Pionniers de l'intégration scolaire des enfants handicapés à Genève
Modèles éducatifs et générations
A Genève, les pionniers de l'intégration scolaire des enfants handicapés vont embrasser cette "nouvelle" cause de l'histoire de l'éducation spécialisée. Ils appartiennent à cette génération née après la seconde guerre mondiale (génération dite des baby-boomers), laquelle englobe aussi la cohorte ayant vécu Mai 68. Ils sont ainsi contemporains de préoccupations de justice sociale, d'égalité entre les classes sociales, de partage de pouvoir, de prise de parole des femmes, des prisonniers, des membres du quart monde et autres marginalisés (appelés désormais "marginaux") qui embrasent alors le champ des sciences humaines et sociales. Nombre de projets que l'on pourrait désigner comme politiques et humanistes (mettant l'individu au centre des préoccupations) ont pu être réalisés dans la période 1970-1985 (soit pendant une quinzaine d'années) comme la démocratisation des études, le développement de la médecine communautaire, comme celui de la psychiatrie de secteur, et de l'intégration des immigrés et des handicapés dans la cité. Une histoire courte, mais qui laissera des traces dans l'histoire du champ.
Cette génération a été à la fois héritière de certains courants de pensées en éducation (éducation nouvelle, psychanalyse, épistémologie piagétienne notamment) et promotrice du courant contestataire de l'institution (sectorisation, désinstitutionalisation, anti-psychiatrie), avec ses précurseurs comme Ivan Illitch, Fernand Deligny, Célestin Freinet, Fernand Oury), et de l'autorité (développement de l'analyse institutionnelle, de la psychosociologie des groupes et de l'autogestion). On peut faire l'hypothèse d'une filiation entre les générations par la transmission d'idées et de pratiques, et par l'adoption (ou non) par la génération plus jeune de cet héritage des aînées et aînés. S'opère sur le plan de l'histoire la réception d'un patrimoine d'expériences et d'idées, et une production d'expériences et d'idées, qu'il s'agit aujourd'hui de récolter au travers d'entretiens (histoire orale) avec quelques représentants de cette générations, entretiens qui formeront aussi un geste de transmission à de jeunes étudiantes en master en éducation spéciale (troisième génération). Cette deuxième génération, dite "sandwich", joue ici, grâce à sa longévité, un rôle essentiel dans la transmission aux jeunes générations.
Ces personnes, témoins d'un mouvement de lutte pour l'intégration des enfants handicapés à l'école, rendront compte de leurs références (précurseurs, références théoriques, concepts et conceptions), de leurs expériences (événement déclencheur, expérience fondatrice, formations reçues et enseignements donnés), de leurs projets politiques, de leurs valeurs humanistes qu'elles désirent transmettre et des représentations du handicap qu'elles souhaitent promouvoir. Il s'agit donc de comprendre ce qui a mobilisé cette génération des pionniers de l'intégration, quel a été en quelque sorte leur "moteur" idéologique, politique et d'analyser d'éventuelles différences entre eux ou avec d'autres courants alors contemporains de l'éducation spécialisée.
Cet article, fondé à la fois sur une recherche documentaire et sur la récolte de témoignages de deux personnes, que l'on considérera comme des pionniers genevois, présentera d'une part quelques précurseurs de l'intégration des enfants handicapés à l'école, ainsi que les fondements du courant d'intégration des enfants handicapés à l'école publique genevoise, et d'autre part il cherchera à saisir la part qu'ont pris ces deux témoins dans cette histoire genevoise. Cette démarche permettra de relever quelques caractéristiques des membres de cette génération: comment ces personnes se situent-elles dans l'histoire de l'éducation spéciale ? Quels ont été leurs engagements? Quelles ont été leurs réalisations? Quels ont été leur rapport à l'institution (et à la question de la désinstitutionalisation)? Et quel est in fine les objectifs pour lesquels ils se sont battus (et se battent toujours)?
Dans un troisième temps, il s'agira de mener une réflexion sur la transmission d'une génération à l'autre des idées, des valeurs et des pratiques dans le champ de l'éducation spécialisée et de leurs éventuelles transformations.
Revue de la littérature
Les ouvrages qui ont été nécessaire pour aborder la question des pionniers et de la génération à laquelle ils appartiennent comme analyseur de l'histoire de l'éducation spéciale oblige d'une part à prendre en considération des ouvrages sur l'histoire de l'éducation et de la pensée pédagogique et d'autre part des ouvrages qui permettent de mieux cerner le concept de "génération" et sa pertinence pour l'histoire, et la mémoire.
Aucune étude portant directement sur la question des pionniers de l'intégration scolaire à Genève n'a été publiée jusqu'à ce jour. L'ouvrage de Martine Ruchat, "Inventer les arriérés pour créer l'intelligence", donne quelques éléments sur ce moment clé de l'histoire de l'éducation qu'est la rencontre de deux approches : la psychologie et la pédagogie. Genève, en particulier, est, dès le début du XXe siècle, un lieu pionnier de la psychopédagogie et de l'application de la psychologie à la pédagogie. L'ouvrage montre en la personne de Claparède un précurseur lointain de la prise en compte des enfants "arriérés" et "anormaux". Certes, le courant de l'éducation nouvelle offre nombre d'ouvrages qui ont mis en évidence cette approche centrée sur l'enfant et sur son développement voire son épanouissement intégrant forcément toute différence comme une forme d'humanité à laquelle l'institution, et l'école en particulier se doit de s'adapter.
Ainsi pourrait-on rattacher les ouvrages qui évoquent les grands pédagogues de l'Education nouvelle, mais aussi les courants actuels de l'école moderne (l'école Freinet), ainsi que des auteurs comme Yvan Illitch qui par son approche fait passer l'individu avant l'institution renvoyant bien évidemment au précurseur de la critique des institutions sociales qu'est J.J. Rousseau qui dans l'Emile ou de l'éducation affirme en première ligne de son premier chapitre: "tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme".
La question des générations est un thème qui a d'abord été traité par l'anthropologue, Margaret Mead, puis par le sociologue Gérard Mendel, avant d'être aujourd'hui considéré d'abord comme un concept démographique. Ce dernier est d'ailleurs difficile à définir ce que montre Attias-Donfus, mais il est néanmoins utile à ceux qui comme Sirinelli (2007) cherche à en faire usage dans une perspective historique. Parler de génération, pour les baby- boomer nés entre 1945 et 1961 (Allain, 2008) ou de la génération X (individus nés entre 1962 et 1978) ou de la génération Y pour ceux nés entre 1978 et 1995, c'est partir de l'hypothèses que le fait d'avoir vécus les même événement et avoir baigner dans une période avec certaines caractéristiques (guerre ou guerre froide, ou absence de guerre, économie florissante ou crise, épidémie ou nouvelle maladie comme le Sida, etc.) a des répercussions sur la façon d'appréhender le monde et de le penser.
Plusieurs auteurs s'accordent à voir dans cette génération de Mai 68 une génération insouciante, imaginative, mais aussi confrontée dès les années 70 au début de la crise, à la restriction des postes de travail et surtout à la fin de la foi en certains projets révolutionnaires (Préel, 2005). Une génération qui a produit beaucoup d'espoir d'un monde meilleur et qui pour beaucoup de ses membres comprenaient la prise en compte (et non en charge!) de la diversité culturelle, sociale, physique et des revendications des femmes (on ne parlait pas encore de "genres").
La question de l'intégration a donc fait partie des préoccupations sociales et culturelles et des luttes, car bien souvent, pour cette génération, la pensée se faisait en lien dialectique avec l'action.
Propos méthodologiques
Travailler sur les générations nécessite dans un premier temps de délimiter exactement les périodes temporelles qui correspondent à différentes cohortes (fait démographique) et d'assurer une chronologie nécessaire à une éventuelle filiation. Mais, se sont bien les témoins qui se situent aussi dans leur propre génération qu'ils définiront selon un certain nombre d'événements sociaux qu'ils auront vécus - voire comme le relève Attias-Donfus certains mythes (Attias-Donfus, 1991). Ainsi les acteurs participent aussi à la définition de cette notion complexe. Comme le montre cette auteure, la notion de génération appartient à l'histoire de la connaissance et en particulier d'une représentation de l'histoire (cyclique, linéaire, en zig zag, en spirale). A mesure que l'on avance dans son histoire (de l'Antiquité à aujourd'hui) cette notion de génération s'enrichit de dimension plus psychologiques comme le sentiment d'appartenance (notamment chez Dilthey), lequel peut s'appliquer, chez Mentré, à différentes sphères (sociale, familiale spirituelle, historique) .
Parler de pionniers d'une innovation demande à articuler finement un temps et une idée, ou une action "nouvelle". Ici, la "modernité" de l'intégration scolaire des enfants en situation de handicap doit prendre place dans l'histoire de l'éducation spéciale tout en définissant clairement ce qui la différentie d'un temps antérieur "ancien". Il y a à la fois l'histoire événementielle (lois, institutions, auteurs et acteurs, méthodes, etc.) et il y a une définition "de l'intérieur" faite par des promoteurs d'une idée définie comme étant nouvelle: l'intégration.
Les idées et pratiques nouvelles vont aussi contribuer à cette "fabrique de l'histoire" en participant à donner forme à cette génération. La période 1970-1985 peut être ainsi caractérisée par l'irruption d'acteurs nouveaux, promoteurs d'une nouvelle manière de prendre en considération les marginaux, ceux qui "traditionnellement" sont exclus. L'ouvrage "Les marginaux et les exclus dans l'histoire" publié par l'Université Paris 7 en 1979 apparaît comme un ouvrage symptomatique des préoccupations de cette génération.
