Comment apprend-on par la lecture du texte:une revue de la littérature

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Auteur-e : Bei Cai

Introduction

En basant sur différentes ressources de lecture, cet article tente de décrire les processus à l'œuvre lorsqu’il s’agit de comprendre et d’apprendre à partir de textes, seuls ou multiples, sur papier ou en ligne. Des facteurs qui favorisent ou entravent l’apprentissage à partir de textes sont aussi identifiés.

Processus de la lecture

Texte single

Lors de la lecture, les informations obtenues dans les parties antérieures ainsi que celles provenant des connaissances générales du monde sont disponibles pour faciliter la compréhension des informations actuelles. On tente d'intégrer ces informations relatives pour avoir une représentation entière.

Les connexions faites avec les phrases lues précédemment et les connaissances pertinentes qui se trouvent dans notre mémoire à long terme- Figure provenant de McNamara, D. S., & Magliano, J. (2009) Towards a comprehensive model of comprehension

Différents modèles ou théories de la compréhension du texte (le modèle de Construction-Integration, le modèle de Structure-Building, la vue de Momery-Based Text Processing », le modèle de Resonance) illustrent ce processus du connexion et intégration.

  • Modèle de construction-Integration

Le modèle de Construction-Integration élucide ce point tout comme son nom le suggère. Lors de la lecture, on effectue un input de nouvelles informations dans notre mémoire de travail. En même temps, on active les informations précedemment lues dans le même texte et les connaissances relatives se trouvant en notre mémoire à long terme (soit les connaissances générales du monde) pour construire les connexions entre ces deux sources et l'input actuel. La construction des connexions est accompagnée par une intégration itérative de noueavu input. Un point à remarquer dans le modèle CI est le "Dumb Activation" de l'information en mémoire à long terme. C'est à dire que pendant la phase de construction, l'activation de l'information en mémoire à long terme est supposée se produire automatiquement, sans tenir compte de sa pertinence ou de son importance.

  • Modèle de Structure-Building

Le modèle de Structure-Building a aussi implicitement exposé cette interaction entre les informations. Il suppose qu'au début de la lecture d'un nouveau texte, notre compréhension des informations assoit une fondation auxquelle on va lier le contenu subséquent.

  • Memory-Based Text Processing

La théorie de Memory-Based Text Processing a fourni une description plus précise de ce processus. Les informations se trouvant actuellement dans la mémore de travail établissent un contact avec les autres informations lues précedemment ainsi qu'avec celles provenant de nos connaissances générales du monde.(cf. Gillund& Shiffrin, 1984; Hintzman, 1986; Kintsch, 1988; Murdock, 1983; Ratcliff, 1978; Ratcliff & McKoon, 1988). La difficulté de l'établissement du contact varie en fonction des types d'information. Les informations se trouvant dans un contexte immédiatement précédent (c’est-à-dire ce qu’on vient de lire) sont facilement accessibles et activées lorsque pour activer celles relatives mais plus lointaines, il faut adopter des stratégies favorisant leur activation.

