« Faclab : opportunités et défis » : différence entre les versions
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Un faclab est un espace de travail et de création associé à une université, | Un faclab est un espace de travail et de création associé à une université, ouvert aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs, mais parfois aussi à l’ensemble du public. Dérivé de «fablab» qui désigne un «laboratoire de fabrication», le terme «faclab» a été inventé par l’université de Cergy-Pontoise (Nedjar-Guerre et Gagnebien, 2015). Ces espaces sont équipés d'outils de production numérique tels que des imprimantes 3D, des découpeuses laser et autres outils de conception assistée par ordinateur. Les faclabs sont également des espaces de collaboration et de formation pour les étudiants, offrant l’opportunité d’apprendre par la pratique et de développer des compétences en matière de production numérique. En substance, les faclabs sont des espaces de développement pour les universités, les enseignants et les étudiants, stimulant l'innovation, la création et la collaboration. Selon Lhoste (2017), «Les fablabs sont de plus en plus couramment utilisés à des fins pédagogiques. [...] Pour autant, la littérature sur les modalités de leur usage et leur intérêt pédagogique est encore limitée». | ||
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Dans une étude de cas en 2019, Galan et Musiani avancent qu’un fablab créé dans un contexte universitaire porte un discours sur «l'enseignement supérieur de qualité et innovant» qui implique une augmentation de la technologie et du numérique. Ce discours se heurterait aux pratiques existantes d’une administration universitaire soumise à des contraintes financières et budgétaires importantes. Les auteurs relèvent aussi une tension entre la culture universitaire et la culture makers, car la politique globale de transformation du système universitaire inclut la création de fablabs pour faciliter la transformation numérique de l'université, attirer les meilleurs étudiants et prioriser l'enseignement et la recherche, tandis que la culture makers apporte des dynamiques d'ouverture, de mélange entre compétences et disciplines et de diversité des publics. Il y aurait donc une tension entre ces aspects fondamentaux de la culture makers et les formes d'appropriation institutionnelle, qui sont éloignées des objectifs initiaux de la création des fablabs. | Dans une étude de cas en 2019, Galan et Musiani avancent qu’un fablab créé dans un contexte universitaire porte un discours sur «l'enseignement supérieur de qualité et innovant» qui implique une augmentation de la technologie et du numérique. Ce discours se heurterait aux pratiques existantes d’une administration universitaire soumise à des contraintes financières et budgétaires importantes. Les auteurs relèvent aussi une tension entre la culture universitaire et la culture makers, car la politique globale de transformation du système universitaire inclut la création de fablabs pour faciliter la transformation numérique de l'université, attirer les meilleurs étudiants et prioriser l'enseignement et la recherche, tandis que la culture makers apporte des dynamiques d'ouverture, de mélange entre compétences et disciplines et de diversité des publics. Il y aurait donc une tension entre ces aspects fondamentaux de la culture makers et les formes d'appropriation institutionnelle, qui sont éloignées des objectifs initiaux de la création des fablabs. | ||
L’ouverture à différents publics et la démocratisation sont également analysées par Lhoste en 2017, qui aborde la question de la contribution des fablabs à l'institutionnalisation des connaissances et compétences liées à la littératie numérique. Selon l’auteure, les fablabs, initialement conçus pour les passionnés, ont connu un élargissement à d'autres acteurs sociaux grâce au "soft hacking" et doivent aujourd’hui relever le défi de la démocratisation car les centres de culture scientifique et technique se sont transformés pour accueillir les makers, ce qui a transformé la nature du lieu. Les médiateurs sur place devraient alors changer leur posture et leur activité de médiation pour accueillir les non-passionnés et reconnaître les plus experts. En somme, les fablabs sont considérés comme des "bulles" où les préoccupations sociales et politiques sont reconnues légitimes et où l'impératif démocratique préside à la reconnaissance des savoirs et publics diversifiés. Pour cette raison, il serait nécessaire d'explorer les conditions de la démocratisation de ces pratiques | L’ouverture à différents publics et la démocratisation sont également analysées par Lhoste en 2017, qui aborde la question de la contribution des fablabs à l'institutionnalisation des connaissances et compétences liées à la littératie numérique. Selon l’auteure, les fablabs, initialement conçus pour les passionnés, ont connu un élargissement à d'autres acteurs sociaux grâce au "soft hacking" et doivent aujourd’hui relever le défi de la démocratisation car les centres de culture scientifique et technique se sont transformés pour accueillir les makers, ce qui a transformé la nature du lieu. Les médiateurs sur place devraient alors changer leur posture et leur activité de médiation pour accueillir les non-passionnés et reconnaître les plus experts. En somme, les fablabs sont considérés comme des "bulles" où les préoccupations sociales et politiques sont reconnues légitimes et où l'impératif démocratique préside à la reconnaissance des savoirs et publics diversifiés. Pour cette raison, il serait nécessaire d'explorer les conditions de la démocratisation de ces pratiques makers pour déterminer leur portée sur la culture scientifique et technique. Comme le soulignent Nedjar-Guerre et Gagnebien (2015), «la difficulté réside ainsi dans la possibilité de créer un cadre novateur qui puisse à la fois permettre de s’inscrire dans l’idée même d’un fablab et de faire reconnaître ces pratiques dans la formation de l’apprenant par l’institution universitaire». | ||
D’autre part, des recherches mettent en lumière l’importance du travail des individus qui gèrent un fablab : | D’autre part, des recherches mettent en lumière l’importance du travail des individus qui gèrent un fablab : |
Version du 6 février 2023 à 01:01
Résumé
En s’appuyant sur un corpus de cinq publications scientifiques, ce texte vise à mettre en lumière quelques opportunités et défis propres aux faclabs.