L'entrée dans l'histoire par le témoignage est une manière d'accéder aux savoirs accumulés par une génération antérieure dont la génération suivante est en quelque sorte héritière et dans laquelle elle peut se reconnaître ou pas. L'approche par l'entretien est une façon à la fois de recevoir ce savoir (idées, expériences, évaluations de pratiques, etc.), comme un "présent du passé", mais aussi de confronter la génération plus jeune qui le réceptionne à ses propres connaissances du passé et à ses propres savoirs. L'entretien se fait sous deux angles: celui d'un recueil respectueux des souvenirs du témoins (qui en aucune manière ne peut être considéré comme l'histoire telle qu'elle s'est passée, mais bien comme l'histoire telle que le témoin en rend compte) et sous l'angle d'un échange producteur d'éventuel nouveaux savoirs (savoirs émergents) fait de cette rencontre.
Ainsi la narration des témoins va-t-elle suivre les questions posées par des actrices (trois étudiantes et une enseignante), lesquelles cherchent à mieux comprendre la mise en place dans les années 70 des prémisses d'une politique d'intégration des enfants handicapés mentaux à l'école. Les questions sont élaborées à partir d'une première étude d'auteurs, puis d'archives concernant la motion au Grand conseil genevois de Marie-Laure Beck, en 1979, et un certains nombre de documents liés à la commission de l'intégration dans laquelle les deux personnes interviewées ont siégé comme représentants de la section de sciences de l'éducation de l'Université de Genève. Puis l'élaboration d'une grille d'entretien suivant les éléments issus de l'étude théorique et historique a permis de distinguer trois groupes de questions: - sur les actions et engagements de ces pionniers - sur les références (précurseurs), les concepts et les valeurs - sur le rapport à l'institution (versus désinstitutionalisation).
Les réponses ont permis de répondre aux questionnements premiers et de mieux comprendre la place des deux pionniers dans le contexte des années 1970-1990 à Genève, voire jusqu'à aujourd'hui.
Les témoignages de deux "pionniers" de l'intégration à Genève, Louis Vaney et Gisela Chatelanat, nous font entrer dans des itinéraires personnels, liés à la période temporelle, au lieu et au type de motivation, mais aussi permettent de dégager des éléments communs qui soulignent certaines caractéristiques que l'on peut attribuer à la génération particulière des années septante. Une différence de teneur du contenu, l'un plus descriptifs des actions réalisées et plus analytique, alors que l'autre énonce un témoignage plus spontané, laissant plus de place à l'expérience personnelle et aux émotions et perceptions pourrait être entendu comme des différences d'appréhension des souvenirs liées au genre (mais ceci est une autre question). Leurs témoignages s'inscrivent essentiellement dans l'histoire genevoise, bien que le récit de Gisela Chatelanat commence aux Etats-Unis. Il y a donc pour elle une expérience fondatrice extérieure marquante: sa rencontre avec Bill Briker au Kennedy Center de Nashville et qui l'a introduite tout naturellement sur cette question du handicap, mais qu'il a bien fallu appeler celle de "l'intégration".
Précurseurs et pionniers
L'histoire de l'intégration scolaire des enfants handicapés est indéniablement liée à celle de l'école dans laquelle on peut voir trois grandes périodes. Une première, jusqu'à la Renaissance, où l'enseignement élémentaire reste une affaire de famille ou de préceptorat. Il existait bien quelques écoles, mais elles étaient surtout destinées aux enfants qui voulaient entrer dans les ordres ou étaient axées essentiellement sur la formation religieuse des enfants. <ref>Oury F., Vasquez, A.(1982).Vers une pédagogie institutionnelle?. FM/Fondations.</ref>. Une seconde période caractérisée par la République pour laquelle l'école doit répondre au besoin d'un certain niveau de développement économique (former des travailleurs) et assurer l'efficacité du suffrage universel (former des citoyens). Le principe de l'éducation publique gratuite et obligatoire est instauré en France en 1791. Pour le sociologue français et penseur de l'éducation E. Durkheim, dont l'intégration est l'un des concepts centraux de sa pensée, l'école doit transcender les solidarités mécaniques et permettre de créer un élève nouveau: le citoyen. Pour lui, l'intégration ne peut se faire que si la société est fortement intégrée, d'où le combat pour l'école laïque et obligatoire. <ref>http://www.reynier.com/Anthro/Interethnique/Integration.html</ref>.
En Suisse l'école publique obligatoire et gratuite est inscrite dans la Constitution en 1874. L'École se construit alors sans réelle prise en compte des besoins des enfants et agit surtout par souci d'efficacité et de rendement immédiat. Elle vise à faire acquérir des habiletés sociales et à transmettre des valeurs morales. Elle vise également à transmettre des savoirs que les enfants doivent apprendre par coeur. Une troisième période débute au XXe siècle, où l'on assiste à une autre révolution pédagogique. Les mots d'ordre sont "libération de l'individu, exaltation des forces naturelles et de la spontanéité créatrice, révolte contre tout formalisme, etc." Cette approche a été particulièrement affirmée par le courant de l'Éducation Nouvelle dont l’une des préoccupations était de répondre aux intérêts de l’enfant en favorisant le libre choix des activités et l’activité. On peut donc considérer les pédagogues issus de ce mouvement, entre autres John Dewey, Claparède, Ovide Decroly, plus tard Célestin Freinet et Fernand Oury, comme des précurseurs de l’intégration. Au XXIe siècle, les pionniers que nous avons interviewés partagent les mêmes valeurs et poursuivent le même combat. Ainsi, Gisela Chatelanat et Louis Vaney militent aussi pour le droit à la différence, la liberté et l’autodétermination des personnes en situation de handicap au travers notamment du projet individualisé. Ils mentionnent également des concepts plus contemporains tels que le partenariat et le travail en réseau: alors que jusqu’au milieu du XXe siècle, le parent étaient considéré comme le responsable du handicap de leur enfant <ref>(Bettelheim, 1967; Capul & Lemay, 2000; Mannoni, 1964, cités dans Chatelanat & Pelgrims, 2003)</ref>, on aspire désormais à ce qu’il soit considéré comme un membre égal de l’équipe, co-directeur et co-gestionnaire de la prise en charge de l’enfant en situation de handicap. Il ne s’agit plus d’avoir raison, de décider et de faire comme le veut untel sous quelconque prétexte, mais plutôt de chercher à obtenir, à l’aide du compromis notamment, l’accord de tous les intervenants.
Contrairement à Illich, qui prônait, dans les années 1970, une société sans école , Mme Chatelanat et M. Vaney croient que l’intégration sociale des personnes en situation de handicap passe par une intégration scolaire, voire pré-scolaire. Selon eux, il est essentiel qu’un enfant fréquente la crèche ou l’école de son quartier d’abord parce que l’école est plus qu’un lieu de transmission des savoirs, mais aussi un lieu de socialisation et que l’enfant y passe six heures par jour. Être intégré à l’école de son quartier, signifie aussi être intégré aux activités de quartier, connaître les enfants du quartier, être invité à des fêtes d’amis, etc. De plus, l’intégration scolaire est bénéfique autant pour l’enfant en situation de handicap que pour l’enfant «ordinaire» car c’est en fréquentant des enfants différents qu’on apprend à les connaître et à dépasser les représentations souvent fausses du handicap. Certes la génération des pionniers de l'intégration (dans les années 1970-1985) a subi des influences de penseurs de l'éducation, de sociologues, de philosophes, mais semble avoir essentiellement agit de manière empirique soit dans le domaine politique (motion Marie-Laure Beck, loi de 1986, etc.), soit dans le domaine des institutions et des associations (création d'établissement d'éducation, sectorisation en psychiatrie, intégration des enfants handicapés physiques et mentaux à l'école, etc.). Elle est aussi dépendante des réactions d'un nouveau pouvoir qu'est celui des parents d'enfants atteints de handicaps et plus largement de ces contre-pouvoirs que sont les "usagers" des institutions qui décident de prendre la parole.
En effet, l'investissement des parents d'enfants mentalement handicapés se fait ressentir fortement déjà à la fin des années 1950. En 1959, les parents se regroupent et créent, le 12 mai 1959 à Genève, l'association des parents d'enfants mentalement handicapés (APMH). Elle a probablement été initiatrice d'un premier courant d'intégration visant essentiellement le travail en ateliers protégés dans la perspective d'une autonomie financière couplée à la rente invalidité. Grâce à loi sur l'assurance invalidité, mis en vigueur le 1er janvier 1960, le jeune handicapé pourrait compléter l'apport financier de son travail. Cette nouvelle perspective lui permettra selon les parents de l'APMH, de réaliser "une vie comme tout le monde". Il en va ainsi pour Mme Yvonne Posternak qui peut être considérée aujourd'hui comme une pionnière de l'intégration de la première génération. Cette chimiste et bactériologue de formation, mère d'une fille mentalement déficiente, participe à la création du Village d'Aigues-Vertes et fait rayonner sa cause au niveau mondial en tant que Présidente de la Ligue internationale des associations d’aide aux handicapés mentaux, par l’adoption par l’ONU de la déclaration des droits du déficient mental (selon le bulletin Insieme, juin 2009). D'autres personnalités genevoises feront avancer cette cause de l'intégration. (Messieurs Raymond Uldry, Gaston Goumaz, Mme Rey-Pinto par exemple, etc.) Comme enseignant à l'Ecole des sciences de l'éducation et comme pédagogue Jacques Dubosson a aussi participé à cette cause, en publiant des ouvrages, en construisant du matériel pédagogique notamment.
