« Design de recherche orientés formulation de théorie » : différence entre les versions
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* Méthode: les méthodes indiquent les procédures de collecte, d’analyse et d’interprétation des données; ce sont des sortes d’ensembles globaux de recettes. | * Méthode: les méthodes indiquent les procédures de collecte, d’analyse et d’interprétation des données; ce sont des sortes d’ensembles globaux de recettes. | ||
* Théorie: du grec ''theorein'' «contempler, observer, examiner». Une théorie est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits prouvés par l'observation, par l'expérience ou même de façon axiomatique. Une théorie doit permettre d’effectuer des prédictions. Une théorie doit résister à l'expérience et être compatible avec les nouveaux faits qui peuvent s'ajouter au cours du temps. Si ce n'est pas le cas, la théorie doit être corrigée ou invalidée. Enfin, c'est dans la durée que se juge la force d'une théorie. Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie. Selon l’approche, la théorie est utilisée différemment. Typiquement, une approche orientée formulation de théorie vise à explorer, décrire, comprendre des mécanismes sociaux pour proposer des théories (au sens plus ou moins fort du terme). | * Théorie: du grec ''theorein'' «contempler, observer, examiner». Une théorie est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits prouvés par l'observation, par l'expérience ou même de façon axiomatique. Une théorie doit permettre d’effectuer des prédictions. Une théorie doit résister à l'expérience et être compatible avec les nouveaux faits qui peuvent s'ajouter au cours du temps. Si ce n'est pas le cas, la théorie doit être corrigée ou invalidée. Enfin, c'est dans la durée que se juge la force d'une théorie. Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie. Selon l’approche, la théorie est utilisée différemment. Typiquement, une approche orientée formulation de théorie vise à explorer, décrire, comprendre des mécanismes sociaux pour proposer des théories (au sens plus ou moins fort du terme). | ||
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== Introduction à la recherche qualitative == | == Introduction à la recherche qualitative == | ||
Selon le [ | Selon le [https://ethics.gc.ca/fra/home.html/ Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche] (Canada) | ||
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«La recherche qualitative vise à comprendre les visions du monde des personnes et la façon dont elles se comportent et agissent. Cette perspective oblige les chercheurs à comprendre les phénomènes à partir de discours, d’actions et de documents; elle les amène à s’interroger sur la façon dont les individus interprètent et donnent sens à leurs paroles et à leurs actes, ainsi qu’à d’autres aspects du monde avec lesquels ils sont en relation (y compris les autres personnes). | «La recherche qualitative vise à comprendre les visions du monde des personnes et la façon dont elles se comportent et agissent. Cette perspective oblige les chercheurs à comprendre les phénomènes à partir de discours, d’actions et de documents; elle les amène à s’interroger sur la façon dont les individus interprètent et donnent sens à leurs paroles et à leurs actes, ainsi qu’à d’autres aspects du monde avec lesquels ils sont en relation (y compris les autres personnes). | ||
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== Appropriation de la thématique par des doctorant.e.s == | == Appropriation de la thématique par des doctorant.e.s == | ||
Dans le cadre du Module 2 du projet RESET-Francophone et de leur familiarisation avec la recherche qualitative, les doctorant.e.s ont été | Dans le cadre du Module 2 du projet [https://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/reset/ RESET-Francophone] et de leur familiarisation avec la recherche qualitative, les doctorant.e.s ont été invité.e.s à choisir quelques points importants à leurs yeux et à réaliser un résumé. Ci-après sont reproduits 4 résumés réalisés par des pairs dans ce cadre-là. | ||
=== La recherche qualitative : fondements théoriques et procédures === | |||
'''Résumé réalisé par Souhad Shlaka et Yassine ElHajoubi''' | |||
Une recherche doit se faire selon un processus s’articulant autour de sept dimensions qui permettent de guider et d’orienter le chercheur dans sa démarche de recherche (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Il s’agit plus précisément de trouver des éléments de réponse aux questions suivantes : Pourquoi faire une recherche ? Quoi faire dans une recherche ? Comment faire une recherche ? Quels sont les résultats ? (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Ces interrogations constituent les points de repère que le chercheur doit garder présents à l’esprit pour planifier sa recherche. | |||
La méthodologie adoptée par le chercheur a forcément un impact sur le déroulement de la recherche. Ainsi, dans le domaine de la recherche scientifique on distingue généralement entre deux designs de recherche : la recherche inscrite au sein de l’approche qualitative qui consiste à la formulation des théories et la recherche inscrite au sein de l’approche quantitative qui consiste à vérifier une théorie (EduTech Wiki, 2019). | |||
De surcroît, les recherches s’inscrivant dans le paradigme qualitatif présupposent l’adoption d’une méthodologie spécifique au regard de quatre pôles : la dimension épistémologique, la dimension théorique, la dimension méthodologique et les méthodes (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). La recherche qualitative est caractérisée par une posture épistémologique compréhensive (ou paradigme interprétatif) s’appuyant sur les théories de l’action et visant à comprendre la dynamique de phénomènes sociaux complexes considérés comme autant de constructions sociales de la réalité (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). | |||
Par ailleurs Akkari (Akkari, 2019a) souligne que la démarche de la recherche qualitative nécessite une conduite de plusieurs itérations, i.e une sorte de dialogue entre le cadre théorique, la problématique et les données collectées sur le terrain. En outre une méthodologie est sensée tenir compte d’un ensemble de paramètres qui régissent le contexte de la recherche entres autres la faisabilité de la recherche sur le terrain, la familiarité du chercheur avec la méthode et les ressource budgétaires. En effet la recherche en éducation consiste à bien choisir les participants avec lesquels on envisage faire la recherche, à discuter la représentativité de l’échantillonnage, à communiquer les résultats à la communauté scientifique et à évaluer ses derniers par les paires pour améliorer la recherche (Akkari, 2019a). | |||
Cependant, plusieurs chercheures soulignent l’avantage de combiner les deux approches, soit l’approche mixte, afin de « mieux attaquer un problème de recherche » (Krathwohl, 1998) ouvrant ainsi la voie à une perspective plus pragmatique et ouverte de la recherche. | |||
=== Se familiariser avec la recherche qualitative === | === Se familiariser avec la recherche qualitative === | ||
'''Résumé réalisé par Gabriel Noble et Rihab Salhi''' | '''Résumé réalisé par Gabriel Noble et Rihab Salhi''' | ||
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Les auteur.e.s mentionnent toutefois une évolution récente dans la recherche en sciences sociales. Plutôt que de bien rester délimité, le choix d’une épistémologie devient plutôt quelque chose, que Karsenti & Savoie-Zajc, nomment de pragmatique ! Ainsi, « le chercheur recourt à diverses méthodes de travail, empruntées à l’une ou l’autre des méthodologies, afin d’effectuer la recherche la plus utile et la plus instructive possible » (Ibid : 144). Ils abordent ainsi l’émergence des méthodes mixtes au sein desquelles, le quantitatif et le qualitatif se complémentent pour donner lieu à une appréciation plus complète et nuancée d’une réalité observée à un temps donné. Toutefois, bien que pouvant être complémentaires, ces deux méthodes de recherches ne sont néanmoins pas construites et envisagées à partir de la même épistémologie. Autrement dit, une chercheuse, un chercheur ne peut pas être neutre et objectif (paradigme positiviste) tout en créant des liens étroits avec sa population d’étude afin de mieux saisir leurs expériences et leurs réalités. Par conséquent, ce type de recherche « n’épousera donc pas une épistémologie positiviste et interprétative. C’est plutôt une vision pragmatique qui se développe, c’est-à-dire centrée sur une perspective intégratrice. » (Ibid. : 147). | Les auteur.e.s mentionnent toutefois une évolution récente dans la recherche en sciences sociales. Plutôt que de bien rester délimité, le choix d’une épistémologie devient plutôt quelque chose, que Karsenti & Savoie-Zajc, nomment de pragmatique ! Ainsi, « le chercheur recourt à diverses méthodes de travail, empruntées à l’une ou l’autre des méthodologies, afin d’effectuer la recherche la plus utile et la plus instructive possible » (Ibid : 144). Ils abordent ainsi l’émergence des méthodes mixtes au sein desquelles, le quantitatif et le qualitatif se complémentent pour donner lieu à une appréciation plus complète et nuancée d’une réalité observée à un temps donné. Toutefois, bien que pouvant être complémentaires, ces deux méthodes de recherches ne sont néanmoins pas construites et envisagées à partir de la même épistémologie. Autrement dit, une chercheuse, un chercheur ne peut pas être neutre et objectif (paradigme positiviste) tout en créant des liens étroits avec sa population d’étude afin de mieux saisir leurs expériences et leurs réalités. Par conséquent, ce type de recherche « n’épousera donc pas une épistémologie positiviste et interprétative. C’est plutôt une vision pragmatique qui se développe, c’est-à-dire centrée sur une perspective intégratrice. » (Ibid. : 147). | ||
