Favoriser les processus d’apprentissage : les effets motivationnels des émotions et du sentiment d’efficacité.
Ariadna R. M. - Volée Aegir
Production réalisée dans le cadre du cours ADID
Résumé
Cet article vise à identifier certaines stratégies pour favoriser les processus d'apprentissage en utilisant les effets motivationnels des émotions et du sentiment d'efficacité personnelle dans différents contextes d’apprentissage.
Introduction
De nombreux auteurs considèrent la motivation comme un élément clé du processus d'apprentissage. Selon Bandura (1990, 1993, 2003), l'un des moyens d'influencer positivement cet élément est par le renforcement interne du sentiment d'efficacité.
Des travaux, réalisés depuis l’approche sociocognitive, ont observé aussi qu’avoir un sentiment d’efficacité personnelle élevé favorisait l’utilisation de stratégies cognitives performantes, l’engagement dans des activités plus difficiles, et avait aussi un effet sur le niveau d’effort et le temps passé à étudier (Schunk, Pajarès, 2005 ; Zimmerman, 1989, 2000).
En ce qui concerne les émotions, elles auraient aussi des effets sur les différentes composantes de l’apprentissage. En ce sens, différents auteurs ont montré que l’évaluation qu’un apprenant fait d’une situation d’apprentissage suscite des émotions qui ont un impact sur l’ensemble du processus d’apprentissage et ses résultats (Pekrun, Goetz, Frenzel, Barchfeld, et Perry, 2011).
La théorie Contrôle-Valeur de Pekrun (2006) explique que cette évaluation de la situation se fait sur la base de deux critères subjectifs : le contrôle et la valeur. Le premier fait référence à la perception que les apprenants ont de leur capacité à produire les actions nécessaires à la réussite de la tâche ; le deuxième concerne l’attribution d’une valeur à l’activité et à son résultat.
Dans ce sens, différents types de relations ont été observés : les émotions positives activantes (joie, espoir, fierté) ont un effet bénéfique sur la situation d’apprentissage et les émotions négatives désactivantes (désespoir, ennui) ont un effet négatif. Bien que nous n’approfondirons pas cette analyse pour garder cet article concis, il est à noter que les émotions qualifiées de négatives peuvent également présenter des effets bénéfiques comme les effets activateurs de la colère.
Le sentiment de contrôle décrit par Pekrun ressemble beaucoup au sentiment d’efficacité duquel parlait Bandura. Ainsi, et de manière très simpliste, nous pourrions penser que tant la sensation de contrôle comme le sentiment d’efficacité personnelle vont faire augmenter la motivation de l’apprenant envers le processus d'apprentissage.
Développement
Contexte d’apprentissage scolaire
Dans un contexte d’apprentissage scolaire, la motivation de l’apprenant repose en grande partie sur la figure de l’enseignant. En ce sens, on pourrait se demander comment l'enseignant peut favoriser les processus d’acquisition des connaissances académiques de ses élèves.
Partant de la base que pour apprendre des connaissances scolaires, les élèves doivent fournir des efforts cognitifs importants (Sweller et al., 2015, 2016, 2011), l'enseignant devra donc guider l’apprenant et essayer de réduire les efforts qu‘il déploie.
Pour faire cela, la théorie de la charge cognitive de Sweller explique qu’on doit, d’un côté, essayer d'optimiser la charge cognitive intrinsèque qui est liée aux informations données afin de pouvoir effectuer une tâche précise, et de l’autre, de minimiser la charge extrinsèque liée aux informations inutiles qui ne servent pas à résoudre cette tâche. Tout cela pour laisser le maximum de ressources disponibles pour traiter la charge essentielle qui est liée à l’apprentissage lui-même.
L’idée serait donc de laisser plus de ressources disponibles pour traiter cette charge essentielle, ce qui pourrait faire augmenter le sentiment de contrôle de l’apprenant devant la tâche, élevant ainsi ses chances de réussite.
Les travaux de Tricot (2017) fournissent une collection de 14 effets qui peuvent être utiles à cet effet.
Dans le cadre d'une classe, l’application des différents effets pour libérer le plus de ressources cognitives possibles pour l’apprentissage devrait se faire en fonction du niveau d'expertise dans un domaine spécifique de chacun des étudiants. Le but serait donc de pouvoir enseigner les mêmes contenus à tous les élèves, mais en adaptant la présentation de ceux-ci en fonction du degré d'expertise de chacun un d’entre eux, c'est-à-dire, en faisant une différenciation pédagogique (Tricot, 2017).
