BASES:Cours BASES 2020-21/Les enjeux de l'évaluation au sein de l'hybridité présentiel&distanciel
Auteur-es : Thomas Wünsche, Franck Grisard, Tatiana Armuna
Vidéo de présentation du sujet : lien vers la vidéo
Le groupe de travail
Nous nous sommes orientés sur l’axe de recherche présence-distance et avons décidé de traiter de la question de l’évaluation des apprentissages dans le cadre d’une formation hybride. Notre question de recherche commune est la suivante :
- « Les enjeux de l'évaluation (assessment) au sein de l'hybridité présentiel/distanciel : quels sont les avantages et les inconvénients de l'utilisation des technologies éducatives dans les méthodes d'évaluation et comment alterner efficacement les modes d'évaluation dans le cadre d'une formation hybride afin de favoriser au mieux les apprentissages ? »
Problématique et questions de recherches
Problématique
Cette fiche porte sur la notion d’évaluation (en anglais « assessment »), notion centrale aux processus d’apprentissage. Après discussion, l’axe de différenciation entre le présentiel et le distanciel est l’axe qui est paru le plus pertinent pour aborder cette question et ce pour plusieurs raisons.
"La pandémie a constitué un choc brutal et un bouleversement inattendu pour la plus grande majorité des enseignants et des apprenants sommés, dans une totale impréparation, de se mettre au « tout à distance », sans avoir conscience de la nécessité d’une réflexion portant sur l’ensemble des fonctions d’un dispositif de formation (Peraya, 2008) et non pas uniquement sur l’accès aux contenus." (Peraya, Peltier 2020). De nombreuses institutions, notamment au niveau tertiaire, ont choisi de maintenir les évaluations en présence afin d’éviter de changer les modalités et ainsi maintenir une cohérence avec les exigences des années précédentes. Les autres "ont multiplié des plateformes d'évaluation instrumentée et mis en place - avec plus ou moins de succès et d'adhésion des apprenants." (Peraya, Peltier 2020). Or une hybridation de la formation devrait impliquer également une hybridation de ses méthodes d’évaluation, quelles soient formatives et/ou sommatives.
Au vu des récents développements, nous avons souhaité approfondir l’état de la question afin de comprendre les mécanismes sous-jacents à l’évaluation et éventuellement proposer des solutions adaptées à la modalité hybrides. En effet, l’hybridation d’une formation implique des opportunités supplémentaires dans l'alternance des types d'enseignement et d'évaluation. L’évolution technologique qui l’accompagne peut également servir de moteur à un développement au niveau pédagogique. En conséquences, les solutions d’évaluation dans cette modalité pourraient contenir les mêmes potentialités.
Questions de recherche
Questions de recherche | Description du contenu recherché | Dimensions relatives aux technologies éducatives |
---|---|---|
Quel est le rôle des technologies actuelles en matière d’évaluation des connaissances en modalité hybride? | L'objectif de cette question de rechercher est de se pencher sur les innovations technologiques et leurs impacts sur l'évaluation en modalité hybride. Il semble important d'identifier quelles sont les situations où les technologies peuvent apporter une plus-value, mais également quelles sont leurs limites. Il va donc s'agir de détailler la place des technologies dans la modalité de formation hybride. | Technologie |
Comment l'utilisation de technologies éducatives dans un contexte hybride permet-elle une évaluation diversifiée et favorisant l'apprentissage? | L'objectif de cette question est de déterminer l'impact de l'utilisation des technologies éducatives pour l'évaluation et l'autoévaluation sur l'apprentissage et la posture des apprenants dans un contexte hybride. Divers modèles d'évaluation impliquant les nouvelles technologies seront donc analysés en lien avec le rôle de l'évaluation dans l'apprentissage. | Apprentissage |
Que prendre en compte, en tant que formateur-trice, dans la mise en place d’une formation hybride en ce qui concerne l’évaluation des apprentissages ? | Entre technologies et apprenants se trouvent les formateurs. Cette question a pour but d'identifier les différents choix que doivent opérer l'expert au moment de scénariser sa séquence d'enseignement dans un contexte hybride, surtout en ce qui concerne l'évaluation des apprentissages. | Enseignement et pédagogie |
Réponses aux questions de recherche
L’évaluation est un élément fondamental dans un processus d’apprentissage. Elle consiste en la passation d’une tâche nécessitant de mobiliser les connaissances visées par les objectifs d’apprentissage. Elle est donc centrale dans la progression de l’apprenant, car elle « participe à la régulation des apprentissages et du développement dans le sens d’un projet éducatif » mis en place par le/la formateur-trice (Perrenoud, 1991). Étant donné que la connaissance ne peut pas être observée directement, il faut inférer la maîtrise de la connaissance au travers de la réalisation d’une tâche. Pour ce faire, on compare le résultat de l’apprenant avec le résultat attendu. Si ces résultats sont proches l’un de l’autre, on peut juger la compétence visée acquise par l’apprenant. À l’inverse, si les résultats diffèrent, il est possible d’inférer que l’apprenant n’a pas complètement acquis le contenu d’apprentissage souhaité (Amadieu & Tricot, 2014, p.103).
