Résolution de problème

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Bases psychopédagogiques des technologies éducatives
Module: Introduction aux théories psychologiques
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à améliorer débutant
2020/02/08
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Introduction

La résolution d’un problème est une mise en situation largement utilisée et étudiée puisqu’elle permet à la fois de tester des connaissances et de les développer (Apprentissage par problème). Pour mieux en comprendre les enjeux, il est important de cerner les processus de résolution. Différentes études se sont attachées à caractériser ces stratégies et ont conduit à envisager différents courants de recherches. Dans cette page, je me propose de présenter la notion de résolution de problèmes ainsi que les différents processus de résolution de problèmes.

La notion de problème

Un problème peut être défini comme une situation pour laquelle l’organisme a un but mais ne dispose pas d’un moyen connu pour y parvenir. Il est constitué de données, d’objectifs et d’obstacles. Trois attributs caractérisent un problème à résoudre : l’existence d’un écart entre la situation présente et le but à atteindre ; l’absence d’un cheminement évident menant à la réduction de cet écart ; le caractère subjectif et circonstanciel de la résolution de problème. Une situation fait problème pour une personne donnée à un moment donné. Greeno (1978) propose une partition en trois classes des problèmes. Tout d’abord, les problèmes d’induction de structure qui sont des problèmes où l’on donne un ensemble d’instances et où l’objectif est de découvrir une règle s’appliquant à ces instances (Test du Wisconsin1, par exemple). Ensuite, les problèmes de transformation qui sont des problèmes où l’objectif est de passer d’un état initial à un état final par une succession d’opérations (le problème de la Tour d’Hanoï2, par exemple). Dans ce cas, résoudre le problème consiste à effectuer des opérations de transformation permettant de passer de l’état initial à l’état final. Enfin, les problèmes d’arrangement qui sont des problèmes où tous les éléments sont donnés initialement, et où leur réorganisation constitue la solution du problème (les puzzles par exemples). Greeno remarque cependant que tous les problèmes ne peuvent pas être classés dans un de ces trois types. Reitman (1964) distingue quant à lui les problèmes bien définis («well-defined») et mal définis («ill-defined»). Un problème bien défini est un problème où il existe une définition explicite de l’objectif en fonction de la description du problème (La tour d’ Hanoï est un exemple de problème bien défini, dessiner un beau dessin est un exemple de problème mal défini). Au delà de cette classification, la qualité d’un problème est double. En effet, mettre un individu face à un problème peut avoir deux objectifs : tester ses capacités (compétences ou connaissances) ou bien les développer. Ces deux aspects sont largement utilisés dans le domaine de l’enseignement. La mise en situation de problème est un outil pédagogique privilégié car il permet à la fois d’évaluer les capacités de l’élève mais aussi de les développer. Ce second objectif étant plus difficile à atteindre. En effet, face à un problème, l’élève et plus largement l’apprenant, doit réaliser deux tâches : résoudre le problème et apprendre de cette résolution, selon l’objectif de la situation d’enseignement. Ces deux tâches peuvent entrer en concurrence en fonction de différents critères qu’il convient de prendre en compte.

Caractéristiques des problèmes difficiles

Comme l'a démontré Dietrich Dörner (et, plus tard, Joachin Funke a approfondi le sujet), les problèmes difficiles ont certaines caractéristiques typiques qui peuvent être résumées comme ceci:

  • Non transparence (manque de clarté de la situation)
    • Opacité du commencement
    • Opacité de la continuité
  • Buts multiples
    • Non expressivité
    • Opposition
    • Nature éphémère
  • Complexité (grand nombre de points, interrelations et décisions)
    • Caractère énumérable
    • Connectivité (relations hiérarchiques)
    • Hétérogénéité
  • Dynamique (considérations de temps)
    • Contraintes temporelles
    • Sensibilité au temps
    • Effets de phase
    • Imprévisibilité dynamique

La résolution de problèmes difficiles requiert un traitement direct de chacune de ces caractéristiques que l'on rencontre.

