Transmission des valeurs de la culture sportive à travers les générations

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par Johanna et Caroline G. (Juin 2009)

Introduction

Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. (Pierre, baron de Coubertin).

A lire cette citation de Pierre de Coubertin (éducateur français et fondateur des Jeux olympiques modernes), on peut en conclure que le sport met en mouvement des phénomènes humains partagés par de nombreuses cultures, pays et personnes. Le sport serait donc, une pratique universelle. Progressivement, il est aussi devenu un enjeu économique (on parle beaucoup de la commercialisation du sport), politique (les jeux olympiques comme terrain de bataille durant la guerre froide, par exemple) et social (en particulier, comme outil d'intégration dans les quartiers défavorisés) et cela au cours des générations, en passant par Pierre de Coubertin à Zinedine Zidane.

Pour introduire nos propos, voici quelques images marquantes de l'histoire des Jeux Olympiques:

Lors des JO de 1936, à Berlin, alors que les sportifs participent au traditionnel défilé et que la flamme fait son entrée dans le stade olympique, on voit dans les rues une véritable marée de croix gammées. Lorsque l'athlète noir américain, Jesse Owens, rafle quatre médailles d'or, dont celle de la discipline phare, à savoir le 100m plat, Adolf Hitler quitte la tribune et s'arrange pour ne pas à avoir serrer la main de cet athlète noir. Lors de la remise de prix, les autres athlètes font le salut nazi alors que Jesse chante l'hymne nationale américaine.

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En 1968, à dix jours des JO de Mexico, des étudiants manifestent en criant: Nous ne voulons pas de J.O., nous voulons la révolution!. Suite à ces manifestations, le gouvernement mexicain fera près de 300 morts. Les Jeux auront lieu quand même, mais la politique y fera une autre incursion: Tommie Smith et John Carlos, des athlètes noirs américains brandissent un poing ganté noir lors de la remise des médailles: un moyen de protester contre le racisme aux États-Unis devant des millions de téléspectateurs!

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Et récemment (en 2008), une afghane a participé au 100m des JO de Pékin, vêtue d'un fuseau long et d'un foulard. Aux Jeux d'Athènes, Robina Muqimyar était, avec sa compatriote Friba Razayee, les deux premières femmes afghanes à participer aux Jeux olympiques. En cette année 2008, Robina Muqimyar fut la seule. Mahbooba Ahadyar, qui devait aussi participer aux épreuves de 800 m et de 1 500 m, a disparu au mois de juillet.

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JO de Pékin 2008, Source Nouvel Obs

Etant intéressées par le sport et ses enjeux, nous avons décidé d'orienter notre travail sur l'étude de la Transmission de certaines valeurs entre les générations. Cette étude se centre sur la fonction du sport comme lien entre les générations et en particulier comme moyen de transmission (ou pas) de valeurs sportives. Ainsi, après avoir fait une présentation générale du rôle du sport dans la société, et des différentes valeurs qu'il incarne (notamment à travers des modes d'être ensemble, les règles, les consignes, etc.), c'est le problème social de la transmission entre génération qui sera développé.

Est-ce que le sport peut favoriser une transmission de valeurs nécessaires au "vivre ensemble"? A quelles conditions? Comment? Cette étude prendra en compte trois générations, celle du baby boom (1945-1963), la génération X (1964-1977) et la génération Y (1978-2004). On aimerait particulièrement comprendre les causes des ruptures ou des continuités de la transmission de ces valeurs entre les générations. Nous avons utilisé la méthode des entretiens-témoignages réalisés avec plusieurs membres de chaque génération, mais il est évident que ces entretiens ne donnent qu'un aperçu d'un "style" générationnel. Nous n'avons donc aucune prétention à tirer des traits généraux sur ces trois générations. Il est entendu qu'une génération est faite de multiples individus et de personnalités diverses, qui sont à la fois "produit" par l'"esprit du temps", mais aussi par leur idiosyncrasie, et qu'elles influenceront aussi leur temps. Dans ce mouvement dialectique, il s'agira de distinguer ce qui est commun à une génération et ce qui est particulier au témoin.

Après une revue de la littérature concernant la transmission des valeurs sportives, la définition du concept de génération et celle des valeurs sportives, l'analyse de six entretiens-témoignages d'enseignant/e/s de sports (issus d'une société de Gymnastique genevoise) portera sur la fonction et le rôle des valeurs dans chacune des trois générations retenues et sur les conditions de la transmission des valeurs incarnées dans le sport.

La Société de Gym du Mandement est née en 1940. Aux vues des carences physiques des recrues militaires, le département militaire fédéral ordonna la mise en place de leçons de gymnastique, nommées instruction préparatoire, afin de fortifier les futurs conscrits (http://www.gym-mandement.com). Aujourd'hui, elle regroupe à peu près 300 membres actifs de tous âges. Son offre sportive est large, soit au total 16 groupes différents. D'ailleurs, la gymnastique est composée de différentes disciplines que l'association genevoise de Gymnastique détaille (http://www.agg.ch/ActDisciplines.asp): ainsi, ce sont Gym Parents-Enfants, Gym Enfantine, Gym Générale pour Jeunes Gymnastes (filles et garçons), 35+ : Gym Dames / Gym Hommes, 35+ : Gym Seniors, Les Jeux, Les Agrès, Gymnastique et Danse, Gymnastique Rythmique, Artistique Féminine (GAF), Artistique Masculine (GAM), Trampoline, Gymnastique Acrobatique et Athlétisme. Par ailleurs, cette société met sur pied, chaque année, diverses manifestations, telles que le Tournoi de Unihockey, ou encore la Fête des Vendanges. Elle est impliquée dans l'organisation de d'autres manifestations comme les concours agrès ou encore le Vinathon.