Question de recherche 1: Quel est le rôle des technologies actuelles en matière d’évaluation des connaissances en modalité hybride?
En se basant sur cette définition, il est possible d’imaginer que les technologies sont aptes à remplacer l’Homme pour évaluer. Or, la comparaison entre le résultat de l’apprenant avec le résultat attendu n’est pas toujours facilement réalisable. En effet, tout n’est pas blanc ou noir. Il est vrai que dans le cadre d’une évaluation ne comportant que des réponses fermées (type QCM), il est aisé de donner un feedback « correct/incorrect ». Toutefois, l’analyse de réponses ouvertes reste un défi d’actualité pour les technologies éducatives. Bayle (2018) explique à propos des questions ouvertes qu’« il n'existe pas d'outil capable de comprendre et restituer le sens des réponses données sans intervention humaine ». Malgré les avancées technologiques, il semblerait qu’un travail manuel soit nécessaire. Les outils actuels ne permettent donc pas encore de numériser totalement l’évaluation : « La contribution de l’informatique a fait l’objet de nombreux travaux et a conduit au développement d’innombrables outils, sans remplacer l’humain » (Amadieu & Tricot, 2014, p.106).
La comparaison entre l’enseignant et la machine éducative n’est toutefois pas forcément pertinente, puisqu’on cherche plutôt à les considérer comme complémentaires, il est intéressant de se demander dans le cadre précis de l’évaluation ce que chacun fait de mieux que l’autre. Selon Redecker et Jonhannessen (2013), les outils techniques aujourd’hui permettent, en plus de réaliser ces évaluations et séquences d’apprentissage de manière digitale, de récolter des traces et données utiles au suivi de l’apprentissage. Ainsi la technologie, par son évolution, permet à la fois une diversification, mais aussi une cohérence et une augmentation des dimensions testées. Cependant, pour cela, la majorité des outils actuels se base sur des questions de type fermées. Llamas Nistal, Fernández, Manuel, Tato et Mikic Fonte (2012) ont observé que, s’ils ont le choix, les enseignants préfèrent évaluer à l’aide de questions ouvertes et ainsi corriger avec plus de finesse les réponses. En parallèle, les étudiants apprécient les retours personnalisés et détaillés ainsi que la passation en format papier des examens dans une configuration en présence. Se basant sur la littérature et leurs observations, les auteurs concluent à la nécessité de proposer un modèle permettant de garder les avantages du e-learning, mais aussi des évaluations classiques à la fois dans les modalités à distance qu'en présence. Parfaitement adapté au contexte d’une formation hybride présence/distance, le type d’évaluation proposé repose sur l’avancement des technologies de scannage et d’analyse des résultats, mais aussi les algorithmes de comparaisons utilisés pour garantir une cohérence dans l’évaluation, et ce également d’une volée à l’autre. Cet exemple démontre clairement l’apport des technologies sur la gestion de l’évaluation sur plusieurs niveaux.
En somme, il ne suffit pas d'utiliser une technologie éducative pour qu'elle soit efficace. Le choix des outils d’évaluation doit se faire en fonction du modèle choisi pour la formation. Dans le cadre d’une formation hybride, il est possible de tirer profit de la double modalité présence-distance en déployant les outils les plus favorables à l’apprentissage dans la situation idoine. Les dires de Lebrun (2015) soulignent cette nécessité d’adaptation : « les outils (numériques) sont ambivalents et (…) leurs apports, leurs impacts et leurs valeurs ajoutées dépendent largement des usages qui en sont faits » (p.75). Il est donc question d’adapter les outils à la situation de formation et non d’imposer un outil à un contexte d’enseignement.
