Volition et apprentissage auto-régulé

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Introduction

De part mon expérience personnelle comme apprenant et comme enseignant, que ce soit avec la musique, l’informatique, et bien d’autres apprentissages, l’auto-régulation a toujours été mon mode opératoire. Apprendre à jouer de la musique est une activité quasiment intrinsèquement auto-régulée, et une grande partie de mon travail d’enseignant consiste à donner les moyens à mes élèves de s’auto-réguler et à nourrir leur motivation. Pour certaines activités, telles que la programmation en informatique, le feedback est intrinsèque et quasiment instantané. La possibilité de maintenir une forte volition et un sentiment d’efficacité personnel n’y présentent pas une grande difficulté. En tant que personne atteinte d’un TDAH, cet aspect a certainement joué un rôle déterminant lorsque j’ai commencé à programmer - je n’ai jamais ressenti de difficulté à conserver ma motivation. Le travail de la musique, au contraire, a été pour moi une lutte permanente pour réussir à rester motivé malgré la lenteur de la progression et la difficulté d’avoir un feedback rapide et pertinent.

Je me suis appuyé assez rapidement sur l’informatique pour m’aider à lutter, et ce faisant, j’ai développé des stratégies qui m’ont permis de faire carrière, et d’aider plusieurs de mes élèves à en faire autant. Ces questions ne touchent évidemment pas que les personnes atteintes de TDAH, même si elles sont plus affectées. Il me semble que l’utilisation d’EIAH pour favoriser la volition reste un phénomène rare en dehors du sport, ou pléthore d’applications s’y intéressent. C’est naturellement sur ce sujet que je cherche à m’orienter, avec comme objectif à long terme la conception d’EIAH visant le soutien de l’apprentissage auto-régulé, particulièrement dans la dimension de la volition et de la motivation.

L’apprentissage auto-régulé

Pour Barry Zimmerman (1989), on peut dire d’un apprenant qu’il est auto-régulé en fonction de s investissement dans le processus d’apprentissage sur les plans de la métacognition, de la motivation et du comportement, c’est à dire qu’il doit mettre en oeuvre des stratégies spécifiques pour atteindre ses objectifs d’apprentissage en s’appuyant sur son sentiment d’efficacité personnel. On devrait peut-être parler d’apprenant auto-régulé plutôt que d’apprentissage, car c’est la posture de l’apprenant qui en caractérise la nature. Selon Cosnefroy (2010), le rôle de l’effort dans l’autorégulation est très important. Il faut activer et maintenir le contrôle dans les domaines de des cognitions, des affects et des conduites. Duckworth (2007) défini comme persévérance et passion pour des objectifs au long cours le grit, la rugosité en anglais, et sa recherche montre que cette capacité est l’une des différences majeures entre les individus qui parviennent à atteindre leurs objectifs, et ceux qui échouent.

Les conditions nécessaires à l’auto-régulation

Cosnefroy (2010) définit quatre éléments nécessaires à l’autorégulation : la motivation initiale suffisante, un objectif à atteindre, des stratégies d’autorégulation et l’observation de soi. La question de la motivation est essentielle et nous intéresse particulièrement. Est-ce que l’apprentissage au long cours peut s’appuyer uniquement sur la motivation initiale? Si la motivation initiale permet d’enclencher le processus, elle ne suffit pas nécessairement à le maintenir face aux difficultés rencontrées, que ce soit sur le plan de la formation elle-même, ou dans les nombreux arbitrages qu’elle implique, entre le confort immédiat et la projection future, ou encore entre l’activité d’apprentissage qui demande de l’effort et d’autres activités. Cette question amène donc le concept de volition, c’est à dire ce qui permet le passage de l’intention à l’action (Cosnefroy).

La volition

Parmi les cinq modèles théoriques d’apprentissage auto-régulé présentés par Cosnefroy (2010), les travaux de Corno sur la volition sont particulièrement pertinents par rapport à mes interrogations et mes objectifs. Corno fait une distinction nette entre la motivation, qui prépare les décisions, alors que la volition protège la mise en œuvre de ces décisions (cité par Cosnefroy). Elle propose une taxonomie de stratégies permettant de maintenir une forte volition, qu’elle classe selon deux catégories principales, en fonction de leur cible. D’un côté, les stratégies qui visent à contrôler directement les processus internes tels que la cognition, la motivation et l’émotion, et de l’autre, celles qui visent à les contrôler de manière indirecte (citée par Cosnefroy). Ces travaux pourraient servir de fondements pour la conception d’EIAH visant à soutenir la volition pour l’apprentissage auto-régulé.

Conclusion

En plus de la motivation initiale, l’apprentissage auto-régulé implique de l’effort au long cours, afin de maintenir la capacité à se mettre au travail. La recherche sur le sujet propose plusieurs modèles, et des stratégies efficaces qui peuvent apporter une amélioration des apprentissages. Les travaux de Corno et d’autres chercheur•e•s sur le sujet pourraient donner lieu à des applications pertinentes pour des EIAH.

Bibliographie

Cosnefroy, L. (2010). L'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes. Savoirs, 23, 9-50. https://doi.org/10.3917/savo.023.0009

Duckworth, A. L., Peterson, C., Matthews, M. D., & Kelly, D. R. (2007). Grit: Perseverance and passion for long-term goals. Journal of Personality and Social Psychology, 92(6), 1087–1101. https://doi.org/10.1037/0022-3514.92.6.1087

Zimmerman, B. J. (1989). A social cognitive view of self-regulated academic learning. Journal of Educational Psychology, 81(3), 329. https://doi.org/10.1037/0022-0663.81.3.329