L’association genevoise de parents et d’amis des personnes mentalement handicapées APMH (Lorraine) :
En 1958, des parents d’enfants avec une déficience décident de se rencontrer, de partager leur expérience et d'oeuvre à la reconnaissance de leurs besoins d'intégration, afin d’éviter à leurs enfants, une fois leurs parents décédés, de se retrouver dans un asile psychiatrique. Ces parents sont dotés d’un esprit militant et novateur, et grâce à eux beaucoup de choses ont bougé depuis la création de l’association de parents d’enfants inadaptés (APMH ). Celle-ci changera de nom, en 1962, Association de parents d'enfants mentalement déficients et prendra son nom définitif en 1972. Jusqu’à aujourd’hui, cette association a mis en place de nombreuses institutions dans le domaine de la déficience mentale à commencer par les camps de vacances (1959) pour ensuite arriver à la création de nombreuses institutions. Il était plus aisé à cette période de recevoir de l’Etat des subventions et le point de vue des familles avait une place primordiale. On peut noter par exemple la création de la Fondation et du Village d’Aigues-Vertes en 1961, la création de la Fédération Suisse des associations de parents en 1962, la création de la SGIPA 1969, la création du Service d'éducation itinérant (SEI) en 1971 (visant le soutien des parents et une éducation précoce pour l'enfant déficient), la création de l’école de la Petite Arche (Fondation Ensemble) en 1975, la création de l’ASPEA aujourd’hui Autisme Suisse Romande 1980, la création de la fondation Cap Loisir en 1986, la création de la Fondation Ensemble en 2003. L’APMD devient insieme-Genève. Cette dernière association regroupe aujourd’hui plus de 50 associations de parents au sein de la Suisse. L'APMH est composée de 500 à 600 membres, des bénévoles qui sont pour la plupart des parents et des secrétaires professionnels (qui ne sont pas des parents).
L’APMH apporte des conseils aux parents à la recherche d’institution, pour les demandes de l'’AI, etc. L’APMD a aussi mis l’accent sur la défense des droits des parents au sein des différentes commissions officielles comme par exemple le DIP ou la DASS. Lorsqu’un parent vient à l’association, c’est déjà pour lui un grand pas. Il reconnait que son enfant a un problème. Au sein de l’association, il y a différents groupes de travail qui s’occupe d’un sujet en particulier. Un des groupe : « Avenir » fait le point sur les institutions dans le canton.
La secrétaire de l’APMH met en avant la notion d’écoute qui est primordiale au sein de cette association. Elle précise que les mentalités ont beaucoup changé depuis la création de l’association. En effet, les parents ne viennent plus pour militer pour les droits des enfants handicapés, mais plus lorsqu’ils ont un problème à résoudre. Ils sont devenus plus individualistes et n’ont plus ce besoin de se réunir pour partager ou échanger comme il cela était le cas au début.
Tiré du Travail d’immersion en communauté sur les enfants autistes, Biljana Krsteva et Marie Schaer, p.31-33, juillet 2001 et de l’historique d’Insieme-Genève.
Malgré ce premier développement de l'histoire de la première génération, ce n'est qu'à la fin des années 70 qu'on voit la question de l'intégration proprement dire atteindre le bancs des députés du Grand Conseil et du Conseil d'État. D'abord en 1977, à la suite d'une demande de la conférence de l'instruction publique, le Département de l'Instruction Publique mandate une commission d'étude de l'intégration. Et au début de l'année 1979, Marie-Laure Beck dépose sa Motion concernant l'intégration des jeunes handicapés, M32. Cette proposition vise à "promouvoir et faciliter l'accès des jeunes handicapés physiques et mentaux, à tous les moyens d'expression et de communication diffusés aux autres enfants, à tous les degrés de l'enseignement" (Beck, 1979). Quelques mois plus tard, la commission du Grand conseil rend son rapport.
En novembre 1980, le Conseil d'Etat répond au Grand Conseil sur la motion de Marie-Laure Beck. Il encourage l'intégration et la poursuite des actions d'intégration déjà mises en œuvre, en ayant en tête une idée d'ouverture d'esprit des établissements et des classes spécialisées vers l'extérieur. Il approuve également la création, par le DIP, d'une commission permanente de l'intégration, réunissant les représentants des divers acteurs concernés. Un débat sur ce rapport a lieu durant le mois de décembre. Marie-Laure Beck remercie le Conseil d'Etat d'avoir effectué un rapport si "fouillé" au sujet de sa motion.
Et c'est finalement en 1986, que la loi sur l'instruction publique est modifiée: l'intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires est mise en avant, à travers l'article 4A qui stipule que tout élève ou étudiant handicapé a droit à une intégration scolaire totale ou partielle, en fonction de la nature de ses besoins et en étant bénéfique pour ce dernier. En quelque sorte il y aura fallu trente années pour que les pionniers de l'intégration, premier et deuxième générations, voient leurs efforts "récompensés".
Toutefois, il faudra encore quelques années pour que la lutte des parents de l'association pour l'intégration de leurs enfants ait de réels effets et notamment au niveau du secondaire inférieur. De nombreux parents et professionnels ont alors lancé l'idée d'ouvrir une classe intégrée au sein du cycle d'orientation, afin de faciliter l'intégration de leurs enfants, dans le cursus obligatoire et de leur permettre de poursuivre leur projets pédagogiques. Mais encore en 1994, l'association a du faire face à un refus de la part des autorités du Département de l'instruction publique (DIP). La question de l'intégration qui est envisagé au niveau primaire, reste plus difficile au niveau secondaire et en particulier en ce qui concerne le handicap physique.
En décembre 1994, Insieme Genève dépose une pétition sur ce sujet de l'intégration au niveau du C.O. auprès du Grand Conseil et une motion sera adoptée en juin 1995 par le parlement. Or, le 8 septembre 1999, la Présidente du DIP et le Conseil d'Etat refusent cette motion et rejettent toute idée de classe intégrée au cycle d'orientation. Les années suivantes, la Commission consultative sur l'intégration scolaire retravaillera sur la question en formant un nouveau groupe de travail.
En décembre 2003, un projet de loi sur l'intégration scolaire des élèves handicapés est proposé au Grand Conseil www.geneve.ch/grandconseil/data/texte/PL09124.pdf).
Le 12 avril 2006, la Commission de l'enseignement du Grand Conseil revisite ce projet de loi. Le Conseil d'Etat en adopte alors un nouveau, concernant l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux. L'intégration ne s'arrête donc plus aux enfants en situation de handicap mais ouvre à présent ses portes à un plus large champ, celui des élèves à besoins éducatifs particuliers. On voit d'ailleurs un mouvement qui souvent s'est produit dans l'histoire: celui de faire bénéficier aux "normaux" des pédagogies adaptés aux enfants "anormaux". N'oublions pas que les outils pédagogiques de J.G. Itard, à la fin du 18ème siècle, conçus pour l'éducation du sauvage de l'Aveyron, Victor, ont été repris par E. Seguin, puis M. Montessori, une des pionnières de l'éducation nouvelle. Ainsi, dans l'objet d'étude qui nous intéresse, il est important de considérer cette lutte des pionniers comme un moteur essentiel d'un changement de conception de l'école. L'institution scolaire, structure avant tout politique, est peu encline à la transformation. Bien des précurseurs de l'intégration ont pu énoncer leurs conceptions et expérimenter des écoles différentes sans que l'école publique ait pu en prendre acte.
Mais, s'il paraît évident que cette génération des pionniers s'est aussi appuyée, dès les années 70, sur des précurseurs qui ont fait depuis le début du 20e siècle le champ de l'éducation spécialisée (notamment avec l'ouverture de classes spéciales, d'ateliers protégés et d'institutions spécifiques à l'enfance "à besoins particulier"), cette génération de Mai 68 a apporté une autre dimension dans l'école liée à la fois à un courant libertaire (renouant par certains aspects avec l'éducation nouvelle du début du 20e siècle) et avec un courant fort de critique institutionnelle dont Yvan Illitch sera un représentant éminent. On ne peut pas nier aussi une influence plus discrète mais néanmoins présente des droits de l'enfant (première déclaration dite de Genève en 1924) qui s'inscrit dans un développement plus général du respect de la personne fragile et fragilisée.
Le courant de l'intégration des années 1970 revendiquera autant l'humanisation des soins que la désinstitutionnalisation, la valorisation des rôles sociaux et la normalisation que la liberté d'expression. En cela les pionniers de l'intégration, ont sans aucun doutent drainé des valeurs qui vont incarner leur propre militantisme.
Analyse du discours d'une pionnière genevoise de intégration la députée Marie-Laure Beck (Julie)
Le 9 février 1979 Marie-Laure Beck, députée au grand Conseil dépose une proposition, la motion M32, visant à l'intégration des jeunes enfants handicapés physiques et mentaux. Elle argumente sa proposition en expliquant que le domaine de l'éducation spécialisée est en plein changement, que des essais d'intégration se sont déjà faits à Genève, mais que comparativement à d'autres pays comme l'Italie, la Hollande ou l'Angleterre, il y a encore de nombreux efforts à faire afin que les jeunes enfants en situation de handicap puissent se développer au sein de structures ordinaires.
Ses arguments promouvant l'intégration portent sur quatre aspects:
- on tend à une normalisation de l'enfant handicapé, car on connaît mieux le sujet du handicap et on reconnaît la richesse de ces enfants;
- il existe une volonté de sortir le jeune handicapé de son isolement et de diminuer son sentiment d'infériorité;
- les jeunes enfants en situation de handicap présentent parfois des difficultés communicationnelles, c'est pourquoi l'école au travers de diverses disciplines comme la musique, le dessin, le sport, etc. peut être un tremplin pour le développement et l'expression de ces enfants;
- pour les enfants tout-venants, c'est une opportunité d'apprendre la tolérance et le respect des différences.