Question de recherche 2: Comment l'utilisation de technologies éducatives dans un contexte hybride permet-elle une évaluation diversifiée et favorisant l'apprentissage ?
L’utilisation des technologies dans l’évaluation des apprentissages soulève plusieurs interrogations :
- les types d’évaluation pour lesquelles la technologie est adéquate
- la manière dont la technologie peut influer sur l’impact de modalités hybrides face à l’apprentissage.
Comme souligné par Peraya et Peltier (2020) les plateformes et structures d’évaluations automatisées se sont multipliées depuis le début de la pandémie. Ces structures demandent de l’apprenant de fournir une réponse directe. Elles sont souvent associées à un niveau bas de taxonomie. Elles offrent ensuite un retour direct et quantifié. La vitesse d’exécution et l’automatisation des feedbacks permettent aisément de fournir des retours immédiats (Amadieu & Tricot, 2014, p.108). Les résultats d’étude obtenus par Van der Kleij, Feskens & Eggen (2015) soulignent la pertinence des feedbacks immédiats en contexte d’apprentissage à distance. Selon leurs observations, les retours immédiats sont nettement plus efficaces que ceux différés (p.27). Ces derniers nécessitent souvent une médiation par l’enseignant imposant ce décalage temporel.
Mohib (2018), associant ces feedbacks automatisés à des exigences de type sommatif dans une structure de Mooc, relève que « la fréquence élevée des évaluations sommatives favorise le développement de stratégies d’autorégulation dans un contexte d’apprentissage où les étudiants sont soumis à une forte pression du temps ». Elle contraste cette observation avec les retours des étudiants sur « l’importance de l’accompagnement et du développement des compétences visés par l’évaluation formative.» Les deux aspects sont centraux à la création d'un environnement d'apprentissage propice et ceci est également vrai dans le cadre d'une formation hybride.
Que ce soit dans une modalité en présence, à distance ou en modalité hybride, les méthodes d’évaluation se doivent de jouer le rôle souhaité dans l’apprentissage. Renoncer à une dimension, comme la possibilité de fournir des retours détaillés et réflexifs pour des raisons techniques, semblent être une préoccupation importante pour les enseignants. Ainsi, cette nécessité de fournir un accompagnement formatif, élément crucial dans le suivi de l’apprentissage, a mené les enseignants à opter pour du « contrôle continu à distance et où [de] l’évaluation réflexive » (Bonfils, 2020) encourageant également l’autoévaluation.
De nombreuses pistes d'utilisation des technologies éducatives sont étudiées permettant de remodeler l’évaluation en fonction des objectifs d’apprentissage et en exploitant les avantages de chaque aspect des modalités hybrides. Deux aspects spécifiques sont décrits ci-dessous pour illustrer ces recherches.
Dans leur article datant de 2015, Barber, King et Buchanan présentent une méthode pédagogique combinant les bases de l'apprentissage par problème et de l’évaluation authentique. La communauté d’apprentissage virtuelle pensée par Barber, King et Buchanan (2015) repose sur la mise en situation des apprenants selon les principes cités précédemment. De plus, considérant que les méthodes d’évaluation digitales liées à des enseignements en ligne jouent un rôle important dans le processus d’appropriation des contenus, les apprenants sont impliqués dans la création de leurs propres moyens d'évaluation comme par exemple lors d'évaluation par les pairs. Les auteurs proposent un système d’évaluation intrinsèquement lié à l’apprentissage et soutenu par des processus digitaux, possiblement distanciels. L’objectif est de renforcer l’implication personnelle dans l'apprentissage et dans la communauté. En conclusion, les auteurs soulignent l’importance des éléments suivants dans la création de méthodes d’évaluation adaptées aux enseignements en ligne (p.65) :
- célébrer et encourager le développement de la créativité en permettant aux élèves d'utiliser des moyens originaux et artistiques pour exprimer leurs connaissances ;
- donner aux apprenants la possibilité de créer les moyens d'évaluer de manière authentique ces connaissances et l'apprentissage de soi et de ses pairs.
