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===La différence entre l'erreur et la faute===
===La différence entre l'erreur et la faute===


La faute est considérée en tant que relevant de la responsabilité de l’apprenant. L’apprenant aurait dû l’éviter. Elle peut être due à une négligence passagère, de la distraction ou de la fatigue. L’enseignant évalue la faute pour la sanctionner (Astolfi, 2015).  
La faute est considérée en tant que relevant de la responsabilité de l’apprenant. L’apprenant aurait dû l’éviter. Elle peut être due à une négligence passagère, de la distraction ou de la fatigue. L’enseignant évalue la faute pour la sanctionner. L’erreur est considérée en tant que « symptôme » de la manière dont l’apprenant affronte un type d’obstacle donné. L’enseignant relève et explique les erreurs antérieures de la même nature pour pouvoir les prévenir (Astolfi, 2015).  
 
L’erreur est considérée en tant que « symptôme » de la manière dont l’apprenant affronte un type d’obstacle donné. L’enseignant relève et explique les erreurs antérieures de la même nature pour pouvoir les prévenir (Astolfi, 2015).  


Il existe trois catégories de sources d’erreurs. La nature et l’organisation des connaissances conceptuelles, les procédures et les savoir-faire et les problèmes de gestion en temps réel des activités complexes (Fayol, 1995).
Il existe trois catégories de sources d’erreurs. La nature et l’organisation des connaissances conceptuelles, les procédures et les savoir-faire et les problèmes de gestion en temps réel des activités complexes (Fayol, 1995).

Version du 26 octobre 2019 à 19:28

Introduction

Tous les individus se retrouvent au cours de leur vie dans le rôle d’un apprenant, d’un élève qui cherche à intégrer une information. Effectivement, tout comme le dit Pastré (2008, p.2), l’apprentissage « est un processus anthropologique fondamental, qui accompagne toute activité et qui fonctionne de telle sorte qu’un humain ne peut pas agir sans qu’en même temps il ne produise des ressources pour gérer et orienter son action ». Néanmoins, avant de parvenir à maîtriser de nouvelles tâches, allant de se lacer les chaussures à utiliser un smartphone, les individus peuvent être amenés à commettre des erreurs, les empêchant de réaliser l’action initialement prévue. Dans ce cadre, il parait intéressant de questionner plus en détail le rôle des erreurs dans l’apprentissage, ainsi que comment elle est perçue par les individus. Il existe plusieurs modèles d’apprentissage qui tentent d’y répondre.

Depuis quelques années, les recherches en éducation, et plus particulièrement en didactique, ont permis de passer d'une conception négative des erreurs donnant lieu à sanction, à une conception nouvelle où celles-ci apparaissent plutôt comme un indice de la manière dont fonctionne le processus d'apprentissage et comme un témoin précieux pour repérer les difficultés des élèves. Sans chercher à nier qu'existent évidemment des erreurs liées à l'inattention, ou au manque d'intérêt et de travail de certains élèves, nous montrerons qu'en concevant différemment l'erreur, il est possible de renouveler la compréhension de ce qui se passe dans la classe pour rendre plus efficace l'enseignement.

(Astolfi, J.-P. 1999))


Définition

Erreur
erreur n. f. 1. Action de se tromper; faute, méprise. Faire une erreur de calcul, une erreur de date. [...] 2. État de celui qui se trompe. Être dans l’erreur. Tirer qqn de l’erreur. ∆ Fausseté, partic. en matière de dogme religieux. 3. Ce qui est inexact (par rapport au réel ou à une norme définie). . PHILO Erreur des sens: illusion produite par les sens. — Erreur de raisonnement, causée par l’équivoque, la généralisation hâtive. ∆ PHYS Erreur de mesure d’une grandeur. [...] 4. Action inconsidérée, regrettable, maladroite. Il a commis une grossière erreur en me parlant sur ce ton. (Hachette on-line)
a) Dans un modèle transmissif, c'est l'élève, on vient de le dire, qui est considéré comme le " fautif ". Les erreurs commises sont perçues et vécues comme des dysfonctionnements didactiques, qui auraient du être évités, si les conseils donnés avaient été écoutés et l'attention convenablement dirigée. C'est la raison pour laquelle elle se trouve sanctionnée, à défaut peut-être d'un mode de traitement mieux approprié ...