Introduction
Un faclab est un espace de travail et de création associé à une université, ouvert aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs, mais parfois aussi à l’ensemble du public. Dérivé de «fablab» qui désigne un «laboratoire de fabrication», le terme «faclab» a été inventé par l’université de Cergy-Pontoise (Nedjar-Guerre et Gagnebien, 2015). Ces espaces sont équipés d'outils de production numérique tels que des imprimantes 3D, des découpeuses laser et autres outils de conception assistée par ordinateur. Les faclabs sont également des espaces de collaboration et de formation pour les étudiants, offrant l’opportunité d’apprendre par la pratique et de développer des compétences en matière de production numérique. En substance, les faclabs sont des espaces de développement pour les universités, les enseignants et les étudiants, stimulant l'innovation, la création et la collaboration. Selon Lhoste (2017), «Les fablabs sont de plus en plus couramment utilisés à des fins pédagogiques. [...] Pour autant, la littérature sur les modalités de leur usage et leur intérêt pédagogique est encore limitée».
Développement
Opportunités
Au niveau pédagogique, un faclab peut offrir un environnement d'apprentissage pratique et interactif pour les enseignants et les étudiants, ce qui constitue un atout certain. Les enseignants peuvent utiliser les technologies et les outils du faclab pour donner vie à des projets concrets et stimuler l'engagement et la créativité des apprenants. Les enseignants peuvent également collaborer avec des intervenants externes autour de mandats réels pour renforcer les compétences en résolution de problèmes et en travail d'équipe chez les étudiants. En 2019, Mizeret et Nyffeler décrivent les avantages d'intégrer un module expérimental en faclab, du point de vue des enseignants ; un tel module peut aborder des thèmes comme le design thinking, la robotique et la réalité augmentée, permettant de varier le rythme et de dynamiser le cours, tout en renforçant la motivation et l'engagement des étudiants. De plus, il peut être utilisé pour soutenir l'enseignement à distance et influencer la dynamique de classe en créant des moments fédérateurs. L'intégration d'un faclab dans des pratiques d'enseignement peut également apporter du renouveau et permettre aux enseignants de se développer professionnellement.
Les fablabs ne sont pas uniquement des espaces de production mais également des lieux de partage de passions et de valeurs communes. Autour de la création technique, ils génèrent une sociabilité qui renforce la volonté de partage et produisent divers avantages tels que la transmission de connaissances, la promotion des espaces sociaux et de la production collaborative à travers des événements et des outils, qui ne sont pas nécessairement numériques. D’après Lhoste et Barbier (2016), «c’est dans l’exploration des conditions d’éclosion et de maintien de tels lieux que repose leur nature innovante».
En 2015, Nedjar-Guerre et Gagnebien indiquent que pour les apprenants, les faclabs constituent aussi des opportunités en matière d’empowerment :
- Il faut, selon la fondatrice du faclab [de Cergy-Pontoise], revaloriser la notion d’empowerment («pouvoir d’agir», une expression inventée aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale), dans le sens où il faut donner aux jeunes l’envie de faire, de produire, de réparer, de créer, d’oser entreprendre, de proposer des projets pour la vie quotidienne, de faire du financement participatif, et d’avoir confiance en l’avenir. Pour peut-être se retrouver entrepreneur ou pas. Cette notion du «do it yourself» développée dans l’ouvrage de Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener (2013) désignant l’empowerment peut ici résumer la vision émancipatrice que développent ces tiers lieux. Défini comme un processus égalitaire, participatif et local, développant une «conscience sociale» (2012), ce «pouvoir intérieur» comme le décrivent les auteures permet d’acquérir des capacités d’action, une revalorisation de soi et du groupe, un pouvoir d’agir à la fois personnel et collectif. Il a favorisé également l’émergence de nouvelles pratiques professionnelles suite à des revendications participatives à l’initiative de groupes locaux et de mouvements sociaux.
