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Apprendre à distance devient une réalité pour de plus en plus d'êtres humains, en particulier au niveau académique et en formation continue. Les formats à distance facilitent l'accès à des formations autrefois limitées en temps et géographiquement. Cette démocratisation du savoir s'accompagne tout autant de libérations de contraintes que de nouvelles difficultés à adresser. Cet article se concentre sur le vécu des apprenants, en décrit les principaux défis et s'articule avec la page [[Vécu enseignant de la distance]] pour proposer des pistes d'optimisation. | Apprendre à distance devient une réalité pour de plus en plus d'êtres humains, en particulier au niveau académique et en formation continue. Les formats à distance facilitent l'accès à des formations autrefois limitées en temps et géographiquement. Cette démocratisation du savoir s'accompagne tout autant de libérations de contraintes que de nouvelles difficultés à adresser. Cet article se concentre sur le vécu des apprenants, en décrit les principaux défis et s'articule avec la page [[Vécu enseignant de la distance]] pour proposer des pistes d'optimisation. | ||
Suite à l'urgence du passage à distance au printemps 2020 dû aux confinements massifs qui ont eu lieu au niveau international, des apprenants de tous horizons se sont retrouvés confrontés abruptement à la distance. Leur vécu devrait faire l'objet d'une analyse isolée de l'expérience d'apprentissage à distance, car non représentative des développements des décennies passées sur les formations en ligne. Cependant, il semble plausible qu'il y aura un avant et un après covid, avec une adaptation, bien que soudaine, souvent forcée et possiblement brutale, des individus à la formation à distance. Les conclusions à tirer de cette expérience sont encore fraiches et les propositions ci-dessous évolueront très certainement grandement dans les années à venir. | |||
== Défis principaux de la distance == | == Défis principaux de la distance == |
Version du 12 février 2021 à 10:23
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Introduction
Apprendre à distance devient une réalité pour de plus en plus d'êtres humains, en particulier au niveau académique et en formation continue. Les formats à distance facilitent l'accès à des formations autrefois limitées en temps et géographiquement. Cette démocratisation du savoir s'accompagne tout autant de libérations de contraintes que de nouvelles difficultés à adresser. Cet article se concentre sur le vécu des apprenants, en décrit les principaux défis et s'articule avec la page Vécu enseignant de la distance pour proposer des pistes d'optimisation.
Suite à l'urgence du passage à distance au printemps 2020 dû aux confinements massifs qui ont eu lieu au niveau international, des apprenants de tous horizons se sont retrouvés confrontés abruptement à la distance. Leur vécu devrait faire l'objet d'une analyse isolée de l'expérience d'apprentissage à distance, car non représentative des développements des décennies passées sur les formations en ligne. Cependant, il semble plausible qu'il y aura un avant et un après covid, avec une adaptation, bien que soudaine, souvent forcée et possiblement brutale, des individus à la formation à distance. Les conclusions à tirer de cette expérience sont encore fraiches et les propositions ci-dessous évolueront très certainement grandement dans les années à venir.
Défis principaux de la distance
L'apprentissage est un acte complexe qui a lieu naturellement à un niveau cognitif, mais également affectif et social. La distance influence toutes ces dimensions, pas forcément négativement, et comprendre ce qui se joue à chaque niveau peut permettre autant à l'étudiant.e qu'à l'enseignant.e de réviser leurs méthodes et fonctionnements pour les adapter à la distance.
Charge cognitive
La théorie de la charge cognitive de Sweller dit en substance qu'un humain possède des ressources attentionnelles limitées et qu'une fois la mémoire de travail à sa capacité de traitement maximale, l'humain arrive à saturation et ne parvient pas à gérer de nouvelles informations. Cet aspect est autant à prendre en considération en présence qu'à distance, mais la distance ajoute la composante de gestion technique d'applications ou logiciels qui peut venir diminuer les ressources à disposition. En effet, pour un nombre non négligeable d'apprenant.e.s, utiliser un outil de visioconférence, tout en prenant des notes sur une page de traitement de texte et en échangeant sur un chat, sont des pratiques nouvelles ou peu communes et très gourmandes en ressources cognitives.
