BASES:Cours BASES 2020-21/Interactions sociales dans les dispositifs de formation hybrides
Auteures : Ariadna Roig Monturiol, Marta Dados-Ribeiro
Voici la vidéo de présentation du sujet : lien vers la vidéo
Groupe de travail
Notre groupe s’intéresse à l’axe hybridation présence-distance. Le thème que nous avons abordé est : Interactions sociales dans les dispositifs de formation hybrides.
Problématique et questions de recherches
Problématique
L'apprentissage hybride fournit un contexte unique innovant pour les interactions sociales : un mélange sans précédent de synchrone et d'asynchrone, de face à face et en ligne, et de communication orale et écrite. Comme il faut s'y attendre, les relations sociales dans ces contextes de formation se développent différemment que dans les formations traditionnelles : l'imposition de périodes à distance, où les élèves ne se voient pas physiquement, et de périodes en présentiel, où ils interagissent en face à face, crée à la fois des opportunités et des défis pour les équipes enseignants.
C'est dans cette optique que nous explorons le sujet des interactions interpersonnelles dans des formations hybrides et discutons des défis et opportunités que cette nouvelle manière mixte d'interagir apporte aux enseignants comme aux apprenants. Plus précisément, le présent article vise à:
- présenter une taxonomie des interactions interpersonnelles dans le contexte de l'hybridation afin de comprendre quelles interactions sont les plus bénéfiques pour l'apprentissage;
- examiner les façons dont les interactions interpersonnelles peuvent conduire à la création d'un sentiment de communauté impliquant les apprenants et l'enseignant;
- et comprendre les façons dont les environnements en ligne peuvent contribuer au maintien de cette communauté tout au long des périodes à distance.
Questions de recherche
L'article aborde le sujet de recherche sous les trois perspectives suivantes :
1. Quel est le rôle des interactions sociales dans le processus d'apprentissage ?
Cette question s'intéresse particulièrement à la perspective de l'apprenant et vise à catégoriser les interactions interpersonnelles afin de comprendre quelles interactions et dans quelles conditions sont propices à une meilleure expérience d’apprentissage. Elle est rattachée à la dimension apprentissage.
2. Comment impliquer les apprenants dans la co-création d'une communauté de soutien au sein du groupe ?
Cette question examine les stratégies que les enseignants et les concepteurs pédagogiques peuvent mettre en œuvre afin de promouvoir des interactions interpersonnelles pertinentes. Nous nous intéressons également à la manière d'impliquer les apprenants dans ce processus de création de communauté. L'accent est mis sur la dimension enseignement et pédagogie.
3. Comment assurer le continuum des interactions et soutenir une communauté d'apprenants grâce aux technologies éducatives ?
Cette section vise à caractériser un environnement d'apprentissage en ligne qui sert à favoriser les interactions au sein de la communauté d’apprenants, entre apprenants ainsi qu'entre enseignants et apprenants. Elle fait référence à la dimension technologie.
Réponses aux questions de recherche
Quel est le rôle des interactions sociales dans le processus d'apprentissage?
Baker (2010) souligne l'importance des relations sociales pour l'expérience d'apprentissage et considère qu’elles sont « comme un catalyseur pour influencer la motivation des étudiants, l'apprentissage actif et la participation des étudiants, et l'atteinte des résultats d'apprentissage » (traduction libre). De plus, cet engagement actif et cette interaction avec les autres ont un rôle central pour faciliter le développement intellectuel (Palloff and Pratt, 1999; Laurillard, 2000; Garrison and Anderson, 2003, cités par Aspden and Helm, 2004).
De même, selon Mehall (2020), les bénéfices des relations interpersonnelles dans les environnements en ligne sont multiples, par exemple elles ont été associées à une augmentation de l'apprentissage perçu, à des niveaux plus élevés de satisfaction des étudiants à l'égard de la formation, à des niveaux plus élevés de satisfaction des enseignants à l'égard de la formation et à une amélioration du rendement scolaire des étudiants (p.183). Une étude de Cole (2014, cité par Mehall, 2020, p.184) montre aussi qu'un manque d’interactions en formation en ligne est la source principale d’insatisfaction des étudiants.