Citant Krathwohl (1998), ils rappellent que dans le domaine des méthodes mixtes l’élément le plus important – et parfois le plus limitant – est la créativité et l’imagination du chercheur. Chaque méthode possède son lot d’avantages, de forces et inversement de désavantages et de limites. L’objectif d’une recherche en méthode mixte est donc de réussir à combiner avec brio les avantages des différentes méthodes. Les méthodes quantitatives permettent en effet d’obtenir, et à moindre frais d’importantes données statistiques. Toutefois, la variation des résultats n’est que difficilement interprétable, si des entretiens qualitatifs ne sont pas menés en parallèle. Autrement dit, les méthodes qualitatives permettent de rendre plus « vivant » (Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 148), les données quantitatives. Un élément central des recherches, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, est celui de la triangulation des perspectives et donc des données. Cela permet d’obtenir une plus grande profondeur dans la compréhension d’un objet, tout en garantissant des résultats nuancés et complets. Naturellement le choix d’une méthode est intimement | Citant Krathwohl (1998), ils rappellent que dans le domaine des méthodes mixtes l’élément le plus important – et parfois le plus limitant – est la créativité et l’imagination du chercheur. Chaque méthode possède son lot d’avantages, de forces et inversement de désavantages et de limites. L’objectif d’une recherche en méthode mixte est donc de réussir à combiner avec brio les avantages des différentes méthodes. Les méthodes quantitatives permettent en effet d’obtenir, et à moindre frais d’importantes données statistiques. Toutefois, la variation des résultats n’est que difficilement interprétable, si des entretiens qualitatifs ne sont pas menés en parallèle. Autrement dit, les méthodes qualitatives permettent de rendre plus « vivant » (Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 148), les données quantitatives. Un élément central des recherches, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, est celui de la triangulation des perspectives et donc des données. Cela permet d’obtenir une plus grande profondeur dans la compréhension d’un objet, tout en garantissant des résultats nuancés et complets. Naturellement le choix d’une méthode est intimement lié à la manière dont le problème est défini et envisagé (Bacchi, 2009). D’où, pour finir, l’importance fondamentale pour toute recherche envisagée, d’une « stratégie méthodologique cohérente qui permette de résoudre le problème de recherche » amené (Ibid.). | ||
=== Méthodologie de la recherche : étapes, caractéristiques et prises de conscience du chercheur === | |||
'''Résumé réalisé par Soraya De Simone et Corinne Ramillon''' | |||
====== Les étapes d’une recherche ====== | |||
Le présent résumé expose différents apports théoriques relatifs à la question du travail de recherche. | |||
Quelques éléments notamment empruntés à Savoie-Zajc & Karsenti (2018) définissent quatre grandes questions incontournables | |||
de la recherche : « pourquoi faire, que faire, comment faire et pour quels résultats ». | |||
Ainsi, selon ces auteurs, dans le cadre d’un projet de recherche, le chercheur doit poser un certain nombre d’éléments avant de se | |||
lancer corps et âme dans son travail. | |||
Tout d’abord il doit planifier les questions à prendre en compte, des questions de fond et de forme, afin de définir de manière plus | |||
explicite les enjeux de ses investigations. Comme brièvement évoqué, Karsenti, T., & Savoie-Zajc, L. (2018) proposent quatre | |||
questions principales pour planifier et organiser le travail de recherche. La première question « Pourquoi faire une recherche » est | |||
en lien avec les raisons et les buts, ainsi que les intérêts de départ pour aller investiguer un domaine. Autrement dit, la nécessité | |||
de clarifier assez rapidement le sens de la recherche. A la suite de cela il s’agit de rédiger une problématique qui servira à définir | |||
et circonscrire les contours du problème. | |||
Cette étape peut être résumée par la deuxième questions « Que faire comme recherche, dans quels buts et dans quels domaines | |||
? », le chercheur doit ainsi rendre compte des connaissances actuelles sur une question donnée en réalisant une revue de littérature | |||
afin de clarifier les approches épistémologiques mobilisées. | |||
Une fois les contours plus ou moins définis par la problématisation et le cadrage théorique, la méthodologie de recherche se pose. | |||
En effet, il s’agit de réfléchir à l’échantillonnage et aux méthodes utilisés pour répondre à la problématique et aux questions posées. | |||
Karsenti, T., & Savoie-Zajc, L. (2018) définissent le terme de méthodologie par « la science du comment faire ». Ils détaillent cette | |||
troisième phase du « comment faire » par les éléments suivants : quels sujets ou échantillon (qui et combien), comment recueillir | |||
les données (entrevue - sondage - observation - analyse de docs existants) avec quels outils de collecte de données (schémas | |||
d’entrevue - fabrication de questionnaire - préparation à l’observation - tenue d’un journal de bord). Quelle planification de l’analyse | |||
des données ? (analyse inductive - analyse de contenu - analyse de discours - analyse thématique - analyse statistique), méthodes | |||
qualitative, quantitative ou mixte. | |||
Une fois le choix de la méthodologie effectuée le codage des données récoltées sera constitué d’aller et retour entre les grilles | |||
d’analyses théoriques et les éléments nouveaux émergeant des données. Pour terminer, la discussion des analyses et des résultats | |||
se réalise en regard de la question de recherche et des hypothèses et questions de recherche formulées lors de la deuxième phase. | |||
====== Choix du type de recherche ====== | |||
Savoie-Zajc & Karsenti (2018) lient méthodologie et dimension épistémologique plus étroitement à l’aide de différentes dimensions | |||
(vision de la réalité – nature du savoir produit – finalité de la recherche – place du chercheur) et de différents courants | |||
épistémologique (externe avec appréhension objective – construite avec multiples interactions et pluralité des points de vue – | |||
reflétant les rapports de force avec accent sur les jeux d’influence et de pouvoir). | |||
Ainsi, il existe différents types de recherche en sciences humaines. La recherche quantitative, la recherche qualitative ou une | |||
recherche qui allie quantitatif et qualitatif, qui privilégie une approche mixte. | |||
La première génère des hypothèses qui seront prouvée ou réfutée et démontrable par des moyens statistiques. L’organisation | |||
d’une recherche quantitative peut par exemple proposer un travail d’analyse entre un groupe contrôle et un groupe expérimental, | |||
dont les variables doivent être identifiées afin de préserver une certaine validité méthodologique. En général, cette méthode | |||
travaille sur des grandes quantités de récoltes de données. | |||
Dans la perspective qualitative, il s’agit de recueillir des données qui ne seront pas forcément « mesurables » de manière | |||
statistique. Les données récoltées sont analysées de manière interprétatives ou diagnostic en fonction des questions de recherches. | |||
Différentes méthodes sont utilisées dans ce cas comme la méthode « inter-juge » qui consiste à analyser un extrait d’interaction | |||
en fonction d’une grille, par plusieurs personnes se réfèrent à la même grille d’analyse. Le but d’une recherche qualitative est de fournir une description détaillée d’un thème de recherche. | |||
Ces deux méthodes de recherche sont différentes et ne répondent pas aux mêmes genres de questions. Dès lors il est devenu | |||
désuet de comparer ces deux types de méthodes du point de vue de leur validité. | |||
En sciences de l’éducation l’approche mixte consistant au jumelage de données qualitatives à des données quantitatives, permet d’enrichir les perspectives et d’éclairer sous un jour nouveau les résultats de recherche. | |||
Par exemple, les chiffres obtenus lors de statistiques effectuées peuvent venir enrichir et soutenir les résultats qualitatifs de l’étude, | |||
ce qui renforce une vision plus complète et plus nuancée du phénomène que l’on cherche à comprendre (Moss, 1996). Enfin, | |||
différentes catégories de recherches quantitative et/ou qualitative sont présentées et exposées uniquement sous forme de liste | |||
pour le présent exercice : recherche-action (nature cyclique : recherche - action - formation) - évaluative - étude de cas. | |||
====== Posture du chercheur ====== | |||
Savoie-Zajc & Karsenti (2018) relèvent également que du positionnement du chercheur dépend le choix de la méthodologie de | |||
recherche. | |||
Ainsi, selon eux, rester neutre et objectif définit une recherche quantitative avec une option positiviste, être subjectif avec des | |||
