Les différences entre l'image statique et l'animation quant à l'apprentissage

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Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Semactu 2010-2011

Résumé

Le Web regorge actuellement d’une multitude d’animations. Elles sont produites à des fins d’amusement, d’esthétisme ou d’instruction. De nombreux pédagogues préfèrent d’ailleurs ces dernières aux images statiques couramment utilisées dans les manuels scolaires. Mais les avis sont partagés, car de nombreux chercheurs n’ont pas constaté une supériorité pédagogique de l’animation sur l’image statique. Relativement à ceci, l’objectif du présent rapport est justement de décrire ce que sont l'animation et l'image statique, pour pouvoir les comparer, donc examiner leurs différences et similitudes ; et entre autres discuter si les premières sont plus efficaces pédagogiquement que les secondes, ne serait-ce que pour améliorer les pratiques pédagogiques.


Histoire et contexte

Dès les débuts de l’humanité, l'homme utilisait l'image pour communiquer : dessins, peintures, motifs gravés ou taillés. L’avènement de l’imprimerie a accéléré le mouvement et maintenant au XXIème siècle les images statiques se sont mêmes banalisées dans les écoles. L’informatique et le Web ont permis au plus grand nombre d’utilisateurs d’en produire eux-mêmes et de les échanger. Quant aux animations, leurs origines se situent principalement au XIXème siècle avec l’invention du cinéma. Le principe est de présenter aux sujets des suites d’images statiques leur donnant une illusion de mouvements. Au XXIème siècle, la révolution numérique a amplifié exponentiellement la "consommation" domestique d’animations. Pourtant, au niveau de l’enseignement, les animations ne se sont pas totalement banalisées. Même si beaucoup de pédagogues croient à la supériorité des premières; bien d'autres pédagogues privilégient l’image statique pour la compréhension et la mémorisation d’informations. Les avis sont donc partagés, d’où la pertinence de comparer ces deux formats d’enseignements.

Définition et concepts

L'image statique

Petite parenthèse nécessaire, dans ce rapport, le terme « graphique » est quelquefois utilisé à la place du terme « image » pour des raisons de renvoi fidèle à quelques articles scientifiques. Une telle substitution n’est pas erronée, dans la mesure où le premier terme est inclus dans le second, si l’on se réfère à Duval et Peraya (2004, p. 1), qui considèrent génériquement "l’image" comme : "la gamme de toutes les représentations que l’on peut opposer au langage, ou que l’on met en parallèle avec un texte ou une autre explication verbale".

Comme le notent ces auteurs, il peut donc exister une multitude d'images de différents types. Ces derniers présentent justement une classification pertinente des images, selon leur degré d'iconicité [2] :

  • les « images enregistrées », de nature iconique. Leur production dépend essentiellement d’instruments techniques (ex. une photographie prise par le biais d’un appareil photo).
  • Les « images dessinées », de nature iconique. Leur production dépend de règles de composition sémiotique [3] (ex. illustrations, caricatures, croquis, bandes dessinées, etc.).
  • Les « images construites » de nature non iconique dépendent de règles de composition sémiotique (graphes, graphiques cartésiens, schémas, figures géométriques, etc.).

Cette classification dépendante du degré d'iconicité des images s'accorde à cette autre présentée par Betrancourt, Bauer-Morrison & Tversky (2001) qui dénotent deux types de graphiques statiques:

  • "les graphiques représentationnels" représentant des objets concrets dans l'espace.
  • "les graphiques non représentationnels" qui permettent de visualiser de l’abstrait, pouvant contenir toutefois des métaphores spatiales et la métonymie. Ainsi par exemple, la proximité spatiale entre deux concepts A et B dans un graphique signifiera un lien de causalité entre eux.

L'animation

Classification de différents types d'animations en fonction des différents types d'images statiques qui les composent : Duval et Peraya [1]

Pour Duval et Peraya (2004)[4], c'est le principe de transformation qui caractérise l'animation. Le but est de présenter à l'apprenant une succession d'états, c'est-à-dire d'images statiques. Dans le schéma de droite, ces mêmes auteurs classifient pertinemment les animations [5] suivant le degré d'iconicité des images statiques qui les composent :

  • tout d’abord, il y a des animations composées de séquences d’images, à caractère discret et non continu. Ces images sont soit illustrées, donc de nature iconique; ou alors construites, donc à caractère non-iconique.
  • D’autre part, il y a les animations par flux d’images continu. Une première sous-catégorie est celle des animations produites par le bais de montages. Dans ce cas, elles sont soit composées d’images enregistrées soit d’images dessinées. Les premières présentant un degré d'iconicité plus élevé que les secondes. Sinon, deuxièmement, on trouve la sous-catégorie des animations distribuées en synchronie et composées d’images enregistrées sans interruption, toujours de nature iconique. Enfin, troisièmement, il y a la catégorie d'animations composées d’images construites, de nature non-iconique et produites uniquement par logiciel.