Revue de littérature

Généralité sur la problématique

Dans un discours, lors de la 76ème Assemblée des délégués de l'Association de Gymnastique, Ueli Maurer, conseiller fédéral et ministre des sports, a affirmé : Continuez ainsi, cultivez ces valeurs!  Cette phrase peut être interprétée comme un appel à la transmission  des valeurs associées au sport. Mais quelles sont-elles? Et quels en sont les enjeux?  

La problématique de la transmission des valeurs sportives a été peu étudiée et aucun ouvrage n'a été trouvé sur cet objet même. Certes, une étude plus approfondie pourrait, peut-être, nous surprendre. Mais quoi qu'il en soit, il a été nécessaire de découper notre objet d'étude en thématiques: les valeurs sportives, les générations, la transmission et le sport.

La question des générations ouvre, évidemment, la question de la longévité et de l'espérance de vie. En effet, selon l'Office Fédéral de la statistique, OFS, la population âgée de 65 ans ou plus augmentera de plus de 90%, entre 2005 et 2050, alors que la population de 20 à 64 ans baissera légèrement de 4% et que la population de 0 à 19 ans diminuera de 15%. San compter l'augmentation sans précédent des centenaires. En conséquence, la société occidentale est organisée avec quatre générations qui vivent ensemble et les générations d'"anciens" peuvent servir de mémoire collective. Mais, cette dernière renvoie, aussi, aux mouvements de l'histoire qui amènent des changements voire des ruptures comme cette "crise des générations" dont parle Gérard Mendel. Cette rupture quasi anthropologique qu'a entraîné la révolte de Mai 68 dans une tradition de reproduction de schéma du pouvoir : domination du père et du patron, soumission à l'autorité des jeunes, des femmes et des "petits"... a aussi été l'occasion d'amener une réflexion sur ce que Pierre Bourdieu appelait la "reproduction sociale".

La problématique de la transmission des valeurs interroge, aussi, la non transmission, sur cette volonté (ou le pouvoir) de la jeunesse de reproduire ou non, ce qui vient des parents et des adultes. Car la transmission demande aussi que la réception ait lieu. Notre objet d'étude n'est donc pas sans lien avec la communication intergénérationnelle.

Valeurs sportives, définitions, fonctions et rôles

Il est nécessaire de comprendre ce que sont ces valeurs sportives et d'en faire un Inventaire des valeurs. Effectivement, afin de bien cerner ce qui pourrait être transmis (ou pas) entre les différentes générations, il a été nécessaire de répertorier les valeurs sportives. Les Valeurs sportives sont produites dans certains contextes et à certaines périodes, ce que rendent compte des textes comme ceux de R.Thomas Sociologie du sport ou M. Attali et alt. Le sport et ses valeurs. Nous avons aussi exploré quelques sites internet et articles, notamment (Jeunesse et sport) et Le sport: outil d'intégration et de mixité. Un certain nombre de constats en a découlé.
Un premier constat qui s'impose à tous est que le sport n'est pas une simple activité physique, mais qu'il a bien  une fonction sociale indéniable. A titre d'exemple, citons l'instrumentalisation du sport lors de la guerre froide. Dans ce contexte, le sport, et notamment à travers les Jeux Olympiques, devint une vitrine majeure des deux superpuissances de l’Est et de l’Ouest, qui n’ont pas hésité pour cela à faire des sportifs de véritables soldats. De fait, les nageuses du bloc de l'Est ont, à ce titre, marqué l'inconscient collectif par leurs carrures hors-normes. Un autre constat qui découle de premier, est que les valeurs sportives ne sont plus comprises comme étant naturellement rattachées au sport. Le sport est donc, le reflet d'une société à un moment donné et il y a une différence entre la conception du sport aux États-Unis et la conception suisse de l'activité physique, par exemple. Le sport est, donc, bel et bien plus qu'une simple activité physique, car elle met en jeu des valeurs morales exemplaires pour la vie en société. Ceci est d'autant plus vrai, que la société s'est efforcée d'y instaurer une certaine structure plus ou moins rigide avec des règles, qui mettent de l'avant certaines valeurs, tel que le fair-play, et à institutionnaliser les sports les uns après les autres comme le notent les auteurs de Sports en formes. Acteurs, contextes et dynamiques d'institutionnalisation. D'ailleurs, ces derniers assurent, par exemple, que malgré l'illusion de liberté que procurent les sports de glisse, ceux-ci glissent, aussi, tout doucement vers une organisation cadrée.

Par conséquent, cette double facette du Sport est à souligner: d'un côté l'activité sociale et de l'autre un idéal. Cet idéal que l'on retrouve au travers des valeurs de l'olympisme, que certains essaient de promouvoir malgré les grands scandales qui le mettent en péril (exemple: le dopage et la commercialisation du sport). Or, un décalage semble exister entre la réalité du sport dans la société et les valeurs sportives idéalisées, telles qu'elles ont été décrites dans la charte de l'olympisme élevée à une philosophie: «Une philosophie de vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit. Alliant le sport à la culture et à l’éducation, l’Olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels.» Le sport aurait-il donc perdu la boule?

Malgré le décalage entre valeurs idéales et réalités sportives, le monde semble s'accrocher à l'illusion sportive, comme s'il s'agirait d'un ordre social idéal auquel les gens ont envie de croire. Et peut-être d'autant plus après les différentes crises auxquelles notre société doit faire face et qui mettent en danger notre conception du monde. Est-ce pour cette raison que les valeurs de l'olympisme sont toujours d'actualité et que les pouvoirs sociaux s'évertuent à nous "vendre" le sport comme un outil d'intégration défiant toutes les autres méthodes? Tout se passe comme si la population avait besoin qu'on lui impose un ordre social. L'ordre social contenu dans la définition du sport pourrait convenir, à condition qu'on repense la définition du sport, qu'on le désidéalise pour le rendre réaliste et réalisable.