Cela permettrait à tous les élèves d'une classe de travailler sur les mêmes objectifs académiques, sans faire de différences qui pourraient conduire à des comparaisons affectant leur motivation et estime de soi.
Contexte d’apprentissage autorégulé
Dans les processus d'autorégulation, l'apprenant sera le responsable final pour gérer de manière autonome ses ressources cognitives et motivationnelles.
Cette autonomie, qui lui permet de choisir lui-même son activité, va lui générer une motivation intrinsèque (Deci, Ryan 2000). Mais cette même autonomie, comme Boekaerts le signale, requiert aussi des efforts. Spécifiquement, l’individu devra mobiliser ses ressources motivationnelles pour s’engager dans une action d’apprentissage et se fixer les buts qu’il souhaite atteindre. Ensuite, il devra également être capable de mettre en place des stratégies d’autorégulation pour rester investi dans l’activité tout en renonçant aux tentations autour de lui. De plus, tout au long de ce processus, il devra utiliser ses capacités d’auto-observation et d’auto-évaluation pour assurer sa réussite (Cosnefroy, 2010).
Dans cet engrenage de conduites d’autorégulation, le sentiment d’efficacité personnelle fonctionne comme un facteur de protection. Si l’apprenant, devant d’un but jugé comme important, détecte un décalage entre les exigences de la tâche et les ressources dont il dispose, il vivra la situation d’apprentissage comme menaçante et ce sentiment se verra affaibli, mettant en risque sa réussite (Boekaerts, 1999).
Pour éviter cela, Zimmerman suggère que dans les phases initiales d’un apprentissage, l’apprenant reçoive un guidage actif qui l’invitera à analyser le déroulement de l’activité et l’enchaînement des opérations mises en œuvre. Selon l’auteur, sans cet accompagnement, il risque de se centrer sur les résultats obtenus au détriment d’une analyse de son activité et, en cas de performances peu satisfaisantes, de développer des attributions en termes de manque de capacités (Zimmerman & Kitsantas, 1997).
Contexte d’apprentissage collaboratif
Dans les situations d’apprentissage collaboratif, ce sont les interactions avec les autres qui seront décisives pour la réussite de celui-ci (Doise, 1990).
Les effets de ces interactions sur la résolution des tâches sont si importants qu'Andriessen et collaborateurs (2011) considère qu'il existe deux espaces distincts de gestion de ressources : un espace cognitif dédié à la résolution des tâches et un espace relationnel dédié à la compréhension mutuelle et à maintenir des interactions positives pour promouvoir à la fois le succès individuel et le succès des autres engagés dans le même processus d'apprentissage.
Ainsi, afin que les apprenants puissent se concentrer complément dans le processus de l'apprentissage, le groupe devra être en équilibre socio-émotionnel. Une situation de déséquilibre obligerait à mobiliser des ressources pour pouvoir le restaurer, ressources qui ne ne pourront pas se concentrer sur la tâche en question.
En ce sens, les stratégies visant à favoriser l'apprentissage collectif devraient viser à établir et à maintenir cet équilibre socio-émotionnel du groupe.
Conclusion
Les effets motivationnels des émotions et des sentiments d'efficacité dans les contextes d'apprentissage deviennent de plus en plus évidents. Une revue littéraire plus large sur le sujet devrait être menée afin de pouvoir identifier plus rigoureusement quels sont ces effets et quelles stratégies nous pouvons adopter dans le but de favoriser des processus d'apprentissage dans différents contextes.
Bibliographie
- Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d'apprentissage. Conférence de consensus : différenciation pédagogique.
- Cosnefroy, L. (2010). L'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes. Savoirs, 2010/2 (23), 9-50. doi : 10.3917/savo.023.0009
- Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye A.& O'Malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman. Elsevier (Ed.), Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (pp. 189-211)
- Gaëlle Molinari et al., « Les émotions dans les situations de collaboration et d’apprentissage collaboratif médiatisées par ordinateur », Raisons éducatives 2017/1 (N° 21), p. 175-190.DOI 10.3917/raised.021.0175
- Blanchard, S., Lieury A., Le Cam, M., Rocher, T. (2013). Motivation et sentiment d’efficacité personnelle chez 30000 élève de 6E du collège français. 2013/1 (Nº523), p. 23-35.