visées objectivantes définit une recherche plus qualitative avec une option interprétative, être partie prenante de la transformation | |||
telle la recherche-action définit une recherche avec une méthodologie critique. | |||
En lien avec les éléments présentés ci-dessus, le chercheur doit dès le départ choisir son épistémologie. La façon dont il pose le | |||
problème et la question qu’il met en lumière indiquent sa position. Dès lors, il s’agit d’être conscient des biais éventuels générés | |||
par l’implication subjective d’un chercheur dans son étude. Il est difficile de conserver son objectivité tout en étant impliqué de | |||
façon subjective et immergée dans la recherche. | |||
Le "film" du Prof. Akkari (2018) met également en exergue la nécessité pour le chercheur de tenir compte de l’adaptation de la | |||
méthode à la problématique, quant à la faisabilité et le budget dédié à la recherche. Le temps dédié à la familiarisation de la | |||
méthode choisie est également à prendre en compte et ne pas être négligée dans la temporalité totale du projet. | |||
Enfin, toujours selon Savoie-Zajc & Karsenti (2018), tout chercheur peut opter pour une complémentarité des méthodologies | |||
(plutôt qu’une opposition) afin d’offrir à la recherche un regard pluraliste mais respectant cohérence et rigueur de la démarche. | |||
Les auteurs rappellent que l’approche mixte pour enrichir les perspectives et les résultats de la recherche, amène le chercheur à | |||
développer sa créativité, à associer les forces pour compenser les faiblesses et limites de chacune des méthodologies. | |||
=== Approches qualitatives guidées par la théorie : tenants et aboutissants === | |||
'''Résumé réalisé par Florie Bonvin et Hind Chaouli''' | |||
Akkari, A. (2019). Recherche qualitative : la pertinence de la recherche qualitative en | Les designs de recherche de type formulation de théorie s’inscrivent généralement au sein des approches qualitatives et se distinguent des designs de recherche orientés test de théorie relevant davantage des approches quantitatives, bien que certains principes, tels que la validité, peuvent s’appliquer aux deux types de designs (EduTech Wiki, 2019). Opter pour ce type d’approches qualitatives présuppose l’adoption d’une méthodologie spécifique au regard des quatre pôles (épistémologique, théorique, morphologique et technique) définis par Herman (1988). En effet, ces approches qualitatives s’inscrivent premièrement dans le paradigme interprétatif (pôle épistémologique) caractérisé par une posture épistémologique compréhensive s’appuyant sur les théories de l’action et visant à comprendre la dynamique de phénomènes sociaux complexes considérés comme autant de constructions sociales de la réalité (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Autrement dit, la réalité est appréhendée par le chercheur par l’intermédiaire des significations attribuées par les acteurs sociaux à cette dernière considérant le contexte sociohistorique de production. Quant aux trois autres pôles de cette méthodologie, ils s’apparentent en grande partie dans leur logique de construction à celle d’un design quantitatif, excepté que le processus de recherche est itératif et non linéaire, ainsi que davantage inductif que déductif (EduTech Wiki, 2019). Plus spécifiquement, il s’agit, dans un premier temps, de réaliser la partie théorique de la recherche (pôle théorique) incluant la revue de la littérature, le cadre théorique et la problématique, afin de pouvoir, dans un second temps, formuler une question de recherche générale et des sous-questions, ainsi que d’éventuelles hypothèses, et également identifier les concepts-clés de la recherche (pôle morphologique). Dans un troisième temps, il s’agit de définir la méthode de recherche (pôle technique) relevant d’un design de recherche orientée formulation de théorie (e.g. phénoménologie, étude de cas, observation, entretien directif ou semi-directif) et d’élaborer les instruments de recueil et d’analyse des données qualitatives (e.g. guide d’entretien, grille d’observation, codebook). | ||
Processus itératif, l’analyse des données, nommées descriptions (Dey, 1993), dans les approches qualitatives guidées par la théorie se décompose en plusieurs étapes non linéaires. Ce processus débute tout d’abord par la réduction ou la condensation des données (Miles et Huberman, 2003), aussi nommée la classification (Dey, 1993), consistant à coder les données en thèmes ou catégories. Il s’agit ensuite de présenter une visualisation ou présentation de ces données au travers de conclusions préliminaires (Miles et Huberman, 2003). Cette étape de la connexion de ces données entre elles (Dey, 1993) permet de dégager progressivement une ou des matrices qu’il s’agira de compléter et de vérifier au travers de l’analyse de nouvelles données produites par la recherche. Globalement, cette démarche de recherche nécessite un contact prolongé avec le terrain pour la production des données au regard de la nécessité de conduire plusieurs itérations, autrement dit un travail important de va et vient entre la production des données, le cadre théorique et la problématique pour que le/la chercheur/se puisse construire et valider ses catégories d’analyse et élaborer une matrice pertinente (Akkari, 2019a ; EduTech Wiki, 2019) | |||
A ce niveau, il est à noter qu’en fonction du type de recherche et des contextes socioculturelles et politiques dans lesquelles elle se déroule, des difficultés supplémentaires peuvent s’ajouter à la difficulté relative à la masse importante de données à traiter et au temps nécessaire pour les produire, et ceci indépendamment de la volonté du/de la chercheur/se (Akkari, 2019a). En fonction des contextes de recherche, des difficultés relatives aux changements politiques et d’interlocuteurs locaux liées à la longue durée des recherches, aux problèmes d’insécurité dans certaines régions ou encore à l’impossibilité de traiter l’ensemble des données produites faute de moyens notamment financiers et humains peuvent surgir (Akkari, 2019b). En conséquence, il est important que le/la chercheur/se évalue les risques et potentielles difficultés pouvant émerger en cours de recherche dès la planification de celle-ci. | |||
Au sein des approches qualitatives guidées par la théorie, le/la chercheur/se et sa subjectivité font partie du processus de recherche de par son rôle plus ou moins actif dans la production des données (EduTech Wiki, 2019). En tant qu'instrument principal de sa recherche, le/la chercheur/se se doit donc non seulement d'expliciter ses préconceptions, mais également se prévenir du risque d'ignorer certains phénomènes considérant la base théorique conséquente sur laquelle il fonde sa démarche de recherche. L'ouverture d'esprit se révèle à ce niveau un atout pour de potentielles découvertes de nouvelles questions de recherche, thèmes ou catégories au cours du processus de recherche, tout comme la rigueur dans l'analyse est essentielle pour garantir la qualité et la validité des résultats. | |||
=== Références citées dans les résumés === | |||
Akkari, A. (2019a). Recherche qualitative : la pertinence de la recherche qualitative en education (capsule vidéo n°1). RESET-Francophone. Module 2. UNIGE. | |||
Akkari, A. (2019b). Recherche qualitative : exemples de recherches qualitatives en éducation dans les pays du Sud. (capsule vidéo n°2). RESET-Francophone. Module 2. UNIGE. | |||
Bacchi, C., (1999). Women, Policy and Politics The construction of policy problems, SAGE., London California. | Bacchi, C., (1999). Women, Policy and Politics The construction of policy problems, SAGE., London California. | ||
EduTech Wiki (2019). Design de recherche orientés formulation de théorie. Retrieved from | Dey, I. (1993). Qualitative Data Analysis: A User Friendly Guide for Social Science (1st ed). | ||
http://edutechwiki.unige.ch/fr/Design_de_recherche_orientés_formulation_de_théorie | London: Routledge. http://dx.doi.org/10.4324/9780203412497 | ||
EduTech Wiki (2019). Design de recherche orientés formulation de théorie. Retrieved from http://edutechwiki.unige.ch/fr/Design_de_recherche_orientés_formulation_de_théorie | |||
Herman, J. (1988). Les langages de la sociologie (2nd ed.). Que sais-je ? Paris: Presses universitaires de France. Retrieved from http://excerpts.numilog.com/books/9782130421 115.pdf | |||
Miles, M.B. & Huberman, A.M. (2003). Analyse des données qualitatives (2nd ed, Trad. M. Hlady Rispal & Rév. J.-J. Bonniol). Paris: De Boeck. | |||
Moss, P.A. (1996). Enlarging the dialogue in educational measurement : Voices from interpretive research traditions. Educational | |||
Researcher, 25(1), 20-28 et 43. | |||
Savoie-Zajc, L. & Karsenti, T. (2018). Chapitre 5 : La méthodologie. In T. Karsenti & L. Savoie- Zajc, La recherche en éducation. Étapes et approches (pp.139-152). Québec: Les Presses de l’université de Montréal. | |||
Dernière version du 11 mars 2021 à 17:40
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Introduction
Ce chapitre traite des questions générales sur les designs de recherche (stratégie d'investigation) pour une méthodologie de type formulation/création de théorie. Nous n’entrerons pas dans les détails des différentes approches. Mentionnons encore que certains principes s'appliquant aux designs de recherche de type test de théorie peuvent aussi s'appliquer pour les designs de recherche de type formulation de théorie (e.g. la validité).