Différences et similitudes entre l'image statique et l'animation

Il s'agit de clarifier deux points avant de commencer les comparaisons. Premièrement, Bétrancourt, Bauer-Morison & Tversky (2001), notent que l'interactivité [6] est un facteur à part entière, se différenciant de l'animation et influençant son efficacité. C'est pourquoi, l'objectif du présent rapport sera principalement de comparer l'animation non-interactive à l'image statique, par principe d'économie [[7]] : dans ce contexte l'essentiel est l'animation et non l'interactivité elle-même. Ce qui n'empêche pas, que quelques parenthèses seront tout de même faites relativement à ce sujet, surtout dans d'autres parties du rapport. D'autant plus, qu'il semble manquer de méta-analyses comparant l'efficacité de l'animation et de l'image statique; et dénotant l'interactivité comme variable modératrice. Deuxièmement, pour aborder les différences entre ces deux objets d'étude, il est également pertinent d'aborder leurs similitudes. C'est ce qui sera fait.

Différences et similitudes d'un point de vue sémiocognitif

Comme le dénotent Peraya et Duval (2004), les images statiques et les animations sont composées de mêmes matériaux représentationnels à degrés iconiques différents: on trouve soit des animations composées d'images dessinées, soit alors des animations composées d'images enregistrées, ou sinon des animations composées d'images construites. Il n'est donc pas judicieux d'opposer absolument ces deux formes pédagogiques. Puisqu'en quelques sortes, les images statiques sont les "atomes" des animations. D'autant plus, par exemple, qu'une image statique et une animation différant par leur support matériel représentationnel peuvent cependant très bien s'interpréter identiquement par l'intermédiaire du même modèle mental, si on se réfère à Eco (1970, p. 14) :

"si le signe iconique a des propriétés communes avec quelque chose, il les a non avec l'objet mais avec le modèle perceptif de l'objet ; il est constructible et reconnaissable d'après les mêmes opérations mentales que nous accomplissons pour construire le perçu, indépendamment de la matière dans laquelle ces relations se réalisent".

D'un autre côté, pour ces mêmes auteurs, les animations sont à différencier des images statiques, parce qu'elles sont plus adaptées que les secondes pour montrer des transformations prenant :

  • soit une signification de mouvement (ex. déplacement d'un mobile, gestes locomoteurs...),
  • soit une signification d'évolution (ex. croissance, décroissance...)
  • soit le sens d'un processus en train de se produire
  • soit la signification d'un changement (ex. déformation, métamorphose...), etc..

Ainsworth (2008)[8], note justement, que les animations facilitent la compréhension, vu qu'elles permettent de visualiser directement des changements. Comme le pensent Bétrancourt, Bauer-Morison & Tversky (2001, p. 152) examinant leur efficacité : "sur le fond, l'animation devrait être le moyen le plus naturel pour communiquer le concept de changement dans le temps, de même que l'espace dans les graphiques est le moyen le plus naturel de transmettre des relations spatiales"; utilisant le conditionnel à bon escient, puisque plus loin elles poursuivent par : "lorsque l'animation se montre plus efficace qu'une instruction statique, c'est donc dû à l'information supplémentaire qu'elle transmet, plutôt qu’à la mise en mouvement de cette information".

Quand l'animation s'avère plus efficace que l'image statique sur le plan instructionnel

Suivant ce qui précède, on s'aperçoit que des études comparant l'efficacité instructionnelle de l'animation et de l'image statique peuvent venir relativiser des conclusions d'ordre sémiocognitif concernant également ces dernières. On voit donc l'utilité des méta-analyses pour aborder des contradictions apparentes entre recherches, d'autant plus que ces premières s'attachent à comparer l'efficacité instructionnelle de l'image statique et de l'animation.