Les différents processus de résolution de problèmes

En situation de problème, même si la découverte de la solution semble, le plus souvent, procéder par différentes tentatives d’essais et d’erreurs, le mode opératoire employé pour résoudre le problème peut être perçu comme une stratégie mise en place et nécessitant une certaine représentation de la situation. Ce processus de résolution peut être une règle, un heuristique ou bien lié à l’utilisation d’une situation déjà rencontrée (Lemaire, 1999).

L’analyse moyen-fin : un exemple d’heuristique

Les heuristiques sont des règles générales d’action menant le plus souvent à la solution. Celles-ci sont des règles empiriques, pratiques, simples et rapides facilitant la découverte de la solution. Elles permettent de prendre des décisions d’action mais leur validité n’est pas assurée. Richard (1998, p. 188) nous donne une définition de la stratégie heuristique: « Quand les sujets raisonnent en dehors de leur domaine de compétence, ils n’ont à leur disposition que des modes d’inférences dont la validité n’est pas assurée mais qui sont d’utilisation très générale. Ces processus de production d’inférences ne garantissent pas la validité des raisonnements mais ils sont productifs : ils sont efficaces pour former des hypothèses et faire des choix dont les conséquences permettront d’apporter les corrections nécessaires. ». Un exemple de processus heuristique est la stratégie d’analyse moyen-fin. Ce processus de résolution utilise l’analyse de la différence entre l’état présent du problème et l’état final à atteindre. Proche d’une démarche de recherche en arrière à partir du but à atteindre, cette stratégie est particulièrement efficace dans des problèmes de labyrinthe. Elle consiste à découper la tâche en plusieurs sous-buts, puis chercher à réduire l’écart entre l’état actuel du problème et le prochain sous-but, jusqu’à l’état final. Zygmunt et Zheng (2005), notamment, observent, dans leurs travaux autour de puzzles, que les participants privilégient ce processus de résolution par sous-buts. Cependant, ce type de stratégie impose au sujet de garder présents en mémoire de travail l’état initial du problème, l’état final, les sous-buts, et de rechercher les opérateurs permettant de réduire l’écart entre les différents stades du problème. Ce qui peut exiger de grandes ressources cognitives. Ce processus de résolution peut alors gêner l’apprentissage et c’est pourquoi, Sweller et Levine (1982) proposent de contrer l’utilisation de ce processus de résolution par l’utilisation de problème ouvert (sans but prédéfini).

Les algorithmes

Les algorithmes sont des règles d’action systématiques garantissant la solution. Les formules mathématiques sont un bon exemple de ce type de processus de résolution. Leurs applications permettent de résoudre le problème au moyen d’un nombre fini d’opérations3. Ces règles de résolution seraient stockées en mémoire et utilisées lorsque la situation de problème s’y rapporte. Dans la prise en compte de la définition de Richard (présentée ci-dessus) les algorithmes peuvent être opposés aux heuristiques. Raisonner en dehors de son domaine de compétences se ferait à l’aide d’heuristiques, raisonner dans son domaine de compétences se ferait à l’aide d’algorithmes. L’expertise pourrait être dès lors considérée comme la maitrise des algorithmes. En effet, connaître les tables de multiplication, par exemple, est un pré-requis nécessaire pour être expert en calcul mental. La découverte de l’algorithme permettant la résolution du problème est un apprentissage qui peut être nécessaire à la résolution du problème. C’est le cas du problème des Anneaux Chinois (PAC).

Figure1

Le problème des Anneaux Chinois (Figure 1) est un problème linéaire apparemment simple (21 états permettent d’atteindre le but), qui est difficilement résolu par les participants (plus de 500 coups dans l’étude de Kotovsky & Simon, 1990). Megalakaki et Tijus (2005) montrent que cette difficulté est liée à l’utilisation d’un processus heuristique consistant à ne pas s’éloigner du but. Le matériel de ce problème comporte cinq pions qui doivent être tous ôtés selon la règle qui stipule qu’on peut ôter ou mettre un pion que s’il y a un pion à sa droite et rien au-delà4. La règle d’action qui doit être ici découverte par les participants est qu’il faut parfois remettre des pions pour pouvoir créer les conditions nécessaires pour en ôter. Ce type de difficulté est également observé dans le problème des Missionnaires et des Cannibales5 où il s’agit de ramener les cannibales sur la rive de départ pour résoudre le problème (Figure 2). L’utilisation d’un processus heuristique (ne pas s’éloigner du but) dans ces deux problèmes gêne la résolution alors que l’utilisation de l’algorithme le permet (revenir en arrière/ s’éloigner du but). Inciter les participants à apprendre cette règle d’action (en les contraignant par un état initial particulier par exemple) favorise la résolution du problème.

