BASES:Cours BASES 2020-21/Qu'est-ce que le concept de flow ?

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Fiche réalisée par Arthur Deschamps dans le cadre du cours BASES - Volée Aegir (2020/2021)

Mon groupe de travail

Nous sommes le groupe de travail COBALT, composé de quatre étudiants du Master MALTT : Marie, Lylia, Grégory et Arthur. Dans le cadre du cours BASES, notre travail portera sur l'axe « hybridité physique-numérique » portant sur la réalité hybride/mixte. Notre thème de travail sera « Le flow dans les situations d'apprentissage par réalité mixte et virtuelle ».

Problématique et questions de recherches

Problématique

L'idée que nous souhaiterions développer dans notre travail c’est la place du « flow » dans les situations et les environnements d'apprentissage que peuvent proposer la réalité mixte et virtuelle, en le définissant tout d'abord et en abordant par la suite ce que cela implique ou impliquerait avec l'utilisation de ces technologies, l'idée étant par exemple d'en mesurer ou d'imaginer l'impact et les conséquences sur l'utilisateur et son apprentissage, mais aussi pourquoi pas questionner la place, la pertinence et les limites de telles technologies au service de l'apprentissage.

Il est important dans un premier temps de définir ce qu'est le « flow », et comment il s'inscrit dans notre thématique. C'est un concept « récent » vaste et complexe convoquant lui-même d'autres concepts du domaine de la psychologie et des sciences de l'éducation entre autres. Le concept de « flow » fait intervenir des mécanismes en lien avec les émotions, le plaisir et le sentiment d'autosatisfaction mais traite aussi d’enjeux autour de l'implication, l'immersion et l’engagement à la réalisation d'une activité ou d'une tache donnée, influencé et influençant ou non, différents facteurs mesurables.J'arrive donc à mesurer la pertinence et l'importance de ma question dans le cadre de notre thématique et de l'axe choisi et des enjeux que cela suggère.

Questions de recherche

  • Comment définir le « flow » ?

Comme il est précisé plus haut, il est important de définir les contours de ce concept, cet état psychologique, qui est présent dans le cadre de l’apprentissage et de l'utilisation de technologies éducatives notamment.

  • Qu'est-ce que le flow en psychologie ?

Apprendre et utiliser les technologies éducatives font appel à différents mécanismes et processus psychologiques, dont cet état d'expérience optimale que peut être le flow.

  • Quelle place a le flow dans l'apprentissage ?

Le flow semble être un enjeu majeur dans l'apprentissage, l'enseignement et la pédagogie, il est important à considérer dans le cadre de la création et de l'utilisation de technologies éducatives.

  • Quel lien faire entre le flow et les technologies ?

L'utilisation de technologies éducatives (ou non) peut mener à cet état de flow, cela favoriserait clairement l'apprentissage.

Réponses aux questions de recherche

Comment définir le « flow » ?

Le grand artisan du « flow » et de sa théorisation, Mihaly Csikszentmihalyi, mène de nombreuses recherches dès 1975 et ses résultats lui ont permis de définir le concept de « l’expérience optimale », qu’il appellera "Flow" (Csikszentmihalyi, 1990). Dans sa définition originelle, l’expérience optimale comporte neuf caractéristiques majeures que sont : équilibre entre le défi et habilité, concentration sur la tâche, cible claire, rétroaction feed-back clairs et précis, absence de distraction, contrôle de l'action, absence de préoccupation à propos de soi - dilatation de l'ego mais « sens de soi » renforcé, altération de la perception du temps, expérience autotélique - bien-être (Csikszentmihalyi, 2004, traduction libre de Jean Heutte).

Selon Csikszentmihalyi, l’expérience de flow est décrite par de nombreuses personnes comme un des meilleurs moments de leur vie au cours duquel les actions se déroulent avec une extraordinaire impression de fluidité, en ayant le sentiment d’être très à l’aise, sans avoir l’impression de devoir faire un effort pénible (« many people have used to describe the sense of effortless action they feel in moments that stand out as the best in their lives. » (Csikszentmihalyi, 1997). Dans cet état, ils étaient tellement complètement impliqués dans l’activité que plus rien d’autre ne pouvait les perturber. Au-delà du plaisir lié à l’activité et de la persistance liée à l’intérêt intrinsèque pour l’activité, l’immersion totale dans l’activité semble être un aspect central de l’expérience de Flow (Csikszentmihalyi et al., 1993).

Jean Heutte (2014) lui, nous définit le concept de « flow » comme « un état d’épanouissement lié à une profonde implication et au sentiment d’absorption que les personnes ressentent lorsqu’elles sont confrontées à des tâches dont les exigences sont élevées et qu’elles perçoivent que leurs compétences leur permettent de relever ces défis. Le flow est décrit comme une expérience optimale au cours de laquelle les personnes sont profondément motivées à persister dans leurs activités. De nombreux travaux scientifiques mettent en évidence que le flow a d’importantes répercussions sur l’évolution de soi, en contribuant à la fois au bien-être et au bon fonctionnement personnel dans la vie quotidienne ».