Cependant, les recherches ont montré que toutes les interactions ne sont pas également bénéfiques pour l'apprentissage. Garrison et Cleveland-Innes (2005) soutiennent que la qualité de l'interaction, et non la quantité, est importante pour favoriser l'apprentissage, et que des niveaux élevés d'interactions ne facilitent pas nécessairement un apprentissage significatif : « une simple interaction, absente de structure et de leadership, ne suffit pas. Nous devons avoir une vision qualitative plus riche de l'interaction » (p. 145, traduction libre).
Interactions Interpersonnelles ciblées et la construction d'une communauté
Mehall (2020) a développé le concept d’interaction interpersonnelle ciblée (ang. Purposeful Interpersonal Interaction), défini comme « tout échange de communication de haute qualité, organique et valide entre deux ou plusieurs participants du processus d'apprentissage qui se rapporte directement à l'atteinte des résultats d'apprentissage établis ou à l'établissement de relations sociales » (p. 185, traduction libre). Dans la même ligne, Woo et Reeves (2007) soulignent qu’une interaction est considérée comme significative lorsqu'elle a une influence directe sur la croissance intellectuelle de l’apprenant. Mehall (2020) distingue trois catégories d'interactions qui sont significatives pour le processus d'apprentissage :
1. Interaction pédagogique ciblée (ang. instructional interaction): toute interaction entre les participants pendant le processus d'apprentissage qui est directement liée à l'atteinte des objectifs d'apprentissage.
2. Interaction sociale ciblée (ang. purposeful social interaction): des interactions interpersonnelles qui souvent ne sont pas directement liées aux objectifs pédagogiques du cours, mais qui peuvent aider à façonner l'environnement d'apprentissage.
3. Interaction de soutien (ang. supportive interaction): interactions sociales qui visent à fournir un soutien aux élèves au cours d'un processus d'apprentissage.
De même, Jézégou (2010, 2014) souligne que dans un environnement d'apprentissage en ligne, certains types d'interactions entre les apprenants, ainsi qu'entre les instructeurs et les apprenants, contribuent à créer une « présence à distance », donnant aux participants un sentiment d'appartenance et de raison d'être commune. Les interactions jugées significatives favorisent ainsi « le développement d'une communauté d'apprentissage et la construction individuelle et collective de connaissances » (p. 112). Ce modèle de la présence en e-learning, qui reflète le cadre théorique de la communauté d'enquête proposé par Garrison, Anderson & Archer (2000), reconnaît que trois types d'interactions ou de « présences » sont nécessaires pour que des expériences d'apprentissage transformatrices se produisent : une présence sociocognitive, par laquelle les apprenants confrontent leurs points de vue et collaborent pour résoudre les problèmes, une présence socio-affective, basée sur des interactions qui créent la confiance et un climat amical dans le groupe, ce qui est nécessaire pour l'apprentissage, et enfin une présence pédagogique, qui englobe l'instruction directe, le guidage et le feedback de l'enseignant.
En nous basant sur ces deux cadres théoriques - interactions sociales ciblées de Mehall (2020) et modèle de la présence en e-learning de Jézégou (2010, 2014), nous proposons de distinguer les types d'interactions suivants qui sont propices à l'apprentissage et à la création d'un sentiment de communauté et d'appartenance dans les environnements hybrides :
- les interactions sociales, principalement entre les apprenants, qui visent à créer un sentiment de camaraderie, de soutien et d'appartenance ;
- les interactions entre l'instructeur et les apprenants qui fournissent une orientation et une instruction directe et facilitent le discours et l'utilisation des technologies ;
- les interactions entre les apprenants, ainsi qu’entre les apprenants et l’enseignant, qui visent à poser des questions, à explorer, à intégrer et à appliquer des idées dans le contexte du cours, et qui permettent aux apprenants de construire une nouvelle signification à partir du processus d'apprentissage.
La section suivante examine le rôle des enseignants dans la promotion de chaque type d'interaction significative et le maintien d'une communauté dans le contexte d'apprentissage hybride.
Comment impliquer les apprenants dans la co-création d'une communauté de soutien au sein du groupe ?