Redecker et Johannessen (2013) abordent le rôle important de la récolte de données et des learning analytics dans les méthodes d’évaluation digitales et leur impact sur l’apprentissage. Les auteurs affirment que les « stratégies d'évaluation doivent être mieux harmonisées avec les approches d'apprentissage du 21e siècle en se recentrant sur l'importance de fournir un retour d'information opportun et significatif aux apprenants et aux enseignants. »(original en anglais : « assessment strategies need to be better harmonised with 21st century learning approaches by re-focusing on the importance of providing timely and meaningful feedback to both learners and teachers. ») (p.80) Ils poursuivent sur la possibilité de proposer ce type de feedback personnalisé et ainsi impacter sur les possibilités de différenciations des parcours et des processus d’apprentissage à l’aide des données obtenues grâce aux learning analytics.
Jusque-là considérée comme possible uniquement dans une configuration en présence, impliquant un lien accru entre formateur et apprenant, ce niveau d’analyse de données permettrait une amélioration substantielle de la qualité des feedbacks sommatifs mais également sommatifs. Cela aurait également une influence sur la rapidité de traitement et de retours. Les auteurs concluent que le "e-assement" particulièrement présent dans les évaluations à distance ne se limite plus à une évaluation rapide et simple, sanctionnant sous la forme d’un juste ou faux, mais peuvent être un réel atout dans l’accompagnement d’un apprentissage personnalisé à distance et en présence.
Question de recherche 3: Que prendre en compte, en tant que formateur-trice, dans la mise en place d’une formation hybride en ce qui concerne l’évaluation des apprentissages ?
L’enseignant, ou l’ingénieur pédagogique, est maître de sa séquence d’enseignement. C’est à lui de prendre toutes les décisions concernant son organisation. Dans les écoles et universités traditionnelles, là où la modalité d’enseignement en présence domine largement sur les cours à distance ou hybrides, les questions d’organisation se posent moins. On se base sur ce que la profession sait bien faire depuis des lustres, et ça marche. Avec l’avènement de nouvelles modalités d’enseignement, redéfinissant l’espace spatio-temporel des classes et autres amphithéâtres, la question de l’organisation doit donc promptement recommencer à se poser.
Comme pour les apprenants, la formation hybride a tout pour plaire aux enseignants. « Les dispositifs hybrides semblent présenter du point de vue des acteurs de l’ingénierie pédagogique les avantages de la formation à distance ou en présentiel sans leurs inconvénients. Suffisamment ouverts pour favoriser l’autonomie des apprenants et pas trop encadrants pour soutenir leur motivation. » (Mohib, 2018). Nous sommes alors en droit de nous demander pourquoi les formations, aussi diverses soient-elles, ne sont pas toutes hybrides. Le passage d’une formation unimodale à une formation hybride ne peut pas se passer sans prendre le temps d’analyser le contenu d’apprentissage, de vérifier s’il est adaptable et de chercher à comprendre comment le transposer à la modalité opposée, de la présence vers la distance ou inversement. Plus que le contenu, c'est aussi le support d'enseignement qui doit être analysé et compris pour s'assurer que les apprenants pourront se l'approprier, si ce n'est pas déjà le cas, sans jamais empiéter sur le travail d'acquisition du contenu. Si ce travail de compréhension du contenu et des supports n’est pas fait au préalable, l’hybridation d’une séquence n’aurait que pour cause de créer une surcharge d’informations pour les apprenants (Black, 2002).
Pour ce qui est du rôle de l'enseignant lors de l'évaluation des apprentissages dans un contexte de formation hybride, il faut avant tout se demander si l'expert maîtrise assez bien les technologies pour les incorporer à sa planification de formation et dans son évaluation. Eyal (2012) présente différents outils d’évaluation numériques et met l’accent sur les compétences nécessaire aux formateurs pour développer ce qu’il nomme une culture de l’évaluation numérique. Ainsi, au travers de sa démarche, Eyal insiste sur la nécessité d’un changement de paradigme dans les méthodes d’évaluation et dans le rôle que le formateur joue dans ces dernières. Il lie ce changement dans les méthodes d’évaluation à la littéracie numérique des enseignants. Ces derniers doivent compléter leurs compétences pédagogiques par des compétences numériques avancées afin d’atteindre les objectifs d’une implémentation réussie des outils digitaux dans la formation tant à distance qu’en présence.