Emotions
Les émotions ont la cote dans les recherches sur l'apprentissage. Après avoir été ignorées, considérées comme non pertinentes par rapport à des processus cognitifs très étudiés, les études dans le champ des émotions et de l'apprentissage montrent qu'au contraire, elles sont essentielles à détecter et réguler pour soutenir l'acte d'apprendre. Comment la distance influence-t-elle le vécu émotionnel ? Naturellement, la réponse émotionnelle est très variable d'un individu à l'autre, en plus d'être brève et dynamique. Les émotions à favoriser, en présence ou à distance, sont l'intérêt, le plaisir et dans une certaine mesure la confusion, dans une version productive qui pousse l'étudiant.e à traiter de manière plus profonde l'information et à résoudre le déséquilibre créé dans la phase de confusion. Les émotions à éviter sont l'ennui et la frustration (D'Mello & Graesser, 2010). L'absence de contact physique, d'indices non-verbaux, de la possibilité de lire l'atmosphère dans une classe, l'état des autres étudiants sont autant de risques de mener à l'ennui ou à l'anxiété.
Motivation
La motivation est l'un des prédicteurs majeurs des performances d'apprentissage. Selon les modèles actuels, par exemple le modèle intégratif de Fenouillet, elle dépend de nombreux facteurs, dont la distance peut modifier l'influence. Le nombre important d'abandon lors de formations à distance - on compte des taux d'abandon de plus de 90% dans les MOOC (Science, 2019) - demande d'apporter une vigilance accrue pour identifier les facteurs et soutenir l'envie de continuer à apprendre malgré les difficultés. Des stratégies de maintien de la motivation sont décrites dans la section sur l'autorégulation.
Sentiment d'isolement
Les cours en présence permettent de répondre au besoin d'appartenance des apprenants : échanges informels lors des pauses, lectures des indices verbaux et para-verbaux pour se situer dans le groupe, sentiment de traverser les mêmes difficultés et d'avoir l'espace pour en parler ou au contraire de réussir ensemble et de bénéficier de pairs pour partager et faire évoluer sa connaissance. La distance met à mal cette communication facilitée par la présence physique. Il existe toutefois de nombreux outils de communication synchrone qui sont passés dans l'usage commun, tels que Slack, Discord ou Whatsapp. De plus en plus de personnes prennent l'habitude de communiquer à distance et cet aspect de transformation sociétale facilite le passage à une formation à distance. En effet, l'élément crucial est de favoriser l'adhésion au groupe par la gestion de la dimension collaborative et adapter les théories sur les groupes dans un format à distance. Les activités collaboratives, scénariser les moments de présence, avec présence de l'enseignant.e ou entre pairs font partie des éléments à utiliser massivement pour maintenir le sentiment de lien dans le groupe.
Sentiment de liberté
La distance offre en liberté ce qu'elle ôte en sécurisation : la possibilité d'adapter son temps d'études à d'autres contraintes quotidiennes, d'avoir accès aux ressources sur des supports mobiles et flexibles (ordinateurs, tablettes, smartphones) et en tout temps, d'avoir un contrôle sur le rythme d'apprentissage (passer plus vite sur des notions connues et se concentrer sur les nouveautés). Malgré un sentiment de perte de lien, cette liberté est souvent relevée comme très positive par les étudiant.e.s qui n'ont plus à se déplacer pendant les heures de pointes et gagnent en temps de travail ce qu'ils et elles perdent en temps de trajet. Cela ouvre aussi la possibilité à des personnes de suivre des cours alors qu'elles ne pourraient pas y assister en format présentiel, par exemple par contrainte d'horaires ou de déplacement. Enfin, en restant à domicile, cela laisse également la possibilité de garder un lien avec ses proches durant la journée, impossible avec la présence.