On voit qu'au travers de sa motion Marie-Laure Beck traite, en 1979, les concepts de l'intégration bien évidemment, mais également de la normalisation et de la valorisation de l'enfant handicapé, ainsi que celui de l'intérêt de l'enfant dans sa généralité. Sans parler à proprement dit de désinstitutionnalisation, elle soulève toutefois le fait que la mise en institution spécialisée d'un enfant handicapé n'est pas toujours justifiée.
Durant l'année 1979, diverses séances de commission du grand Conseil ont lieu afin de discuter de la motion M32. Lors de la Séance du 9 mars 1979, Marie-Laure Beck y parle des Sciences de l'éducation, sujet peu abordé précédemment dans les discours. Elle explique le rôle important de cette faculté qui étudie le handicap et comment faire de l'intégration professionnelle et sociétale. Elle aborde à nouveau la question de la normalisation de l'enfant handicapé, en vue de son insertion dans la société. Pour cela, elle soulève un point important: il faut changer les représentations, venir à bout des préjugés. Roland Vuataz, socialiste, apporte son soutien et celui du parti socialiste. Pour lui, l'intégration a un intérêt pédagogique car on s'intéresse à individualiser et différencier l'enseignement, donc il va de soi que l'enfant handicapé puisse avoir sa place dans l'enseignement scolaire ordinaire; elle a également un intérêt pour les enfants handicapés, car c'est par la fréquentation des enfants ordinaires qu'ils pourront se développer au mieux. L'intégration a encore un intérêt social, car il s'agit d'abord d'une intégration scolaire, menant à une intégration sociale, en permettant aux enfants ordinaires de se familiariser avec la question du handicap. Il reprend donc les arguments de Marie-Laure Beck. Olivier Vodoz, libéral, montre aussi le soutien de son parti. Il met en avant la place importante des enfants ordinaires dans l'intégration, expliquant que cette dernière passe par eux. On remarque à travers le procès-verbal de cette séance que la politique a une place importante dans la question du handicap et de l'intégration: il est question de finances de l'État, de formation de personnel et de place dans les institutions. Paradoxalement la question de l'intégration dans les classes ordinaires apparaît le parent pauvre des discussions. L'intégration est présente dans nombre de discours comme synonyme de placement d'enfant dans une institution!
En avril 1979, la Commission pour l'étude de l'intégration des enfants handicapés, crée au sein du DIP et pilotée par le SMP, rend un rapport contenant dans les grandes lignes un consensus après l'examen des expériences diverses, l'avis favorable à toute mesure visant à l'intégration, l'idée d'aller lentement, d'instituer des expériences, de créer une commission permanente avec mandat, de faire de l'intégration non généralisée, au cas par cas, et de l'information.
Le 14 septembre 1979 est émis un Rapport du Conseil d'État sur la motion de Marie-Laure Beck, la 4954-A, se centrant davantage sur les besoins d'hébergements des handicapés mentaux. Il y est dit que le Conseil d'État a mis en place de nouveaux services spécialisés et a développé des équipements, en créant des institutions et en subventionnant d'autres. Il est fait la remarque durant cette séance que l'équipement genevois en matière d'hébergement est encore insuffisant et que l'Office de la déficience mentale doit poursuivre des observations concrètes et une réflexion afin de proposer des mesures adaptées. On remarque durant cette séance qu'il existe toutefois une contradiction, car le Conseil d'État demande qu'il y ait des propositions de mesures qui soient faites, et lorsque c'est le cas, comme par exemple les mesures proposées par Marie-Laure Beck, elles ne sont pas acceptés faute de budget. Cette dernière relève d'ailleurs ce point durant la séance, en se disant déçue que le Conseil d'État ne se préoccupe pas assez vite de sa motion et de ce qu'il faut faire. En effet, l'ouverture d'établissement n'est prévu que pour 1980, et 1981 pour deux établissements. Elle soulève qu'il y aurait pu y avoir l'ouverture provisoire de quelques foyers pour permettre aux personnes handicapées mises hors cantons faute de places d'être réintégrées dans le canton de Genève et afin de préparer également le personnel, qu'il faudra de toute façon former pour l'ouverture des deux établissements en 1980 et 1981. On remarque qu'elle aborde ici, à nouveau, la question du personnel spécialisé, formé spécialement, en lien donc avec les sciences de l'éducation. Elle critique le renoncement à une ouverture d'un home, prévue depuis 1978, à cause de choix budgétaire fait par la Commission administrative des Institutions genevoises de psychiatrie. Olivier Vodoz soutien à nouveau les propos de cette dernière et montre son inquiétude par rapport au manque d'équipements d'hébergements pour adolescents handicapés. On se rend compte ici des difficultés financières que soulèvent ces mesures, des priorités de certaines commissions. Le libéral demande également d'ouvrir un home avant 1 ou 2 ans. Jean-Pierre Bossy, socialiste, est d'accord avec ces propos et favorable à l'ouverture prochaine du home et demande au Conseil d'État de prévoir les dépenses nécessaires. Willy Donzé, Conseiller d'État, conclut en étant relativement évasif. Si l'on peut combler le trou d'une année d'ici à l'ouverture des 2 établissements prévus, il le fera, mais rien de précis n'est mis en oeuvre de sa part ou accepté.
Le 31 octobre 1979, la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'examiner la motion M32 sur l'intégration des jeunes handicapés rend son rapport. Elle y a consacré trois séances à son examen et précise qu'il existe une volonté unanime de travailler cette intégration des handicapés. La commission a entendu divers acteurs ayant un rôle dans cette problématique avant de rendre son rapport:
- Tout d'abord, les représentants de la commission pour l'étude de l'intégration des enfants handicapés: Louis Vaney, à l'époque directeur de l'Office de la déficience mentale; M. Jost, représentant de l'APMH; Gisela Chatelanat, chargée d'enseignement à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation secteur éducation spéciale; etc. L'avis de ces représentants est que l'idée de la mention de Maire-Laure Beck est juste et doit être soutenue. Le texte mentionne 775 enfants handicapés pris en charge par l'enseignement spécialisé, dont 300 pourraient être intégrés. Toutefois, ils ne cachent pas certains doutes: l'intégration conviendra-t-elle à tout type de handicap? Pour parer à ces incertitudes, ils conseillent d'étudier chaque cas, progressivement, en vue du plus grand bien de l'enfant. Ce qui est certain, c'est que l'intégration peut se faire de différentes manières et qu'elle demande dans tous les cas des mesures: une formation des enseignants, le contact adapté avec les enfants ordinaires, etc.
- Les directeurs des divers ordres d'enseignement (primaire, cycle d'orientation, secondaire)soulèvent que des expériences d'intégration se sont déjà faites au cycle d'orientation et au collège et se sont révélées positives, mais jamais lorsqu'il était question de handicap mental. Ils se posent alors la question de savoir si l'intégration ne concernerait pas uniquement le primaire dans ce cas là, compte tenu des exigences du secondaire et des difficultés. Ils ne donnent toutefois pas de réponse précise à cette question.
- La société pédagogique genevoise souhaite que l'intégration soit faite mais pas à n'importe quel prix. Elle soulève qu'il est important de ne leurrer ni les parents ni les enseignants, qu'il faut être réalistes quant aux résultats possibles. Elle ajoute qu'aucun représentants des enseignants ne fait partie de la commission pour l'étude de l'intégration, alors qu'ils doivent donner leur accord pour une intégration, pour l'allègement de l'effectif de la classe, etc. La commission conclut son rapport en disant que l'intégration doit se faire progressivement. Elle demande ainsi au Grand Conseil d'accepter la motion redéfinie.
Le 7 décembre 1979, un débat a lieu concernant le rapport ci-mentionné. Marie-Laure Beck remercie tout d'abord la commission de l'attention qu'elle porte à sa motion, en faveur d'une normalisation des jeunes handicapés physiques et mentaux. Elle rappelle et clarifie ensuite la notion de handicapés mentaux: il ne s'agit pas de malades mentaux, mais d'êtres tout simplement différents. La différence étant à l'époque quelque chose d'inquiétant, de gênant, on a voulu les éloigner de la ville. Marie-Laure Beck fait un lien avec le rejet des étrangers, de certaines communautés, etc. On voit ici que la question de l'intégration ne concerne pas uniquement la population handicapée, mais également les étrangers, les communautés professionnelles, etc. Elle continue, durant le débat, à expliquer que l'intégration n'est pas une chose simple. Elle termine son discours par une explication primordiale: les institutions pour personnes handicapées tendent à s'ouvrir et cela est bien, mais ce n'est pas un but en soi! Il s'agit d'un lieu de départ vers la vie en société et l'école est le premier échelon de l'intégration. D'autres personnes participent également au débat (Mme Martin radicale, Mme Aubert libérale, M. Maître démocrate chrétien). André Chavanne, conseiller d'État, chef du DIP à l'époque, accepte la motion et précise qu'il est important qu'il y ait un changement, car il s'agit d'un phénomène de société et que l'école n'est donc pas l'unique acteur ayant un rôle dans l'intégration. On voit apparaître ici, à travers les paroles de Marie-Laure Beck et André Chavanne l'importance d'élargir la notion d'intégration aux différentes sphères de la société et de ne pas restreindre cette problématique à l'enseignement primaire.