L'expert est aussi responsable du choix de l'outil numérique d'évaluation. Il doit se faire en fonction de la modalité choisie pour la formation. Dans le cadre d’une formation hybride présence-distance, il est possible de tirer profit de l'alternance en déployant les outils des plus favorables à l’apprentissage dans la situation idoine. Les dires de Lebrun (2015) soulignent cette nécessité d’adaptation : « les outils [numériques] sont ambivalents et (…) leurs apports, leurs impacts et leurs valeurs ajoutées dépendent largement des usages qui en sont faits » (p.75). Il est donc question d’adapter les outils à la situation de formation et non d’imposer un outil à un contexte d’enseignement. La formation hybride a l'avantage de proposer une palette plus vaste de modalités d'évaluation que l'enseignement classique, qui s'arrête le plus souvent à des examens sur table. Elles peuvent, en effet, varier tant en temporalité, entre synchrone et asynchrone, qu'en spatialité, entre présence et distance (Lebrun, 2015). Il est donc possible de placer un outil numérique d'évaluation sur ces deux axes en fonction de la modalité dans laquelle il sied le mieux.
Enfin, le formateur doit considérer certaines questions quant au timing adopté pour évaluer ses apprenants. Class et Schneider (2013) expliquent l’importance de coordonner l'évaluation avec le processus de construction de connaissance et la pratique réflexive, chacune propre à la modalité d’enseignement envisagée. Un même contenu d’apprentissage ne sera pas traité de la même façon en cours en présence ou à distance. Cette différence est surtout due aux changements que peuvent apporter l’accompagnement de l’apprenant en termes d’étayage, ou la présence ou non de camarades sur qui s’appuyer ou prendre exemple. Il est aussi question d’un certain rythme à adopter avec les évaluations que propose l’enseignant. Les évaluations ont effectivement pour but second de maintenir l'apprenant engagé dans la formation, après celui « de vérifier si un élève a appris une connaissance, correspondant à l'objectif d'enseignement » (Amadieu et Tricot, 2014, p.103). Selon Mohib (2018), ne pas en planifier assez risque d'une part de dévaloriser les contenus présentés, de donner l'impression aux étudiants que ces notions ne sont pas importantes et n'ont pas réellement besoin d'être retenues. D'autre part, et comme résultat, les contenus seront moins bien appris. À l'inverse, un trop grand nombre d'évaluations risque de démotiver les étudiants et de les désintéresser.
Discussion
C'est finalement Lebrun (2015) qui vient réconcilier et confirmer tout ce que nous avons pu présenter ci-dessus. Lui-même porte une attention particulière à l'évaluation de demain:
- « Une évaluation 2.0 impliquerait et engagerait les étudiants eux-mêmes très tôt dans le processus de design des situations et des problèmes, dans la construction des démarches et des productions attendues, dans l'élaboration des signes (indicateurs) des compétences déployées, dans la gestion du dispositif ainsi co-construit, dans les responsabilités de chacun individuellement et au sein des groupes et dans l'évaluation de ces différents éléments. » (p.72).
Il existe une grande quantité d’outils technologique permettant d’évaluer les apprenants. Certains se spécialisent dans l’évaluation à distance tandis que d’autres soutiennent l’enseignement présentiel. Il faut toutefois garder à l’esprit que la mise en place de ces outils dépend du contexte d’enseignement. L’enjeu majeur est donc de réussir à déployer l’outil le plus adapté à une situation donnée. C’est là que sont attendus les enseignants, formateurs ou ingénieurs pédagogiques. L’analyse dudit contexte leur revient, et la recherche de l’outil le plus adéquat à une situation d’apprentissage donnée. Il faudra pour cela prendre en compte, par exemple, la modalité de travail. Distance ou présence ? Synchrone ou asynchrone ? Les évaluations doivent être construites sur ces choix. On note aussi le rôle important que peut jouer une trop grande fréquence ou non d’évaluations dans une séquence d’enseignement sur la motivation des élèves.
Une modalité d'enseignement hybride permet l'alternance des modes d'évaluation en fonction du besoin spécifique de l’apprenant. Dans son article de 2017, Charlier souligne l'importance de considérer l'apprenant et son environnement, incluant les artefacts technologiques, pour qu'il y ait apprentissage. Suivant le mode choisi, l'évaluation va permettre de stimuler l'autorégulation, encourager l'autonomie ou encore de permettre à l'apprenant de se situer dans son processus d'apprentissage. Avec une approche de la co-construction des méthodes d'évaluation, l'enseignant soutient l'intégration de l'apprenant dans une communauté d'apprentissage, qu'elle soit à distance et en ligne ou en présence. Les technologies favorisent, par l'immédiateté des modes d'évaluation, une grande diversification des méthodes, une plus grande réactivité mais aussi un plus haut degré de différenciation dans l'accompagnement des apprentissages.