Objectifs d'apprentissage
- Se familiariser avec la méthodologie qualitative
- Comprendre le processus de recherche type (qui est très différent du processus de recherche d’une méthodologie quantitative)
- Etre capable de différencier l'utilisation de méthodes qualitatives au sein d'un design plutôt quantitatif et au sein d'un design entièrement qualitatif
Le plus souvent (mais pas exclusivement), les designs de recherche orientés formulation de théorie utilisent une approche qualitative, alors que les designs de recherche orientés test de théorie s’inscrivent dans une approche quantitative. Cependant, cela n'est qu'une observation générale qui ne s'applique pas nécessairement. Vous pourriez aussi concevoir un design de recherche exploratoire quantitatif ou conduire une recherche qualitative fortement orientée théorie. Nous présentons ici uniquement les approches qualitatives orientées formulation de théorie et c'est pourquoi nous nous concentrerons sur la méthodologie de la recherche qualitative.
Pour rappel, voici trois définitions:
- Approche: une méthodologie générale, c’est-à-dire une manière de conduire la recherche qui inclut des méthodes éprouvées pour étudier un ensemble de phénomènes; des recommandations générales sur la façon de concevoir un plan de recherche.
- Méthode: les méthodes indiquent les procédures de collecte, d’analyse et d’interprétation des données; ce sont des sortes d’ensembles globaux de recettes.
- Théorie: du grec theorein «contempler, observer, examiner». Une théorie est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits prouvés par l'observation, par l'expérience ou même de façon axiomatique. Une théorie doit permettre d’effectuer des prédictions. Une théorie doit résister à l'expérience et être compatible avec les nouveaux faits qui peuvent s'ajouter au cours du temps. Si ce n'est pas le cas, la théorie doit être corrigée ou invalidée. Enfin, c'est dans la durée que se juge la force d'une théorie. Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie. Selon l’approche, la théorie est utilisée différemment. Typiquement, une approche orientée formulation de théorie vise à explorer, décrire, comprendre des mécanismes sociaux pour proposer des théories (au sens plus ou moins fort du terme).
Introduction à la recherche qualitative
Selon le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche (Canada)
«La recherche qualitative vise à comprendre les visions du monde des personnes et la façon dont elles se comportent et agissent. Cette perspective oblige les chercheurs à comprendre les phénomènes à partir de discours, d’actions et de documents; elle les amène à s’interroger sur la façon dont les individus interprètent et donnent sens à leurs paroles et à leurs actes, ainsi qu’à d’autres aspects du monde avec lesquels ils sont en relation (y compris les autres personnes).
Certaines études qualitatives vont au-delà des expériences personnelles des individus pour explorer les interactions et les processus au sein des organisations ou dans d’autres contextes. La connaissance, tant sur le plan individuel que sur le plan culturel, est envisagée comme une construction sociale. Cela suppose que toute connaissance est, dans une certaine mesure, de nature interprétative et, partant, tributaire du contexte social. Elle est aussi façonnée par le point de vue personnel du chercheur en tant qu’observateur et analyste. Les chercheurs qui adoptent une méthode qualitative s’efforcent donc de prouver la fiabilité de leurs conclusions en employant de multiples stratégies méthodologiques."
Le concept de méthodologie qualitative
La recherche qualitative en tant que design de recherche propose une grande variété d'approches (e.g recherche narrative, phénoménologie, théorie ancrée, ethnographie, étude de cas pour citer les méthodes distinguées par Creswell (2013) Qualitative inquiry & Research design. Choosing among five approaches. pp. 104-106). Les designs en recherche qualitative sont habituellement plus difficiles à créer que les designs quantitatifs. Les étudiants en sciences humaines peuvent avoir «peur des statistiques» et se rabattre sur une méthodologie qualitative car ils pensent que c’est plus facile à mettre en place qu’une méthodologie quantitative, mais ce n'est pas le cas.
Dans le Tableau 22: Types d'approches en recherche qualitative, nous présentons quelques exemples d'approches qualitatives (liste non exhaustive).
Familles d'approches | Nom des approches | Description |
---|---|---|
journalisme d'investigation | description de cas | histoire explicative |
recherche collaborative | recherche action | expérimentation pratique à but social |
observation participative | immersion analytique | |
recherche collaborative | conception participative d’un objet donné | |
langage | analyse de texte | analyse des relations entre des éléments (grammaire) |
analyse de dialogue | organisation et structure du dialogue | |
observation en contexte | anthropologie | observation structurée et non structurée |
«recherche sur le terrain» | (idem, mais moins en profondeur, plus formel) | |
interprétatif | herméneutique | l'activité humaine comme "texte", interprétation de textes |
phénoménologie | Mise en lumière des traits communs d’une expérience, au-delà des différences | |
phénoménographie | Rendre compte de la variation des expériences individuelles | |
interactionnisme symbolique | Interactions symboliques entre des acteurs |
Tableau 22: Types d'approches en recherche qualitative
Pour vous donner plus de précisions, voici 5 approches qualitatives largement utilisées: la recherche narrative, la phénoménologie, l’ethnographie, l'étude de cas et la théorie ancrée. Tableau traduit de Creswell, J. (2013). Qualitative inquiry & Research design. Choosing among five approaches. pp. 104-106.
Recherche
narrative |
Phénoménologie | Théorie ancrée | Ethnographie | Etude de cas | |
Cherche à … | Explorer la vie d’individus | Comprendre l’essence d’une expérience | Développer une théorie ancrée dans les données de terrain | Décrire et interpréter un groupe de même culture | Développer une description approfondie et analyser un cas ou plusieurs |
Type de problème utilisant ces designs | Besoin de rapporter les histoires d’expériences individuelles | Besoin de décrire l’essence d’un phénomène vécu | Ancrer une théorie dans la perspective des participants | Décrire et interpréter les patterns culturels d’un groupe | Apporter une compréhension approfondie d’un cas |
Unité d’analyse | Etudier un ou plusieurs individus | Etudier plusieurs individus ayant partagés une expérience | Etudier un processus, une (inter)action impliquant plusieurs individus | Etudier un groupe partageant une même culture | Etudier un événement, un programme, une activité ou plusieurs individus. |
Collecte de données | Entretien et documents | Entretiens -
Document et observation possibles |
Entretiens avec 20 à 60 individus | Observation et entretiens | Sources multiples: entretiens, documents, observations, artefacts |
Analyse de données | Analyser pour créer une nouvelle histoire à partir des histoires recueillies, en développant des thèmes et souvent de manière chronologique | Analyser pour chercher des unités de sens, des descriptions structurelles et textuelles et décrire l’essence, les «universaux» d’une expérience | Analyser par le codage ouvert, axial, et sélectif | Analyser par l’intermédiaire des descriptions du groupe et des thèmes sur ce groupe | Analyser par l’intermédiaire des descriptions du cas et des thèmes sur ce cas (et/ ou entre les cas). |
Rapport | Développer un texte narratif portant sur les histoires de vie d’individus | Décrire l’essence d’une expérience | Générer une théorie illustrée de manière visuelle | Décrire comment fonctionne un groupe partageant une même culture | Développer une analyse détaillée d’un ou plusieurs cas |
Tableau 22 bis: Aperçu détaillé de 5 approches qualitatives
Dans ce chapitre, vous trouverez quelques principes généraux partagés par la plupart de ces approches. La recherche qualitative est itérative et réalisée dans des cycles successifs. Ses caractéristiques les plus courantes sont les suivantes (Tableau 23):
La recherche qualitative :
|
Tableau 23: Caractéristiques de la recherche qualitative
En ce qui concerne le rôle de la théorie, il existe deux utilisations très différentes: celle qui part sur le terrain sans théorie préalable (i.e. la théorie ancrée), et la recherche qualitative guidée par la théorie. Chacune à ses avantages et ses inconvénients comme rapporté dans le tableau 24.