Défis
Dans une étude de cas en 2019, Galan et Musiani avancent qu’un fablab créé dans un contexte universitaire porte un discours sur «l'enseignement supérieur de qualité et innovant» qui implique une augmentation de la technologie et du numérique. Ce discours se heurterait aux pratiques existantes d’une administration universitaire soumise à des contraintes financières et budgétaires importantes. Les auteurs relèvent aussi une tension entre la culture universitaire et la culture makers, car la politique globale de transformation du système universitaire inclut la création de fablabs pour faciliter la transformation numérique de l'université, attirer les meilleurs étudiants et prioriser l'enseignement et la recherche, tandis que la culture makers apporte des dynamiques d'ouverture, de mélange entre compétences et disciplines et de diversité des publics. Il y aurait donc une tension entre ces aspects fondamentaux de la culture makers et les formes d'appropriation institutionnelle, qui sont éloignées des objectifs initiaux de la création des fablabs.
L’ouverture à différents publics et la démocratisation sont également analysées par Lhoste en 2017, qui aborde la question de la contribution des fablabs à l'institutionnalisation des connaissances et compétences liées à la littératie numérique. Selon l’auteure, les fablabs, initialement conçus pour les passionnés, ont connu un élargissement à d'autres acteurs sociaux grâce au "soft hacking" et doivent aujourd’hui relever le défi de la démocratisation car les centres de culture scientifique et technique se sont transformés pour accueillir les makers, ce qui a transformé la nature du lieu. Les médiateurs sur place devraient alors changer leur posture et leur activité de médiation pour accueillir les non-passionnés et reconnaître les plus experts. En somme, les fablabs sont considérés comme des "bulles" où les préoccupations sociales et politiques sont reconnues légitimes et où l'impératif démocratique préside à la reconnaissance des savoirs et publics diversifiés. Pour cette raison, il serait nécessaire d'explorer les conditions de la démocratisation de ces pratiques makers pour déterminer leur portée sur la culture scientifique et technique. Comme le soulignent Nedjar-Guerre et Gagnebien (2015), «la difficulté réside ainsi dans la possibilité de créer un cadre novateur qui puisse à la fois permettre de s’inscrire dans l’idée même d’un fablab et de faire reconnaître ces pratiques dans la formation de l’apprenant par l’institution universitaire».
D’autre part, des recherches mettent en lumière l’importance du travail des individus qui gèrent un fablab :
- Les fabmanagers (ou ceux qui, dans une association, endossent tout ou partie de cette fonction) jouent un rôle déterminant dans l’organisation du fablab dans le temps : gérer des machines, éclairer ce qu’il advient de projets collectifs organisés dans le cadre d’évènements ponctuels comme le bootcamp (dispositif temporaire de co-conception), informer sur des projets conduits par un groupe d’individus. Ils puisent dans les savoirs de la communauté et stimulent (ou organisent) la mise à disposition des documents à vocation pédagogique ou d’information. Leur rôle primordial est ainsi de créer et de développer une infrastructure à l’usage d’une communauté. Le fablab est donc la première innovation de ces utilisateurs précoces. (Lhoste et Barbier, 2016).
Conclusion
Globalement, les faclabs offrent un environnement d'apprentissage interactif et concret pour les enseignants et les étudiants. Ils peuvent développer leurs compétences et leur capacité à travailler en équipe, ainsi que varier le rythme de l'enseignement et renforcer la motivation et l'engagement des étudiants. Les faclabs sont aussi des lieux de partage de passions et de valeurs communes qui peuvent générer une sociabilité qui renforce la volonté de partager des connaissances. Pour les apprenants, les fablabs offrent aussi des opportunités d'empowerment, en leur permettant d'acquérir des capacités d'action et de revalorisation personnelle et collective. Cependant, les faclabs peuvent également rencontrer des défis, tels que l’ouverture à un public non universitaire ou encore la capacité à confier la gestion des lieux à des fabmanagers à même de fournir un travail de médiation et de soutien pour les apprenants.
Références bibliographiques
- Galan, J.-M. et Musiani, F. (2019). Créer un fablab à l’université : enjeux humains et institutionnels. Sociologies pratiques, 38, 35-48. https://doi.org/10.3917/sopr.038.0035
- Lhoste, É. (2017). Les fablabs transforment-ils les pratiques de médiation ?. Cahiers de l’action, 48, 15-22. https://doi.org/10.3917/cact.048.0015
- Lhoste, É. et Barbier, M. (2016). FabLabs : L’institutionnalisation de Tiers-Lieux du «soft hacking». Revue d'anthropologie des connaissances, 10(1), 43-69. https://doi.org/10.3917/rac.030.0043
- Mizeret, J. et Nyffeler, N. (2019). Le FabLab comme outil pédagogique - Un espace d’apprentissage innovant favorisant les pédagogies actives. HEIG-VD/HE-ARC. Repéré à https://www.hes-so.ch/data/documents/IP-livret-FR-13121.pdf
- Nedjar-Guerre, A. et Gagnebien, A. (2015). Les fablabs, étude de cas : Le faclab de Cergy-Pontoise à Gennevilliers est-il un lieu d'expérimentation sociale en faveur des jeunes ?. Agora débats/jeunesses, 69, 101-114. https://doi.org/10.3917/agora.069.0101
Rédigé par Thomas Goffin dans le cadre du cours ADID en février 2023.