Malentendu sociocognitif
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Définition
De nombreux facteurs peuvent influencer, et sont en jeu, dans le processus de construction de la définition d’une situation. Chaque individu a ses propres croyances, un bagage social et culturel influençant sa logique et interprétation du monde. Le malentendu sociocognitif se produit justement quand deux individus n'ont pas la même interprétation d'une même situation. En effet, ce terme désigne le fait que "les différents acteurs de l’interaction, parfois sans le savoir, ne partagent pas la même compréhension de la situation, et que cela a des implications sur la mobilisation des ressources sociocognitives" (Muller Mirza, 2014, p.166).
Conséquences
Plusieurs recherches (Bautier, 2013 ; Bautier & Rayou, 2009 ; Bautier & Rochex, 1997 ; Breux & Perret-Clermont, 2014 ; Kohler, 2015 et Muller Mirza, 2014) ont tenté d'apporter des réponses pour expliquer les difficultés que pouvaient rencontrer certains élèves à l'école. Dans leur travail, Bautier et Rochex (1997) mettent en avant l’idée que les "malentendus sociocognitifs" pouvaient représenter un vrai obstacle dans l’apprentissage. Imaginons une situation à laquelle un élève est confronté à une consigne d'un exercice. Celui-ci l'interprète et y répond conformément à ce qu'il a compris. Cependant, l'enseignant avait une toute autre intention en tête, qui n'a néanmoins pas été bien saisie par l'étudiant. Cet exemple met l’accent sur le fait que ce qui semble être une évidence pour l’enseignant, ne l’est pas forcément pour tous les élèves (Bautier & Rayou, 2009).
En interprétant les situations d’après leur propre point de vue, les élèves peuvent fournir des réponses qui seront jugées insuffisantes ou transgressant des normes. Les malentendus sociocognitifs, si, trop fréquents, peuvent empêcher des élèves de répondre aux attentes de l’enseignant et de l'institution scolaire. Ce malentendu peut être finalement interprété par l'enseignant comme un manque d’intérêt, de motivation ou de compétences de l'élève et avoir des répercussions négatives sur l'estime de ce dernier et l'image qu'a l'enseignant de l'apprenant (Bautier et Rochex, 1997). La réussite scolaire de l'élève est susceptible d'être mise en danger à cause de ces différents facteurs.
Causes
Des attentes implicites
A l'école, il est attendu que l’élève réussisse à identifier et à répondre à ce qui lui est demandé et attendu de lui (Breux & Perret-Clermont, 2014). Cependant, tous les enfants sont différents. Ils ne sont pas dotés des mêmes processus cognitifs, ni des mêmes compétences. Cela creuserait ainsi des écarts, car tous ne sont pas équitablement armés pour saisir les implicites de l’école en général, ni ceux des activités proposées par l'enseignant. Le maître de classe et l'apprenant sont des personnes étant insérées dans un cadre, un contexte défini avec des normes et valeurs. Elles interagissent l’une avec l’autre, mais aussi avec la classe et l’extérieur. Alors, leur "processus de construction de sens […] va bien au-delà de la présence physique des acteurs : les personnes font référence à des situations vécues ailleurs et dans un autre temps", ce qui expliquerait pourquoi les significations des individus peuvent diverger dans une même situation (Muller Mirza, 2014, p.171).
Des consignes vagues et des situations mal cadrées
Une recherche (Bautier, 2013) a mis également en avant que certains exercices ou consignes pouvaient favoriser l'apparition de malentendus sociocognitifs. " Des situations très ouvertes, faiblement cadrées, faiblement contrôlées, dans lesquelles chacun peut travailler et intervenir «à son niveau » "(Bautier et Rayou, 2009, p.97) présentent les conditions pour créer des malentendus.
Pour illustrer ce fait, prenons l’exemple d’un cas observé par Bautier (2013) : une maîtresse demande à ses élèves de découper minutieusement des images de poissons (qui avaient été préalablement coloriées durant une autre leçon), de les classer par ordre de longueurs, puis de les coller après que l’étape précédente ait été approuvée. Si pour la maîtresse, l’objectif de l’exercice était « la comparaison de longueurs » (p.193), certains élèves semblent n’y avoir vu qu’une activité de découpage et de collage. Ils se seraient ainsi concentrés que sur la forme de l’exercice. D’après Bautier, cela s’expliquerait par le fait que toutes ces étapes, à effectuer avec soin et sous la supervision de la maîtresse, ont caché le registre cognitif qui était attendu et le but du travail. Il ajoute également que "Tout semble parfois se passer comme s’il fallait trouver la fiche pour tel atelier et non chercher le support le plus adapté à l’apprentissage visé." (p.199)
Il n’est donc pas rare que les attentes des enseignants soient contradictoires ou mal interprétées par les élèves, notamment lorsqu’un élève est sollicité par l’enseignant pour exprimer son avis, comme le démontrent Breux et Perret-Clermont dans leur travail (2014). Cette recherche met en lumière le fait que " répondre à l’invitation d’exprimer une pensée propre entre en tension avec le souci légitime de l’élève de fournir des réponses acceptables " (p.338). Ainsi, en plus d’attendre " qu’ils développent un point de vue propre et sachent faire preuve de créativité et d’esprit critique dans leurs raisonnements " (p.330), l’école exigerait aussi à ce que l’élève réussisse à identifier et à répondre à ce qui lui est demandé et attendu de lui. Comme tous les enfants sont différents, ne sont pas dotés de la même logique et des mêmes compétences, cela creuserait alors des écarts, car tous ne sont pas équitablement armés pour saisir les implicites de l’école en général, et de ce qui est fait, ou demandé en classe, par l’enseignant.