b) Avec le modèle comportementaliste, l'erreur prend un visage différent. De nombreuses séquences de classe se présentent d'une manière moins magistrale puisque l'activité de l'élève y est guidée pas à pas, par une série graduée d'exercices et de consignes. La conception sous-jacente est alors empruntée à la psychologie dite behavioriste, dérivée des recherches sur l'apprentissage animal et le conditionnement. Par transfert des expérimentations à l'enfant, l'idée est qu'il est toujours possible de faire apprendre une notion, même compliquée, à condition de procéder à la décomposition de ses étapes et difficultés en unités élémentaires aussi limitées qu'il est nécessaire, puis de renforcer positivement chaque acquis partiel, plutôt par récompense que par sanction. Avec ce modèle, comme avec le précédent, les erreurs ne devraient normalement pas survenir, puisque toute la programmation didactique par " petites marches " est élaborée avec un souci constant de les éviter. La différence est quand même importante puisqu'ici, si des erreurs malgré tout se produisent en dépit des précautions didactiques prises, elles seront moins imputées à la responsabilité défaillante de l'élève qu'à la manière dont a été pensée la progression didactique par l'enseignant ou le manuel. À l'idée de faute se substitue celle d'un " bogue ", comme on dit en informatique : puisqu'il y a un " os " dans un programme qui ne " tourne " pas conformément aux prévisions, il appartient au formateur de le réviser et de le réécrire. Reste que tant d'énergie déployée pour en éviter sa survenue montre bien que l'erreur conserve ici un statut toujours négatif et dévalorisé.

c) Les modèles constructivistes, en fort développement ces dernières années s'efforcent, au contraire des précédents, de ne plus évacuer ainsi l'erreur mais de s'efforcer d'en comprendre la cause et la signification, voire même de prendre appui sur elle pour améliorer l'enseignement. Le but visé est toujours bien de l'éliminer à terme des productions des élèves, mais pour y parvenir on prend le parti de la laisser apparaître, voire de la provoquer, pour s'efforcer de mieux de la traiter. Quittant le statut de fautes condamnables ou de bogues regrettables, les erreurs deviennent à présent les symptômes intéressants d'obstacles auxquels la pensée des élèves se trouve affrontée. " Vos erreurs m'intéressent ", pourrait dire le professeur, puisqu'elles me permettent d'accéder au coeur du processus d'apprentissage, avec ses méandres, ses impasses et ses bégaiements. En fait, elles lui désignent comme en creux, les progrès intellectuels qu'il attend de la classe et qu'il doit encourager.

(Astolfi, 1999)


On peut noter que dans les modèles béhavioristes l'erreur est perçue comme grave parce qu'elle désignerait qu’il n’y a pas eu d’apprentissage, il faut donc chercher des stratégies d'apprentissage sans erreur. On trouve cette expression associée à certains logiciels éducatifs de première génération d'inspiration très béhavioriste. Plus récemment cette expression réapparait, présentée par (Van der Linden, M. 2003) dans le contexte de psychopathologies où elle a pu voir son efficacité démontrée, et il a dit qu'on peut l'étendre au domaine scolaire. Il s'agit d'éviter à tout prix que les apprenants commettent des erreurs et les apprennent.


L'erreur et la faute

L'effet Topaze

«Effet Topaze

La première scène du célèbre "Topaze" de Marcel Pagnol illustre un des processus fondamentaux dans le contrôle de l'incertitude: le maître fait une dictée à un mauvais élève; ne pouvant pas accepter trop d'erreurs trop grossières et ne pouvant pas non plus donner directement l'orthographe demandée, il "suggère" la réponse en la dissimulant sous des codages didactiques de plus en plus transparents. Le problème est complètement changé, l'enseignant mendie une marque d'adhésion et négocie à la baisse les conditions dans lesquelles l'élève finira par donner la réponse attendue, le professeur a fini par prendre à sa charge l'essentiel du travail. La réponse que doit donner l'élève est déterminée à l'avance, le maître choisit les questions auxquelles cette réponse peut être donnée. Évidemment les connaissances nécessaires pour produire ces réponses changent leur signification aussi. En prenant des questions de plus en plus faciles, il essaie de conserver la signification maximum pour le maximum d'élèves. Si les connaissances visées disparaissent complètement, c'est "l'effet Topaze". » (Brousseau 2003)

La différence entre l'erreur et la faute

La faute est considérée en tant que relevant de la responsabilité de l’apprenant. L’apprenant aurait dû l’éviter. Elle peut être due à une négligence passagère, de la distraction ou de la fatigue. L’enseignant évalue la faute pour la sanctionner. L’erreur est considérée en tant que « symptôme » de la manière dont l’apprenant affronte un type d’obstacle donné. L’enseignant relève et explique les erreurs antérieures de la même nature pour pouvoir les prévenir (Astolfi, 2015).