Le Conseil d'Etat partage la préoccupation de Marie-Laure Beck quant à l'intégration des jeunes handicapés. Le 19 novembre 1980 est émis un rapport du Conseil d'Etat, où il se positionne en faveur de cette pionnière. A travers ce rapport, le Conseil d'Etat effectue un bilan historique. On remarque alors que l'intégration est une préoccupation qui date déjà de plusieurs décennies: le texte parle de 1968 déjà où le service médico pédagogique montrait ses inquiétudes face au nombre grandissant d'enfants signalés passant en enseignement spécialisé. Ce rapport liste certains exemples d'intégration datant de ces derniers années qui se sont très bien déroulées, dans des classes ordinaires aussi bien à temps partiel qu'à temps plein. Le conseil d'Etat relève toutefois, tout comme Marie-Laure Beck, que pour une intégration réussie, et afin que le travail ne soit pas trop "lourd" pour l'équipe éducative, l'enfant handicapé doit être accompagné dans la classe ordinaire, avec une personne ressource ou une aide. Le Conseil d'Etat aborde également le sujet de la diminition de l'effectif de classe ainsi que des postes supplémentaires. Il est également question dans ce rapport de la place importante qui doit être accordée à la réintégration de l'enfant, à une éventuelle mise en instutution comportant le moins de restrictions possibles, et donc à une prise en compte de l'intérêt et du bien-être de l'enfant. On ne parle ainsi pas d'intégration automatique. La question de la désinstitutionnalisation est également fortement présente: il n'est pas question de sortir tous les enfants des institutions spécialisées et de fermer ces établissements, mais plutôt de garder ces établissements, nécessaires pour certains enfants dont l'état et la situation familiale justifient le placement et de permettre aux autres enfants d'avoir accès à une scolarité dans un établissement ordinaire.
A peine un mois plus tard, durant la nuit du 4 décembre 1980, un nouveau débat a lieu sur le précédent rapport. Marie-Laure Beck commence la séance, suivie par Jacques-Simon Eggly et André Chavannes. Mme Beck commence en remerciant le Conseil d'Etat de son rapport très fouillé. Elle continue en expliquant que l'intégration scolaire des jeunes handicapés est un problème délicat, qu'elle ne conteste pas ce fait, mais qu'elle a pris les dispositions nécessaires avant de déposer sa motion le 9 février 1979: elle a questionné les divers acteurs concernés par cette problématique, à savoir les élèves et leur enseignants. Du côté des premiers, elle annonce qu'il n'y a pas d'obstacle, qu'ils acceptent, sans exception et quel que soit leur degré d'enseignement, l'idée d'intégration. Certains ont même exprimé leur joie à l'idée d'accueillir des pairs en situation de handicap. Pour les seconds, elle a pu constater qu'un certain nombre d'entre eux s'intéressent à l'intégration et souhaitent en être les acteurs. Cela vient en partie, selon elle, des cours sur l'éducation spécialisée et l'intégration, dispensés par la faculté des sciences de l'éducation. Ces cours intéressent de plus en plus de monde, point positif pour l'intégration. Elle continue avec le service médico-pédagogique, qui agit également pour l'intégration en intégrant des enfants dans la division élémentaire. Elle termine avec un point primordial: selon les expériences faites, les enfants intégrés en contexte ordinaire font davantage de progrès que ceux en contexte spécialisé. En effet, les enfants en situation de handicap, lorsqu'ils sont laissés entre eux, vont avoir tendance à régresser et à copier les handicaps de leurs camarades. M. Eggly, libéral, la suit en montrant son accord avec le discours ci-dessus. On voit dans son discours lorsqu'il parle de l'intégration qu'il utilise le conditionnel principalement. En effet, il dit qu'il est important, autant que possible, quand cela est possible, que les handicapés, y compris des handicapés mentaux, puissent être intégrés dans le circuit normal. Les législations des ces dernières années ont été formulées de la même manière à savoir qu'elles prônaient l'intégration, pour autant que ce soit favorable à l'enfant et aux groupe, dans le respect de ses besoins, etc. Libre à toute personne de réussir à contrer une intégration grâce à cette tournure de phrase. Il continue ensuite en soulignant une certaine ambiguïté dans le rapport du Conseil d'Etat. Quant à André Chavanne, président du conseil d'Etat, il clos le débat en montrant son accord avec les propos de la motionnaire concernant l'augmentation du nombre d'enseignants se formant pour accueillir des enfants en situation de handicap, ce qui témoigne de leur science et de leur dévouement. Il termine par deux exemples de jeunes hommes handicapés - l'un ayant fait un CFC de mécanicien et l'autre une formation. Ces deux succès montrent que l'on peut parler de volonté de maintenir à haut niveau la formation de ces jeunes adultes.
En avril 1981, la Commission de l'intégration se tâte durant quelques séances, se donne des objectifs et se rend compte de la difficulté à faire de la théorie vis-à-vis de la problématique de l'intégration. En 83, elle crée un document informatif sur les procédures d'intégrations et fait le point sur les expériences réalisées passées et sur les projets à venir.
En 1984-85, la même Commission étudie la proposition d'introduire la notion d'intégration scolaire dans la législation. L'idée est de faire "une intégration aussi large que possible, tout en évitant les mesures généralisées qui n'auraient pas permis de tenir compte de la situation particulière de chacun..." (Boissard, 1991, p.1). Au mois d'août est émis un projet de loi sur ce sujet.
Dans l'analyse du discours de Marie-Laure Beck et des débats qui suivirent sa motion, les positions de Louis Vaney et de Gisela Chatelanat ne semblent pas avoir été particulièrement mises en exergue par les rédacteurs des procès-verbaux de la commission. Il est difficile au moyen des archives que nous avons eues en main de distinguer des prises de position discordantes ou tranchantes dans un discours général assez consensuel et plutôt favorable. Or, les années 1970 et 1985 ont plutôt été des années de création d'institutions (et même de grande institution comme Lacombe) très loin de l'idéal intégrateur, tel que semblent l'avoir prôné les deux universitaires que nous avons rencontré.
Intégration et augmentation du nombre d'institutions et fondations
Un des points centraux lorsque l’on parle d’intégration est le lieu dans lequel elle se passe. En effet, on ne peut pas penser qu’un enfant va finir par s’intégrer socialement s’il a passé toute sa période préscolaire et scolaire au sein d’institutions fermées, sans aucun contact avec d’autres enfants ordinaires. Malgré tout, ces institutions ou foyers ont eu un rôle important dans le sens où ils ont apporté aux enfants en situation de handicap un lieu qui prenait en compte leurs spécificités et pouvait leur apporter une réponse appropriée à leur besoin. Mais cela n’est pas suffisant.
En effet, afin d’avoir un bon développement, un enfant en situation de handicap ou non a besoin d’être et de sentir intégré, primordialement au niveau social. Cela veut dire faire partie d’une communauté, établir des liens réguliers et spontanés, avoir le sentiment de faire partie du groupe, avoir un rôle, une place (Intégration). Et cela peut ne pas être évident lorsque l’on se retrouve dans une institution composée uniquement de personnes en situation de handicap (IMC par exemple). Dans ce cas là, les liens se créent plus avec l’adulte et le rapport n’est pas le même. Il existe donc une ambivalence entre placer l’enfant dans un contexte qui répond à ses besoins principalement et mettre l’enfant dans un contexte scolaire ou préscolaire dans lequel il puisse avoir un sentiment d’appartenance, développer des habiletés sociales, réaliser des apprentissages (scolaires) même minime. En ce sens, nous avons pu voir au cours de nos lectures, qu’il y avait un grand nombre d’institutions et de foyer sur le canton de Genève. Dans un document datant d’octobre 1987, une liste des associations et fondations du canton en a répertorié plus d’une centaine réparties entre le Service Médico-pédagogique (SMP), La Fondation Officielle de la Jeunesse (FOJ), l’Hospice Général et les associations, fondations, foyers divers. Ce chiffre n’est pas anodin, il reflète bien cette volonté d’avoir des lieux d’accueil, permettant de répondre au maximum aux besoins particuliers de chacun. Mais cela questionne aussi, surtout si on se replace dans le contexte d’aujourd’hui. Un contexte qui prône l’intégration et qui donc devrait voir se stabiliser, voir même diminuer les nombre de lieux d’accueil spécifiques pour les personnes en situations de handicap. Ou alors dans tous les cas, avoir vécu une évolution que permettrait aux personnes en situation de handicap, de vivre plus proche de la société, d’en faire partie, mais cela est rare. On a pu le voir avec la construction d’un foyer pour personnes en situation de handicap au sein d’un quartier populaire qui devait créer une mixité sociale, des rencontres, etc., mais dans la réalité, qu’en est-il vraiment ? Je ne pense pas qu’on puisse affirmer qu’il y a une réelle intégration, voir même juste des échanges. Ils sont présents et c’est tout. Ce qui se constate le plus dans la réalité c’est qu’il y a une augmentation des lieux d’accueil, qui répond à l’augmentation de la demande d’hébergement.
Dans le canton de Genève, plus d’une personne sur dix est considérée comme handicapée et le canton compte 2,2 places d’accueil pour 1’000 habitants, ce qui est un taux assez faible, la moyenne suisse étant de 3,5 places d’accueil pour 1’000 habitants. De plus on constate une augmentation de la population résidente et même si elle peut paraitre faible, 11% de progression entre 1998 et 2007, cela montre qu’il y a quand même une évolution constante. Chiffres et graphique tiré de la statistique sur personnes handicapées dans le canton de Genève
Cette évolution se retrouve aussi au sein de l’enseignement spécialisé et cela montre qu’il y a une volonté de faire de l’intégration à Genève, mais si on peut se poser la question de comment elle est pratiquée, mais ce n’est pas le propos ici. Le secteur spécialisé à Genève compte 42 centres médico-pédagogiques, ainsi que 21 regroupements en classes spécialisées. Alors qu’en 1987, il en existait une vingtaine. L’accueil se fait donc dans des lieux différents.