Mais quelles sont exactement ces valeurs qui ont été investies par les générations successives? Certaines valeurs ont-elles été transmises et lesquelles?

Nous avons cherché des réponses à travers des entretiens réalisés avec des professeurs de sport, tout en étant conscientes de ne pouvoir aborder toute l'étendue de la question du décalage entre les valeurs sportives idéales et les réalités du sport. Nous nous centrons sur l'hypothèse de la transmission (volonté de transmettre pour ces professeurs) des valeurs sportives.

La génération comme concept, fonction et "marqueur" temporel de l'histoire des valeurs sportives

La question des générations semble avoir été particulièrement étudiée à la fin des années soixante, suite à la rupture opérée, en mai 68, par la révolte estudiantine et ouvrière. Ainsi, des textes comme ceux de Margaret Mead Le fossé des générations ou de Gérard Mendel, La crise des générations, soulignent la nécessité de changement et de créativité des nouvelles générations vivant dans des conditions socio-économiques différentes. La société post figurative, dont parle Mead, c'est-à-dire une société où la reproduction des coutumes (manières de faire et valeurs) se fait sans contestation, a été mise à mal après la deuxième guerre mondiale par une crise économique. Celle-ci a ouvert une crise plus profonde de société et de culture liée, selon Mendel, à l'émergence d'une nouvelle catégorie sociale qu'est la jeunesse. Cette jeunesse fait des apprentissages dans son propre temps, au même titre que ses aînés et que ses pairs (société co-figurative dont parle Mead), mais de surcroît conteste l'héritage. Comme l'écrit Mendel dans un autre ouvrage "Quand plus rien ne va de soi" reprenant sa thèse de la crise des générations, les jeunes ne veulent plus (et surtout pas) faire comme les adultes et ils ne peuvent plus s'identifier à eux. Ce constat inquiétant pour les pouvoirs publics a entraîné outre une réaction de répression des manifestations et grèves, mais surtout la nécessité d'apprendre à négocier et à reconnaître cette nouvelle force sociale qu'est la génération née après la guerre.

L'ouvrage récent (2007) de Sirinelli intitulé Les baby-boomers: une génération 1945-69 souligne que la génération des baby-boomers a été choyée par l'absence de guerre sur le sol européen, favorisée par une économie florissante et les débuts de la consommation de masse et finalement, s'est tournée vers l'éducation gratuite et la culture. De fait, l'entretien accordé par Jacques Attali, soutient cette vision en les décrivant comme les "prophètes", soit les fondateurs de la reconstruction de la société, alors que la génération X sont les "nomades" qui s'inscrivent dans la société en y étant les entrepreneurs, tandis que la génération Y est celle des "héros" qui remettent en cause la hiérarchie, les formes rigides de l'organisation du travail pour favoriser l'épanouissement de soi autant dans le milieu de la famille que celui du travail. Ainsi, nous serions de plus en plus en présence d'une société individualiste, mais qui cherche tout de même des solutions collectives sur différents domaines, tel que l'environnement, l'éducation et les politiques sociales. Nous ne tiendrons pas compte de la génération Z, soit la génération zapping, dont les membres sont nés dès 2004.

Par ailleurs, la vitesse des changements (notamment technologiques et scientifiques) entraînent des renversements dans l'ordre du pouvoir, puisque selon Mendel ce n'est plus le père qui apprend à l'enfant, mais l'enfant qui explique en quoi sa manière de faire, est obsolète. Ainsi, la transmission ne peut plus avoir lieu que dans un sens unique (des parents aux enfants), puisque celle-ci est "condamnée" aux changements. On serait encouragé à plus d'égalité entre les générations, de reconnaissance et de respect. Il n'est pas impossible que certaines valeurs des "héros" s'apparentent aussi à celles des "prophètes" que sont, selon J. Attali (reprenant l'auteur Douglas Coupland de "Generation X: Tales for an accelerated culture", 1991), celle des baby boomers, comme la créativité, par exemple.

On constate qu'une définition claire des dernières générations du XXème siècle est difficile à établir. En effet, peu d'auteurs et de chercheurs s'accordent sur la tranche des années pour les définir, toutefois, pour le bien de cet article, nous avons repris le découpage proposé par Jacques Attali. Par ailleurs, ces informations ont été corroborées par les propos de Ph. Wanner, professeur de démographie de l'Université de Genève, pour lequel les générations sont à voir comme des tranches de 25 ans, mais avec la nuance que les valeurs véhiculées peuvent être une indication qui différencie les générations entre elles. Pour d'autres auteurs, comme l'historien Marc Bloch dans "Apologie pour l’histoire ou le métier d’historien", la définition relève moins de critères démographiques et de temporalité, que d'un sentiment exprimé d’appartenance à la même époque, d’avoir vécu les mêmes expériences, d’avoir rencontré et été influencé par les mêmes personnes. Il faut, alors, y distinguer la notion de Cohorte tel qu'avancée par Michel Oris, professeur de démographie de l'Université de Genève. Par ailleurs la formation reçue joue un rôle important dans cette constitution d’une «identité générationnelle».

Ces différentes acceptions du terme génération a passablement complexifié celle classique de la seule descendance.

Partant de l'hypothèse que chaque génération produit des valeurs qui lui sont propres, en lien avec le contexte économique et politique, ces études amènent de nombreuses questions qui sont le cadre de la recherche sur lequel ont été mené les entretiens. Si, aujourd'hui, d'un côté le jeûnisme influence fortement les pratiques sportives, depuis la dernière décennie, de l'autre comment les valeurs de l'effort et du travail peuvent-elles encore dominer une société en crise avec un fort taux de chômage?