Dans cette idée, une consigne ambigüe et floue est alors à proscrire, car elle favorise la divergence dans l'interprétation. Le registre cognitif demandé et les objectifs à atteindre dans une activité, peuvent être cachés par la forme de l'exercice. Il est ainsi important de s'assurer que les consignes données lors d'un exercice soient claires et de vérifier que la signification donnée par les élèves est la même que celle donnée par les enseignants.
Comment dénouer un malentendu
Le travail de Muller Mirza (2014) s’intéresse aussi aux "malentendus sociocognitifs" pour mieux comprendre les processus de l’apprentissage et parle de la notion d’" intersubjectivité ", (Wertsch, 1984, p.12, cité par Muller Mirza, 2014, p.163). Cette intersubjectivité représente le moment où deux individus qui donnent des significations différentes à une situation, aboutissent à une "définition partagée" (Muller Mirza, 2014, p.165). A travers des exemples où justement l’élève et l’enseignant, sans en être conscients, ne parviennent pas à une compréhension partagée, Muller Mirza démontre qu’il est nécessaire de revenir aux racines de la situation du malentendu, c’est-à-dire, en observant comment chaque interlocuteur a construit son interprétation. Pour cela, il faut prendre de la distance et aller au-delà de ce qui est visible, donc de ce qui est dit ou fait. Effectivement, l’enseignant et l’élève sont des individus qui sont insérés dans un contexte social précis et ont tous deux des enjeux et buts différents dans une situation (Breux & Perret-Clermont, 2014, p.3). Chacun a ses propres croyances, un bagage social et culturel influençant sa logique et interprétation du monde. En ayant pris tout cela en considération et par la même occasion, en se rappelant " des conditions psychologiques et sociales dans lesquelles on le (l’élève) place " (Breux & Perret-Clermont, 2014, p.339), nous sommes en mesure de constater des nombreux de facteurs qui peuvent influencer et sont en jeu dans le processus de construction de la définition d’une situation.
Apport de la notion
Bautier et Rochex (1997) soulignent l'importance de faire connaître l'existence de ces malentendus. Leur travail invite le lecteur à chercher des éléments de réponse dans ces situations de malentendu et dans la perception qu’a l’élève de l’expérience scolaire. Il s’agit d’examiner plus attentivement quel est son "rapport à la scolarité », « rapport au savoir et au langage» et son « rapport aux tâches et activités scolaires" (Bautier & Rochex, 1997, p.110). Analyser les malentendus permettrait de comprendre les processus cognitifs de l'élève, c'est-à-dire d'observer comment fonctionne sa pensée et quel est l'étendu de son savoir. Cela donnerait également la possibilité de percevoir les éventuels problèmes et failles que peuvent comporter des outils ou situations d'apprentissage, car "interpréter de manière pertinente les situations scolaires et de donner du sens aux contenus et activités d’apprentissage qu’on leur y propose ne peut plus être considérée comme un donné de l’exercice du métier enseignant" (Bautier & Rochex, 1997, p.117). Connaître l'existence de ces malentendus aide ainsi à mieux les éviter et favoriser l'apprentissage de l'apprenant.
Bibliographie
- Bautier, E. (Ed.) (2013). Apprendre à l’école. Apprendre l’école. Des risques de construction d’inégalités dès la maternelle (3 e éd.). Lyon: Chronique Sociale.
- Bautier, E., & Rayou, P. (2009). Les inégalités d’apprentissage. Programmes, pratiques et malentendus scolaires. Paris : Presses Universitaires de France. (Chapitre 3)
- Bautier, E., & Rochex, J.-Y. (1997). Apprendre : des malentendus qui font la différence. In J.-P. Terrail (Ed.). La scolarisation de la France (pp. 105-122). Paris : La Dispute.
- Breux, S., & Perret-Clermont, A.-N. (2014). Être élève et exprimer une pensée propre: un paradoxe? In M. Avanzi, V. Conti, G. Corminboeuf, F. Gachet, L. A. Johnsen & P. Montchaud (Eds.), Enseignement du français: les apports de la recherche en linguistique. Réflexions en l'honneur de Marie-José Béguelin (pp. 327-340). Bruxelles: P.I.E. Peter Lang.
- Kohler, A. (2015). Elements of Natural Logic for the Study of Unnoticed Misunderstanding in a Communicative Approach to Learning. Argumentum. Journal of the Seminar of Discursive Logic, Argumentation Theory and Rhetoric, 13, 80-96.
- Muller Mirza, N. (2014). La « rencontre entre les esprits », une condition pour apprendre ? In C. Moro, N. Muller Mirza & P. Roman (Eds.), L’intersubjectivité en questions. Agrégat ou nouveau concept fondateur pour la psychologie ? (pp. 161-183). Lausanne : Éditions Antipodes.