Le service médico-pédagogique a accueilli à la rentrée 2009, dans le secteur publique (classes spécialisées et institutions), 1 363 élèves et 468 dans le secteur subventionné. Tout cela nous montre qu’il y une augmentation au niveau de l’intégration, mais la manière dont elle est pratiquée ne permet pas de faire diminuer le nombre de places en institution ou foyer.
Il ne faut pas oublier non plus que la demande d’hébergements est en augmentation constante, donc il faut bien proposer un lieu d’accueil à toutes ces personnes. Certainement que pour trouver le bon équilibre entre le nombre des foyers, institutions, etc. et une bonne intégration qui prend en compte tous les paramètres bénéfique pour tous ses acteurs, il faudrait repenser complètement les structures, la pratique, les besoins, etc., mais cela est un travail énorme et en regard des entretiens – autant Mme Chatelanat que M. Vaney nous ont indiqué que pour pratiquer une bonne intégration, il fallait revoir toute la structure de l’école – on peut se demander, si un jour cela va pouvoir se faire. En tout les cas, il est essentiel, de garder tout cela à l’esprit et de tenter au mieux de faire évoluer tant la politique d’intégration, l’intégration elle-même que les lieux d’accueil.
Deux pionniers à Genève
Moments fondateurs pour un engagement
Lors des entretiens, nous avons pu remarquer que pour nos deux témoins, leur premier contact avec une population de personnes en situation de handicap s’est fait un peu par hasard, sans même qu’il s’en rende compte.
Pour Gisela Chatelanat, le moment déclencheur et fondateur de son action et de son investissement pour la question de l’intégration est sa première rencontre avec des jeunes enfants en situation de handicap, au Kennedy Center of mental retardation aux Etats-Unis, et avec William Bricker, son responsable. Au sein de ce centre, il y a une crèche qui accueille les enfants des employés, mais aussi des enfants avec un retard de développement, avec une déficience intellectuelle, etc. La crèches était : « une crèche d’ici, mais mieux équipée, plus gaie, avec du monde dedans ». Pour elle, cette première rencontre est comme un petit signe du destin. Un autre signe sera l'interaction avec une petite fille atteinte de trisomie « Personne ne s’occupait beaucoup de moi, sauf une petite fille avec une trisomie 21 qui est venue vers moi, qui m’a prise par la main et qui m’a dit : « J’te montre ».
Gisela Chatelanat restera trois ans au Kennedy Center et elle ne verra pas la mixité entre les enfants comme une problématique particulière, car là-bas, personne ne la voyait comme telle. Pour elle, ces rencontres ont été une chance. A partir de là, elle restera sur cette thématique du handicap en l’élargissant surtout sur la question de l’intégration.
Il en va de même pour Louis Vaney qui, comme Monsieur Jourdin fait de la prose sans le savoir, a fait de l’intégration aussi sans le savoir. Mais malgré tout, ce sont plusieurs moments qui ont été fondateur de son engagement sur la thématique de l’intégration. Un premier est lorsqu’il se retrouve instituteur dans l’école du quartier avec un groupe de personnes atteintes d’une déficience mentale sans se poser la question de ce qu’il est en train de faire. Peut-être était-il même le premier à faire cela sans même savoir ce qu’intégration voulait dire pour des personnes avec une déficience ?
Dans ce prolongement, un autre moment peut être considéré comme important est lorsqu’il descend, depuis le Foyer de Pinchat, à Carouge avec les plus grands pour relever le prix des produits dans les magasins et pour faire des additions, et boire un café au bistrot. Donc en réalité, ces premières expériences se sont effectuées sans qu’il sache vraiment ce qu’il faisait. Même lorsqu’il passera son brevet d’enseignant spécialisé, on ne parle pas encore d’intégration. Et lorsqu’il sera responsable du Foyer de Pinchat, il n'y pensera pas, surtout à cause du nombre d’enfants (120 personnes avec un handicap).
Une première ouverture sur la thématique de l’intégration aura lieu lorsqu’il organise une sortie avec ses collègues sur l’intégration mais au niveau social (dans un quartier). Cela l’a amené à se poser des questions sur l’intégration des enfants en situation de handicap. La question de l’assistante du foyer, qui lui demande s’il n’est pas mal à l’aise avec tous ces enfants dans un ghetto, va aussi lui ouvrir les yeux et ensuite tout a suivi: l’intérêt, le militantisme, etc.
Outre l’Américain William Bricker du Kennedy Center, d’autres noms ont été cités comme Yvonne Posternak, Jacques Dubosson, Roland Vuataz, Gaston Goumaz de la commission intégration, Jean-Luc Lambert à Fribourg et l'expérience pilote de Martigny qui pour Vaney est essentielle dans l'histoire de l'intégration. D'autres comme Didier Pingeon, cité par Chatelanat contribue à donner une image plus ample de cette génération de pionniers qui touche d'autres champs sociaux comme la délinquance juvénile voire l'immigration. Pour Vaney, ces personnes sont aussi des stimulants pour son action et il accorde une attention particulière aux rencontres qu’il a pu faire, en particulier avec Yvonne Posternak et les parents de l’association APMH, mais son moteur principal reste les enfants et aujourd’hui, les adultes qui étaient les enfants d’hier.
Des pionniers dans l’action
Certes cette génération de pionniers de l’intégration est souvent dans l’action militante, dans la communication d’idées et donc dans la parole plus que dans l’écrit théorique. Peu de références théoriques ont été spontanément énoncées, seul Fougeyrollas a été cité par Vaney.
Néanmoins c’est bien une philosophie pratique qui se développe dans l’action. On voit bien chez Gisela Chatelanat, que son engagement est en lien avec des convictions, lorsqu’elle parle des personnes en situation de handicap et de leur placement en institution, lieux où ils n’ont pas de choix. Elle trouve cela effrayant et celui lui paraît être une atteinte fondamentale à la liberté. Elle se sent plutôt indignée face à ce qui se passe. Ces constats peuvent être vu comme des éléments fondateurs de son engagement pour « le spécialisé » et l’intégration en particulier. Pour elle, ce n’est pas en plaçant ces personnes dans des institutions éloignées, à la campagne ou alors dans des classes spécialisées où personne ne se moque d’eux qu’on va les protéger. Le reste du temps, ils vont être confrontés aux gens ordinaire, comment vont-il réagir ? L’intégration est une réponse. Elle permet à chacun de s’habituer, de vivre avec les différences de l’un et de l’autre, mais aussi d’acquérir des habiletés utiles à la vie quotidienne. Et, c’est pour cela, selon Gisela Chatelanat, qu’il est important de commencer l’intégration tôt, avant le scolaire « au moment où les stéréotypes, les craintes, ne sont pas encore là ».
Louis Vaney de même semble être constamment dans l’action, y compris lorsqu’il donne des formations. Au moment de la motion Beck, de la nouvelle loi et de la commission pour l’intégration, il est présent et pense que cela va faire avancer les choses. Mais avec le recul, il estime que cela ne l’a guère été. Il y avait alors de grands enjeux et ils y ont tous cru. Mais souvent les projets étaient stoppés, car il y avait des oppositions au niveau politique. Par exemple, le projet individualisé à la mise en place duquel il a participé, projet qui aujourd’hui après six ans n’existe toujours pas ! Mais les lois ne sont pas les seules actions pour faire changer les choses. Il existe des formations continues dans lesquelles il est aussi très actif, ainsi que des projets d’établissement.
Louis Vaney s’engage pour l’intégration en donnant des formations pour l'école primaire, pour le cycle et pour le post-obligatoire en collaboration avec le Centre Médico-pédagogique, avec les enseignants qui intègrent, etc. Il s’engage non seulement à Genève, mais aussi en Valais (il été chef de projet pour l’école de Martigny pendant 3 ans), en France et en Belgique.
Avec le temps, les actions de Louis Vaney vont s’étendre sur l’éducation des adultes. On ne peut pas rien faire pour eux. Il y a 25 ans, il a mis en place le second centre de formation continue pour adultes de Suisse. C’était le CEFCA qui se nomme désormais, Actif. Il y a 15 ans, il met en place un autre projet d’appui en entreprise, Project. Pour lui, la vie, la formation, le travail et le loisir sont des domaines essentiels pour la vie. Il ne faut pas oublier le lieu de vie qui a une importance toute particulière. Pour cela, il a mis en place le Commission d’accompagnement à la vie indépendante (CAVI) il y a une dizaine d’années. Cela représente beaucoup d’actions, mais qui vont dans un sorte de continuum de l’après scolarité.
De plus, il continue son militantisme au sein de l’association de parents (APMH), il tente de créer des lois inspirées de ce qui se fait en Italie ou alors de la loi valaisanne qui part de l’idée que l’exclusion doit être l'exception. Pour agir pour l’intégration, il ne faut pas se confronter à des sciences exactes conclut-il, mais plutôt à des positions humanistes qui dit en gros que chacun à sa place dans la société. Pour lui, c’est un combat.
Bien que la motion Beck n’aie pas eu les répercussions et les résultats attendus et que tous deux en soit déçus, le fait d’en faire partie ainsi que de la commission intégration a été un élément d’action pour l’intégration car comme le dit Gisela Chatelanat : « Même si la pensée n’aboutit pas à quelque chose de concret, elle a des chances d’être reprise par la suite par quelqu’un d’autre. Une fois qu’une idée est là, elle fait du chemin, en souterrain ».