Questions de recherche

Après avoir défini le concept de valeur, de valeurs sportives et de générations, voici les questions de recherche qui ressortent de nos lectures et de notre réflexion à propos de la problématique de la transmission des valeurs sportives.


1. Quelles sont les fonctions du sport à chaque période étudiée ?

(-->Fonctionnalité du sport)

  1. Quelles sont les fonctions du sport à chaque période socio-historique?
  2. Quelles valeurs chaque personne interviewée associe-t-elle au sport?

2. Quelle est l'influence du contexte socio-économique ?

(--> Influence du contexte)

  1. Quelles sont les influences du contexte socio-économique sur la pratique du sport?
  2. Comment les valeurs du sport changent-elles en fonction des interactions avec les normes dominantes dans la société?
  3. Comment les valeurs du sport changent-elles en fonction des conditions socio-économiques?

3. Il y a-t-il des valeurs propres au sport qui se maintiennent de génération en génération?

(--> universalité)

  1. Est-ce que les valeurs de l´olympisme édictées par Coubertin sont toujours d´actualité?
  2. Est-ce que les raisons pour lesquelles on fait du sport aujourd'hui sont-elles les mêmes que celles d'autrefois?
  3. Y-a-t-il un décalage entre les valeurs sportives idéales et la réalité sportive ?

Méthode

Afin de cerner au mieux la problématique de la transmission de valeurs sportives à travers différentes générations, des entretiens semi-structurés ont été réalisé auprès de représentants de trois différentes générations dans le contexte de l'enseignement du sport. Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits pour ensuite être analysés à l'aide de nos questions de recherche. Ces entretiens nous permettent d'élaborer des pistes de réflexion nécessaires à toute investigation future, mais l'échantillon ne peut évidemment pas assurer des comparaisons généralisables entre ces trois "générations".

Pour nous aider à poser les questions pertinentes, nous avons mis au point une Grille d'entretien 2009, dans laquelle y figure quelques exemples de questions à poser en lien avec notre problématique. De fait les réponses peuvent aussi être considéré comme des témoignages, d'où l'expression utilisé en introduction d'entretien-témoignages.

Nous avons recrutés les personnes par courriel, en leur expliquant qu'il s'agissait d'une étude sur les valeurs du sport à travers trois générations. Les six personnes contactées ont répondu positivement à la demande. Par conséquent, on leur a expliqué qu'il s'agissait d'un entretien qui allait durer entre 15 et 20 minutes. Après quoi, nous avons fixé les rendez-vous et effectué les entretiens. Lors des entretiens, qui ont été enregistrés grâce à un dictaphone, nous avons, tout d'abord, fait les présentations et expliqué très brièvement le but de notre recherche, pour ensuite commencer l'entretien.

Nous avons fait passer cet entretien d'environ 20 minutes à six personnes issues de trois générations différentes :

  1. Deux personnes de la génération Y (une fille de 23 ans et un garçon de 24 ans)
  2. Deux personnes de la génération X (deux hommes de 54 ans et 47 ans)
  3. Deux personnes de la génération des baby boomers (un homme de 80 ans et une femme de 65 ans).

Pour notre étude, il n'est pas important que les "sujets" fassent partie exactement de la même génération, puisque ce qui compte, c'est qu'ils aient enseigné à peu près à la même période, ce qui est le cas. 

Cet échantillon est constitué de personnes ayant enseigné un sport ou qui en enseignent toujours. Les sports enseignés sont divers: ski, gymnastique, volley-ball, gymnastique polysport et athlétisme. Ces personnes sont connues par une des "interwieweuses", qui elle-même fait partie de la société gymnique en question, ce qui a eu comme conséquence de créer un climat de confiance entraînant une forme de discussion semi-dirigée. D'ailleurs, cinq entrevues ont eu lieu au domicile de cette même chercheuse, ce qui a entraîné un climat de détente propice à la discussion et le sixième dans un couloir de l'université (univers familier de la personne interviewée). Les entretiens ont été dirigés à la fois par la personne qui ne connaissait pas les interlocuteurs et par sa collègue. Toutefois, par conflit d'horaire, deux entretiens ont été réalisés par une seule personne sans que cela n'ait eu d'incidences majeures remarquables. Par ailleurs, les entretiens ont été effectué dans le désordre des générations en fonction des disponibilités des unes et des autres. Par conséquent, chaque entretien est une entité en lui-même, ce qui a eu pour avantage d'éviter le risque de lier les entretiens implicitement entre eux.

Les conditions d'entretien peuvent avoir à la fois favoriser les réponses, mais aussi les avoir influencées par un échange qui s'est parfois approcher d'une forme de témoignage. De fait, les chercheuses, avons invité la personne à répondre simplement aux questions sans trop entrer dans un style d'échange formel. De plus, nous pensions que le fait, qu'une des chercheuses connaisse les personnes faisant partie de l'échantillon de recherche, influencerait leurs réponses dans le sens où ils ne se sentiraient pas libre de tout dire, toutefois, nous n'avons remarqué aucun malaise ou dénoté aucune censure de leur part. Grâce à cette proximité de contact, les sujets n'ont pas eu à expliquer leurs activités en détails ou encore les associations auxquelles ils ont fait référence. Par conséquent, nous constatons que les différents biais possibles n'ont pas eu d'effets, puisque les entretiens se sont passés en toute liberté d'expression et ont donnés l'impression d'un dialogue entre des passionnées de sport, que nous sommes, et les enseignants dévoués qu'ils sont.  A noter que tous les interviewés ont eu du plaisir à effectuer cet entretien, qu'ils ont pris davantage pour une discussion.