  • Modèle de Resonance

Le modèle de la résonance proposé par O'Brien, Myers et ses collègues est cohérent avec ce mécanisme d'activation d'information lors de la lecture. L'hypothèse fundamentale de ce modèle est que lorsque le lecteur lit une phrase, les concepts qui sont présents dans la phrase ainsi que ceux qui sont en mémoire de travail (ceux qu'on a lu précédemment) servent de signaux qui activent et influencent à la fois les éléments actifs et inactifs de la mémoire. En d'autres termes, ces signaux aident le lecteur à intégrer les informations nouvelles avec celles qui sont déjà stockées en mémoire, ce qui facilite la compréhension du texte et la récupération des informations pertinentes. Le modèle présente aussi des découvertes sur les facteurs influençant la (ré)activation des informations lors de la lecture. Selon O’Brien et Myer, plus les informations provenant des parties précédemment lues et des connaissances générales du monde coïncident sémantiquement et contextuellement avec les informations actuellement au traitement, plus est forte cette résonance entre eux et plus est facile leur intégration. Outre au degré de la coïncidence sémantique et contextuelle entre les informations précédentes et actuelles, des autres facteurs influencent aussi la résonance tels que l'élaboration, la force de l'association dans la trace de mémoire épisodique et la distance référentielle (traduction libre. Texte original: « elaboration, strength of association in the episodic memory trace, referetial distance») (O’Brien et Myer, 1999). Par exemple, dans un texte, les informations importantes sont normalement plus élaborées (à travers les répétitions), ce qui favorise leur propre résonance dans la lecture subséquente. Lorsqu'il y a plusieurs références liées à un concept, il y a une accumulation d'activation sur le concept (traduction libre. Texte original: « When there are several related references to a concept, there is a buildup of activation on the concept » )(Anderson, 1983; Myers, O’Brien, Balota, & Toyofuku, 1984). Mais la coincidence entre les informations est la condition indispensable pour que l'activation ou la résonance se passe. Les autres factors soumentionnés ne font qu'augmenter ou abaisser la possibilité de la réactivation(O’Brien et Myer, 1999). Si les informations activées ne permettent pas une compréhension, le lecteur doit continuer à revenir en arrière et à chercher des informations supplémentaires jusqu'à ce que suffisamment d'informations soient réactivées pour permettre une compréhension satisfaisante. Ce processus se poursuit jusqu'à ce que le lecteur soit en mesure de comprendre le texte ou décide de continuer à lire sans avoir pleinement compris. Si nécessaire, le lecteur peut également décider de s'engager dans une résolution active de problèmes pour tenter de résoudre les obstacles à la compréhension.(O’Brien et Myer, 1999).

Textes multiples

Dans un environnement digital, pour apprendre un sujet à partir de la lecture, il est facile pour nous à trouver des textes multiples qui en traitant le sujet sous différents angles, nous permettent de le connaître de manière plus complète.

Face aux sources d'informations multiples, selon le modèle de Construction-Integration (Kintsch, 1988, 1998), les lecteurs commencent leur compréhension par une phase de construction pendant laquelle les sens compris, cohérents ou incohérents, sont tous potentiellement inclus dans une représentation. Mais les informations obtenues depuis ces ressources multiples peuvent être complémentaires, répétitives, incohérentes ou même contradictoires les unes avec les autres. Donc on est confronté à des questions incontournables. Quelles informations sont valides ? Comment peut-on faire le lien entre cette vue et l’autre etc. Pour avoir un apprentissage complet et approfondi sur le sujet cible, les lecteurs passent à la phase d’intégration. Une intégration effective des informations provenant des textes multiples est cruciale pour l’apprentissage.

La compréhension de plusieurs textes peut impliquer des processus similaires à ceux impliqués dans la compréhension d'un seul texte, notamment l'intégration de nouvelles informations avec les informations stockées en mémoire (traduction libre. Texte original: Comprehension of multiple texts may involve processes that are similar to those involved in single text comprehension, including integration of new information with information stored in memory.) (Katinka Beker et al, 2016, P.1162) Donc on pourrait argumenter que pendant la lecture des textes multiples, il y a aussi une activation des informations précédemment acquises, ce qui permet la construction des connections entre les contenus des différents textes ainsi qu’entre les informations nouvellement obtenues et nos connaissances générale du monde. Les deux expérimentations conduites par Katinka et al(2016) ont aussi fait la preuve que l’activation des textes précédents ont lieu pendant la lecture des textes multiples et facilite le processus de la lecture.

Cependant par rapport à l’activation des informations intra-textuelle qu’on fait pendant la lecture du texte single, l’activation des informations intertextuelle peut être beaucoup réduite parce que les textes se différencient par multiples facteurs tels que le contexte de leur lecture, la source, le style d’écriture, la structure de texte etc. Le manque de cohérence entre différents textes est aussi un des facteurs qui peuvent empêcher la construction d’une représentation complète dans notre mémoire.

L'activation d'informations antérieures s'est révélée se propager des informations récemment lues et plus centrales en mémoire vers des informations plus éloignées et moins centrales dans une recherche parallèle rétrograde (traduction libre. Texte original: Activation of prior information has been shown to spread from recently read and more central information in memory to more distant and less central information in a backward parallel search). (O’Brien, 1987; O’Brien, Plewes, & Albrecht, 1990, cité par Beker, K., Jolles, D., Lorch, R. F., & van den Broek, P. (2016), P.1174) Par exemple, dans le cas où il y a une incohérence entre les multiples textes mais en même temps, une explication qui aide à construire un « pont » entre les points incohérents est fournie dans les textes antérieurs, cet explication en tant que les informations plus centrales facilitant la compréhension va être activée toute de suite lors de la lecture du texte actuel. Au contraire, sans une explication, l’échec de l’activation peut nous amener à chercher des informations plus lointaines et moins centrales, ce qui prend plus de temps.