La catégorisation des interactions proposée ci-dessus met fortement l'accent sur l'expérience de l’apprenant : alors que l'enseignant crée le programme, fournit l'instruction et guide les participants dans le processus d'apprentissage, c'est l'interaction et le soutien mutuel entre les apprenants qui constituent un élément sine qua non de la communauté. Une étude de deux ans auprès d'étudiants de troisième cycle réalisée par Conrad (2005) a même démontré que les apprenants ont pu surmonter des expériences d'apprentissage négatives dans l'un des modules grâce à l'appui d'un solide réseau de soutien au sein de leur communauté ; autrement dit, une instruction médiocre n'a pas empêché complètement les interactions significatives, bien qu'elle ait affaibli le sens de la communauté et provoqué des frustrations (p. 12). Alors que Schwier (2001) suggère que les concepteurs de cours sont responsables de créer un réseau de soutien au sein du programme, Stein et al. (2003) soutiennent que les apprenants eux-mêmes « reconnaissent quand le cours leur demande de devenir une communauté » (p. 203, traduction libre). Dans cette section, nous soutiendrons que la création d'une communauté est un effort conjoint entre les apprenants et les instructeurs, mais que certains éléments des cours hybrides peuvent néanmoins favoriser (ou empêcher) ce processus.
Favoriser la communication
Les participants à l'étude de Conrad (2005) ont signalé qu'après une rencontre en personne, ils se sentaient plus à l'aise les uns avec les autres en ligne et vice versa ; les communications en face à face et en ligne créaient une complémentarité qui contribuait à sceller les relations. Cette possibilité de fusionner plusieurs formes de communication est d'ailleurs l'un des principaux atouts de l'apprentissage hybride (Garrison & Kanuka, 2004). Les apprenants de l’étude ont également souligné l'importance des contacts quotidiens en ligne, qui favorisent un lien étroit avec les collègues malgré la distance géographique. La littérature souligne le rôle de l'immédiateté dans les échanges en ligne, c'est-à-dire la capacité à transmettre des émotions et à refléter les conversations en face à face par l'utilisation d'émoticônes, de salutations et d'un langage informel, et par des temps de réponse courts (Mehall, 2020 ; Thompson, Vogler & Xiu, 2017). Un cours en ligne ou hybride devrait donc être conçu de manière à encourager et à fournir des plateformes pour des échanges réguliers entre les apprenants.
Donner la parole aux apprenants
Les participants de l'étude de Conrad (2005) ont également commenté la capacité des bons instructeurs à faciliter la discussion et à « s'engager de manière significative dans les discussions en ligne, y compris les discussions personnelles » (p. 13, traduction libre). Il est important de noter comment les apprenants ont perçu les actions de l'enseignant comme un moyen de permettre des interactions efficaces entre les apprenants ; alors que le rôle de l'enseignant est de créer des conditions dans lesquelles des interactions significatives peuvent se produire, les apprenants jouent un rôle actif pour les soutenir et construire une communauté. Selon Akyol, Garrison & Ozden (2009), répartir la responsabilité de guider le processus d'apprentissage est partagé par tous les membres de la communauté. Garrison & Akyol (2012) constatent que dans un environnement d'apprentissage constructiviste et collaboratif, les étudiants devraient avoir une influence sur ce qui est étudié et sur la façon dont il est abordé, de façon que la conception du cours ne doit pas être séparée de l'enseignement, mais doit pouvoir être adaptée aux besoins et aux événements au fur et à mesure de la progression du cours (p. 1835).
Mehall (2020) souligne le rôle des interactions de soutien - les membres du personnel fournissant un soutien tant dans les aspects techniques du cours que dans le contenu proprement dit. Alors qu'un environnement en face à face permet aux enseignants d'être plus agiles et réactifs face aux divers problèmes des étudiants, dans un environnement en ligne, les participants à la formation sont séparés par le temps et la distance, de sorte que les problèmes ont le potentiel de les rendre frustrés et isolés. La mise en place d'un soutien (même aussi simple qu'un forum de discussion) est donc un élément clé pour permettre aux apprenants de rechercher activement de l'aide en cas de besoin, pour éviter les sentiments d'isolement et pour contribuer effectivement à maintenir un sentiment de solidarité et d'appartenance. L'engagement de l'instructeur est essentiel pour créer un sentiment de communauté (Arbaugh, 2001 ; Conrad 2005), mais en même temps l’enseignant devraiit encourager les apprenants à co-créer le contenu du programme, dàe demander de l'aide si nécessaire et à s'engager dans le discours académique.