Peu de théorie (pas de base théorique pour les questions de recherche et les grilles d'analyse) | Beaucoup de théorie (base théorique pour les questions de recherche et les concepts) | ||
---|---|---|---|
ouverture d'esprit | liaison avec d'autres recherches | ||
étroitesse d'esprit | |||
permet de s'attaquer à de nouveaux sujets | intégration de vos résultats à d'autres connaissances | ||
tendance à recueillir trop de données | tendance à ignorer les phénomènes | ||
comparaison avec d'autres travaux difficiles | généralisation plus facile | ||
préconceptions non explicites |
préconceptions explicites (et donc contrôlables) |
Tableau 24: Rôle de la théorie dans la recherche qualitative, peu vs beaucoup
Si vous avez déjà un bagage en ethnographie, vous pouvez sans autre opter pour une recherche qualitative de type théorie ancrée. Si par contre vous ne bénéficiez pas de ce bagage, nous vous recommandons d'opter pour une recherche qualitative guidée par la théorie. Autrement dit, de baser votre recherche sur une partie théorique robuste. C'est plus sûr et plus rigoureux. La logique générale d'un design qualitatif guidé par la théorie est assez similaire à celle d'un design quantitatif, comme vous pouvez le voir dans la Figure 38 ci-dessous.
Vous commencerez par réaliser la revue de littérature et rédigez la partie théorique de votre recherche (i.e revue de littérature, cadre théorique, problématique) ensuite, vous formulez une question de recherche générale, en identifiant clairement les concepts principaux de la question et en l'énonçant sous forme de question ouverte. Vous identifierez alors une méthodologie générale (e.g. phénoménologie, étude de cas) et construirez ou réutiliserez les instruments de recueil et d'analyse de données (e.g. guide d'entretien, guide d'observation, codebook). A l'aide de ces instruments, vous recueillerez vos données dans le cadre d'un premier cycle. Vous les analyserez et repartirez pour un deuxième cycle de recueil de données, éclairé par cette première analyse. Notez que les étapes de la recherche ne sont pas linéaire! Elles sont rapportées de manière linéaire dans les articles scientifiques mais lorsque la recherche est en train de se faire, les étapes bouclent entre elles. Autrement dit vous rédigez une première version de votre revue de littérature, cela vous permet de formuler une première version de votre question de recherche (QdR) puis vous continuez votre revue de littérature et ajustez ou changez même complètement votre QdR, etc. C'est un processus qui prend beaucoup de temps et nécessite de la maturation.
Présentons maintenant quelques principes très généraux à propos de l'analyse de données qualitative.
Le rôle des données dans la recherche qualitative structurée
Dans ce document, nous présentons un point de vue moderne et structuré sur les designs d'analyses de données qualitatives. Dey (1993:31) formule le principe de description - classification - connexion que vous trouverez dans la plupart des designs qualitatifs modernes.
Pour chaque question de recherche, le chercheur qualitatif tente de trouver des données "riches" et "profondes" (contraire à des études de grande envergure, comme les enquêtes par sondage, qui portent sur l’étendue mais pas sur la profondeur et la richesse), e.g. au moyen d'entretiens, d'observations sur le terrain ou de l'étude de documents. Ces données s'appellent descriptions. Ces données doivent alors être structurées, i.e. les "variables" principales doivent être identifiées. Cette étape s'appelle classification ou codage. Une fois que les données sont recueillies, elles peuvent alors être analysées d'une façon plus systématique. Cette étape est parfois appelée "connexion", car les données doivent être connectées à d'autres données et à la théorie.
Remarque: Nous sommes conscients que certaines approches historiques et herméneutiques ne fonctionnent pas de cette manière, mais nous ne débattrons pas de cela car ces approches ne sont pas très répandues dans la recherche en technologie éducative.
Dressons à nouveau la liste des trois éléments importants des approches qualitatives(Figure 39):
- Description
- toutes les analyses qualitatives reposent sur des données "riches". Autrement, vous ne pouvez pas interpréter pleinement la signification d'une observation!
- Classification
- structuration et réduction des données conformément aux principes bien établis du codage. Comme vous le découvrirez peut-être, la masse de données qualitatives peut être impressionnante.
- Connexion
- identification des relations entre les concepts de façon à faire apparaître des relations (et d'autres structures).
Dans la Figure 40: Circularité de l'approche qualitative orientée formulation de théorie, nous présentons la vision dynamique du même principe, tiré également de Dey (1993:53). Elle montre la circularité d'une approche qualitative: après (ou même pendant) la classification et la connexion des données vous devrez examiner une nouvelle fois les données ou même retourner sur le terrain pour recueillir de nouvelles données. A ce stade, il est également possible que de nouvelles questions de recherche, que vous ne pouviez pas anticiper dans votre plan de recherche, jaillissent.
Comme mentionné précédemment, la réduction des données (classification) et leur analyse (connexions) peuvent représenter un véritable défi. Comme nous le verrons dans le chapitre sur l'analyse des données qualitatives, les chercheurs modernes:
- produisent de nombreux croquis;
- utilisent des matrices;
- utilisent (parfois) des techniques d'exploration des données quantitatives.
Miles et Huberman (1994:10) illustrent le même principe avec une frise chronologique (timeline) et un diagramme de transition (Figure 41, Figure 42). Leur point de vue est légèrement différent. La "réduction des données" est plus ou moins l'équivalent de "classer"/"classification" et la "visualisation" l'équivalent de "connecter"/"connexion".
Cependant, le principe fondamental est le même: votre difficulté principale est de trouver une structure dans la masse énorme de données. A cet égard, la plupart des analyses qualitatives ne sont pas différentes des analyses quantitatives.
Une version dynamique du même schéma qui montre les boucles de révision qui se produiront est présenté dans la Figure 42. Il exprime aussi l'idée selon laquelle la recherche qualitative, orientée formulation de théorie, est très circulaire dans sa nature.
Les données qualitatives sont le plus fréquemment générées par le chercheur (tout comme dans les designs quantitatifs). Cependant, les approches qualitatives privilégient les données "écologiques" et cherchent à comprendre des phénomènes sociaux complexes en se référant notamment aux concepts de signification et de processus (le dernier concept est commun aux analyses de systèmes et à certaines recherches design).
Voici quelques éléments montrant la différence entre la recherche quantitative type et la recherche qualitative type (Tableau 25). Pour plus de détails, vous pouvez vous référez au tableau 3.1 Comparing Qualitative and Quantitative Research de Morgan, D. (2014, p. 48). Integrating Qualitative and Quantitative Methods: A Pragmatic Approach. Los Angeles: Sage.
Les approches quantitatives recherchent : | Les approches qualitatives recherchent: |
---|---|
Des structures sociales ou individuelles: lois | Une construction sociale: règles et langages comme ils sont perçus et créés par des sujets |
Des faits observables | Des unités de sens, interprétations par des gens, e.g. sens subjectif et buts d'une action. |
Des comportements et des attitudes abstraits ou des situations expérimentales | Des actions et des pensées en contexte |
Des macro-observations standardisées (appliquées à une population) | Des micro-observations faisant émerger de nouvelles significations (i.e. peu de "paramètres", groupes réduits, etc.) |
Tableau 25: Objectifs des recherches qualitative vs quantitative
Exemples de mémoire de Master et de thèses de type qualitatif
Le cartable électronique©. Un Environnement Numérique de Travail en construction
Auteur: Mémoire de master De M-A Thibaut
Titre: Le cartable électronique©. Un Environnement Numérique de Travail en construction. Pratiques éducatives et mutualisation, Master Thesis, TECFA, University of Geneva, 2004. (PDF)
Questions de recherche
- Dans l’utilisation que font les enseignants du cartable électronique©, stabilisent-ils des stratégies pédagogiques ? Recourent-ils à ces outils dans la mesure o cela ne perturbe pas leur habitus d’enseignement ou de gestion de la classe ? Est-ce que l’on voit apparaître la mise en place de scénarios socio-pédagogiques, collaboratifs ?
- Compte tenu de l’impact du sentiment d’utilité dans l’intégration d’une innovation, pouvons-nous attester dans le cadre de ce dispositif de bénéfices retirés par les enseignants ?
- Quelles sont leurs habiletés actuelles en terme de mutualisation au sein du cartable mais également à l’extérieur ? A travers l’idée qu’ils doivent être les constructeurs des contenus pédagogiques du cartable électronique©, quelle est leur position vis-à-vis de cet investissement?
Méthode:
Onze enseignants de différentes écoles ont participé à l'étude.
Le type d'entretien s'orientait vers le "story telling" ou le "récit de vie". Cette méthode comporte peu de questions directes, mais les enseignants doivent parler d’événements difficiles ou enrichissants. L'attention était portée sur les faits, la pratique et les applications, mais les entretiens comprenaient aussi une discussion sur les représentations et les attitudes.
Les entretiens duraient environ 40 minutes.