Néanmoins, il faut noter que tous les interlocuteurs sont impliqués de près ou de loin dans ce club gymnique qui réunit les habitants de certaines communes riches du canton, dans laquelle pour y pratiquer un sport, il faut payer une cotisation annuelle de 180 CHF par année. Ceci est un bémol qui limite, par conséquent, la porté de notre recherche à un seul groupe social, aisé, peu représentatif de toutes les branches de la société suisse. Par conséquent, certaines hypothèses associées au dépassement de soi, c'est-à-dire pour se sortir d'une situation précaire, telle que mise de l'avant par R. Thomas dans Sociologie du sport ne peuvent être vérifiées. Toutefois, les communes qui constituent la région du Mandement, soit La Plaine, Satigny et Dardagny, disposent de fonds d'aide pour soutenir les familles dans leurs activités de sport et de loisirs.

Analyse

En guise d'introduction, nous proposons d'analyser la question concernant l'appartenance à une génération particulière, afin de vérifier si les sujets se différencient les uns des autres sur cette question.

Concernant la première génération, celle dite "Y", les deux sujets se sentent appartenir à une génération. Cette génération est caractérisée par les débuts de ce que l'on pourrait appeler un cyber-world. Les deux sujets de cet échantillon ont parlés d'Internet comme d'un nouvel outil de communication et d'organisation. Concernant la deuxième génération, celle dite "X", un des deux sujets ne se sent pas appartenir à une génération particulière. L'autre interviewé se dit appartenir à la génération post mai 68. Concernant la troisième génération, celle des "baby-boomers", les deux personnes sentent qu'ils font partie d'une génération. Cependant, ce ne sont pas du tout les mêmes, ce qui semble logique, vu la différence d'âge qui les sépare. (Nous rappelons que pour notre étude, il n'est pas important que les sujets fassent partie exactement de la même génération, puisque ce qui compte, c'est qu'ils aient enseigné à peu près à la même période, ce qui est le cas de nos deux sujets). Une des deux personnes se sent appartenir à la génération de l'avant-guerre, dans laquelle le sport était considéré comme une préparation au service militaire tandis que l'autre personne se dit appartenir à la génération des baby-boomers, avec le lot des révolutions y étant relatif.

Nous pouvons donc considérer que les différents interviewés font bel et bien partie de générations distinctes. Ce constat permet la comparaison entre les sujets issus des différentes générations.

Nous allons entrer dans le vif du sujet, en analysant les réponses aux questions relatives à nos différents axes de recherche. Avant de commencer, nous proposons de regrouper les questions selon deux axes de réflexion et non selon les trois prévus, car il s'est avéré qu'elles se rejoignent.

Le sport reflet d'une société de plus en plus individualiste

Analysons d'abord les raisons qui poussent nos sujets à faire du sport.

Les personnes issues de la première génération évoquent toutes deux le dépassement de soi. Elles parlent aussi d'indépendance, de liberté et de responsabilité. Les personnes issues de la deuxième génération évoquent plus des réponses relatives au plaisir de bouger, à la camaraderie et à la santé. L'une d'elle parle aussi de curiosité. Les personnes issues de la troisième génération évoquent toutes deux le contact social voire l'appartenance à un groupe, une association ou encore à une Fédération gymnique et ce, de manière très unanime.

Concernant cette première question, on peut conclure que les raisons qui poussent les gens à faire du sport sont différentes d'une génération à l'autre. En effet, chaque génération répond dans un axe bien spécifique. Respectivement le dépassement de soi (les plus jeunes), le bien-être et le contact social (les plus âgés).

Analysons maintenant les raisons d'enseigner un sport:

Les deux personnes de la génération "Y" évoquent l'idée de transmission de plaisir et, par la suite, celle du service, du goût pour l'animation et de la transmission de la rigueur. Concernant les réponses de la génération suivante, les deux personnes répondent différemment à cette question. La première d'entre elles évoque les raisons de plaisir et de partage, alors que l'autre parle de participation sociale (dans le sens de service à la société) et de transmission d'une certaine discipline. Finalement, pour les deux sujets de la dernière génération, dite "Baby-Boom", le plaisir et la performance sont prioritaires, toutefois, ils parlent aussi de santé et de discipline.

Dans cette question, il y a moins de constance dans la réponse donnée par les différentes personnes. Toutefois, nous remarquons que la seule génération à évoquer la performance, est la dernière. La notion de plaisir est essentielle dans toutes les générations, puisque 5 des 6 sujets y font référence.

Après l'analyse de ces deux questions, nous pouvons conclure que le sport est devenu, à travers le temps, une affaire d'individu plus qu'une affaire de groupe, de société ou encore de pays. Le sport n'est plus, comme le disait Pierre de Coubertin un système de défense des valeurs qui ont un caractère universel, religieux et élitiste (cité par Attali, Le sport et ses valeurs). En effet, on dirait que les valeurs actuelles, sont rattachées à des dimensions personnelles importantes.

Avec ces résultats, nous pouvons donc dire que les valeurs sportives sont individuelles dans les trois générations étudiées. Par ailleurs, on constate tout de même une évolution de cet état d'individualisation entre les trois générations. De fait, la génération "Baby-Boom" a évoqué dans ses valeurs fortes, celle d'une fierté d'appartenance ou de contact social, en plus de celle du dépassement de soi. Par conséquent, on peut y voir les dernières lueurs d'une notion de sport de groupe, voire de société qui vont s'éteindre sous la charge de la société de plus en plus centrée sur l'individu et la réussite personnelle plutôt que collective comme le souligne J. Attali lorsqu'il décrit la génération "Y" et leurs attentes dans son entretien (Génération Y, Public Sénat).