Qu'est-ce que le flow en psychologie ?

En élaborant la théorie de l’autotélisme-flow, Mihaly Csikszentmihalyi est l’inspirateur de la psychologie positive (Heutte, 2017).

En psychologie, l’autotélisme est un état dynamique de bien-être, de plénitude, de joie, d'implication totale. Ce sentiment crée un ordre - harmonie - dans notre état de conscience et renforce sa structure de soi (Heutte, 2017).

L'analyse des données des premières grandes études menées par Csikszentmihalyi dès 1975 ont permis d'établir un premier modèle de l'état de flow (expérience optimale), dans lequel celui-ci représentait « un courant borné entre l'ennui et l'inquiétude ». Ce premier modèle explique que : quand une personne croit que ses opportunités d’action sont trop exigeantes par rapport à ses compétences, l’expérience résultante est expérimentée comme de l’anxiété. Quand le niveau de compétences est plus élevé mais que les exigences de la tâche trop élevées pour ses habiletés, cette expérience procure de l'inquiétude. Ce modèle a mis en évidence également que l'état de flow est ressenti lorsque les exigences de la tâche sont en équilibre avec les compétences : il s'agit de l'expérience optimale ! Mais d'un autre côté quand les compétences sont plus élevées que les occasions de les utiliser, il en résulte un état d'ennui, cet état bascule à nouveau dans l'anxiété quand la quantité d'ennui devient trop importante. Par exemple, Asakawa (2004) met en évidence des liens positifs entre la motivation, la satisfaction de la vie et le Flow, ainsi que des liens négatifs entre le Flow et l’anxiété ou le désengagement. Il s’agit d’un état dynamique de bien-être, de plénitude, de joie, d’implication totale. « La combinaison de ces éléments se traduit par un si gratifiant sentiment de profond bien-être que le seul fait de pouvoir le ressentir justifie une grande dépense d’énergie » (Barth, 1993). Ce sentiment crée un ordre – harmonie – dans notre état de conscience et renforce la structure de soi (Heutte, 2011).

Quelle place a le flow dans l'apprentissage ?

Les travaux de Csikszentmihalyi sont un apport majeur à la psychologie scientifique contemporaine et à la recherche fondamentale en sciences de l'éducation et de la formation des adultes (Heutte, 2017).

Moneta et Csikszentmihalyi (1996) mettent en évidence que l’échec ou la réussite tiennent à peu de choses (incertitude/risque), cependant compte tenu de l’équilibre optimal entre le défi et ses compétences, ainsi que de son expérience, l’apprenant perçoit progressivement que l’objectif est probablement accessible. Ainsi, au cours d’une phase d’apprentissage, au fur et à mesure que le sujet apprenant s’aperçoit qu’il progresse dans la compréhension de ce qu’il souhaitait étudier, ce sentiment le portera et le poussera à s’appliquer de plus en plus, en lui procurant un tel bien-être, qu’il souhaitera que cette expérience (émotion liée à la perception de cette progression) se prolonge. C’est d’ailleurs pour continuer à ressentir le flow qu’il persistera dans l’apprentissage, y compris parfois en se fixant lui-même de nouveaux objectifs : faire plus vite ou faire mieux, par exemple en optimisant ses actions ou les ressources à sa disposition (Heutte, 2017).

Dans le champ de l'éducation positive, Heutte (2017) met en perspective l'apport des concepts tels que l’autotélisme-flow sur l'évaluation des effets des environnements de formation, particulièrement sur la modélisation des déterminants psychologiques de la motivation et de la persistance à vouloir apprendre.

Quel lien faire entre le flow et les technologies ?

Des travaux récents dans le champ de la psychologie positive (Seligman, 1998 ; Seligman & Csikszentmihalyi, 2000) suggèrent que dans l'expérience globale avec la technologie, des concepts comme l'enjouement et le Flow sont des variables explicatives potentiellement importantes dans les théories d’acceptation de l'usage des technologies (Agarwal & Karahanna, 2000).