L'entretien était complété par un questionnaire sur l'infrastructure TIC à l'école et à la maison.
L'analyse était conduite après chaque entretien et les éléments dont il fallait discuter dans les entretiens suivants étaient ajoutés ou modifiés.
Discuter et débattre pour se développer professionnellement
Thèse d’Amaury Daele (2013): Discuter et débattre pour se développer professionnellement : analyse compréhensive de l'émergence et de la résolution de conflits sociocognitifs au sein d'une communauté virtuelle d'enseignants du primaire, http://archive-ouverte.unige.ch/unige:27065
Appropriation de la thématique par des doctorant.e.s
Dans le cadre du Module 2 du projet RESET-Francophone et de leur familiarisation avec la recherche qualitative, les doctorant.e.s ont été invité.e.s à choisir quelques points importants à leurs yeux et à réaliser un résumé. Ci-après sont reproduits 4 résumés réalisés par des pairs dans ce cadre-là.
La recherche qualitative : fondements théoriques et procédures
Résumé réalisé par Souhad Shlaka et Yassine ElHajoubi
Une recherche doit se faire selon un processus s’articulant autour de sept dimensions qui permettent de guider et d’orienter le chercheur dans sa démarche de recherche (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Il s’agit plus précisément de trouver des éléments de réponse aux questions suivantes : Pourquoi faire une recherche ? Quoi faire dans une recherche ? Comment faire une recherche ? Quels sont les résultats ? (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Ces interrogations constituent les points de repère que le chercheur doit garder présents à l’esprit pour planifier sa recherche.
La méthodologie adoptée par le chercheur a forcément un impact sur le déroulement de la recherche. Ainsi, dans le domaine de la recherche scientifique on distingue généralement entre deux designs de recherche : la recherche inscrite au sein de l’approche qualitative qui consiste à la formulation des théories et la recherche inscrite au sein de l’approche quantitative qui consiste à vérifier une théorie (EduTech Wiki, 2019).
De surcroît, les recherches s’inscrivant dans le paradigme qualitatif présupposent l’adoption d’une méthodologie spécifique au regard de quatre pôles : la dimension épistémologique, la dimension théorique, la dimension méthodologique et les méthodes (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). La recherche qualitative est caractérisée par une posture épistémologique compréhensive (ou paradigme interprétatif) s’appuyant sur les théories de l’action et visant à comprendre la dynamique de phénomènes sociaux complexes considérés comme autant de constructions sociales de la réalité (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018).
Par ailleurs Akkari (Akkari, 2019a) souligne que la démarche de la recherche qualitative nécessite une conduite de plusieurs itérations, i.e une sorte de dialogue entre le cadre théorique, la problématique et les données collectées sur le terrain. En outre une méthodologie est sensée tenir compte d’un ensemble de paramètres qui régissent le contexte de la recherche entres autres la faisabilité de la recherche sur le terrain, la familiarité du chercheur avec la méthode et les ressource budgétaires. En effet la recherche en éducation consiste à bien choisir les participants avec lesquels on envisage faire la recherche, à discuter la représentativité de l’échantillonnage, à communiquer les résultats à la communauté scientifique et à évaluer ses derniers par les paires pour améliorer la recherche (Akkari, 2019a).
Cependant, plusieurs chercheures soulignent l’avantage de combiner les deux approches, soit l’approche mixte, afin de « mieux attaquer un problème de recherche » (Krathwohl, 1998) ouvrant ainsi la voie à une perspective plus pragmatique et ouverte de la recherche.
Se familiariser avec la recherche qualitative
Résumé réalisé par Gabriel Noble et Rihab Salhi
La recherche scientifique est une activité rigoureuse, qui a ses normes et ses critères. La chercheuse, le chercheur est tenu de respecter ces normes et de les appliquer pendant sa pratique de recherche. En effet, toute l’activité de recherche s’organise autour de quatre questions :
- Pourquoi faire une recherche ?
- Que faire dans une recherche ?
- Comment faire une recherche ?
- Quels sont les résultats d’une recherche ?
Les questions 1 et 2 correspondent à l’étape de la problématisation (la partie conceptuelle). Elle contient : la recension des écrits qui permet de regrouper les connaissances actuelles sur un sujet spécifique; le cadre conceptuel qui va guider la recherche en précisant ses approches épistémologiques ; pour finir le but et la/les questions de recherche. Cette phase se fait sur deux temps afin d’affiner un maximum la Question de Recherche (QdR) et avoir toutes les informations nécessaires concernant le sujet.
La 3ème question se veut plus concrète. Elle comprend en effet la présentation des aspects pratiques de la méthodologie. Comme le montrent Karsenti & Savoie-Zajc la méthodologie peut être à la fois perçue comme « stratégie, plan d’action, […] lien entre le choix des méthodes et les résultats » (Crotty, 1998 : 3, cité par Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 142) ; comme « l’ensemble des perspectives sur la recherche » (Potter, 1996 : 50, cité par Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 142) ; ou encore comme « un ensemble d’idées directrices qui orientent l’investigation scientifique » (Lessard-Hérbert, Goyette & Boutin, 1990 : 17, cité par Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 141). Karsenti & Savoie-Zajc souligne bien le point commun entre ces trois approches de la méthodologie en sciences sociales : c’est un processus d’articulation des différents choix pratiques réalisé par la chercheuse, le chercheur ¬– concernant par exemple le choix de la population d’enquête, les outils et les méthodes de récolte (guide d’entretien ou d’observation, entretien direct) et d’analyse des données à privilégier en fonction de la problématique élaborée ( soit analyse de contenu, l’analyse inductive, l’analyse thématique, l’analyse de discours). Différencier le choix des méthodes et celui de la méthodologie est donc nécessaire et important pour les auteur.e.s. Il permet d’appréhender la recherche « comme l’expression d’un ensemble de choix raisonnés. [Ainsi] effectuer une recherche, c’est situer le problème de la recherche, le cadre théorique et la méthodologie dans un ensemble, un système logique et cohérent. » (Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 143). Cette recherche d’harmonisation participe de la qualité du dispositif général de la recherche et de facto de la qualité du propos qui sera tenu sur l’objet observé.
La 4ème question comprend les résultats de la recherche : Quels sont les résultats de la recherche ? Ces derniers proviennent des « choix raisonnés » (Ibid.) et doivent être articulés à toutes les étapes précédemment réalisées : élaboration d’une problématique, des hypothèses, de la revue de la littérature et du cadre conceptuel. Il faut rappeler ici que les recherches de manière générale sont guidées par des paradigmes. Divers types de méthodologies peuvent être ici énoncées. Un paradigme positiviste englobera en effet une perception de la réalité comme objective, du savoir comme généralisable, de la finalité de la recherche comme un moyen de vérification. Le chercheur sera donc le plus neutre et objectif possible. Un paradigme interprétatif fera la part belle à la co-construction de la réalité, à la transférabilité des savoirs et à des recherches dont la finalité est la compréhension. Le chercheur sera ici plus dans une perspective subjective avec pour intention d’objectiver les données de sa recherche. Pour finir, un paradigme critique rendra compte d’une réalité dépendante des rapports de force, de savoir par conséquent émancipateur visant une transformation de la situation initiale. Le chercheur dans ce cas-là se pensera comme participant de la transformation recherchée.
En outre, la recherche qualitative se base sur quatre pôles essentiels : épistémologique, théorique, morphologique et technique. La dimension épistémologique qui est elle-même basée sur quatre dimensions : la vision de la réalité, la nature du savoir, la finalité de la recherche et la place de la chercheuse et du chercheur dans sa recherche. La réalité peut être ainsi appréhendée comme étant soit le résultat d’un constat objectif, soit celui d’une construction (voir d’une co-construction) de la réalité par l’intermédiaire des interactions – environnement/individu et individu/individu –, soit pour finir comme le résultat de rapports de forces – entre individus et entre les individus et l’environnement. En ce qui concerne la nature du savoir produit, ce dernier peut prendre trois formes : généralisable, transférable ou émancipatoire. La troisième dimension participe de la finalité de la recherche : la recherche a pour but d’amener à une entreprise « de vérification, de compréhension ou de transformation » (Ibid : 143). La quatrième dimension insiste sur le fait que la chercheuse, le chercheur peut soit adopter une position « subjective » et être ainsi « en dedans » de sa recherche ; soit et inversement, il/elle cherche à « objectiver les données » de recherche et reste « neutre ».
