Objet biface
Fiche réalisée par Elias El Hamdaoui, Guillaume Ismaïli et Arthur Deschamps (Volée Aegir) dans le cadre du cours conduite de la recherche 2021-2022.
Origine
L’objet biface (OB) semble prendre racine en sociologie, dans le courant théorique interactionniste traitant des interactions sociales et des phénomènes collectifs mais s’inscrivant probablement aussi dans la théorie de l’acteur-réseau.
L’OB est par ailleurs très proche des notions “d’objet intermédiaire”(Vinck, 2009) ou encore “d’objet frontière” (Ansaldi & al., 2019) né lui-même “dans un contexte d’étude ethnographique des mécanismes de coordination du travail scientifique”, il aborde les thèmes des négociations interactionnelles et des négociations conversationnelles menant à la création et la co-construction de cet objet frontière défini comme un "dispositif permettant d’amorcer un travail commun entre plusieurs mondes et assurant une flexibilité suffisante pour que chaque acteur puisse trouver un intérêt à son étude ou à son usage”.
Définition
Comme nous l’avons vu, les OB découlent des objets frontières. En 2009, Trompette & Vinck (p.8) définissent les objets frontières comme étant des “objets, abstraits ou concrets, dont la structure est suffisamment commune à plusieurs mondes sociaux pour qu’elle assure un minimum d’identité au niveau de l’intersection tout en étant suffisamment souple pour s’adapter aux besoins et contraintes spécifiques de chacun de ces mondes.” Ils ajoutent ensuite que “ces objets-frontière sont supposés maximiser à la fois l’autonomie de ces mondes sociaux et la communication entre eux”.
D’autre part, selon Marlot (2019) “on parle d’objet-frontière quand des éléments structurels sont partiellement communs à plusieurs mondes sociaux (Ibid, p.67) : «Ces éléments structurels rendent alors possible l’équivalence entre des mondes hétérogènes»”.
Selon les définitions données de l’OB, il s’agit plus spécifiquement “d’un objet langagier, hybride et de nature symbolique qui comporte une face qui fait écho, pour le chercheur, à un concept théorique et une autre face qui fait écho, pour le praticien, à une situation de classe qui relève d’un exemple emblématique (Morales, Sensevy Forest, 2017).” selon Marlot (2020).
Le recours aux OB semble se fonder au départ selon Marlot (2019) "sur un dualisme entre l’abstrait (le concept de référent empirique) et le concret (la pratique du bac des récoltes), vise en réalité, et au fur et à mesure que le milieu va s’enrichir de nouveaux OB, une forme de dialectique entre théorie et pratique (2 dimensions vécues souvent par les acteurs comme antagonistes).”
“Cette notion d’objet biface est un concept opératoire à l’usage des chercheurs qui contribue, [...], à l’émergence d’un espace interprétatif partagé” Marlot (2019).
Ainsi l’OB amène les parties prenantes dans le cadre d’une recherche vers un même consensus et en ce sens, selon Marlot (2020) il “rend possible l’équivalence entre 2 mondes hétérogènes» qui nous fait rapprocher ces OB de la catégorie des objets-frontières.
Perspectives et questionnements
Marlot et al. (2019), dans leur travail et leur réflexion voient les objets bifaces avec les enseignants comme pouvant devenir un “levier dans la construction du collectif de pensée”. En effet, leur étude a démontré que les différents termes d’un objet biface sont “co-construits par le collectif et largement partagés et explicités”.
De plus, nous pouvons également nous demander si l’objet biface doit émerger seul des interactions entre les différents acteurs (chercheurs, enseignants, etc.) ou bien si l’un des organisateurs, animateurs (ingénieurs technopédagogique, technopédagogues, etc.) qui l’aurait identifié dans les échanges, peut le relever et le proposer au groupe qui interagit et “co-problématise” ? Est-ce que cela aurait une influence sur le travail (et les interactions) du groupe et la suite du projet ?
Enfin, la création et l’utilisation d’un objet biface est-elle propre au milieu de la recherche dans le domaine éducatif ou bien s'il peut être transposé et utilisé tout aussi systématiquement dans d’autres contextes professionnels ou domaine d’applications ?
Références
Marlot, C., & Roy, P. (2020). La Communauté Discursive de Pratiques: un dispositif de conception coopérative de ressources didactiques orienté par la recherche. Conférence des directeurs des HEP et autres institutions assimilées de Suisse romande et du Tessin (CDHEP).
Marlot, C., Toullec-Théry, M., & Daguzon, M. (2017). Processus de co-construction et rôle de l’objet biface en recherche collaborative. Phronesis, 6(1), 21-34.
Monod-Ansaldi, R., Vincent, C., & Aldon, G. (2019). Objets frontières et brokering dans les négociations en recherche orientée par la conception. Education didactique, 13(2), 61-84.
Morales, G., Sensevy, G., & Forest, D. (2017) About cooperative engineering: theory and emblematic examples, Educational Action Research, 25(1), 128-139.
Trompette, P., & Vinck, D. (2009). Retour sur la notion d'objet-frontière. Revue d'anthropologie des connaissances, 3(1), 5-27.
Vinck, D. (2009). De l'objet intermédiaire à l'objet-frontière. Revue d'anthropologie des connaissances, 3(1), 51-72.
Wikipedia. [1]. Page consultée le 24 octobre 2021.