Favoriser le travail en groupe
Selon Conrad (2005), les apprenants se sentent plus à l'aise dans de petits groupes bien gérés que dans des discussions ouvertes impliquant toute la classe. Dans l'étude de Les participants de son étude ont commenté un sens partagé de l'objectif plus fort lorsqu'ils travaillaient en petits groupes que lorsqu'ils participaient à un forum en ligne. Une stratégie pour encourager le sens de la communauté dans le groupe pourrait alors être - paradoxalement - de permettre aux apprenants de collaborer dans des groupes plus petits, en établissant des relations plus étroites.
D'autre part, le travail de groupe comporte un défi particulier pour les interactions interpersonnelles, puisque son succès repose sur l'engagement de tous les membres de l'équipe. Une étude décrite par Aspden et Helm (2004) a montré que les membres du groupe qui n'assistaient pas aux réunions rendaient l'engagement continu des autres très difficile, brisant les liens entre les étudiants et démotivant le groupe entier. Ils notent que, de la même manière, le manque d'engagement perçu de la part du personnel (par exemple, l'absence de réponse aux courriels ou la diffusion de ressources périmées) nuit au sentiment d'appartenance et à la motivation des apprenants, et que « les cas où l'engagement est perdu affectent la perception qu'ont les apprenants de l'expérience d'apprentissage dans son ensemble plutôt que des seules activités discrètes » (p. 250, traduction libre). Conformément au modèle de Mehall (2020), il est alors important que les instructeurs modèlent l'engagement attendu avec la communauté en créant une présence de soutien, qu'ils créent des opportunités pour construire des relations sociales (interaction sociale ciblée), et qu'ils intègrent l'instruction et la collaboration (interaction pédagogique ciblée) dans le curriculum.
Comment assurer le continuum des interactions et soutenir une communauté d’apprenants grâce aux technologies éducatives ?
Selon Wang (2010), un mélange bien réfléchi d'activités en face à face et en ligne permet aux étudiants de maintenir un lien avec leur expérience d'apprentissage, qu'ils apprennent en présence ou à distance, et la mise en œuvre d'outils numériques est un moyen efficace de promouvoir l'interaction sociale entre les étudiants. En effet, les recherches ont montré que le mélange d'interactions synchrones et asynchrones offert par les environnements hybrides peut être particulièrement bénéfique pour la construction de communautés, car il permet différentes formes de communication, et convient donc à une variété d'apprenants, ceux qui sont naturellement plus timides et introspectifs (et préfèrent alors s'exprimer par écrit), et ceux qui sont plus « vocaux » lors de discussions animées. La fusion de multiples formes de communication peut donc rendre le discours académique plus accessible à tous les participants, créant ainsi une expérience d'apprentissage plus inclusive et favorisant un sentiment d'appartenance et solidarité dans le groupe (Horstmanshof & Brownie, 2013 ; Garrison & Kanuka, 2004). Cependant, pour que les communautés d'apprentissage soient soutenues, en particulier pendant les périodes à distance, trois conditions doivent être remplies : 1) les outils numériques utilisés doivent refléter les différents types d'interaction synchrone et asynchrone, 2) l'interaction doit être intégrée de manière ciblée dans le programme de la formation, et 3) l'environnement numérique doit favoriser l’interaction de soutien.
Fournir un environnement adapté à différents types d'interaction
Selon Skill et Young (2002), offrir un environnement d'apprentissage qui encourage les apprenants et les enseignants à interagir avant, pendant et après les séances de cours formelles aide grandement à établir une relation de confiance entre les étudiants et les enseignants. Ils recommandent de construire des espaces contrôlés par les étudiants où ils peuvent travailler individuellement ou en groupe et où les professeurs peuvent facilement entamer des conversations avec les étudiants ; des espaces conviviaux devraient être proposés en plus des espaces d'apprentissage plus formels.