Toutefois, bien qu'individuelles pour tous, ces valeurs sont différentes pour les trois générations. En effet, comme nous l'avons dit précédemment, on peut analyser ces valeurs comme faisant partie de différents axes: le dépassement de soi, le bien-être et la socialisation. Ce constat est très intéressant et nous montre bien, que la transmission des valeurs évolue. Cette individualisation du sport est à mettre en relation, d'une part, avec les paroles de Thomas Raymond qui, dans Sociologie du sport, après avoir nommé les différentes fonctions du sport, s'attarde sur la première, soit la socio-émotionnelle. Il dit qu'elle permet à l'individu qui pratique un sport d'échapper aux tensions individuelles et collectives, afin d'y trouver son idéal de soi. D'ailleurs, cette individualisation du sport ressort tout particulièrement dans l'entretien du Monsieur de 80 ans (Entretien 6), qui à la question "Est-ce que tu penses que les valeurs du sport changent ?", répond de la manière suivante:

C’est clair que les gens sont devenus plus individualistes. Et les notions contenues dans le slogan de la Fédération se perdent au profit du sport de loisir individuel où les gens ne souhaitent plus s’engager dans le sport associatif et bénévole. On s’en rend compte par la difficulté à recruter de l’encadrement ou au comité.

Cet homme, très engagé dans le domaine du sport associatif, regrette un peu l'époque où le sport était un moyen de réunir la collectivité autour d'un objectif commun. Par ailleurs, dans d'autres entretiens, certains sujets différencient clairement le sport pour le plaisir, la compétition et le sport individuel. C'est, notamment, le cas d'un homme de la deuxième génération (Entretien 3) qui différencie clairement le sport de compétition, le sport social et le sport individuel. Chacun ayant des valeurs bien différentes selon lui.

Le respect: une valeur transgénérationnelle

(1) A la question des valeurs relatives au sport, les sujets ont répondu de la manière suivante:

Pour la première génération, les valeurs sont différentes pour les deux sujets. Le premier évoque le respect de soi-même, des autres, du lieu, ainsi que l'amusement et le lâcher prise. Le deuxième nous dit que les valeurs du sport sont celles de la vie en général, dont celle du respect des autres. Concernant la deuxième génération, les deux personnes font référence au dépassement de soi. Ensuite, elles évoquent des valeurs de partage, d'évasion, de concentration et de respect des autres. Dans la troisième génération, les deux personnes parlent de fierté (dans le sens de fierté d'appartenir à un groupe, à une société de gymnastique et fierté de la performance). Une des personnes fait référence aux valeurs fortes de la Fédération suisse de gymnastique, soit fierté, franchise, force et fidélité. En plus, l'autre personne parle aussi de respect.

Avec cette question, on peut mettre en évidence la grande variabilité des réponses. Toutefois, nous soulignerons l'évocation de fierté pour les deux sujets issus de la troisième génération ainsi que la présence de la notion de respect de soi, des autres ou de l'environnement pour toutes les générations. Le respect est, donc, une valeur clé du sport et il semblerait que cette notion continue à se transmettre, malgré tous les scandales de l'actualité sportive la mettant en danger. On remarque que cette volonté de promouvoir le respect comme valeur clé du sport, est l'ambition de plusieurs associations. En effet, à titre d'exemple, citions la célèbre association Le Respect ça change la Vie que l'on rencontre souvent, lors des manifestations sportives genevoises, telle que la course de l'escalade. Dans une perspective de promotion de respect, ils visent à pousser les éducateurs de sport à adhérer à une charte très révélatrice des intentions de l'association. Avec cette volonté très forte de promouvoir des valeurs fortes, tel que le respect, on remarque, comme le fait Attali (Le sport et ses valeurs), que malgré les déboires de la réalité sportive, certains s´efforcent à rester dans une logique idéalisante dont l´objectif est de protéger l´honneur sportif.

(2) A la questions concernant le sport comme outil de transmission de valeurs:

Toutes les personnes y répondent positivement. L'une d'entre elles issus de la première génération émet, toutefois, une petite réserve. En effet, elle dit que ce n'est pas le sport en lui-même qui est un outil de transmission, mais tout le schème qui l'entoure qui permet de transmettre des valeurs.

Nous constatons, en somme, par ces réponses, que la génération baby-boomer voit le sport, depuis toujours, comme un moyen de socialisation, toutefois, elle évoque avec déception, qu'aujourd'hui la société est beaucoup plus centrée sur l'individu, davantage stressante et que le domaine de l'emploi, étant plus accessible pour les femmes, amène une dynamique différente sur la fonction du sport. De fait, celui-ci sert davantage de source d'évacuation des tensions. C'est, d'ailleurs, ce que mentionne R. Thomas dans Sociologie du sport. Par ailleurs, la génération "X", en plus de voir dans le sport un facteur socialisant, y voit aussi un moyen d'intégration des jeunes (pour l'une des deux personnes interviewées) ce qui est, d'ailleurs, selon Viévard dans Le sport: outil d'intégration et de mixité l'un des objectifs de la société afin de prévenir la délinquance des jeunes. Finalement, les deux générations les plus récentes mettent l'accent sur le fait que le sport de compétition, et notamment les Jeux Olympiques, n'a plus uniquement cette fonction socialisante, mais est de plus en plus centré sur une fonction politique (et financière) comme l'explique R.Thomas, voire de spectacle. En effet, les sportifs ne dépassent plus leurs limites pour le simple fait de la compétition, mais aussi afin d'avoir un support financier de plus en plus grand et ce, au détriment de leur santé. Par ailleurs, malgré cette évocation d'un processus économique fort dans le sport professionnel, tous nos interlocuteurs abondent dans le même sens, soit que le respect a toujours été une valeur franche du sport et le demeure encore.

