« Communauté virtuelle » : différence entre les versions
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Wellmann (1996) démontre comment les gens, plutôt que de rencontrer leurs voisins dans des espaces publics comme à un café, utilisent le téléphone ou l'e-mail pour communiquer avec leurs proches. Ces technologies permettent ainsi de rester en contact avec ses amis sans que la proximité géographique soit nécessaire. Cette analyse de la perte de sens de l’espace public comme espace communautaire est aussi partagé par Oldenburg (1991). Selon lui, cet espace est nécessaire à la santé des communautés, son absence implique une dégradation de la qualité des liens unissant les membres d’une communauté. <br> | Wellmann (1996) démontre comment les gens, plutôt que de rencontrer leurs voisins dans des espaces publics comme à un café, utilisent le téléphone ou l'e-mail pour communiquer avec leurs proches. Ces technologies permettent ainsi de rester en contact avec ses amis sans que la proximité géographique soit nécessaire. Cette analyse de la perte de sens de l’espace public comme espace communautaire est aussi partagé par Oldenburg (1991). Selon lui, cet espace est nécessaire à la santé des communautés, son absence implique une dégradation de la qualité des liens unissant les membres d’une communauté. <br> | ||
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En effet, la dynamique des interactions avec les médias électroniques est différente de celle des interactions présentielles. Ces nouvelles technologies appauvrissent les communications dans les aspects non-verbaux et/ou contextuels. Toutefois, les médias développent des codes de communication qui permettent de compenser partiellement cette perte, comme l'utilisation d'un ''profil utilisateur'' comme identifiant et celle d'un mot de passe qui favorisent une interaction partiellement privée. L’espace virtuel devient par conséquent le lieu de l’interaction.<br> | En effet, la dynamique des interactions avec les médias électroniques est différente de celle des interactions présentielles. Ces nouvelles technologies appauvrissent les communications dans les aspects non-verbaux et/ou contextuels. Toutefois, les médias développent des codes de communication qui permettent de compenser partiellement cette perte, comme l'utilisation d'un ''profil utilisateur'' comme identifiant et celle d'un mot de passe qui favorisent une interaction partiellement privée. L’espace virtuel devient par conséquent le lieu de l’interaction favorisant l[[Interactions informelles et distance entre les étudiants|es interactions informelles à distances]]. <br> | ||
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Ce terme de « communauté » a pris de l’importance, particulièrement en Sciences de l’Education, pour l'intérêt porté aux communautés en tant que lieux, cadres de vie ou cadres de travail favorisant l’apprentissage. Pour Dillenbourg, Poirier et Carles (2003) :<br> | Ce terme de « communauté » a pris de l’importance, particulièrement en Sciences de l’Education, pour l'intérêt porté aux communautés en tant que lieux, cadres de vie ou cadres de travail favorisant l’apprentissage. Pour Dillenbourg, Poirier et Carles (2003) :<br> | ||
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{{citation encadrée|Une « communauté » est un type de groupement d’individus qui partage des caractéristiques aussi bien avec les groupements formels en ce que les membres ont un but commun, qu’avec un groupe de copains qui se rencontre pour le plaisir de leurs compagnies mutuelles. (p. 3)<br>}} | |||
Ces chercheurs font la remarque que le fait de renommer « communauté » un simple groupe d’apprenants ne garantit en rien qu’une dynamique socio-cognitive soit établie au sein du groupe. À l’instar, un groupe d’étudiants qui interagit par courriel ne constitue pas automatiquement une communauté au sens fort du terme. Or, aucun media n’a pour effet intrinsèque de transformer automatiquement un groupe d’utilisateurs en une « communauté ».<br> | Ces chercheurs font la remarque que le fait de renommer « communauté » un simple groupe d’apprenants ne garantit en rien qu’une dynamique socio-cognitive soit établie au sein du groupe. À l’instar, un groupe d’étudiants qui interagit par courriel ne constitue pas automatiquement une communauté au sens fort du terme. Or, aucun media n’a pour effet intrinsèque de transformer automatiquement un groupe d’utilisateurs en une « communauté ».<br> | ||