Lorsqu’il manque la cohérence entre les textes, le Documents Model Framework (Britt &Rouet, 2012; Britt etal.,1999; Perfetti etal.,1999) argumente que pour établir une cohérence, les lecteurs construisent un modèle mentale en basant sur le contenu du chaque texte et puis connecter ces modèles en utilisant les informations des sources de ces textes. Par exemple, source A affirme X lorsque source B affirme Y.

Document Model Framework - Figure provenant de Saux, G., Britt, M. A., Vibert, N., & Rouet, J. (2021). Building mental models from multiple texts : How readers construct coherence from inconsistent sources.

Texte en ligne

Le processus de l'apprentissage à partir des textes en ligne inclut la navigation, l’intégration des différentes sources d’information et l’évaluation des sources d'informations. Tous ces étapes nécessitent des compétences. Pour apprendre à partir des textes en ligne, l’environnement digital nous présente une grande quantité des ressources de lecture. Donc la première étape est de naviguer de manière effective dans ces ressources et sélectionner celles qui correspondent à nos intérêts. Les ressources, une fois sélectionnées vont être lues et les informations jugées relatives seront intégrées pour l’apprentissage, ce qui est souvent une tâche exigeante selon Salmerón et al (2017), surtout quand les informations proviennent de multiples textes.

Enfin l’évaluation de la validité et la corrélation des informations est aussi une partie très importante du processus de la compréhension. Selon Saux et al (2021), elles devrait être conçues comme faisant partie d'un continuum avec des processus de compréhension plus élémentaires, plutôt que comme une activité complètement différente. Pour évaluer les informations, le modèle de Contenu-Source-Intégration construit par Stadtler et Bromme(2014) distingue deux types de décision à faire sur la validité des informations. Les lecteurs peuvent soit prendre des décisions de première main en comparant ce qu'il lit à ce qu'il croit être vrai en fonction de sa connaissance du monde, soit prendre des décisions de seconde main en examinant attentivement les informations sources (traduction libre. Texte original: Readers can either make first-hand decisions by comparing what they read against what they believe to be true based on their world knowledge, or they can make second-hand decisions by scrutinizing source information).(Salmerón et al, 2017, P.19)

Texte sur papier

Quand on apprend à partir des textes sur papier, l’accès aux multiples informations pourrait être moins vite et un peu plus limité par rapport à la lecture en ligne qui souvent met des hyperlinks à notre disposition pour accéder tout de suite aux informations relatives. Mais malgré les utilités de ces fonctions supplémentaires apportées par la lecture en ligne (avec les appareils numériques tels que l'ordinateur, tablette, téléphone etc.), plusieurs études ont examiné les impacts négatifs qui coexistent, notamment sur la charge cognitive. Par exemple, les études de Wästlund et al.(2007) ont conclu que lire sur l’ordinateur entraîne une charge cognitive plus élevée par rapport au papier (Wästlund et al., 2005; Wästlund, 2007). Plusieurs études menées par Noyes et Garland(2003) concluent de manière pertinente que “les caractéristiques de l'écran d'ordinateur (taux de rafraîchissement, niveaux de contraste élevés et luminance fluctuante) interfèrent avec le traitement cognitif de la mémoire à long terme“ (Noyes et Garland, 2003, p.420). En plus, d’après les études de Ackerman et Goldsmith (2011), lire sur l’écran manifeste des limites évidentes quand il s’agit de l’apprentissage autorégulé. Apprendre à partir des textes sur papier peut éviter ces impacts négatifs.

Les facteurs qui favorisent ou entravent l’apprentissage à partir des textes

Multiples facteurs peuvent favoriser ou entraver la compréhension des textes.