Il devient donc pertinent de mentionner la méta-analyse de Höffler & Leutner (2007) (examiner l'article wiki pour plus de détails), qui ont justement procédé à une méta-analyse sur 26 études départageant les animations des images statiques, quant à leur efficacité par rapport à l'apprentissage. Globalement une taille d'effet de moyenne importance mène à conclure une supériorité d'efficacité de l'animation sur l'image statique au niveau des performances d'apprentissages. Puis plusieurs variables modératrices augmentant ou diminuant la dimension d'effet se sont révélées :

  • les animations ayant une fonction de représentation (représentant fidèlement les contenus à apprendre) sont nettement supérieures aux images statiques ayant une fonction similaire. Par contre si elles ont une fonction de décoration (par ex. "faire joli") elles se révèlent moins efficaces et surchargent cognitivement l'apprenant. (variable "role of animation")
  • Les animations se révèlent plus efficaces que les images statiques pour des apprentissages impliquant des savoirs moteurs-procéduraux, alors que l'avantage de l'animation sur l'image statique est plutôt faible pour des apprentissages impliquant la résolution de problèmes ou des connaissances déclaratives.(variable "type of requested knowledge")
  • Les animations basées sur la vidéo, donc à haut degré de "réalisme", se révèlent plus efficaces que les animations produites par ordinateur (pouvant donc avoir un caractère artificiel), si on compare ces deux types d'animations aux images statiques.(variable "type of animation")
  • La vidéo s'avère plus efficace que l'image statique quand elle représente avec fort "réalisme" l'objet d'apprentissage. En effet, le niveau "photo-realistic" s'avère bien plus efficace que le niveau "schematic". (variable "level of realism")
  • Les résultats révèlent que l'animation couplée au texte s'avère plus efficace que l'image statique couplée au texte. (variable "annoting text")
  • L'animation est supérieure aux images statiques sans indices de signalisation (ex. une flèche), la taille d'effet liée à l'efficacité est plus faible par rapport à celles en comportant. (variable "signaling cues in static picture")
  • Les auteurs observent une assez grande taille d'effet marquant la supériorité de l'animation sur l'image statique pour l'apprentissage de connaissances militaires; alors que les tailles d'effet relatives à l'efficacité de l'animation pour le domaine scientifique (biologie, chimie, physique, mathématiques) et les autres domaines s'avèrent plus faibles. (variable "instructional domain").

Quand l'animation ne diffère pas de l'image statique, en ce qui concerne l'efficacité instructionnelle

Les auteurs précédents mettent en évidence les avantages de l'animation. Or, il est pertinent, sans faire de comparaisons entre les deux articles, de se référer à Betrancourt, Bauer-Morrison & Tversky (2001) (examiner l'artice pour plus de détails) qui dénotent plusieurs recherches où il n'y a justement pas de différences entre l'animation et l'image statique, mêmes si toutes deux s'y avèrent efficaces dans les apprentissages :

  • aucune différence d'efficacité entre l'image statique et l'animation relativement à l'apprentissage des lois de Newton,
  • aucune différence d'efficacité entre l'image statique et l'animation pour certains apprentissages en biologie, y compris l'apprentissage de certains processus spécifiques,
  • aucune différence d'efficacité entre l'image statique et l'animation pour l'apprentissage de logiciels informatiques, même au niveau de l'apprentissage de procédures,
  • enfin, pour être traitée, l'animation nécessite la mobilisation de ressources cognitives supplémentaires chez l'apprenant. Elle est donc à l'origine de surcharge cognitive chez lui[[9]], ce qui dans beaucoup de situations réduit l'efficacité de cette première face à l'image statique.

Relativiser l'efficacité de l'animation est ainsi pertinent et nécessaire, dans la mesure où même Höffler & Leutner (2007) remarquent dans leur méta-analyse, que c'est la majeure partie des animations à haut degré de réalisme (ex. l'animation vidéo), celles qui ont pour but l'apprentissage moteur-procédural et l'apprentissage de connaissances militaires qui sont plus efficaces que l'image statique. Relativement à cela, leur point commun contrairement aux autres modalités modératrices est qu'elles ont essentiellement une fonction de représentation : être un support de visualisation fidèle de l'objet d'apprentissage; ce qui rejoint cette conclusion de Betrancourt, Bauer-Morrison & Tversky (2001, p.154) :

"ainsi à y regarder de près, la plupart des applications réussies de l'animation apparaissent en fait liées à une meilleure visualisation des informations dans l'animation que dans les graphiques statiques correspondants, ou bien à d'autre facteurs qui rendent les différents matériels non équivalents du point de vue de la quantité d'informations transmises. Lorsque l'animation se montre plus efficace qu'une instruction statique, c'est donc dû à l'information supplémentaire qu'elle transmet, plutôt qu’à la mise en mouvement de cette information".

Recommandations pour la conception d'animations efficaces

Höffler & Leutner (2007) communiquent plusieurs exemples relatifs aux variables modératrices citées précédemment, tout comme des suggestions pratiques. Il est judicieux d'en faire part.