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*Bélisle, R.(2001). Pratiques ethnographiques dans des sociétés lettrées: l’entrée sur le terrain et la recherché impliquée en milieux communautaires. ''Recherches qualitatives,'' Vol. 22, 55-71. | *Bélisle, R.(2001). Pratiques ethnographiques dans des sociétés lettrées: l’entrée sur le terrain et la recherché impliquée en milieux communautaires. ''Recherches qualitatives,'' Vol. 22, 55-71. | ||
*Dillenbourg, P., Poirier, C. & Carles, L. (2003). [http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/staf11/textes/Dillenbourg03.pdf Communautés virtuelles d’apprentissage : e-jargon ou nouveau paradigme ? In A. Taurisson et A. Sentini. Pédagogiques.Net. Montréal, Presses.] | *Dillenbourg, P., Poirier, C. & Carles, L. (2003). [http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/staf11/textes/Dillenbourg03.pdf Communautés virtuelles d’apprentissage : e-jargon ou nouveau paradigme ? In A. Taurisson et A. Sentini. Pédagogiques.Net. Montréal, Presses.] | ||
*Jones, Q. (1997) Virtual-communities, virtual settlements et cyber-archaeology: A theoretical outline. Journal of Computer-Mediated Communication. 3(3). Disponible en ligne :[http://www.ascusc.org/jmcc/vol3/issue3/jones.html On line ] | *Jones, Q. (1997) Virtual-communities, virtual settlements et cyber-archaeology: A theoretical outline. Journal of Computer-Mediated Communication. 3(3). Disponible en ligne :[http://www.ascusc.org/jmcc/vol3/issue3/jones.html On line] | ||
*Lave, J., et Wenger, E. (1991). ''Situated learning: legitimate peripheral participation.'' Cambridge: Cambridge University Press. | *Lave, J., et Wenger, E. (1991). ''Situated learning: legitimate peripheral participation.'' Cambridge: Cambridge University Press. | ||
*Oldenburg, R. (1991). The Great Good Place, New York, Paragon House. | *Oldenburg, R. (1991). The Great Good Place, New York, Paragon House. | ||
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*Wellman B., 1996, Computer Networks as Social Networks: Collaborative Work, Telework, and Virtual Community, Annual Review of Sociology, p. 213-238. | *Wellman B., 1996, Computer Networks as Social Networks: Collaborative Work, Telework, and Virtual Community, Annual Review of Sociology, p. 213-238. | ||
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Dernière version du 13 mars 2021 à 21:40
Qu’est-ce qu’une communauté, virtuelle ou non ?
- Le débat entourant le concept de « communauté » et son mode d’organisation se complexifie avec l’apport des technologies de la communication et de l’information.
Wellmann (1996) démontre comment les gens, plutôt que de rencontrer leurs voisins dans des espaces publics comme à un café, utilisent le téléphone ou l'e-mail pour communiquer avec leurs proches. Ces technologies permettent ainsi de rester en contact avec ses amis sans que la proximité géographique soit nécessaire. Cette analyse de la perte de sens de l’espace public comme espace communautaire est aussi partagé par Oldenburg (1991). Selon lui, cet espace est nécessaire à la santé des communautés, son absence implique une dégradation de la qualité des liens unissant les membres d’une communauté.
En effet, la dynamique des interactions avec les médias électroniques est différente de celle des interactions présentielles. Ces nouvelles technologies appauvrissent les communications dans les aspects non-verbaux et/ou contextuels. Toutefois, les médias développent des codes de communication qui permettent de compenser partiellement cette perte, comme l'utilisation d'un profil utilisateur comme identifiant et celle d'un mot de passe qui favorisent une interaction partiellement privée. L’espace virtuel devient par conséquent le lieu de l’interaction favorisant les interactions informelles à distances.