Une transmission du plaisir

(1) A la question de la perte de vitesse des valeurs du sport:

Tous les sujets répondent qu'il n'y a pas de perte de vitesse des valeurs du sport. À noter, qu'une personne de la première génération ainsi qu'une personne de la troisième génération émettent un non mitigé.

Les réponses à cette question sont assez unanimes. Il semblerait donc, comme le souligne Attali dans Le sport et ses valeurs, qu'il y ait chez les gens, une sorte d'illusion sportive, qui pousse à valoriser le sport,et ce malgré qu'il y a un écart entre valeurs idéales et réalités.

(2) Concernant l'actualité des valeurs de la devise olympique:

Les sujets de la première génération ont des réponses différentes. Le premier répond qu'elle n'est plus d'actualité, alors que le deuxième dit oui pour le sport d'élite alors qu'on enseigne pour le plaisir. Dans la seconde génération, la réponse est unanime, c'est-à-dire que ces valeurs sont encore plus fortes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient hier. De même, la dernière génération répond oui à cette question, toutefois, une des personnes va jusqu'à pousser la réflexion en admettant que ces valeurs-là tuent un peu le sport. De fait, les deux dernières générations font référence à l'abus des techniques de dopage.

À l'exception d'une seule personne, tous abondent dans le même sens: les valeurs de la devise olympique sont toujours d'actualité, tout particulièrement dans le sport professionnel où elles poussent les athlètes à dépasser leurs limites, plus uniquement par l'entraînement, mais aussi par l'utilisation de techniques dopantes détruisant cette notion du plaisir qui demeure pourtant fondamentale à enseigner.

(3) A la question de la modification des valeurs:

Les deux sujets les plus jeunes répondent qu'il y a eut un changement dans les valeurs en mettant en avant la santé ainsi que le plaisir au détriment de la performance et du fair-play. Par contre, les deux sujets de la 2ème génération ont des réponses mi-figue mi-raisin. De fait, l'un d'eux répond positivement, sans en être totalement certain, alors que l'autre répond négativement pour le sport d'élite. En effet, l'effort et le dépassement de soi est toujours présent, mais le facteur économique et le spectacle qui les sous-tend a tendance à modifier légèrement la profondeur de cette valeur. Finalement, les deux sujets les plus âgés, ont des réponses différentes. L'un ne voit pas de changement, sans toutefois en être certain à 100%, car il note cette baisse de respect de la part des jeunes. L'autre constate un changement, voyant un manque d'enthousiasme énorme, de fierté d'appartenir à une association. Cela dit, toutes les personnes s'accordent pour dire que le plaisir est une autre valeur fondamentale, après celle du respect que nous avons évoqué plus haut, qui est nécessaire de transmettre aux jeunes d'aujourd'hui et de l'avenir.

On remarque que cette question suscite beaucoup d'interrogations et d'hésitations. De fait, on peut comprendre ceci par la distance relative de chaque génération face à leurs acquis, expériences et enseignement. En effet, tous s'accordent pour dire, d'une part que le respect est la valeur présente en tout temps, car celle-ci est aussi importante dans un sport individuel, tel le ski, durant lequel il faut avoir conscience de son environnement immédiat pour éviter le danger, tout comme dans un sport collectif, tel le football, dans lequel le respect des membres de son équipe et de ses adversaires contribue à une agréable atmosphère de jeu. 

Toutefois, seule la troisième génération évoque la fierté d'appartenir à un groupe, à une association ou à une fédération, car c'est une idée qui s'associe bien avec la mentalité de la génération baby-boomer. De fait, on remarque la difficulté à pousser un jeune qui a connu et développé, pendant une grande partie de sa vie, une relation privilégiée avec sa console de jeu, plutôt qu'avec d'autre jeunes de son âge. Alors qu'à l'époque des baby boomers, la télévision faisait à peine son apparition et la société étant en reconstruction, tout le monde s'entraidait. Par ailleurs, même si la dimension de la santé et du bien-être a toujours été présente dans le sport, elle a une plus grande importance, aujourd'hui. En effet, une société de surconsommation a entraîné une hausse des cas d'obésité et de diabète et ce, dès l'enfance. D'ailleurs à ce sujet, la jeune fille issue de la première génération (Entretien 2) regrette qu'à l'heure actuelle, on essaie plus de promouvoir le sport-santé (prévention de l'obésité et du diabète) au détriment du sport-social (pour reprendre les termes de l'Entretien 3 et de plaisir.

Conclusion

Afin de structurer aux mieux notre conclusion, nous allons, tout d'abord, faire un bref retour sur la problématique choisie par le groupe, puis ensuite résumer les résultats principaux de l'analyse des résultats. Enfin, nous ferons une autocritique de notre recherche et envisagerons les recherches futures possibles dans ce domaine.

Concernant notre question de départ, nous avions choisi de faire co-exister deux sujets d'actualité qui nous tenaient à coeur. Soit la question des différences entre les générations, ainsi que la question du sport. En effet, les deux sujets constituent des problématiques actuelles dont on parle souvent dans les médias.