Stratégies
La formation à distance semble récente, alors qu'elle date des premiers cours par correspondance (DATE + CITER). L'utilisation du numérique a certes fait évoluer les pratiques, mais bien des stratégies restent semblables. Parmi les nombreux auteur.e.s et chercheure.e.s qui ont proposé des stratégies pour optimiser l'apprentissage à distance, nous présentons une synthèse dans les deux sections suivantes.
Du point de vue étudiant
Cadre de référence
Les premières recherches sur les stratégies d'apprentissage ont été confrontées à un flou dans la définition de ce qu'est une stratégie. Béguin (2008) a élaboré un cadre de référence pour simplifier leur utilisation. Il les classe en stratégies cognitives et stratégies métacognitives. Les stratégies métacognitives comprennent deux éléments : l'anticipation et la capacité d'autorégulation, décrite en détail par Cosnefroy plus bas. Les stratégies cognitives sont catégorisées en stratégies de traitement et d'exécution.
Autorégulation
Comme Béguin plus haut, Cosnefroy (2009) s'est basé sur la métacognition pour analyser les stratégies efficaces chez l'apprenant.e. Il décrit les conditions et caractéristiques nécessaires à une autorégulation réussie, comme :
- une motivation initiale
- un but précis
- un répertoire de stratégies à disposition
- un regard critique objectif sur son propre fonctionnement
L'aspect majeur de son travail réside dans la mise en lumière de la dynamique conflictuelle inhérente à l'autorégulation : s'engager sans réserve dans l'apprentissage et protéger la volonté d'apprendre en parallèle de mécanismes de défense de l'estime de soi et de résistance à activités concurrentes.
Le tableau ci-dessous énumère les propositions de Cosnefroy par caractéristique d'autorégulation.
Taxonomie des stratégies volitionnelles | |
---|---|
Contrôles des états internes | |
Activation d'un but d'approche | rendre saillantes les raisons de poursuivre l'effort |
Activation d'un but d'évitement | rendre saillantes les conséquences négatives d'un échec |
Soutien du sentiment d'efficacité personnelle | auto-encouragement, activation de souvenirs de réussite, etc. |
Contrôle de l'émotion | évacuation de la tension corporelle, recherche de soutien auprès d'autrui, etc. |
Contrôle du contexte d'apprentissage | |
Structuration de l'environnement | aménager le lieu de travail pour empêcher les distractions ou créer un climat motivationnel favorable |
Accroissement des ressources disponibles | rendre la tâche plus maniable en obtenant des informations supplémentaires ou en renégociant la tâche prescrite |
Structuration du temps | anticipation et programmation des actions à mettre en oeuvre |
Objets tangibles
Des outils concrets ont été développés par Molinari & Schneider (2018) dans une recherche sur les designs tangibles pour soutenir la volition à distance. Utiliser la motivation extrinsèque pour se récompenser des efforts fournis est une stratégie efficace pour maintenir l'engagement dans la formation.
Du point de vue enseignant
Toutes les considérations précédentes peuvent être prises en compte par les équipes enseignantes dans le design de leurs cours en ligne. Elles sont également liées à leur propre vécu et gagnent à être pensées ensemble pour fournir une expérience d'apprentissage optimale pour les étudiant.e.s autant que pour les enseignant.e.s.
Liens
- The MOOC Pivot, Science, 2019
Références
- Bégin, C. (2008). Les stratégies d’apprentissage : un cadre de référence simplifié. Revue des sciences de l’éducation, 34(1), (pp. 47–67). doi:10.7202/018989ar
- Boekaerts, M. (2010). Motivation et émotion : deux piliers de l’apprentissage en classe. Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique (pp. 97-119). OECD
- Cosnefroy, L. (2009). Les théories reposant sur le concept de but. Traité de psychologie de la motivation (pp. 89-105). Paris : Dunod
- Sweller, J. (1988). "Cognitive load during problem solving: Effects on learning". Cognitive Science 12 (2): 257–285. doi:10.1016/0364-0213(88)90023-7.