L'utilisation grandissante des Learning Analytics est l'exemple paradigmatique de l'utilisation des traces, accessibles et analysables en détail grâce au progrès technique, pour une amélioration et un soutien accru de l'apprenant dans son parcours d'apprentissage. Exploité dans des modalités en ligne à distance mais aussi en présence, l'outil est un partenaire accompagnant l'enseignant dans son travail. Les modalités hybrides permettent d'exploiter plusieurs facettes de l'outil pour analyser à la fois les stratégies d'apprentissage en autonomie, à distance, les apprentissages en présence et l'impact des modalités virtuelles face aux modalités présentielles.
En conclusion, l'intégration de technologies éducatives pour l'évaluation des apprentissages en modalité hybride est en constante évolution. Les enseignants sont confrontés à de multiples choix et opportunités pour accompagner l'apprentissage. Les conseils principaux ressortant de cet état des lieux de la question sont:
- La créativité
- La favorisation de la co-construction
- La mise en place de différenciation
- L'usage raisonné et réfléchi des technologies
- L'étude des traces.
Références
- Amadieu, F. & Tricot, A. (2014). Mythes et réalités: apprendre avec le numérique. Paris: Retz.
- Bayle, A. (2018). Analyser les réponses aux questions ouvertes des questionnaires de MOOC : Considérations méthodologiques. Repéré à https://hal.inria.fr/hal-01735880/file/analyse-questions-ouvertes-mooc.pdf
- Barber, Wendy & King, S. & Buchanan, S.. (2015). Problem based learning and authentic assessment in digital pedagogy: Embracing the role of collaborative communities. Electronic Journal of e-Learning. 13. 59-67
- Black, G. (2002). A comparison of traditional, online and hybrid methods of course delivery. In Journal of Business Administration Online, 1(1).
- Bonfils, P. (2020). Repenser les dispositifs de formation à l’aune de la pandémie ?. Distances et médiations des savoirs [En ligne], 31 | 2020, mis en ligne le 16 octobre 2020, consulté le 19 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/dms/5583 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.5583
- Charlier, B. (2017). Enjeu pour la formation des adultes : (re)connaître l’Individu Plus. Raisons éducatives, 1(1), 45-60. https://doi.org/10.3917/raised.021.0045Lebrun, M. (2015). L’hybridation dans l’enseignement supérieur : vers une nouvelle culture de l’évaluation ? Evaluer. Journal international de Recherche en Education et Formation, 1(1), pp. 65-78.
- Eyal, L. (2012). Digital Assessment Literacy—the Core Role of the Teacher in a Digital Environment. Educational Technology & Society, 15 (2), 37–49.
- Class, B. et Schneider, D. (2013). Design, mise en œuvre et évaluation d'une formation hybride. In Distances et médiations des savoirs [En ligne], 1 | 2012-2013. DOI : https://doi.org/10.4000/dms.84
- Lebrun, M. (2015). L’hybridation dans l’enseignement supérieur : vers une nouvelle culture de l’évaluation ? Evaluer. Journal international de Recherche en Education et Formation, 1(1), pp. 65-78
- Llamas Nistal, Martín & Fernández Iglesias, Manuel José & Tato, Juan & Mikic Fonte, Fernando. (2012). Blended e-assessment. Migrating Classical exams to the digital world. Computers & Education. 62. 72-87. 10.1016/j.compedu.2012.10.021.
- Mohib, N. (2018). Stratégies d’autorégulation et synchronisation des temporalités dans un dispositif hybride : le rôle de l’évaluation. In Distances et médiations des savoirs [En ligne], 22 | 2018, mis en ligne le 10 juin 2018, consulté le 06 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/dms/2210 ; dir="ltr">DOI : https://doi.org/10.4000/dms.2210
- Peraya, D & Peltier, C (2020). Ce que la pandémie fait à l'ingénierie pédagogique et ce que la rubrique peut en conter. Distances et médiations des savoirs [En ligne], 30 | 2020, mis en ligne le 25 juin 2020, consulté le 19 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/dms/5198 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.5198
- Perrenoud, P. (1991). Pour une approche pragmatique de l’évaluation formative. Genève: université de Genève. Repéré à https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1991/1991_12.html
- Redecker, C. & Johannessen, O. (2013). Changing Assessment--Towards a New Assessment Paradigm Using ICT. European Journal of Education, 48(1), 79-96. Retrieved December 8, 2020