Ce terme de « communauté » a pris de l’importance, particulièrement en Sciences de l’Education, pour l'intérêt porté aux communautés en tant que lieux, cadres de vie ou cadres de travail favorisant l’apprentissage. Pour Dillenbourg, Poirier et Carles (2003) :
Ces chercheurs font la remarque que le fait de renommer « communauté » un simple groupe d’apprenants ne garantit en rien qu’une dynamique socio-cognitive soit établie au sein du groupe. À l’instar, un groupe d’étudiants qui interagit par courriel ne constitue pas automatiquement une communauté au sens fort du terme. Or, aucun media n’a pour effet intrinsèque de transformer automatiquement un groupe d’utilisateurs en une « communauté ».
- Le caractère éminemment paradoxal du terme « virtuel » a été glosé par de nombreux auteurs, notamment par Quéau dont on peut citer cette définition :
Dillengbourg & al., (2003) sont de l’avis que cet adjectif « virtuel » est souvent maladroitement adjoint au terme communauté. En fait, cet adjectif se réfère plutôt à un « mode de communication » de la communauté. Ces chercheurs confirment que les communautés virtuelles sont bien réelles. Il s’agit alors d’un contexte dans lequel se déroulent des interactions, émotionnellement chargées, entre des personnes humaines qui adaptent leurs modes d’interaction à ce contexte. Or, le terme « virtuel » indique simplement qu’une partie importante des communications reposent sur des outils de communication électronique.
- Le terme de « communauté virtuelle » est apparu pour la première fois dans l’ouvrage de Howard Rheingold en 1995.
Pour Lazar et Preece (2002) une communauté virtuelle (online community) est :
Les communautés virtuelles apparaissent alors comme des réseaux de relations humaines qui transcendent les configurations de l’espace. Ces réseaux sont multiples et mouvants, chacun avec ses objectifs, ses raisons et ses propres acteurs. Il peut donc s’agir de groupe(s) de copains, d'apprenants, des associations mobilisées autour d'une action particulière (défense des droits humanitaires, protection d'animaux, sauvegarde du patrimoine), comme de professionnels. Les objectifs ou intérêts communs vont motiver les membres à s’engager davantage ce qui va permettre à la communauté de se développer et de perdurer.
Caractéristiques des communautés virtuelles
Preece et Maloney-Krishmar (2003) proposent cinq caractéristiques inspirées de Whittaker, Isaacs et O’Day (1997) :
- les membres ont un but, un intérêt, une activité ou un besoin commun qui constitue la raison principale de leur appartenance à la communauté ;
- les membres s’engagent dans une participation répétée, active et il y a souvent des interactions intenses, des liens émotionnels forts et des activités communes entre les participants ;
- les membres ont accès à des ressources partagées et des règles déterminent les modalités d’accès à ces ressources ;
- la réciprocité des informations, des soutiens et des services entre les participants est importante ;
- il y a un contexte de conventions sociales, d’utilisation du langage et de façons de se comporter.
Preece et Maloney-Krishmar (2003) soulignent également que les caractéristiques essentielles d’une communauté sont :
- la force du lien social qui unit ses membres et qui s’observe au travers du temps que passent les participants à interagir, l’intensité émotionnelle avec laquelle ils parlent de « leur » communauté et le degré de réciprocité des échanges. Ce dernier élément est très proche de la notion de "don" mise en évidence en ethnographie par Mauss (1973, cité par Bélisle en 2001) : « au sein d’une communauté, d’un groupe social restreint, les membres sont liés par des relations complexes de don/contre-don qui se traduisent par des rapports où tour à tour on donne, reçoit et rend ».
- la communication par les réseaux informatiques, le nombre de correspondants avec lesquels une personne peut entrer en contact est prodigieusement décuplé. Quand l’objet de la communauté virtuelle est bien clair et que le thème de la discussion est précis pour toutes les parties, se créer de nouveaux contacts est très facile et surtout beaucoup plus rapide. Ces chercheurs citent des travaux de sociologie qui montrent que les réseaux sociaux « virtuels » ou « à distance » d’une personne peuvent être beaucoup plus étendus que ses réseaux sociaux « présentiels ».