Figure1

L’analogie

Ce processus de résolution utilise une situation connue et perçue comme similaire pour construire la solution du problème rencontré. Le transfert de connaissances d’une situation à une autre permet « de rendre la nouveauté familière en la reliant à un savoir antérieur » (Gick & Holyoak, 1983, p. 1-2). Autrement dit, ce processus permet l'appréhension de nouvelles situations par la mise en correspondance avec des situations connues (Holyoak, 2005). Résoudre un problème par analogie consiste à se référer à un problème déjà rencontré (problème source) et à l’utiliser pour résoudre le problème actuel (problème cible). La mise en correspondance des deux problèmes (mapping) permet, par production d'interférences, l'élaboration d'une représentation du problème cible par transfert analogique (transfer). Le raisonnement par analogie est une stratégie de résolution de problèmes qui a été largement étudié (Bassock & Holyoak, 1989; Gick & Holyoak, 1980, 1983, 1987 ; notamment). Selon Gentner (1983), le raisonnement analogique consiste en la projection sur le domaine cible d’une structure de relations relative à un domaine source. Cela implique que le domaine source soit effectivement structuré sous la forme d’un réseau relationnel stable. Alors que, le domaine cible est a priori en cours d’élaboration et doit être muni de nouvelles relations. L’introduction de nouvelles relations est faite par analogie. Celle-ci est d’autant plus riche que la structure relationnelle est abstraite et complète. Cela implique également que le domaine cible soit clairement identifié en tant qu’objets conceptuels. Dans cette conception, le système cible est doté de nouvelle relation, tandis que le système source demeure inchangé (cf. Gineste, 1997, pour une synthèse). Selon Cauzinille-Mamèche et Didierjean (1999, p. 126), cette approche pose problème car « il est peu concevable d’envisager que préexistent des objets conceptuels qui ne seront pas transformés, et qu’il s’agit seulement d’introduire de nouvelles relations entre ces objets. ». Selon Gick et Holyoak (1980, 1983) dans le cadre de la résolution de problèmes, le problème cible et le problème source sont considérés comme deux exemplaires d’une même catégorie conceptuelle. Dans cette approche, le raisonnement par analogie conduit à l’élaboration de catégorie de problèmes. La question de l’encodage des problèmes se pose alors. En effet, ce n’est que s’ils sont représentés à un niveau d’abstraction adéquat qu’ils pourront être perçu comme relevant du même domaine et comme partageant la même structure. Rejoignant cette conception, Clément (2009, p. 65) note que « le traitement de deux situations par raisonnement par analogie permet […] d'élaborer, par un processus de généralisation, des schémas plus abstraits dans lesquels la cible et la source sont des exemplaires. Ce processus sous-tend l'apprentissage. ». D’autre part, elle note que la représentation d'un problème serait déterminée à la fois par les caractéristiques de la situation et par les connaissances disponibles en mémoire. Elle se construirait à l'aide de l'évocation de situations connues c'est à dire par analogie.

Bilan

La variabilité des processus de résolution implique de faire des choix. Par exemple, dans le cas des opérations arithmétiques, selon Siegler (1988), la procédure de récupération en mémoire est toujours celle qui est privilégiée et essayée en premier par rapport à une procédure de comptage. Les résultats de Reder (1987) suggèrent, quant à eux, que la sélection d’une procédure ou d’une stratégie ne repose pas uniquement sur la vitesse relative des différentes procédures ou stratégies disponibles. Elle dépend de l’histoire de la procédure (réussites antérieures), du contexte et du coût de sa mise en œuvre. D’autre part, il est probable que la résolution de problèmes n’implique pas uniquement la sélection de la stratégie appropriée mais également l’inhibition des stratégies concurrentes (Houdé, 1999). Au-delà de la typologie présentée centrée sur les processus de résolution utilisés, de nombreuses recherches ont depuis longtemps étudiées les mécanismes en jeu dans la résolution de problèmes. Depuis les premiers travaux sur l’animal jusqu’à aujourd’hui, différentes approches tentent d’expliciter les différents processus mis en œuvre dans la découverte de la solution. Dans la section suivante, nous présentons ces différentes approches.