Outre les différents degrés de formalité, les modes de communication proposés dans une formation devraient refléter le type d'activité d'apprentissage visé. Alors que l'environnement en ligne peut être plus efficace pour les tâches divergentes telles que la génération de nouvelles idées, l'environnement en face à face peut fournir de meilleures conditions pour les tâches convergentes comme la négociation et la prise de décision (Wang, 2010). Par conséquent, même si une variété de canaux de communication est utile pour améliorer l'interaction pendant les périodes à distance, dans les formations hybrides il peut être préférable de planifier certaines activités à réaliser en présence, et laisser les apprenants développer et affiner leurs idées à distance. L'environnement numérique doit donc permettre une transition facile de l'interaction en face à face à l'interaction en ligne, et permettre de déplacer le travail commencé pendant les réunions de classe vers des espaces de travail indépendants. En outre, ces espaces de travail devraient également permettre un accès facile aux ressources d'apprentissage pertinentes (Skill et Young, 2002).
Intégrer l'interaction dans le curriculum
Kreijns, Kirschner et Jochems (2003) identifient deux obstacles à la création et au maintien d'une communauté d'apprentissage en ligne. Premièrement, alors que l'interaction peut se produire plus ou moins spontanément dans les environnements en face à face, les instructeurs ne devraient pas supposer que les participants vont interagir socialement en ligne simplement parce que l'environnement numérique le rend possible. Deuxièmement, l'interaction sociale en ligne ne doit pas se limiter aux interventions pédagogiques visant les processus cognitifs ; pour qu'une communauté s'épanouisse, il est important de promouvoir également des interactions sociales plus informelles. En d'autres termes, les technologies utilisées doivent tenir compte à la fois de l'Interaction pédagogique ciblée et de l'Interaction sociale ciblée.
Un espace de réunion soigneusement conçu, contenant des forums pour les discussions en ligne, mais aussi des lieux pour les chats en direct et même des « cafés virtuels », est nécessaire pour fournir un soutien fondamental aux environnements d'apprentissage hybride (Schwier, 2001 ; Conrad, 2005). Si la mise à disposition des outils numériques appropriés et le placement des étudiants dans des groupes sont des conditions préalables à la création d'une communauté à distance, ils ne peuvent pas, en soi, garantir l'existence d'interactions significatives. Celles-ci doivent au contraire être intentionnellement intégrées dans la conception du cours, et même modélisées par l'enseignant, qui devrait donner l'exemple des comportements souhaités en se montrant réactif, en écrivant de messages clairs et concis, en faisant preuve d'empathie et de respect, et en évitant tout formalisme inutile, entre autres (McInnerney & Roberts, 2004). Swan (2004) recommande de rendre les étudiants responsables de l'entretien des fils de discussion en ligne, de leur demander de résumer les discussions ou d'incorporer des éléments de discussion dans leurs travaux afin de promouvoir l'interaction et l'échange constructif d'idées. Wang (2010) souligne les avantages d'intégrer les discussions dans le flux de l'enseignement afin de donner aux apprenants « suffisamment de temps pour développer des habitudes de pensée critique, de réflexion et d'articulation de leurs points de vue, ce qui peut ensuite favoriser des discussions orales en classe ou des discussions en ligne en dehors de la classe » (p. 832, traduction libre). De cette façon, les différentes modalités d'interaction se renforcent mutuellement pour atteindre les objectifs d'apprentissage souhaités.
Assurer l’interaction de soutien
Aspden et Helm (2004) affirment que « l’utilisation augmentée de la technologie d’éducation interactive a surtout l’effet de rapprocher le corps enseignant et les étudiants (aussi bien physiquement que virtuellement) » (p. 245). Cependant, selon Swan (2004), les interfaces peu intuitives ou déroutantes peuvent entraver l'apprentissage. Par conséquent, les outils en ligne doivent être choisis avec soin, des interfaces cohérentes doivent être utilisées pour tous les cours d'un programme, et des orientations doivent être fournies pour apprendre aux étudiants à utiliser les outils pertinents. Conformément au modèle de Mehall, l'interaction de soutien dans les cours en ligne et hybrides devrait inclure un soutien à l'interface et à la navigation qui facilite la compréhension par les apprenants des systèmes de gestion de l'apprentissage, des outils technologiques et des ressources numériques. Selon Skill et Young (2002), afin d’encourager des contacts entre enseignants et apprenants, il est important de donner aux apprenants la possibilité d'utiliser l'infrastructure de communication du campus pour échanger des e-mails, de contribuer à des forums de discussion ou même de consulter un enseignant pendant les heures de bureau virtuelles. Ces possibilités et outils doivent exister dans la structure du cours, sans que les étudiants aient à les rechercher activement.
