Vers une pédagogie institutionnelle?

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Dans le premier chapitre, Aïda Vasquez relate sa rencontre avec Fernand Oury. On y apprend qu'elle est devenue psychologue et pédagogue au Venezuela où elle elle a pratiqué deux ans en testant débiles et caractériels. Elle raconte avoir senti de plus en plus le besoin "d'aller voir sur place" et de parler aux intéressés plutôt que de se contenter de formuler des rapports et de compléter des dossiers.

Elle s'est donc retrouvée à Genève, élève à l'Institut Jean-Jacques Rousseau, puis à Paris où elle a eu "l'honneur d'être admise en haut lieu de la Psychologie française. Toujours, la même lassitude des commémorations pédagogiques et de la "déconnection" d'avec le patient. "Le psychologue était-il condamné à observer, à cataloguer, à mesurer, à étalonner? [...] Comment, par quelles voies, le milieu peut-il agir sur les individus? À quel niveau l'instituteur, le psychologue, le législateur peuvent-ils intervenir avant le psychiatre?" (p.26)

De fil en aiguille, elle fait la connaissance de Fernand Oury, que l'on décrit comme un instituteur qui emploie des méthodes nouvelles. Il lui demande d'observer attentivement un certain élève et plus tard, lui demande ses impressions. Aïda est embarrassée par la question puisqu'il s'agit d'un élève calme et à son affaire. Or, en lisant le carnet de santé de l'enfant, elle découvre que c'est un gamin qu'on avait déclaré a-sociable et dangereux à cause de ses crise de colères et de son agressivité. En cinq ans, il n'avait été scolarisé que pendant 18 mois...

Dans les prochains chapitres, Fernand Oury et Aïda retracent le parcours de cet élève depuis son entrée dans la classe de F. Oury et tentent d'expliquer comment le "miracle" a opéré.

Dans le deuxième chapitre, intitulé "Un milieu inhabituel", les auteurs décrivent les activités de la classe, l'organisation de l'espace, du temps et des groupements ainsi que le conseil de coopérative qui s'inspirent largement de la pédagogie Freinet.

Les activités: Les auteurs mentionnent la correspondance scolaire, la correspondance interscolaire, le journal scolaire et la sortie-enquête. Tout comme Freinet, Fernand Oury utilise l'imprimerie comme outil d'apprentissage en classe. La nouveauté de l'époque, c'est que ce sont les enfants qui amènent les sujets et participent activement aux activités alors que le Maître agit plutôt comme guide que comme "celui qui sait". Tous les élèves sont invités à participer à la mesure de leurs connaissances ou de leurs talents. Ainsi, un élève qui ne sait pas encore écrire peut dicter ses idées à un élève plus expérimenté qui pourra les écrire à sa place. Chaque activité est liée à un processus démocratique (le groupe vote le texte élu, par exemple) et aboutit sur un projet concret afin de donner du sens au travail des enfants. Par exemple, le journal scolaire est imprimé par les jeunes et distribué à d'autres classes et d'autres écoles. Enfin, tout au long des activités, on s'assure de préserver l'estime de soi des élèves, on veille à leur bien être et à favoriser un esprit d'entraide et de coopération.

L'organisation: les auteurs insistent sur l'importance que l'élève ait son espace propre dans la classe et que la classe comporte des espaces-responsabilités liés au travail de l'imprimerie et que chaque élève participe à l'élaboration de l'organisation de la classe. Une particularité intéressante se retrouve dans la gestion du temps: les auteurs soulignent que certains repères dans le temps sont nécessaires au bon déroulement des activités et au sentiment de sécurité des élèves, mais qu'il est utopique d'imposer un temps pour apprendre. En effet,"quel jardinier prétendrait faire pousser au signal?" (p.72)

Les groupements: Les élèves sont regroupés selon leurs possibilités intellectuelles et leur niveau scolaire réel. Dans cet ouvrage, les auteurs révèlent qu'il y avait plusieurs niveaux dans la classe, codés par couleurs, et que les élèves intégraient le regroupement qui correspondait à leur niveau selon la matière en question. Par exemple, un élève qui ne sait pas compter travaillerait avec "les verts" en calcul, mais avec "les jaunes" en écriture (niveau primaire). Un élève peut aussi changer de groupe selon les acquis réalisés en cours d'année. Ce faisant, un élève n'est plus "retardé", mais "retardé en...". D'autres regroupements sont constitués selon la tâche, plus spécifiquement selon le rôle à l'imprimerie.

Le conseil de coopérative permet aux élèves de parler de ce qui ne va pas, de régler les conflits en groupe. Une fois par semaine, les élèves s'arrêtent de travailler et s'assoient en cercle pour discuter de la semaine, des conflits, des besoins,etc. Les solutions sont apportées par le groupe et notées dans un cahier spécial.

Dans le troisième chapitre, on raconte l'évolution de certains élèves de la classe, dont Patrice et Sophie. À travers une liberté dirigée, un grand respect de la différence et de l'individualité, une responsabilisation et un esprit de coopération, chaque élève gagne en sécurité, en motivation et réussit à apprendre malgré toutes ses difficultés scolaires, émotives ou intellectuelles. On émet aussi des hypothèses sur l'importance des lieux de vie en classe et des identifications vécues en classe dans l'évolution de ces enfants.

Le quatrième chapitre est intituté: "D'où viennent cette pédagogie et ces hypothèses? Les premières réponses s'élaborent autour d'un bref historique des classes de l'école primaire publique urbaine en France, de l'influence de l'École Nouvelle et des apports de Freinet, des Américains (dont Dewey), des Soviétiques (dont Makarenko) et des mouvements de jeunesse en France (dont les Éclaireurs). Ensuite, on situe cette pédagogie avec certains concepts des sciences humaines: la psychologie des groupes, la psychanalyse (d'ailleurs, la préface est signée par Françoise Dolto) et la psychothérapie institutionnelle.

Dans le cinquième chapitre, on mentionne quelques applications possibles à la pédagogie institutionnelle. D'abord et surtout, la possibilité de faire des stages de PI afin de pouvoir discuter et échanger avec d'autres collègues, ce qui s'avère difficile autrement puisque les moments de rencontre sont souvent après l'école, soit lorsque les classes sont vides. Pour plus d'informations sur ces stages:[1]

Dans la conclusion, signée en juillet 1966, les auteurs soulignent la difficulté de faire de la pédagogie autrement: donner la parole et le pouvoir de décider à des enfants est souvent considéré comme "dangereux". Ils terminent par cette réflexion: " Sommes-nous des utopistes? Nous ne le savons pas. Notre offre répond à une autre demande qui ne s'est pas encore exprimée - qui s'exprimera - peut-être."