Les auteur.e.s mentionnent toutefois une évolution récente dans la recherche en sciences sociales. Plutôt que de bien rester délimité, le choix d’une épistémologie devient plutôt quelque chose, que Karsenti & Savoie-Zajc, nomment de pragmatique ! Ainsi, « le chercheur recourt à diverses méthodes de travail, empruntées à l’une ou l’autre des méthodologies, afin d’effectuer la recherche la plus utile et la plus instructive possible » (Ibid : 144). Ils abordent ainsi l’émergence des méthodes mixtes au sein desquelles, le quantitatif et le qualitatif se complémentent pour donner lieu à une appréciation plus complète et nuancée d’une réalité observée à un temps donné. Toutefois, bien que pouvant être complémentaires, ces deux méthodes de recherches ne sont néanmoins pas construites et envisagées à partir de la même épistémologie. Autrement dit, une chercheuse, un chercheur ne peut pas être neutre et objectif (paradigme positiviste) tout en créant des liens étroits avec sa population d’étude afin de mieux saisir leurs expériences et leurs réalités. Par conséquent, ce type de recherche « n’épousera donc pas une épistémologie positiviste et interprétative. C’est plutôt une vision pragmatique qui se développe, c’est-à-dire centrée sur une perspective intégratrice. » (Ibid. : 147).
Citant Krathwohl (1998), ils rappellent que dans le domaine des méthodes mixtes l’élément le plus important – et parfois le plus limitant – est la créativité et l’imagination du chercheur. Chaque méthode possède son lot d’avantages, de forces et inversement de désavantages et de limites. L’objectif d’une recherche en méthode mixte est donc de réussir à combiner avec brio les avantages des différentes méthodes. Les méthodes quantitatives permettent en effet d’obtenir, et à moindre frais d’importantes données statistiques. Toutefois, la variation des résultats n’est que difficilement interprétable, si des entretiens qualitatifs ne sont pas menés en parallèle. Autrement dit, les méthodes qualitatives permettent de rendre plus « vivant » (Karsenti & Savoie-Zajc, 2018 : 148), les données quantitatives. Un élément central des recherches, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, est celui de la triangulation des perspectives et donc des données. Cela permet d’obtenir une plus grande profondeur dans la compréhension d’un objet, tout en garantissant des résultats nuancés et complets. Naturellement le choix d’une méthode est intimement lié à la manière dont le problème est défini et envisagé (Bacchi, 2009). D’où, pour finir, l’importance fondamentale pour toute recherche envisagée, d’une « stratégie méthodologique cohérente qui permette de résoudre le problème de recherche » amené (Ibid.).
Méthodologie de la recherche : étapes, caractéristiques et prises de conscience du chercheur
Résumé réalisé par Soraya De Simone et Corinne Ramillon
Les étapes d’une recherche
Le présent résumé expose différents apports théoriques relatifs à la question du travail de recherche. Quelques éléments notamment empruntés à Savoie-Zajc & Karsenti (2018) définissent quatre grandes questions incontournables de la recherche : « pourquoi faire, que faire, comment faire et pour quels résultats ». Ainsi, selon ces auteurs, dans le cadre d’un projet de recherche, le chercheur doit poser un certain nombre d’éléments avant de se lancer corps et âme dans son travail.
Tout d’abord il doit planifier les questions à prendre en compte, des questions de fond et de forme, afin de définir de manière plus explicite les enjeux de ses investigations. Comme brièvement évoqué, Karsenti, T., & Savoie-Zajc, L. (2018) proposent quatre questions principales pour planifier et organiser le travail de recherche. La première question « Pourquoi faire une recherche » est en lien avec les raisons et les buts, ainsi que les intérêts de départ pour aller investiguer un domaine. Autrement dit, la nécessité de clarifier assez rapidement le sens de la recherche. A la suite de cela il s’agit de rédiger une problématique qui servira à définir et circonscrire les contours du problème.
Cette étape peut être résumée par la deuxième questions « Que faire comme recherche, dans quels buts et dans quels domaines ? », le chercheur doit ainsi rendre compte des connaissances actuelles sur une question donnée en réalisant une revue de littérature afin de clarifier les approches épistémologiques mobilisées.
Une fois les contours plus ou moins définis par la problématisation et le cadrage théorique, la méthodologie de recherche se pose. En effet, il s’agit de réfléchir à l’échantillonnage et aux méthodes utilisés pour répondre à la problématique et aux questions posées. Karsenti, T., & Savoie-Zajc, L. (2018) définissent le terme de méthodologie par « la science du comment faire ». Ils détaillent cette troisième phase du « comment faire » par les éléments suivants : quels sujets ou échantillon (qui et combien), comment recueillir les données (entrevue - sondage - observation - analyse de docs existants) avec quels outils de collecte de données (schémas d’entrevue - fabrication de questionnaire - préparation à l’observation - tenue d’un journal de bord). Quelle planification de l’analyse des données ? (analyse inductive - analyse de contenu - analyse de discours - analyse thématique - analyse statistique), méthodes qualitative, quantitative ou mixte.
Une fois le choix de la méthodologie effectuée le codage des données récoltées sera constitué d’aller et retour entre les grilles d’analyses théoriques et les éléments nouveaux émergeant des données. Pour terminer, la discussion des analyses et des résultats se réalise en regard de la question de recherche et des hypothèses et questions de recherche formulées lors de la deuxième phase.
Choix du type de recherche
Savoie-Zajc & Karsenti (2018) lient méthodologie et dimension épistémologique plus étroitement à l’aide de différentes dimensions (vision de la réalité – nature du savoir produit – finalité de la recherche – place du chercheur) et de différents courants épistémologique (externe avec appréhension objective – construite avec multiples interactions et pluralité des points de vue – reflétant les rapports de force avec accent sur les jeux d’influence et de pouvoir).
Ainsi, il existe différents types de recherche en sciences humaines. La recherche quantitative, la recherche qualitative ou une recherche qui allie quantitatif et qualitatif, qui privilégie une approche mixte.
La première génère des hypothèses qui seront prouvée ou réfutée et démontrable par des moyens statistiques. L’organisation d’une recherche quantitative peut par exemple proposer un travail d’analyse entre un groupe contrôle et un groupe expérimental, dont les variables doivent être identifiées afin de préserver une certaine validité méthodologique. En général, cette méthode travaille sur des grandes quantités de récoltes de données.
Dans la perspective qualitative, il s’agit de recueillir des données qui ne seront pas forcément « mesurables » de manière statistique. Les données récoltées sont analysées de manière interprétatives ou diagnostic en fonction des questions de recherches. Différentes méthodes sont utilisées dans ce cas comme la méthode « inter-juge » qui consiste à analyser un extrait d’interaction en fonction d’une grille, par plusieurs personnes se réfèrent à la même grille d’analyse. Le but d’une recherche qualitative est de fournir une description détaillée d’un thème de recherche.
Ces deux méthodes de recherche sont différentes et ne répondent pas aux mêmes genres de questions. Dès lors il est devenu désuet de comparer ces deux types de méthodes du point de vue de leur validité.
En sciences de l’éducation l’approche mixte consistant au jumelage de données qualitatives à des données quantitatives, permet d’enrichir les perspectives et d’éclairer sous un jour nouveau les résultats de recherche.
Par exemple, les chiffres obtenus lors de statistiques effectuées peuvent venir enrichir et soutenir les résultats qualitatifs de l’étude, ce qui renforce une vision plus complète et plus nuancée du phénomène que l’on cherche à comprendre (Moss, 1996). Enfin, différentes catégories de recherches quantitative et/ou qualitative sont présentées et exposées uniquement sous forme de liste pour le présent exercice : recherche-action (nature cyclique : recherche - action - formation) - évaluative - étude de cas.
Posture du chercheur
Savoie-Zajc & Karsenti (2018) relèvent également que du positionnement du chercheur dépend le choix de la méthodologie de recherche.
Ainsi, selon eux, rester neutre et objectif définit une recherche quantitative avec une option positiviste, être subjectif avec des visées objectivantes définit une recherche plus qualitative avec une option interprétative, être partie prenante de la transformation telle la recherche-action définit une recherche avec une méthodologie critique.
En lien avec les éléments présentés ci-dessus, le chercheur doit dès le départ choisir son épistémologie. La façon dont il pose le problème et la question qu’il met en lumière indiquent sa position. Dès lors, il s’agit d’être conscient des biais éventuels générés par l’implication subjective d’un chercheur dans son étude. Il est difficile de conserver son objectivité tout en étant impliqué de façon subjective et immergée dans la recherche.
Le "film" du Prof. Akkari (2018) met également en exergue la nécessité pour le chercheur de tenir compte de l’adaptation de la méthode à la problématique, quant à la faisabilité et le budget dédié à la recherche. Le temps dédié à la familiarisation de la méthode choisie est également à prendre en compte et ne pas être négligée dans la temporalité totale du projet.