Tout d'abord, concernant les différences entre les générations, il est clair qu'en Suisse, à cause du très net vieillissement de la population, la question de la cohabitation des générations est charnière. Ensuite, concernant le domaine du sport, il est assez clair que c'est un sujet de société brûlant: preuve en est le Tour de France, qui chaque année fait la une de l'actualité pour des scandales liés au dopage, ou encore les Jeux Olympiques de Pékin, qui ont consterné la vieille Europe à cause de l’attribution des JO à un pays ne respectant pas les droit de l’Homme, au Tibet, notamment. C'est ainsi, tout naturellement, face à ces constats de société, que nous nous sommes intéressées à savoir quelle était la transmission des valeurs de la culture sportive à travers les générations. Pour tenter de répondre à cette question, nous avons donc fait passer 6 entretiens à des sujets issus de 3 générations différentes.

Les principaux résultats de recherche que nous avons trouvés, sont les suivants: malgré une certaine individualisation du sport, chaque génération possède un pattern de réponse spécifique: le dépassement de soi pour les plus jeunes, le bien-être et le contact social et la fierté pour la troisième génération. Aussi, nous avons pu mettre en évidente l’importance du respect dans les trois générations étudiées. Peut-on donc affirmer que c’est une valeur intemporelle qui se transmet de génération en génération ? Un autre constat, concerne la fierté, qui semble être une valeur propre aux générations les plus anciennes. Peut-on donc dire que c’est une valeur qui se perd ? Le dernier constat que nous avons pu faire, est celui de l’illusion sportive, aussi soutenu par Attali. En effet, malgré le décalage entre valeurs idéales et valeurs réelles, les gens gardent foi au sport. Ceci expliquerait la ferveur qui guide les supporters qui viennent en masse soutenir les athlètes aux JO. Y a-t-il donc une volonté forte qui vise à faire croire religieusement aux différentes valeurs associées au sport ? Cette hypothèse est confirmée si on se base sur le journal sportif français, l’Equipe, qui comme le dit Attali est un véritable outil hégémonique de promotion des valeurs du sport. C’est comme si tout était fait pour nous imposer la vision sportive du monde. Il serait intéressant d’analyser cela plus en profondeur.

Concernant l' autocritique, nous pouvons citer les éléments suivants. Premièrement, dans le questionnaire, on trouve que les questions se regroupent et deviennent, au cours de l'entretien, quelque peu redondantes pour la personne interviewée. On aurait donc dû faire preuve de plus d'assiduité dans la confection de la grille d'entretien ou tenter nous mêmes d'y répondre une première fois pour la tester. Deuxièmement, après l'analyse des entretiens, nous avons pu mettre en évidence que certaines questions n'étaient pas pertinentes pour notre thème de recherche ou du moins pas assez ouvertes. C'est, notamment, le cas de la question qui concerne la devise olympique, qui fait allusion uniquement à la performance alors que nous aurions pu la formuler en l'opposant avec l'autre principe qui est "L'important c'est de participer!" afin de sentir le pouls ou la véritable tendance de nos sujets-enseignants de sport. Troisièmement, il est évident que la qualité de la recherche (échantillon réduit et non représentatif de la population d'ensemble, analyse des entretiens non standardiser) ne nous permet pas de tirer des conclusions relatives à la problématique. Néanmoins, les résultats obtenus sont tout à fait intéressants et pourraient être une bonne base pour des travaux ultérieurs. En effet, on peut imaginer que cette problématique soit approfondie, en élaborant les questions de recherche, en utilisant un échantillon plus grand qui englobe toutes les couches sociales afin de comparer la question de la transmission entre elles, par exemple, et ou en peaufinant l'aspect de l'analyse quantitative et qualitative.

En conclusion, le travail nous a permis d'entrer dans la pratique sportive et en particulier dans la question des valeurs rarement abordées dans le quotidien de cette même pratique (bien connue des deux chercheuses). Notre propre conception du sport a donc aussi été alimentée par ce travail de recherche. De plus, nous avons été touchées par les entretiens abordant un thème qui est une sorte de "domaine sacré" qu'on réserve à certaines personnes. Nous avons été honorées d'écouter les confidences sportives des personnes-témoins.

Et de rappeler en conclusion une citation de Pierre de Coubertin, le "Saint-Patron" du sport, qui illustrait, pour lui, les valeurs de l'olympisme: 'Nous jurons que nous nous présentons aux Jeux Olympiques en concurrents loyaux, respectueux des règlements qui les régissent et désireux d'y participer dans un esprit chevaleresque pour l'honneur de nos pays et la gloire du sport.' (Pierre, baron de Coubertin)

Annexes

Les entretiens ont été retranscrits dans cette section:

  • Entretiens de la première génération:
  1. Entretien 1
  2. Entretien 2
  • Entretiens de la deuxième génération:
  1. Entretien 3
  2. Entretien 4
  • Entretiens de la troisième génération:
  1. Entretien 5
  2. Entretien 6

Bibliographie

  • Errail, Jean-Pierre (1995). La dynamique des générations. chez l'harmattan
  • Mendel, Gérard (1981) La crise des générations. chez Payot
  • Mead, Margaret (1979) Le fossé des générations. chez Denoël
  • Chauvel, Louis (1998) Le destin des générations. chez Puf
  • Sirinelli, Jean-François. Les baby-boomers: une génération 1945-69. Paris: Hachettes Litteratures, 2007. 323p.
  • Thomas, Raymond. Sociologie du sport. Paris: Presses universitaires de France, 1996. 127p.
  • Attali, Michaël. Le sport et ses valeurs. Paris: La dispute, 2004. 210p
  • Busset, Thomas et Christophe Jaccoud. Sports en formes. Acteurs, contextes et dynamiques d'institutionnalisation. Lausanne, Antipodes, 2001. 262p
  • Viévard, L. (2006) Le sport: outil d'intégration et de mixité
  • Roy, P. (2004) Jeunesse et sport, transmission aux enfants des valeurs véhiculées par le sport.
  • Meyer, S. (2009) Gymnastique aux jeux nationaux dans GYMlive