Quelle conception de l’intégration
Pour tous les deux l’action est dominante. Gisela Chatelanat croit que même si cela va être long de changer – il ne suffit pas de repenser l’intégration, mais de modifier totalement la structure scolaire pour favoriser l’intégration – « il y a des chantiers à ouvrir » et elle s'y engage. Au-delà de tout cela, même si elle est pour la désinstitutionalisation, elle reste très prudente quant à la manière d’y arriver et pense que bien que l’enfant soit intégré, il est important (surtout à l’adolescence) qu’il puisse se retrouver avec d’autres personnes ayant des difficultés similaires, afin d’avoir des affinités, des points communs et de pouvoir partager (elle prend les sourds comme exemple) et cela n’est pas une forme d’exclusion, au contraire, cela peut faire partie de l’intégration. Il y a une réflexion à mener à ce sujet.
Pour Louis Vaney, l’intégration est la même pour une personne immigrée que pour une personne atteinte de trisomie. Les deux sont des handicapés sociaux, car ils ne jouent pas un rôle dans la société. L’intégration est le droit à la ressemblance, car la socialisation se fait principalement par l’imitation. Pour agir, il ne suffit pas d’être pour l’intégration, il y a aussi l’envie que le système éducatif change, évolue afin de permettre à cette dernière d’exister. L’école ne doit pas être uniquement un lieu de transmission, mais aussi un lieu de socialisation et un lieu éducatif. Il souligne que de son point de vue, l’intégration ne peut être que sociale.
Une des questions permanente pour les parents comme pour Louis Vaney : Que vont faire ses enfants une fois qu’il n’y a plus l’école ? Cette continuité ne peut se faire que si on se donne les moyens. Bien sur cela peut paraître inutile, mais en réalité, « ça vaut toujours le coup » et on peut voir là encore l’envie de se battre pour l’intégration. Car au-delà des apprentissages scolaires, il y a tout ce que les autres enfants apportent à la personne en situation de handicap, des habiletés sociales par exemple qui lui seront utile dans sa vie de tous les jours.
Louis Vaney conclut que ces dernières années le nombre d’intégrations a augmenté et surtout que la qualité est bien meilleure. Il souligne qu’il s’agit également d’une question de structures et non seulement de politique.
L’institution : un lieu à part
Gisela Chatelanat nous a parlé de la première institution où elle a travaillé, comme étant un lieu quelque peu à part : « Cela se présentait comme un jardin d’enfant, mais mieux équipé, plus gai,… [… ] Manifestement, il y avait des logopédistes. » L’institution, pour elle qui était novice dans le domaine du handicap, restait un monde inconnu, pleins de questionnements. Avant, les institutions étaient peu ouvertes vers l’extérieur. Pourtant il y avait des professionnels spécialisés (des logopédistes, des thérapeutes, etc.). On voit par cette anecdote que la formation du personnel travaillant avec des enfants en situation de handicap était déjà de rigueur bien avant aujourd’hui.
Lorsqu’elle arrive à Genève, la pratique d’intégration était bien différente. On ne mélangeait pas les enfants avec et sans déficience. On effectuait des classifications. Le rapport à l’institution ne pouvait pas, de ce fait, être quelque chose de positif et de formateur. Elle ne comprenait pas pourquoi on cachait ces personnes, pourquoi on restreignait leur liberté et leur autodétermination, chose qui de nos jours essaie d’être maximisé de toutes les façons possibles. Elle ajoute qu’elle trouvait la vie institutionnelle effrayante, avec les contraintes des heures et des ordres (repas, télévision, etc. réglé selon des horaires fixes).
Actuellement, le rapport à l’institution a changé. On tend à une normalisation des lieux d’hébergements et des lieux de vie, et les institutions font un réel effort d’ouverture vers l’extérieur: la population résidente fait des sorties en ville, il y a des activités organisées par les institutions à l’extérieur (vente de produits, kermesse, courses à pied, événements de récolte de dons, etc.).
Mais l’institution comme étant un lieu de soin, un lieu « hospitalier » et non éducatif reste toujours dans les mœurs. Chatelanat continue en faisant une anecdote sur Edouard Seguin, qui au 19e siècle, prônait déjà le rapprochement des asiles du centre de la ville, afin que la population ordinaire côtoie les personnes de l’asile, ce qui permettrait d’enlever la peur et la réticence. Avec les années, les représentations du handicap ont changé, ce qui a permis de changer l’image de l’institution et de ses résidents ainsi que de favoriser l’intégration des personnes en situation de handicap. Notons toutefois que pour pouvoir améliorer les intégrations, il faudrait une véritable restructuration de l’enseignement scolaire, une autre école, changer le problème des promotions et de la sélection entre autres. Elle ajoute que l’école, « c’est le tri des scolarisable et non scolarisable » et que personne a voulu secouer les murs de l’institution scolaire, car c’est elle qui a créé les premières séparations avec les classes spéciales.
Cependant, cette lutte se doit d’être quotidienne contre le poids institutionnel. Ce n’est pas en améliorant uniquement les conditions physiques du lieu, par exemple en mettant des télévisions, qu’on améliore la condition des gens ; on est toujours dans un établissement spécial, avec les contraintes de l’institution.
Au cours de l’article, nous nous sommes davantage centrées sur la formation des enseignants et nous pouvons nous demander pourquoi, si les éducateurs de la petite enfance étaient accompagnés par des spécialistes il y a de cela des années, il n’en était pas de même dans le domaine scolaire. Sur cette thématique de la formation des professionnels ordinaires et celles des spécialisés, Chatelanat ajoute que l’histoire a amené à ce que cela devienne deux métiers différents et les uns ignorent les compétences des autres. Elle trouve cela dommage, car il faudrait, selon elle, qu’ils puissent chacun utiliser les compétences des autres afin d’améliorer leur pratique et de favoriser l’intégration.
A l’heure actuelle, la spécialisation des formations existe toujours, mais il n’est pas pour autant question de scinder les populations selon leur trouble encore davantage et de les placer dans des établissements réservés à leur cas, comme c’était plus ou moins le cas auparavant.
Lorsque Louis Vaney est allé travailler à l’école de la Jonction, les élèves étaient envoyés dans des classe spécialisée lorsqu’ils commettaient des bêtises, c’était leur punition. Le moyen de pression était de dire aux punis qu’ils allaient finir comme les élèves de la classe spéciale. Le rapport à l’institution a évolué également. A l’heure actuelle, les enfants punis sont généralement envoyés dans une autre classe, avec un cadre strict, mais pas plus particulièrement chez l’enseignant spécialisé.
Il aborde ensuite l’idée selon laquelle certaines personnes en situation de handicap sont bien dans des foyers pour autant qu’il y ait une bonne qualité de vie, mais que « pouvoir travailler dans un emploi non protégé avec un soutien, pouvoir continuer de partir en vacances, pouvoir prendre des cours dont certains intégrés à l’université ouvrière, à l’Ifage, à la Migros avec des appuis et puis d’avoir une résidence, ça vaut le coup ». Certains parents également choisissent l’option institutionnelle, généralement quant ils sont épuisés par la lutte militante, par exemple.
Mais ce sont aussi les représentations et les mentalités par rapport à l’institution qui ont changé. Au début de leur vie professionnel, un enfant atteint de trisomie 21 pouvait être refusé dans une crèche à cause de son handicap, tout comme un enfant ne devait pas y aller quand il avait un simple rhume ou la rougeole, etc. A l’heure actuelle, il y a eu un réel changement d’acceptation des enfants en situation de handicap ; ainsi, un enfant atteint de trisomie 21 peut ne pas être accepté lorsqu’il est malade et contagieux, par exemple s’il a le rhume, la rougeole, etc. mais non plus parce qu’il a ce trouble.
Vaney souligne ensuite l’importance du contexte scolaire. Il insiste sur la question de l’intégration scolaire, car les enfants y passent six heures par jour, quasiment toute l’année, et dans la plupart des situations, ils ont la possibilité de fréquenter une école de leur quartier aussi. Cela signifie également qu'ils sortent jouer devant l’école, se font inviter par des camarades, participent dans un club du quartier, à la maison de quartier. En sortant l’enfant du contexte d’origine et en le plaçant en institution, on sort de tout ça et on l’empêche de se développer dans son milieu d’origine. Rappelons, comme nous l’avons vu à travers diverses lectures (notamment Wormnaes, 2005), que l’intégration doit se faire dans le contexte d’origine de l’enfant, pareil s’il est en institution à temps partiel, afin qu’il se développe au mieux.
Louis Vaney parle ensuite de la question de l’institutionnalisation et d’un effet en découlant : le poids du regard institutionnel, comme l’abordait Gisela Chatelanat lorsqu’elle comparait les institutions aux hôpitaux. Il craint que, dans le cas d’une structure fortement institutionnalisée avec par exemple, un regard relativement médicalisé et en gardant une grosse proportion de personnes, le regard posé sur la population en situation de handicap ne change presque pas. Il rejoint les propos de Mme Chatelanat, en expliquant qu’il existe une culture institutionnelle forte qui est une culture inspirée très fortement par l’hôpital, et qui ne permet pas une intégration. En effet, on peut se demander comment intégrer quelqu’un dans une société alors qu’il vit douze heures par jour ou plus dans un monde qui est totalement différent d’une autre culture. Cela soulève de nombreux problèmes, c’est pourquoi le passage entre l’institution et la désinstitutionalisation ne peut s’effectuer rapidement, sans un changement de mentalité. Il soutient toutefois l’idée d’un soutien qui réponde aux besoins de la personne et qui s’effectue à certains moments, par des aspects spécialisés.