Les différentes approches en résolution de problèmes

L’approche béhavioriste

Les premiers travaux sur la résolution de problème ont été menés chez l’animal. La découverte de la solution résultait alors d’un apprentissage progressif, non intentionnel par essais erreurs. La résolution de problème est envisagée comme un processus dans lequel les réponses inadaptées sont éliminées laissant place aux réponses adaptées (Thorndike, 1898). Cette interprétation est reprise par le courant béhavioriste. Développée notamment par Watson (1920), cette approche postule que les comportements d’un organisme sont sous le contrôle de son environnement. Ceux-ci peuvent être modifiés en agissant sur l’environnement ou sur leurs conséquences. Un ‘bon’ comportement sera appris car il a offert une conséquence positive ; un ‘mauvais’ comportement sera évité car il a offert une conséquence aversive. Dans cette approche, la résolution de problème ne fait appel à aucune représentation de la situation. Un problème n’est réussi que parce que l’environnement offre des conséquences positives aux actions menées. Comme l’explique Clément (2009, p.22-23), « Pour toute situation-problème donnée, S, il existe des associations avec plusieurs réponses possibles, R1, R2, … Rn. Ces liens, formant des familles de réponses associées à chaque situation-problème, peuvent être plus ou moins forts. Ces forces d’association entre stimulus et réponse définissent une hiérarchie de réponse […]. Le comportement de résolution est défini par un changement de la force des associations entre stimulus et réponse sous l’effet de l’apprentissage. ». La découverte de la solution dans une situation problème est ici le résultat de tâtonnements, d’essais erreurs ; le comportement efficace menant à la solution étant renforcé par la réussite (la résolution du problème). L’apprentissage de ce comportement se fait par renforcement : la réussite renforce ce comportement qui est alors mémorisé comme un comportement positif à réutiliser.

L’approche des gestaltistes

Les gestaltistes s’écartent de ce point de vue. Ils mettent en avant l’influence de la représentation interne du problème sur la découverte de la solution. Selon cette approche, découvrir la solution consiste en une réorganisation perceptive des éléments du problème. Cette réorganisation brusque est nommée insight. (Wertheimer, 1959, cité par Clément, 2009). Celle-ci concerne essentiellement le champ perceptif, comme le montre notamment le problème de neuf points de Maier (1930, cité par Clément, 2009). Dans ce problème, la tâche consiste à relier les points avec quatre traits sans lever le crayon. La résolution de ce problème consiste à se dégager de la prégnance relative de la bonne forme (carré virtuel) et à réaliser que les traits pour relier les points peuvent dépasser le carré imaginaire (Figure 3).

Figure3
Figure3

Dans cette approche, les apprentissages antérieurs sont perçus comme un frein qui gêne la résolution de problème puisqu’ils fixent les représentations (fixation perceptive sur le carré virtuel dans le problème des neuf points). Les travaux de Duncker (1945) illustrent un autre type de fixation. Il étudie des problèmes mettant en avant ce qu'il nomme la fixité fonctionnelle. Elle désigne le fait qu'un objet utilisé dans un contexte donné est attaché à cette fonction et peut difficilement être utilisé dans une autre fonction pour résoudre un problème. Un des problèmes étudiés par Duncker (1945) est celui de la bougie. Trois boites en carton, des bougies, des punaises et des allumettes sont disposées sur une table. On demande aux participants de fixer au mur une bougie afin qu'elle éclaire la pièce. Pour certains participants, les boites sont vides pour d'autres elles contiennent des allumettes, des bougies ou des punaises. Lorsque les boites sont remplies, les participants ont plus de difficulté à découvrir la solution6. Duncker interprète cette différence comme la conséquence de la fixité fonctionnelle. Elle est liée au fait que les apprentissages antérieurs enferment les participants dans une représentation du problème qui les empêche de découvrir la solution.

