deux fins possibles : victoire ou défaite.
Stratégies de jeu
Observation et déduction
Le cœur de la stratégie repose sur l’analyse attentive des profils militants : écouter les indices fournis (comportement, style, antécédents) pour attribuer la mission la plus adaptée. Par exemple, un militant au tempérament agressif sera plus performant dans des actions musclées, mais pourra s’avérer dangereux ou contre-productif dans des opérations demandant tact et finesse. La capacité du joueur à déduire les forces et faiblesses de chaque individu conditionne directement l’efficacité de ses choix.
Correspondance profils ↔ missions et optimisation
Le jeu encourage une logique d’optimisation : viser le score parfait (réussir toutes les missions) implique d’apprendre et de maîtriser les correspondances entre profils et missions optimales. Les décisions se prennent à partir d’un petit ensemble d’options (trois choix par militant), mais la combinaison de ces choix détermine des issues distinctes. Le joueur réfléchit donc à chaque affectation pour maximiser les chances de succès.
Variabilité contrôlée et portée pédagogique
La variabilité stratégique est volontairement limitée ; le jeu ne cherche pas la complexité stratégique extrême, mais une exploration narrative et pédagogique. Malgré un nombre restreint d’options, chaque combinaison génère un résultat spécifique et signifiant, favorisant l’apprentissage par l’expérimentation et la répétition ciblée.
Conflit moral et limites des conséquences ludiques
Les choix proposés peuvent engendrer un conflit moral : l’option la plus « efficace » du point de vue du jeu n’est pas toujours celle qui s’accorde avec la conscience du joueur. Il est important de noter que, dans la configuration actuelle, le jeu n’applique pas de sanction interne en cas d’usage de moyens illégaux ou immoraux ; ces choix affectent la réussite des missions mais ne déclenchent pas de pénalités juridiques ou institutionnelles dans la simulation. Cette absence de conséquence formelle renforce la dimension réflexive : le joueur doit s’interroger lui-même sur l’éthique de ses méthodes, ce qui peut constituer un point d’enseignement si l’accompagnement pédagogique l’explore.
Intégration du contenu enseigné dans le jeu
Le contenu historique est intégré directement dans le récit, et on avance, que l’on se trompe ou que l’on fasse juste, dans les différentes situations historiques de 1968. Les descriptions des personnages dans les dialogues et les missions proposées correspondent à des actions militantes réelles issus de sources et témoignages authentiques tirés de la thèse de l’historien Bryan Muller. Les discours des militants reproduisent les langages, les croyances et les attitudes politiques de 1968. Chaque choix met en scène une pratique militante authentique, permettant de comprendre comment s’organisait la campagne électorale gaulliste et qu'elles étaient leurs stratégies mises en place.
Les feedback renvoient aux conséquences des missions choisies dans un contexte historique et politique réel. Chaque conséquence illustre une vérité historique : la maladresse d’un militant, la tension avec la gauche, les erreurs de communication de l’époque et l'importance d'une bonne organisation et des actions militantes réfléchies. Le score final montre la réussite ou l’échec électorale du parti gaulliste, sans transmettre de faits précis.
L’humour amené par les Easter eggs met à distance le contexte historique et invite à la réflexion sur la propagande et la communication politique. Ces éléments permettent d’aborder le militantisme, tout en rendant le contenu plus accessible et ludique.
La répétition des micro-scènes permet de consolider la compréhension des dynamiques de terrain et des profils des militants à travers les différentes facettes du militantisme. Chaque scène explore un nouvel aspect du gaullisme de 1968.
L’environnement graphique et sonore contribuent à l’immersion et à la mise en contexte du rôle du joueur et évoque la France à la fin des années 1960 : affiches, typographie, décor du bureau, jazz. Le récit met en scène des figures inspirées de personnages réels avec des références directes à des événements politiques et sociaux. Les visuels et les sons participent à une reconstruction immersive du milieu militant gaulliste et d'un contexte politique tendu.
L’apprentissage suit la logique d’une chronologie politique complète : préparation, action, réaction, évaluation. Le joueur doit comprendre les attitudes, les motivations et les idéologies des militants pour réussir. Les meilleurs stratégies sont celles qui répondent à la compréhension du militant. L’erreur devient une expérience historique vécue.
Le contenu historique est extrêmement bien intégré au gameplay. On se sent intégré dans l’Histoire, facilement et ludiquement. Il n’y a aucune passivité, il faut agir pour progresser, et bien que la réflexion ne soit pas une prérogative pour terminer le jeu, on avance en cas d’échec ou de réussite, elle l’est pour gagner la campagne électorale. On aurait bien aimé un jeu plus long pour en apprendre plus et observer d’autres cas situationnels dans lesquels prendre une décision.
Points forts et point faibles
Droit 1968 se distingue comme un jeu sérieux réussi, conjuguant valeur historique, accessibilité ludique et cohérence esthétique. Il propose une immersion fidèle dans le contexte militant de Mai 68, tout en restant simple d’accès et agréable à parcourir. Cependant, malgré sa richesse visuelle et sonore, il souffre de limites ergonomiques et structurelles qui restreignent sa profondeur et la compréhension complète de ses contenus historiques.
Points forts
- Valeur pédagogique et historique : intégration rigoureuse de contenus issus d’archives et de recherches, permettant d’apprendre en jouant sans rupture didactique.
- Direction artistique réussie : esthétique BD rétro, cohérente avec les années 1960, soutenue par une mise en scène soignée et des personnages expressifs.
- Ambiance sonore immersive : environnement sonore fidèle à l’époque (musique jazzy, bruits d’ambiance, voix) renforçant l’immersion.
- Accessibilité et simplicité de prise en main : jouable uniquement à la souris, interface claire et intuitive, boucles de jeu courtes favorisant la rejouabilité.
- Approche ludique stimulante : feedback immédiat (“succès”/“échec”), humour discret et format court incitant à la curiosité et à la réflexion.
Points faible
- Durée et structure limitées : jeu relativement court, aux mécaniques répétitives, manquant d’une conclusion ou une synthèse narrative satisfaisante.
- Problèmes d’ergonomie : clic prolongé peu intuitif, recadrage imparfait dans certains navigateurs, absence d’options de retour ou d’aide contextuelle.
- Liens parfois flous entre discours et actions : la correspondance entre les dialogues des militants et les missions proposées manque parfois de clarté, pouvant générer une confusion entre erreur de jeu et incompréhension historique.
- Manque de profondeur textuelle : certains profils ou descriptions d’actions restent succincts, limitant la compréhension du contexte militant.
- Accessibilité cognitive variable : les joueurs non familiers avec les événements de Mai 68 peuvent être déstabilisés malgré une introduction accessible.
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