L'environnement numérique qui favorise la création d'une communauté doit alors être bien adapté aux trois types d'interaction interpersonnelle ciblée. L'interaction sociale et pédagogique doit être intégrée au programme de formation, et l'environnement en ligne doit fournir une plateforme où différents types d'interaction synchrone et asynchrone peuvent se produire, et où les apprenants peuvent facilement communiquer entre eux et avec les instructeurs. Enfin, l'interaction de soutien doit être présente si l'on veut que la technologie soit utilisée efficacement pour promouvoir un sentiment de communauté et favoriser l'apprentissage, plutôt que de susciter des sentiments d'isolement et de frustration (Mehall, 2020 ; 2021 ; Swan, 2004).
Discussion
La revue de la littérature ci-dessus montre la pertinence des relations interpersonnelles dans le processus d'apprentissage et, par conséquent, souligne que dans le processus de conception d'un dispositif de formation, une attention particulière doit être accordée à la création de plateformes offrant des opportunités d’interaction sociale.
Dans les contextes de formation hybrides, les apprenants et les enseignants sont exposés à des périodes à distance pendant lesquelles les interactions d'apprentissage sont médiatisées par la technologie. Cette distance entraîne des lacunes de communication qui doivent être comblées par des procédures mises en place par les enseignants. Pour que les interactions interpersonnelles aient des effets positifs sur la motivation des apprenants et fassent progresser le processus d'apprentissage sans couper ce continuum entre périodes, il faut que les opportunités d'interaction soient conçues de manière à permettre aux étudiants d'interagir avec le contenu, les professeurs et les autres étudiants d'une manière significative et utile.
Ainsi, le processus de conception d’un dispositif de formation hybrid devrait envisager les étapes suivantes :
1. Définir le programme de formation (curriculum) et décider quelles activités sont les mieux adaptées à la période en présentiel et à la période à distance.
L'environnement en face-à-face est souvent mieux adapté aux activités reposant sur des échanges verbaux rapides comme les jeux de rôle, les débats et le brainstorming, qui peuvent avoir un avantage motivationnel important et contribuer à susciter l'intérêt pour un sujet donné (Garrison et Vaughan, 2008). À l'inverse, les activités basées sur des critiques d'articles, des études de cas ou des journaux d'apprentissage peuvent souvent être menées avec plus de succès dans un environnement en ligne qui donne aux étudiants plus de temps pour affiner leurs idées. Étant donné que les contributions en ligne laissent une trace permanente et se déroulent sur une plus longue période, elles seront normalement plus réfléchies et basées sur des informations factuelles (Garrison & Kanuka, 2004).
2. Choisir ou créer un environnement numérique adapté aux périodes à distance qui :
- Fournit une structure claire et soit facilement maîtrisé par les apprenants.
- Permet différents types d'échanges : asynchrones et synchrones, verbaux et écrits, formels et informels.
- Offre l’option de créer une identité en ligne pour chaque membre, ce qui peut contribuer à créer un sentiment d'appartenance et de confiance ;
- Fournit des espaces où les apprenants peuvent participer à des discussions, réfléchir de manière critique et fournir et recevoir du feedback.
3. Créer des stratégies pour :
- Maintenir la fréquence des contacts : en répondant aux communications initiées par l'apprenant et en fournissant des commentaires en temps opportun.
- Avoir une présence régulière dans les espaces de discussion en classe. Les apprenants sont encore habitués à avoir un enseignant dans la classe en face à face et souhaitent voir ce même type de présence dans la classe virtuelle.
- Rendre les attentes claires aux apprenants, afin de faire sentir les étudiants plus en sécurité en confirmant ou énonçant explicitement les attentes de l’équipe enseignante. (Dennen, Darabi et Smith, 2007).
4. Créer un mécanisme d'amélioration continue qui permet à la fois aux enseignants et aux étudiants de rendre compte de leur expérience d’interaction avec les outils numériques.
Ce feedback fournirait aux ingénieurs pédagogiques des informations clés pour détecter quels outils s’adaptent bien aux besoins des apprenants, et où, en revanche, les utilisateurs rencontrent des difficultés particulières.
Références
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