Il existe trois catégories de sources d’erreurs. La nature et l’organisation des connaissances conceptuelles, les procédures et les savoir-faire et les problèmes de gestion en temps réel des activités complexes (Fayol, 1995).

L'erreur, un passage obligé et bénéfique

Contrairement à ce qui est dit dans les modèles béhavioristes et comportementalistes, l’apprenant jouerait un rôle beaucoup plus actif dans le savoir, puisqu’il le construirait et l’erreur, elle, serait essentielle dans le processus d’apprentissage. Jean Piaget, un psychologue et épistémologue défendant le courant constructiviste et connu pour ses travaux sur le développement de l’intelligence, dit que l’élève ne se réduit pas à intégrer les informations venant du monde externe, mais qu’il « construit ses propres interprétations du monde à partir de ses interactions avec celui-ci » (Elayech, 2010). L’individu incorpore les informations du monde extérieur aux structures qu’il a déjà. Quand l’apprenant se retrouve face à un obstacle, un élément qu’il n’arrive pas à résoudre, cela créé un déséquilibre chez lui (Chanquoy et Negro, 2004). Cela veut dire que la structure mentale de l’apprenant, les connaissances qu’il possède à un moment donné, ne suffisent pas pour le surmonter et qu’il doit alors les accommoder. Concrètement, il va se produire une restructuration interne chez l’individu et ce qu’il connait déjà ou sait faire, va se modifier pour s’ajuster aux nouvelles données, toutefois sans supprimer les anciennes (Makanga, 2015).

Le monde n’est pas immuable, l’individu ne peut donc pas éviter de faire des erreurs ou d’être confronté à des situations inédites, devant lesquelles il ne sait pas comment agir. Il doit constamment s’adapter. De cette manière, l’erreur est inévitable et relève de la normalité. Jean-Pierre Astolfi, dans son ouvrage (2015, p.22-23), va dans ce sens en disant que la faute n’est pas une anomalie, mais il est « le témoin des processus intellectuels en cours, comme le signal de ce à quoi s’affronte la pensée de l’élève aux prises avec la résolution d’un problème. ». L’erreur change donc de statut pour devenir un vrai outil dans le processus d’apprentissage, puisqu’elle permettrait d’indiquer les connaissances de quelqu’un et de quoi il est capable à un moment donné (Chanquoy et Negro, 2004). Célestin Freinet, un partisan du mouvement constructiviste et cognitiviste, a, quant à lui, développé des techniques pédagogiques dont le but était d’amener l’élève à déceler lui-même ses erreurs et à les corriger (Classement des modèles d’apprentissage, s. d.). Il cherchait à rendre l’élève « conscient de ses propres processus d’apprentissage » (Classement des modèles d’apprentissage, s. d.). Tout comme Piaget, qui, dans l’un de ses discours, mentionne que « Apprendre, c’est prendre conscience » (Menkoué, 2013), il y a chez ces deux chercheurs une volonté que l’élève connaisse ce dont il est capable pour parvenir à un nouvel apprentissage. Selon cette logique, il faudrait donc que l’apprenant effectue un travail réflexif sur ses erreurs, étant donné qu’elles donnent la possibilité de révéler les stratégies et connaissances mobilisées lors d’une tâche ou activité.

Si l’on décide d’adopter ces deux stratégies pédagogiques constructivistes, prônant une vision positive de l’erreur et l’autonomie chez l’élève, on se retrouve tout de même confronté à un problème, qui est encore aujourd’hui l’objet d’analyses phénoménologiques. En effet, dans l’article de Vermersch (2005), un chercheur qui s’est beaucoup concentré sur cette thématique, il explique qu’un individu n’est pas toujours conscient de ses capacités, ni des processus par lesquels il passe pour effectuer une tâche. Vermersch s’inspire des travaux de Piaget, ainsi que d’Husserl pour décrire différents niveaux de conscience. Il parle de la « conscience pré-réfléchie » (Vermersch, 2000, cité dans Vermersch, 2005) que l’on peut illustrer comme suit : lorsque je visionne un film, mon attention est dirigée vers ce qui se passe dans le film. Je suis absorbée par son contenu, c’est-à-dire, l’histoire, les personnages à l’écran, mais ne suis pas focalisée ou ne réfléchis pas durant le visionnage aux processus, connaissances auxquels je fais appel quand je le regarde, quels sens ou émotions sont mobilisées à un moment précis. Toute l’étendue de que je vis, n’est pas forcément objet de pensée et conceptualisé durant l’acte. En d’autres termes, elle désigne la part « de notre expérience qui est vécue sans être reconnue, sans être immédiatement accessible à la conscience et à la description verbale. » (Petitmengin, s.d., p.165), contrairement à la « conscience réfléchie » (Vermersch, 2000, cité dans Vermersch, 2005) qui est le produit d’une prise de conscience, accessible et que l’on arrive aisément à exprimer avec des mots. Le passage de l’un à l’autre se ferait par la prise de conscience. Cette prise de de conscience peut être provoquée par un entretien d'explicitation.