Approche du traitement de l’information

Dans cette approche, l’être humain est conçu comme un système de traitement de l’information (Newell & Simon, 1972). Les processus de pensée peuvent alors être formalisés par un programme informatique. Dans cette perspective la résolution de problème est conceptualisée comme un processus d’exploration à l’intérieur d’un espace de recherche. Celui-ci formalise les différents états possibles du problème. Il peut être représenté par un graphique où chaque nœud représente un état possible et chaque lien une action possible. Résoudre le problème revient alors à trouver son chemin dans cet espace de recherche de l’état initial à l’état but. Le problème de la Tour d’Hanoï illustre bien cette approche. Dans ce problème, des disques de tailles différentes sont empilés (du plus grand au plus petit) sur une tige parmi trois fixées sur un support et alignées de gauche à droite. Les disques forment une tour. La tâche consiste à déplacer cette tour sur une autre tige. Cependant, on ne peut déplacer qu’un disque à la fois. Si plusieurs disques sont sur la même tige, on ne peut déplacer que le plus petit. Et on ne peut pas poser un disque sur un plus petit. L’état initial est représenté en haut du graphe (Figure 4, position 1) ; l’état but en bas à droite (position 27). Le chemin qui relie directement ces états (branche de droite) correspond à la solution la plus rapide pour résoudre le problème.

Figure4

Dans cette approche, le choix des actions dans l’espace de recherche est guidé par des heuristiques. Ceux-ci ne garantissent pas la solution mais permettent d’explorer un nombre restreint de chemins qui semblent pertinents pour la solution. Deux stratégies (celles-ci étant présentées comme des heuristiques générales) sont définies : la recherche par essais erreurs et l’analyse moyens-fin. La recherche par essais erreurs consiste à appliquer au hasard les opérateurs7légaux jusqu’à atteindre l’état final. L’analyse moyens-fin consiste à identifier la différence entre l’état courant et l’état but et à sélectionner un opérateur qui réduit cette différence. Si aucun opérateur n’est disponible, un sous-but est construit (position 9, par exemple) et l’opérateur qui permet d’atteindre ce sous-but est recherché et ainsi de suite, jusqu’à atteindre l’état final. L’apprentissage s’exprime dés lors dans la recherche et l’utilisation des bons opérateurs. Les processus de résolution mis en avant dans cette approche (la recherche par essais erreurs et l’analyse moyens–fins) conduisent au développement de connaissances déclaratives (connaissance du chemin à parcourir) ou à des connaissances procédurales (utilisation préférentielle de tel ou tel opérateur).

La flexibilité cognitive

Cette approche s'attache à l'idée que la résolution d'un problème procède d'un changement de point de vue sur la situation de problème. Ce changement de point de vue caractérise la flexibilité cognitive. La restructuration du problème était déjà envisagée par les gestaltistes comme déterminante dans la découverte de la solution. Aujourd'hui, un certain nombre de travaux supportent cette approche (cf. Clément, 2009). Selon eux, les difficultés rencontrées en résolution de problème seraient essentiellement liées à la fixation. Certaines caractéristiques de la situation de problème fixeraient l'attention sur une certaine représentation de la situation et freineraient l'accès à la solution du problème. Si nous abordons le problème suivant par exemple,

« Deux gares ferroviaires sont distantes de cinquante miles. Un samedi, à deux heures de l'après-midi, deux trains partent chacun d'une des gares, à la rencontre l'un de l'autre. Au moment où les trains quittent les gares, un oiseau surgit des airs et se place devant le premier train. Il vole jusqu'au deuxième train, et quand il l'atteint il retourne vers le premier train. L'oiseau continue ces allers-retours jusqu'à ce que les deux trains se rencontrent. Sachant que les deux trains roulent à vingt-cinq miles par heure et que l'oiseau vole à cent miles par heure, combien de miles l'oiseau va-t-il parcourir jusqu'à ce que les trains se rencontrent ? » (Posner, 1973, cité par Clément, 2009)