Enfin, toujours selon Savoie-Zajc & Karsenti (2018), tout chercheur peut opter pour une complémentarité des méthodologies (plutôt qu’une opposition) afin d’offrir à la recherche un regard pluraliste mais respectant cohérence et rigueur de la démarche. Les auteurs rappellent que l’approche mixte pour enrichir les perspectives et les résultats de la recherche, amène le chercheur à développer sa créativité, à associer les forces pour compenser les faiblesses et limites de chacune des méthodologies.
Approches qualitatives guidées par la théorie : tenants et aboutissants
Résumé réalisé par Florie Bonvin et Hind Chaouli
Les designs de recherche de type formulation de théorie s’inscrivent généralement au sein des approches qualitatives et se distinguent des designs de recherche orientés test de théorie relevant davantage des approches quantitatives, bien que certains principes, tels que la validité, peuvent s’appliquer aux deux types de designs (EduTech Wiki, 2019). Opter pour ce type d’approches qualitatives présuppose l’adoption d’une méthodologie spécifique au regard des quatre pôles (épistémologique, théorique, morphologique et technique) définis par Herman (1988). En effet, ces approches qualitatives s’inscrivent premièrement dans le paradigme interprétatif (pôle épistémologique) caractérisé par une posture épistémologique compréhensive s’appuyant sur les théories de l’action et visant à comprendre la dynamique de phénomènes sociaux complexes considérés comme autant de constructions sociales de la réalité (Savoie-Zajc & Karsenti, 2018). Autrement dit, la réalité est appréhendée par le chercheur par l’intermédiaire des significations attribuées par les acteurs sociaux à cette dernière considérant le contexte sociohistorique de production. Quant aux trois autres pôles de cette méthodologie, ils s’apparentent en grande partie dans leur logique de construction à celle d’un design quantitatif, excepté que le processus de recherche est itératif et non linéaire, ainsi que davantage inductif que déductif (EduTech Wiki, 2019). Plus spécifiquement, il s’agit, dans un premier temps, de réaliser la partie théorique de la recherche (pôle théorique) incluant la revue de la littérature, le cadre théorique et la problématique, afin de pouvoir, dans un second temps, formuler une question de recherche générale et des sous-questions, ainsi que d’éventuelles hypothèses, et également identifier les concepts-clés de la recherche (pôle morphologique). Dans un troisième temps, il s’agit de définir la méthode de recherche (pôle technique) relevant d’un design de recherche orientée formulation de théorie (e.g. phénoménologie, étude de cas, observation, entretien directif ou semi-directif) et d’élaborer les instruments de recueil et d’analyse des données qualitatives (e.g. guide d’entretien, grille d’observation, codebook).
Processus itératif, l’analyse des données, nommées descriptions (Dey, 1993), dans les approches qualitatives guidées par la théorie se décompose en plusieurs étapes non linéaires. Ce processus débute tout d’abord par la réduction ou la condensation des données (Miles et Huberman, 2003), aussi nommée la classification (Dey, 1993), consistant à coder les données en thèmes ou catégories. Il s’agit ensuite de présenter une visualisation ou présentation de ces données au travers de conclusions préliminaires (Miles et Huberman, 2003). Cette étape de la connexion de ces données entre elles (Dey, 1993) permet de dégager progressivement une ou des matrices qu’il s’agira de compléter et de vérifier au travers de l’analyse de nouvelles données produites par la recherche. Globalement, cette démarche de recherche nécessite un contact prolongé avec le terrain pour la production des données au regard de la nécessité de conduire plusieurs itérations, autrement dit un travail important de va et vient entre la production des données, le cadre théorique et la problématique pour que le/la chercheur/se puisse construire et valider ses catégories d’analyse et élaborer une matrice pertinente (Akkari, 2019a ; EduTech Wiki, 2019)
A ce niveau, il est à noter qu’en fonction du type de recherche et des contextes socioculturelles et politiques dans lesquelles elle se déroule, des difficultés supplémentaires peuvent s’ajouter à la difficulté relative à la masse importante de données à traiter et au temps nécessaire pour les produire, et ceci indépendamment de la volonté du/de la chercheur/se (Akkari, 2019a). En fonction des contextes de recherche, des difficultés relatives aux changements politiques et d’interlocuteurs locaux liées à la longue durée des recherches, aux problèmes d’insécurité dans certaines régions ou encore à l’impossibilité de traiter l’ensemble des données produites faute de moyens notamment financiers et humains peuvent surgir (Akkari, 2019b). En conséquence, il est important que le/la chercheur/se évalue les risques et potentielles difficultés pouvant émerger en cours de recherche dès la planification de celle-ci.
Au sein des approches qualitatives guidées par la théorie, le/la chercheur/se et sa subjectivité font partie du processus de recherche de par son rôle plus ou moins actif dans la production des données (EduTech Wiki, 2019). En tant qu'instrument principal de sa recherche, le/la chercheur/se se doit donc non seulement d'expliciter ses préconceptions, mais également se prévenir du risque d'ignorer certains phénomènes considérant la base théorique conséquente sur laquelle il fonde sa démarche de recherche. L'ouverture d'esprit se révèle à ce niveau un atout pour de potentielles découvertes de nouvelles questions de recherche, thèmes ou catégories au cours du processus de recherche, tout comme la rigueur dans l'analyse est essentielle pour garantir la qualité et la validité des résultats.
Références citées dans les résumés
Akkari, A. (2019a). Recherche qualitative : la pertinence de la recherche qualitative en education (capsule vidéo n°1). RESET-Francophone. Module 2. UNIGE.
Akkari, A. (2019b). Recherche qualitative : exemples de recherches qualitatives en éducation dans les pays du Sud. (capsule vidéo n°2). RESET-Francophone. Module 2. UNIGE.
Bacchi, C., (1999). Women, Policy and Politics The construction of policy problems, SAGE., London California.
Dey, I. (1993). Qualitative Data Analysis: A User Friendly Guide for Social Science (1st ed). London: Routledge. http://dx.doi.org/10.4324/9780203412497
EduTech Wiki (2019). Design de recherche orientés formulation de théorie. Retrieved from http://edutechwiki.unige.ch/fr/Design_de_recherche_orientés_formulation_de_théorie
Herman, J. (1988). Les langages de la sociologie (2nd ed.). Que sais-je ? Paris: Presses universitaires de France. Retrieved from http://excerpts.numilog.com/books/9782130421 115.pdf
Miles, M.B. & Huberman, A.M. (2003). Analyse des données qualitatives (2nd ed, Trad. M. Hlady Rispal & Rév. J.-J. Bonniol). Paris: De Boeck.
Moss, P.A. (1996). Enlarging the dialogue in educational measurement : Voices from interpretive research traditions. Educational Researcher, 25(1), 20-28 et 43.
Savoie-Zajc, L. & Karsenti, T. (2018). Chapitre 5 : La méthodologie. In T. Karsenti & L. Savoie- Zajc, La recherche en éducation. Étapes et approches (pp.139-152). Québec: Les Presses de l’université de Montréal.
Résumé et pratique
Les designs de recherche orientés formulation de théorie utilisent souvent une approche qualitative, alors que les designs orientés vérification de théorie s’inscrivent plutôt dans une approche quantitative.
Il existe différentes approches qualitatives orientées formulation de théorie que vous devriez distinguer (e.g. recherche action, étude de cas, phénoménologie, etc.). Des techniques qualitatives peuvent aussi être utilisées par les approches quantitatives orientées vérification de théorie (e.g. entretiens).
Pour pratiquer:
1) Veuillez écrire trois éléments importants qui sont liés au recueil et à l'analyse de données dans les approches qualitatives.
2) Citez deux différences importantes entre les approches quantitatives orientées vérification de théorie et les approches qualitatives orientées formulation de théorie.
- 3) Etude de cas
a) Téléchargez l’article suivant: Poellhuber, B., Chomienne, M., Michelot, F et Fortin, M-N. (2017). La coopération entre concepteurs et tuteurs et l’évolution du rôle du tuteur dans un établissement unimodal d’enseignement à distance. Distances et médiations des savoirs 18. URL : http://journals.openedition.org/dms/1857 ; DOI : 10.4000/dms.1857
b) Identifiez la(les) question(s) de recherche
c) Identifiez le nom de la méthode qualitative utilisée et identifiez ses principales caractéristiques.
d) Expliquez brièvement les étapes de cette recherche.
e) Quel est le principal résultat de cette étude ?