Quand il manque une cohérence entre les différentes parties d’un texte seul ou des textes multiples, les lecteurs ont du mal à former une représentation entière du sujet, ce qui entrave l’apprentissage. Donc si un texte d’apprentissage possède des caractéristiques qui rendent plus cohérentes les différentes parties du contenu tels que répéter les informations importantes, ajouter les éléments organisationnels (titre, sous-titres, mots clés en gras etc.) ou si dans le cas des textes multiples, les textes choisis sont plus cohérents en termes de style d’écriture, structure, temps et endroit de la lecture etc., l’activation et l’intégration des informations seront plus facilitées.

Le manque des stratégies ou des compétences pose aussi les difficultés à la compréhension des textes. Par exemple, quand on fait face aux multiples ressources de la lecture, les compétences de la résolution de problème et de la prise de décision sont jugées importantes pour faciliter la sélection, le traitement et l’évaluation des informations. De plus en plus souvent, les lecteurs doivent décider quand et comment s'engager avec les textes écrits. Ils doivent décider comment traiter le texte, par exemple s'ils doivent le parcourir rapidement, le survoler, le sauter ou le ralentir, le lire en profondeur, réfléchir, évaluer...(traduction libre. Texte original : More often than before, readers have to decide when and how to engage with written texts. They need to decide how to process text, e.g., whether they should scan, skim, skip, or slow down, read at a deeper level, reflect, assess…). (Britt et al, 2022, P.362)

Il y a aussi des stratégies qui favorisent le processus de compréhension telles que lire avec des objectifs, bien comprendre le contexte dans lequel la lecture est effectuée ou simuler des contextes bénéfiques à l’obtention des informations ciblées ou à la motivation, etc. Par exemple, si on lit la description d’une denrée alimentaire en tant qu’un nutritionniste, on fait plus d’attention aux informations liées à la nutrition ; si on lit comme si on doit préparer pour un examen, on est plus motivé.

Discussion

Cette revue de la littérature m'a permis de comprendre le processus de l'apprentissage à partir des textes, les facteurs qui influence ce processus ainsi que les compétences requises et les stratégies qu'on peut adopter. Pour construire des dispositifs numériques favorisant l'apprentissage à partir de textes, j'ai des réflexions.

  • Faciliter la connexion des informations. On peut mettre à disposition des apprenants des fonctions permettant de faire plus facilement les liens entre les informations. Par exemple, répertoire cliquable, construction des hyperlinks dans le texte ou dans les notes prises par les apprenants, le mind map etc. Ces liens pourraient contribuer à réduire l'influence des discontuités temporelle ou spatiale qui peuvent se passer de temps en temps pendant l'apprentissage, ce qui favorise le "mapping" comme le modèle Structure-Building présente.
  • Assurer la cohérence entre les sources fournies dans le dispositif. L'incohérence entre les informations entrave leur intégration ainsi l'apprentissage. Donc les textes à lire choisis par le dispositif doivent être cohérents.
  • Mettre en place une guide de la lecture qui indique le niveau de la difficulté des différentes textes. Ainsi les apprenants savent entrer dans le sujet par des textes plus faciles, ce qui favorise la construction d'une fondation au début de la lecture. Une bonne fondation facilite la réactivation des informations dans la lecture suivante.
  • Bien identifier les objectifs de la lecture. Avant chaque texte, on peut spécifier tout au début des textes quels objectifs les apprenants doivent atteindre après la lecture.
  • Inclure la validation des ressources cherchées par les apprenants comme une tâche de l'apprentissage. Comme Saux et al ont dit, La validation des ressources doit être conçue comme faisant partie d'un continuum avec des processus de compréhension plus élémentaires, plutôt que comme une activité complètement différente.
  • Mettre en place une séance dédiée à la présentation des stratégies de la lecture.

Références

Ackerman, R., & Goldsmith, M. (2011). Metacognitive regulation of text learning: On screen versus on paper. Journal of Experimental Psychology: Applied, 17(1), 18–32. https://doi.org/10.1037/a0022086

Beker, K., Jolles, D., Lorch, R. F., & van den Broek, P. (2016). Learning from texts : Activation of information from previous texts during reading. Reading and Writing, 29(6), 1161‑1178. https://doi.org/10.1007/s11145-016-9630-3

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McNamara, D. S., & Magliano, J. (2009). Chapter 9 Toward a Comprehensive Model of Comprehension. In Psychology of Learning and Motivation (Vol. 51, p. 297‑384). Elsevier. https://doi.org/10.1016/S0079-7421(09)51009-2

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