La difficulté de ce problème réside dans la représentation que l'on peut se faire du problème. Si l'on considère les allers-retours de l'oiseau, ce problème est difficile. Par contre, si on change de point de vue et que l'on se centre sur le trajet des trains, le problème devient plus facile à résoudre. Comme les trains roulent à vingt-cinq miles à l'heure et que la distance qui les sépare est de cinquante miles, ils se rencontreront à mi-parcours (c'est-à-dire vingt-cinq miles) donc au bout d'une heure. Comme l'oiseau vole à cent miles à l'heure, il aura parcouru cent miles. Cet exemple montre bien que le point de vue qu'on a de la situation de problème peut rendre difficile la découverte de la solution et que c'est grâce à un changement de point de vue que celle-ci peut opérer. La flexibilité cognitive s'exprime ici par une certaine souplesse qui permet le changement de point de vue et donc la résolution du problème. Les apprentissages antérieurs peuvent ici être un frein à la découverte de la solution puisqu'ils peuvent fixer l'attention sur une certaine représentation de la situation.

Les schémas pragmatiques de raisonnement

Cheng et Holyoak (1985) dans leurs travaux sur la résolution de problèmes logiques, utilisent la notion de schémas pragmatiques de raisonnement (« pragmatic reasoning schemas ») afin d’expliquer les écarts de résultats entre les expériences des 4 cartes de Wason (1968) et celles de Johnson-Laird, Legrenzi et Legrenzi (1972) utilisant un paradigme quasi-identique. Le problème des quatre cartes de Wason est un problème logique fortement échoué. Dans sa version originale, quatre cartes sont présentées qui montrent chacune respectivement, une voyelle, une consonne, un nombre impair et un nombre pair (Figure 5). Les participants sont informés que chaque carte contient une lettre sur une face et un chiffre sur l’autre face. Le participant doit sélectionner les cartes qui permettent de vérifier l’affirmation suivante et seulement celles-ci.

Figure5

« Si une carte a une voyelle sur une face, alors elle a un nombre pair sur l’autre face »

Quels que soit les lettres et les chiffres présents sur les cartes, les deux cartes que le participant doit retourner sont la carte contenant une voyelle et celle contenant un nombre impair. Pour la Figure 4, les participants doivent retourner les cartes ‘A’ et ‘7’. La solution est la voyelle et le nombre impair car seule la présence de ces valeurs sur la même carte peut falsifier l’affirmation conditionnelle. Les erreurs les plus fréquentes consistent à retourner la carte contenant une voyelle et celle contenant le nombre pair, ou à ne retourner que la carte contenant une voyelle. Afin de mieux appréhender la non-réussite massive des participants (moins de 10% des participants donnent la bonne réponse), Johnson-Laird, Legrenzi et Legrenzi (1972) utilisent un paradigme identique avec un habillage faisant appel à la vie quotidienne. Dans leurs expériences, des étudiants italiens, doivent imaginer qu’ils sont des employés de la poste dont le travail consiste à trier le courrier. Ils doivent faire en sorte que le courrier soit trié selon la règle suivante.

Figure8

« Si une enveloppe est fermée alors elle doit être affranchie avec un timbre de 50 lires»

Quatre enveloppes leur sont ensuite présentées. Une face de l’enveloppe indique si elle est ou non fermée, l’autre face indique le montant de l’affranchissement (Figure 8). Dans cette version de la tâche 90% des participants produisent la bonne réponse8. Pour Cheng et Holyoak (1985), ces résultats s’expliquent par le fait que les individus ne raisonnent pas avec des règles formelles mais à partir de schémas pragmatiques généraux tels ceux qui structurent la vie quotidienne (schéma de permission, d’obligation, etc.). Ces schémas pragmatiques de raisonnement consistent en un ensemble de règles contextuelles qui seraient définies en termes de buts à atteindre et de liens entre ces buts. Selon eux, les schémas pragmatiques stockés en mémoire seraient utilisés afin de réussir les problèmes pratiques. Les participants ne posséderaient pas de schémas logiques leurs permettant de résoudre le problème des 4 cartes de Wason. Cela expliciterait l'échec massif à cette tâche. A l'inverse, les participants posséderaient le schéma pragmatique de la permission, et cela expliquerait leur plus grande réussite à la tâche avec ce type de paradigme.