Agarwal et Karahanna (2000) vont plus loin et proposent le concept d'absorption cognitive (AC) qu’ils définissent comme un profond état d'engagement à travers cinq dimensions : la dissociation temporelle ou la perte de la notion du temps, l'immersion ou la concentration totale dans une tâche, l'intensité du plaisir, le sentiment de contrôle de l'interaction, la curiosité sensorielle et cognitive. Ces épisodes d'attention totale qui « absorbent » entièrement les ressources cognitives au point que plus rien d'autre n’importe sont des expériences optimales, des états de Flow (Agarwal & Karahanna, 2000). L’AC et ses cinq dimensions sont des antécédents significatifs de la perception d'utilité et celle de la convivialité. Deux dimensions empruntées au Technology Acceptance Model (TAM) de Davis (1986) et sa version actualisée TAM2 (Venkatesh & Davis, 2000). Selon Agarwal et Karahanna (2000), l'AC est donc un état spécifique qui résulte, à la fois, de facteurs individuels et situationnels. L’AC renforce l’intention d’utiliser les technologies numériques, elle serait de plus particulièrement bénéfique au sentiment de réalisation d'un individu dans le cadre de son travail et, par conséquent, influencerait sa motivation (Heutte, 2011).

Déro (2008) évoque d’une distorsion de la perception du temps au cours de l’activité et d’une intense satisfaction par de nombreux utilisateurs des réseaux numériques (Heutte, 2007, 2008). Nous pouvons facilement extrapoler cela aux jeux vidéos par exemple, et dans le cadre de apprentissage, parler des jeux vidéo pédagogiques et autres « serious game » qui peuvent mener à cet état optimal de flow (est-ce en soi l'enjeu ultime pour ces technologies éducatives ?), les utilisateurs/joueurs sont « touchés » par ce phénomène de flow car « c'est une activité amusante, pleine de challenge, avec des règles à respecter, des objectifs et des résultats concrets et c'est un entraînement qui ne demande pas d'effort physique mais qui reste intense et qui nous pousse dans nos retranchements et on en perd même la notion du temps » (Hight Score : L’âge d’or du gaming, 2020).


Discussion

L’expérience optimale (le flow) entraîne des conséquences très importantes : meilleure performance (Jackson & Csikszentmihalyi, 1999 ; Demontrond-Begr & Fournier, 2003), créativité, développement des capacités, estime de soi et réduction du stress (Csikszentmihalyi, 2006).

Nous pouvons donc imaginer qu'à la lumière des éléments de réponses relevés dans la littérature et présentés par les experts du sujet, le flow est un concept à part entière avec de nombreux axes, réflexions, dimensions et « sous-concepts » dont il va falloir prendre en compte dans le cadre de notre thématique traitant du flow dans les situations d'apprentissage par réalité mixte et virtuelle. Cela suggère d'intéressantes perspectives de réflexion et de travail intégrant les dimensions d'apprentissage, d'enseignement et pédagogie, et de technologies.

Je pense, qu’après ce travail de recherche passionnant sur ma question ; « qu'est-ce que le concept de « flow » ? », les concepteurs, ingénieur et développeurs d’EIAH ou de TIC doivent intégrer ou a minima réfléchir sérieusement sur la place essentielle qu'occupe ce concept dans leurs outils et l'évolution de ceux-ci. Les enseignants et les formateurs utilisant des technologies éducatives, pourrait peut-être se sensibiliser et se former à l'intégration de ce concept de flow ou du moins y être particulièrement vigilant, dans le sens où il y a un enjeu majeur, à la vue du nombre de dimensions (essentielles) que ce concept touche, autour de l'apprentissage et l'intégration de nouveaux savoirs et connaissances.

Références

Csikszentmihalyi, M., Abuhamdeh, S., & Nakamura, J. (1990). Flow.

Csikszentmihalyi, M. (1997). Flow and education. NAMTA journal, 22(2), 2-35

Csikszentmihalyi, M., & Bouffard, L. (2017). Le point sur le flow. Revue québécoise de psychologie, 38(1), 65-81

Déro, M., & Heutte, J. (2008). Impact des TIC sur les conditions de travail dans un établissement d'enseignement supérieur: auto-efficacité, flow et satisfaction au travail. M. Sidir, E. Bruillard, GL. Baron (Dir.). Actes des 2e Journées Communication et apprentissage instrumenté en réseau (JOCAIR'2008), Amiens (France), 27-29 Août 2008, 192-205.

Great Big Story. (Studio de production). (2020). Hight Score : L’âge d’or du gaming S1 : E1 “Explosion en plein vol” [documentaire]. https://www.netflix.com

Flow. (2020). Dans EduTechWiki. https://edutechwiki.unige.ch/fr/Flow

Heutte, J. (2011). La part du collectif dans la motivation et son impact sur le bien-être comme médiateur de la réussite des étudiants  : Complémentarités et contributions entre l’autodétermination, l’auto-efficacité et l’autotélisme (Thèse de doctorat en Sciences de l’Éducation). Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Heutte, J. (2017). L’environnement optimal d’apprentissage: contribution de la recherche empirique sur les déterminants psychologiques de l’expérience positive subjective aux sciences de l’éducation et de la formation des adultes.

Nakamura, J., & Csikszentmihalyi, M. (2014). The concept of flow. In Flow and the foundations of positive psychology (pp. 239-263). Springer, Dordrecht