  • Concernant la variable modératrice "role of animation" : Yang et al. (2003) remarquent par exemple que l'animation pour une tâche procédurale de bandage d'un bras se révèle plus efficace que l'image statique, car elle permet à l'apprenant de se créer un modèle mental qui représente assez fidèlement la dynamique des opérations gestuelles à effectuer.
  • Concernant la variable modératrice "type of requested knowledge" : Rasch & Schnotz (2009) observent qu'en situation d'apprentissage de procédures, une animation interactive permet à l'apprenant de faire des allers et retours relatifs aux étapes procédurales importantes. Elle facilite ainsi leur apprentissage en réduisant la surcharge cognitive et l'attention nécessaire liées à la perception de ces dernières.
  • Concernant les variables modératrices "type of animation" et "level of realism" : Tversky et al. (2002) suggèrent cependant qu'une animation efficace doit se positionner entre le schéma et l'image réaliste (ex. la vidéo), afin de permettre à l'apprenant de se concentrer sur l'essentiel de l'objet d'apprentissage, sans le surcharger cognitivement. Il s'agit donc de trouver un bon équilibre entre la complexité et la simplicité.
  • Concernant les variables modératrices "signaling cues in static picture" et "annotating text": Höffler et Leutner (2007) remarquent que l'animation est meilleure que les images statiques qu'il y ait du texte ou non.
  • Concernant la variable modératrice "instructional domain" : Chanlin (1998) observent par exemple, en ce qui concerne le domaine biologique, que des étudiants qui étaient déjà initiés à cette science ont eu de meilleures performances avec l'animation. On pourrait faire l'hypothèse heuristique, que des connaissances préliminaires sur l'objet permettent de faire des économies de charge cognitive aux apprenants et donc de mieux traiter par la suite l'animation, qui peut se révéler ainsi plus efficace pédagogiquement.
  • Enfin Betrancourt, Bauer-Morrison, & Tversky, B. (2001) suggèrent qu'une animation pour être efficace doit respecter deux principes. Premièrement, le principe d’appréhension, selon lequel "une animation doit être facile à percevoir et à comprendre"; ainsi que le principe d’expression, selon lequel "l’animation doit rendre apparent le modèle conceptuel sous-jacent au phénomène".

Limites et enjeux

Le présent rapport s'est limité à mentionner des études qui n'examinaient pas les différences entre les animations interactives et l'image statique. Pourtant, des auteurs comme Rash & Schnotz (2009) on constaté que l'animation interactive permettait à des apprenants de contrôler la séquentialité des images animées. De ce fait, ils pouvaient mieux se concentrer sur les étapes principales des processus, avec une économie de charge cognitive. Dans ce contexte l'animation interactive s'avère plus efficace que l'image statique. Cependant, comme il a été dit, l'interactivité n'est pas constitutive de l'animation, mais bien un facteur différencié, qui peut se combiner à elle. Dans ce sens, il serait bien plus pertinent de procéder à une autre méta-analyse qui en tienne compte : comparer l'efficacité de l'animation à celle de l'image statique, sur la base d'une taille d'effet globale, et non sur l'interactivité en tant que telle, tout en tenant compte de ce dernier facteur comme variable modératrice. A cette variable modératrice, il s'agirait aussi d'en ajouter d'autres, comme le préconisent Höffler & Leutner (2007) : l'habileté spatiale des apprenants, la motivation des apprenants, le nombre d'images clés affichées, le temps d'apprentissage des tâches, les connaissances préalables des apprenants en rapport à l'objet d'étude, le type de séquentialité de l'animation (continu versus discret).

Conclusions

Cet article montre la complexité qui peut émerger lorsque l'on essaye pourtant d'appréhender un sujet aussi précis et de prime abord aussi simple, que les différences entre l'image statique et l'animation quant à l'apprentissage. On se rend compte que souvent les intuitions quant à tel ou tel résultat, liées à nos connaissances en psychologie ou en cognitivisme par exemple, peuvent être relativisées par des études expérimentales ou des méta-analyses s'attachant à comparer l'efficacité instructionnelle de l'image statique et l'animation. Ainsi, au fur et à mesure que l'on cherche à approfondir la question, le chemin s'approfondit. C'est pour cela que la comparaison entre l'image statique et l'animation-interactive n'a pas été abordée centralement dans ce rapport. Cela en nécessiterait un deuxième. En outre, au niveau méthodologique les choses se compliquent du fait, que souvent dans les recherches le manque d'équivalence entre les images statiques et les animations sont une source de difficultés supplémentaires dans l'évaluation de l'efficacité potentielle de l'animation. Encore une fois, l'adjonction de l'interactivité viendrait en compliquer l'étude. En plus de cela, les procédures peuvent également ne pas être équivalentes. Ce qui est un facteur supplémentaire, qu'il faut s'attacher à contrôler. Le contrôle, tel est la clé de toute recherche qui veut s'attaquer à de telles questions pédagogiques et cadrer ce sujet profond et complexe !

Bibliographie

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