Conclusion

La résolution de problème est une situation possiblement complexe où deux processus entrent en concurrence : la résolution en elle-même, et l’apprentissage de nouvelles connaissances. Les deux sont étroitement liés, puisque l’utilisation de tel ou tel processus de résolution conduira à tel ou tel apprentissage. Des connaissances peuvent être élaborées suite à un processus de résolution par essais erreurs, découlées d’un processus de transfert, développées par expérience, liées à la vie quotidienne et même être perçues comme un frein à la résolution. Par exemple, lors de la résolution du problème des Maris Jaloux9, l’utilisation d’une stratégie par essai-erreurs conduit à l’apprentissage des mouvements à effectuer. Tandis que l’utilisation d’un raisonnement analogique (utilisation de la situation problème isomorphe10 des Missionnaires et des Cannibales) pourrait conduire à la réorganisation des connaissances utilisées et à l’élaboration d’une catégorie de problèmes dont la résolution dépend de l’utilisation de l’algorithme « ramener des personnes sur la rive de départ » (Reed, Ernst & Banerji, 1974). Ainsi, la résolution de problème peut être perçue comme une forme d’apprentissage si l’on admet deux postulats. Le premier est que toute personne impliquée dans une situation problème déploie un certain nombre de processus pour produire une réponse adaptée et résoudre le problème. Le second est qu’il reste des traces de cette activité (Champagnol, 1974).


1. Le WisconsinCard Sorting test est un test de classement de cartes sur lesquelles des figures géométriques sont définies par trois dimensions (couleur, forme, nombre). On dispose quatre cartes de référence puis on distribue, une par une, chacune des 128 cartes qu’on demande de classer selon un critère défini par l’expérimentateur qu’il faut découvrir. A chaque carte distribuée, l’examinateur informe si la carte classée répond au critère ou non. Au bout d’un certain nombre de cartes distribuées, le critère change. 2. Dans ce problème, des disques de tailles différentes sont empilés sur une tige d’un support en contenant trois, du plus grand au plus petit formant une tour Le but est d’emmener cette tour sur une autre tige en respectant trois règles. On ne peut déplacer qu’un disque à la fois. On ne peut pas placer un disque sur un disque plus petit. On ne peut déplacer que le plus petit disque si plusieurs disques sont sur la même tige. 3. Cas du jeu de Nim pour lequel un algorithme a été écrit en 1901 par Buton. 4. Le pion P1 (tout à droite) peut être ôté ou mis sans conditions puisque la condition d’un pion à sa droite ne peut être satisfaite. Le pion P2 ne peut être ôté ou mis que si P1 est présent. Les pions P3, P4 et P5 ne pouvent être ôtés ou mis que si un pion est présent juste à leur droite et qu’aucun autre pion n’est présent au-delà. 5. Un groupe de trois missionnaires emmène trois cannibales à leur monastère afin de les convertir. Il ne leur reste plus qu’à traverser une rivière pour réussir leur mission. Cependant, l’embarcation à leur disposition ne permet de transporter que deux personnes à la fois. Les missionnaires doivent faire très attention, car s’ils se trouvent en infériorité numérique par rapport aux cannibales, ils se feront manger par ces derniers. 6. La solution consiste à utiliser une boite vide comme support pour la bougie. La boite étant préalablement fixée au mur. 7. Moyens et actions permis par l’énoncé du problème à mettre en œuvre pour atteindre le but. 8. Les participants doivent choisir la première et la dernière enveloppe. 9.Trois couples mariés se trouvent sur une rive d'un fleuve, qu'ils doivent tous traverser. Ils ont à leur disposition une barque pouvant transporter soit une, soit deux personnes. Les trois maris sont jaloux: aucun d'eux ne peut admettre que son épouse se trouve avec un autre homme sur la rive opposée à la sienne. Le problème consiste à donner une suite de traversées en barque permettant de faire passer les six personnes sur la rive opposée, sans jamais provoquer la jalousie d'un mari. 10. Deux problèmes sont dits isomorphes s’ils partagent le même but, les mêmes contraintes et le même espace de problèmes. Deux problèmes isomorphes disposent de la même structure de problème. Ils différent par leur habillage sémantique c'est-à-dire que leurs traits de surfaces sont différents.


Références

Alaga (discussion) Cette page est extraite de ma thèse présentée et soutenue publiquement en 2010 en vue de l’obtention du titre de Docteur es Psychologie en Sciences Cognitives : Apprentissage en résolution de problèmes : Influence du mode d'instruction.

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