Aux caractéristiques mentionnées ci-dessus, il nous semble intéressant d’ajouter celles établies par Dillenbourg & al. (2003) :
- Comme les communautés émergent de façon spontanée et informelle, elles se créent lentement.
- Les membres y adhèrent de manière volontaire, les affinités personnelles y jouent un rôle important et l’intensité émotionnelle est assez élevée.
- Sur le plan technologique, une communauté virtuelle intègre une gamme d’outils qui n’est pas limitée techniquement : de multiples outils de communication synchrone et asynchrone (e-mails, forums, chats, audio et vidéo, wikis, « whiteboards », « workflows », …). Cette intégration technique permet toutefois un débat plus intelligent, moins sectaire, dans la mesure où les choix ne sont plus mutuellement exclusifs. Ces moyens de communication permettent aux membres d’une communauté d’échanger des « objets » (documents, messages…) qui peuvent être réutilisés par la suite, même dans un autre contexte, en co-élaborant des documents pour, par exemple, définir l’objet de la communauté ou ses règles de fonctionnement et lui donner dès lors une identité propre.
Les communautés virtuelles ont donc des caractéristiques de fonctionnement qui leur sont propres, liées à leur « caractère distribué », c’est-à-dire au fait que leurs membres ne sont jamais (ou presque) en contact physique et qu’ils utilisent les technologies des réseaux informatiques pour communiquer.
Diverses formes de communautés virtuelles
Avec le développement d’Internet, les communautés en ligne s’affranchissent des structures organisationnelles et des frontières disciplinaires des communautés scientifiques. Simultanément, l’apparition et la popularisation des outils de communication synchrones et asynchrones conduit à considérer le moyen de communication utilisé comme le principal descripteur d’une communauté virtuelle. Ainsi, les échanges évoluent désormais dans un environnement virtuel (Jones, 1997). Toutefois, il demeure que la caractéristique essentielle d’une communauté est la force du lien social qui unit ses membres qui ont un centre d’intérêt partagé.
Nous proposons ici d’étudier différents types de communautés existantes en ciblant leur relation avec la socialisation et l’apprentissage. Pour l’étude de l’activité des communautés, il faut tenir compte de la théorie de l’Apprentissage situé qui est pertinente puisqu’elle adhère au principe qui veut que la cognition et l’apprentissage soient de manière intégrale et inséparable situés dans le quotidien.
Références
- Bélisle, R.(2001). Pratiques ethnographiques dans des sociétés lettrées: l’entrée sur le terrain et la recherché impliquée en milieux communautaires. Recherches qualitatives, Vol. 22, 55-71.
- Dillenbourg, P., Poirier, C. & Carles, L. (2003). Communautés virtuelles d’apprentissage : e-jargon ou nouveau paradigme ? In A. Taurisson et A. Sentini. Pédagogiques.Net. Montréal, Presses.
- Jones, Q. (1997) Virtual-communities, virtual settlements et cyber-archaeology: A theoretical outline. Journal of Computer-Mediated Communication. 3(3). Disponible en ligne :On line
- Lave, J., et Wenger, E. (1991). Situated learning: legitimate peripheral participation. Cambridge: Cambridge University Press.
- Oldenburg, R. (1991). The Great Good Place, New York, Paragon House.
- Preece, J et Maloney-Krichmar, D. (2003). Online communities: focusing on sociability and usability. In J. Jacko et A. Sears (Eds.). Handbook of Human-Computer Interaction. Mahwah, NJ : Lawrence Erlbaum Associates, p. 596-620.
- Rheingold, H., (1995). Les communautés virtuelles (L. Lumbroso trad.). Paris : Éditions Addison-Wesley France.
- Wellman B., 1996, Computer Networks as Social Networks: Collaborative Work, Telework, and Virtual Community, Annual Review of Sociology, p. 213-238.