La désinstitutionalisation : une voie des années 1970
Gisela Chatelanat donne l’exemple de l’Italie, où cela fait plus d’une génération que des enfants n’ont pas connu d’institutions spécialisées, ce qui s’est très bien passé, mieux au secondaire qu’à l’école primaire, car dans le primaire ils sont constamment en échec à cause de leur difficulté à lire et à écrire qui occupent principalement cette section.
Une véritable intégration ne peut pas passer par une désinstitutionalisation et une normalisation de l’enfant, tant qu’il y aura des institutions, tant que le rapport à l’établissement spécialisé, à l’enseignement ordinaire et à l’intégration des enfants en situation de handicap ne changera pas, car l’institution constituera tout au long de son existence, une alternative à l’intégration – complexe – demandant des efforts et du temps. Mais il s’agit d’être prudent quant au passage de l’institution à une totale désinstitutionalisation. Il y a des étapes successives.
Mais à Genève explique Gisela Chatelanat, il n’en est pas question pour l’instant. Au contraire, on continue à créer des places comme nous l’avons vu à travers nos lectures, car il faudrait que le secteur public prenne certaines responsabilités pour permettre d’aller vers ce mouvement.
Ce changement ne peut ainsi pas, comme nous l’avons vu à travers la construction de notre article, s’effectuer du jour au lendemain. Une des possibilités serait de s’inspirer de ce que font les sourds et de leur identité : il s’agirait de laisser la possibilité d’avoir des regroupements par affinité d’adolescents ou d’adultes, partageant des difficultés importantes. Ainsi, tout comme des jeunes enfants ordinaires faisant partie d’un groupe pour un intérêt commun, comme les classes de sportifs d’élites, on devrait envisager cette possibilité pour les personnes en situation de handicap, en leur permettant de côtoyer des gens avec des intérêts communs et avec des difficultés similaires.
Quant à la question de la nécessité d’une désinstitutionalisation pour parvenir à une vraie intégration, Louis Vaney nous raconte qu’il faudrait plusieurs changements. Il y a des structures, et les employés également, qui sont là, il faudrait voir ce qu’on en fait. Il faudrait qu’ « entre le déclaratif et l’effectif, on ait un véritable projet d’établissement et de désinstitutionalisation qui, à terme, arriverait à savoir faire du reverse, c’est-à-dire tout ce qu’on libère on va l’occuper par d’autres personnes, mais pour d’autres fonctions, des étudiants, etc. On aurait un projet. ». Il explique que ce n’est malheureusement pas souvent le cas, même pour les adultes. Pour les enfants en situation de handicap, il pense, plutôt qu’à une totale désinstitutionalisation, il faudrait une sorte de structure de replis, où à un certain moment l’enfant lorsqu’il n’en peut plus et est en tension, peut aller et obtenir un sorte de pont, d’un ou deux ans. Il est important que tous les acteurs avancent dans le même sens, aient des valeurs communes: partir du jardin d’enfants, mettre les soutiens, avoir des structures mixtes, mais il y a également l’aspect financier qui entre en jeu.
L’importance de la formation
Lors de l’entretien avec Louis Vaney, le thème de la formation est également apparu. Il a mentionné que, lors de sa première expérience dans un contexte intégratif, il n’était nullement question de formation continue, ni d’intégration en tant que tel. Lors de ses études pédagogiques pour passer le brevet d’enseignant spécialisé, il n’a pas eu de cours sur la thématique de l’intégration. Il n’y avait qu’un cours dispensé par un des pionniers de l’enseignement spécialisé, Jacques Dubosson. A l’heure actuelle, on remarque que la situation a évolué : la faculté des Sciences de l’éducation propose plusieurs cours sur cette thématique, dans son master en éducation spéciale. Toutefois, la formation des enseignants aborde encore peu cet aspect. Louis Vaney, parmi d’autres professionnels, donne tous les ans des formations continues, dans lesquelles il appuie fortement sur la question des valeurs communes. Il faut croire à l’intégration et ne pas juste accepter d’en faire parce que c’est bien vu, parce qu’on se sent obligé, etc. Tout comme Gisela Chatelanat, il explique que le métier d’enseignant et d’éducateur ne sont pas les mêmes, mais que l’enseignant dans le projet peut demander de l’aide et exprimer ses besoins en disant quel tel type d’appui et quel type d’adaptation il veut. Par cette opportunité, qui est un des points central de la formation actuelle, l’enseignant ne se raccroche plus à des idées comme l’effectif trop important pour pouvoir accepter un enfant supplémentaire. Il faut donc permettre aux enseignants, pour qu’ils puissent effectuer une réelle intégration, d’avoir les outils nécessaires pour la faire. Généralement, c’est l’enseignant spécialisé qui fait l’appui, mais on ne passe pas d’enseignant un jour à enseignant d’appui à l’intégration le lendemain. Il s’agit de deux métiers différents, de deux formations différentes. Demander à des enseignants d’aller faire du soutien en tant qu’enseignant spécialisé, parce qu’ils sont fatigués par exemple comme le mentionne Louis Vaney, n’est pas une bonne alternative. L’intégration, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, doit être réalisée que si cela nous intéresse, qu’on a des convictions allant dans son sens et qu’on a un certain nombre d’outils. Pour cela, il faudrait davantage de formations continues.
Outre la formation Louis Vaney souligne l’importance du partenariat. Que ce soit entre l’institution et les parents, entre l’institution et l’école, entre l’enfant et les réseaux de professionnels, etc., le partenariat est primordial car on ne peut pas répondre à tout. Le travail en réseau comprend : la personne en situation de handicap, sa famille et les réseaux de professionnels, pas seulement interne, mais externe. Le partenariat avec les parents est extrêmement important et doit être pris en compte lors d’une désinstitutionalisation. Le projet individualisé, tout comme le projet institutionnel sont des bases essentielles à l’intégration.
Des militants de l’intégration
Même si en introduction de l’entretien, Gisela Chatelanat précise qu’elle ne se sentait pas comme une pionnière de l’intégration, mais qu’elle a seulement participé au mouvement qui était en plein essor à cette époque (années 60-70) et y participe toujours, elle se sent militante. Aujourd’hui encore, on peut voire son côté militant lorsqu’elle dit : « On a aussi les moyens de mettre la pression » au niveau politique. Elle précise que l’aide d’une image politique est un plus, mais qu’il y a besoin de relais, de loi et surtout, de savoir quoi en faire. En résumé, il faut que tout le monde y mette du sien pour arriver à favoriser l’intégration (enseignants, parents, politiques, formation) et le système suisse permet de faire ces relais. Son action militante, elle en parle aussi au niveau de sa génération. Elle a vécu le choc de voir jusqu’où pouvait mener l’exclusion (extermination). Cela a fortement impressionné cette génération. Ce qui leur a fait dire : « Plus jamais ça, il faut que ça change ! ». Elle espère que tout ce qui a été mené depuis, comme combat a porté ses fruits et que certaines avancées ne peuvent plus revenir en arrière, mais elle reste toujours dans son esprit combattant: : « Il ne faut jamais croire que les choses sont acquises ! » il faut continuer à se battre et à agir pour l’intégration. C’est une sorte de combat qu’elle a mené pour l’intégration et désormais, aujourd’hui, l’inclusion précoce.
Louis Vaney résume un peu son parcours comme cela : « …c’est un travail de militantisme lié à la mise en place de lois … Un travail plus pratique, mais qui concerne plus les adultes, de mise en place de projets et un travail de formation continue et de consultation. ». Avec Mme Chatelanat, ils ont été les premiers à remettre en cause la classe spécialisée comme la présentait Jacques Dubosson par exemple. Il doit y avoir des intégrations individuelles. Il dit d’eux : « On a été, Gisela et moi, des provocateurs, on leur cassait les pieds ». Dans l’ensemble, il ressort que malgré tout, il y a toujours une attente que quelque chose se passe, que certaines personnes reprennent le combat en particulier, les parents, mais ils se découragent vite, car rien ou pas grand-chose ne bouge.
Pour conclure, au vue des deux entretiens, on peut dire qu’une fois que la thématique de l’intégration a été rencontrée, le handicap et plus particulièrement la question de l’intégration sont devenues un combat à vie.
Conclusion
À la lumière de la revue de la littérature et des entretiens de deux pionniers de l'intégration à Genève, force est de constater que la lutte pour l'intégration avance à petits pas puisqu'il s'agit de changer des mentalités, d'influencer les instances politiques et de réorienter le rôle même des institutions en place. Ainsi, la motion de Beck sera surtout une bonne intention, sans réel effet à long terme. C'est ce que Louis Vaney appelait si bien le manque de cohérence entre le déclaratif et l'effectif.
Néamoins, cette génération de pionniers de l'intégration, dont font partie louis Vaney et Gisela Chatelanat, mais aussi bien des parents d'enfants en situation de handicap, ont produit des expériences et des idées novatrices. Que l'on songe seulement aux associations de parents tel que Insieme, au village Aigues-Vertes et à l'Actif, centre de formation pour adultes.
Le moteur de ces militants de l'intégration? D'abord, les enfants. Ensuite, ce désir de participer à un projet de société plus égalitaire et communautaire, avec la liberté de choix et le respect de la différence et l'empathie comme valeurs de base. Leur souhait pour l'avenir? Que les anciens combattants laissent la place aux jeunes et à leurs idées et ne jamais croire que les choses sont acquises!
Bibliographie et notes
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Notes <references />