La gestion de l'erreur dans les Technologies pour l'apprentissage

  • EAO : Tentatives de "feed-back appropriés pour chaque type d’erreur."
  • Nécessité d'un climat error-tolerant pour avoir le courage de se lancer dans l'exploration et oser essayer ...et finalement construire ses apprentissages."Forgiveness means that actions on the computer are generally reversible. People need to feel that they can try things without damaging the system; create safety nets for people so that they feel comfortable learning and using your product." (Apple 1987)
  • Lien wiki et travail pour dépasser l'erreur : par son rôle transitoire, parce qu'on peut toujours la corriger, dépasser l'erreur, le wiki permet de dédramatiser l'écriture, et ainsi de donner accès au bienfaits de construction des idées liée à l'écriture (writing-to-learn). (Klein 1999)

Sa nature de brouillon très déculpabilisant mais en même temps son potentiel de capitalisation du travail accumulé au cours des séances en font un outil au potentiel pédagogique considérable.


Références

  • Astolfi, J.-P. (1999). Chercheurs et enseignants: Repères pour enseigner aujourd'hui. Paris: INRP.
  • Astolfi, J-P. (2015). L’erreur, un outil pour enseigner. (12e éd., p.22-23). Issy-les-Moulineaux, France : ESF éditeur.
  • Apple Computer. (1987). Human Interface Guidelines: The Apple Desktop Interface. Reading, MA: Addison-Wesley.
  • Brousseau, G. (2003). Glossaire de quelques concepts de la théorie des situations didactiques en mathématiques
  • Carrol, J. M. (1998). Minimalism beyond the Nurnberg Funnel. Cambridge, MA: MIT Press.
  • Chanquoy, L. et Negro, I. (2004). Psychologie du développement. Paris, France : Hachette éducation.
  • Classement des modèles d’apprentissage. (s. d.). Repéré à https://www.ac-clermont.fr/disciplines/fileadmin/user_upload/Biotechnologies-STMS/Pedagogie_generale/Modeles_d_apprentissage.pdf
  • Elayech, N. (2010). Théorie d’apprentissage. (Université de Monastir, Monastir). Repéré à http://www.memoireonline.com/02/12/5260/m_Theorie-dapprentissage5.html
  • Fayol, M. (1995). La notion d’erreur : éléments pour une approche cognitive. In G. Blanchet, R. Voyazopoulos , & J. Raffier (Hrsg.), Intelligences, scolarité et réussites (p. 137–152). Grenoble: Éditions La Pensée sauvage.
  • Klein, P. D. (1999). Reopening inquiry into cognitive processes in writing-to-learn. Educational Psychology Review, 11(3), 203-270.* * Van der Linden, M. (2003). Exploitation des systèmes mnésiques préservés, apprentissage sans erreur et rééducation des troubles de la mémoire. In Th. Meulemans, B. Desgranges, S. Adam, & F. Eustache (Eds.), Evaluation et prise en charge des troubles de la mémoire. Marseille: Solal (pp. 373-389).
  • Menkoué, P. (2013). Apprendre de manière créative : c’est possible et surtout efficace. Repéré à http://cursus.edu/article/19978/apprendre-maniere-creative-est-possible-surtout/#.WDrCun3mnl8
  • Pastré, P. (2008). Apprentissage et activité. Didactique professionnelle et didactiques disciplinaires en débat, 53-79.
  • Petitmengin, C. ( s. d.). La dynamique pré-réfléchie de l’expérience vécue. Repéré à http://clairepetitmengin.fr/AArticles versions finales/Alter - Dynamique préréfléchie.pdf
  • Versmersch, P. (2005). Aide à l’explicitation et retour réfléxif. Expliciter (59), 26-31. Repéré à https://grex2.com/assets/files/expliciter/aide_a_l_explicitation_et_retour_reflexif.pdf