Les apports de l’hétérogénéité des supports de travail

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Résumé

Travail rédigé par Ivan Voirol (volée MALTT Concordia), sur les apports et limites de l'hétérogénéité des supports de travail dans les travaux de groupes pour l'apprentissage, qui s’appuie sur les textes de Cosnefroy (2010), Dillenbourg (1995) et Tricot (2017).

Introduction

Le travail collaboratif, au cours duquel les apprenants réalisent des activités en groupe (à deux ou plus), est une modalité sociale que peut emprunter l’apprentissage. Si son efficience dépend de conditions que la recherche doit encore trouver (Dillenbourg et al., 1995, p. 8)[1], des connaissances quant aux modalités organisationnelles du travail collaboratif qui favorisent l’apprentissage (ou la résolution de problème) ont déjà été découvertes. C’est par exemple le cas de Durfee et al. (1989)[2] qui ont montré que «la performance d’un réseau d’agents pour la résolution de problème est améliorée quand il y a une hétérogénéité parmi les informations dont dispose chaque agent» (cité par Dillenbourg et al., 1995, p. 4, traduction libre)[1], prescrivant une hétérogénéité des supports de travail, c’est-à-dire de la répartition relative des informations utiles à la tâche parmi les supports des différents apprenants (au sein d’un groupe de travail).

Développement

Durant les activités de groupe pour l’apprentissage, les supports des différents apprenants réunis dans un même groupe peuvent varier en forme et en contenus, de manière hétérogène. Il est en effet possible de répartir les informations nécessaires à la réalisation de la tâche parmi les supports des apprenants, qui disposent ainsi chacun d’une vision partielle de l’ensemble des informations nécessaires, créant une hétérogénéité des supports de travail. Ces supports, par exemple des fiches présentant des consignes, des figures, ou des informations qui varient pour chacun des apprenant au sein d'un même groupe ; l'ensemble des informations (nécessaire à la résolution de la tâche) sont dispersées et doivent être communiquées au sein du groupe pour être réunies et former un tout homogène.

Apports

L’hétérogénéité des supports de travail en situation de travail collaboratif permet une répartition d’une partie de la charge cognitive engendrée par la tâche d’apprentissage. En effet, si l’on reprend la décomposition de la charge cognitive de Sweller et al. (1998)[3], trois types de charge cognitive pèsent sur l’apprenant. La charge cognitive intrinsèque (dû au traitement des informations nécessaires à la réalisation de la tâche) est ici répartie en deux temps. Dans un premier temps, les apprenants étudient leurs supports de travail respectifs, et peuvent emmagasiner les informations nécessaires à réalisation de la tâche auxquelles ils ont chacun accès. Durant ce premier temps, la charge intrinsèque est réduite, puisque chaque apprenant n’a accès que partiellement au total des informations nécessaires. Puis dans un deuxième temps, l’échange d’information entre les apprenants leur permet d’obtenir les informations restantes dont ils manquaient. Grâce à cette modalité organisationnelle du travail de groupe, la charge cognitive intrinsèque est donc étalée dans le temps.

Chaque apprenant qui a créé sa compréhension de la tâche d’apprentissage à partir d’informations différentes que ses pairs (sa perspective de la tâche), doit ensuite durant ses échanges avec le reste du groupe comprendre les points de vue de ses pairs, potentiellement divergents, et ainsi entrer en désaccord avec eux. Or «les désaccords en eux-mêmes semblent moins importants que le fait qu’ils génèrent de la communication entre pairs» (Blaye, 1988; Gilly, 1989 cité par Dillenbourg et al., 1995, p. 4, traduction libre)[1]. Cette communication est l’intérêt même du travail de groupe, puisqu’elle permet l’explicitation des perspectives des apprenants.

Limites

L’hétérogénéité des supports de travail suppose qu’une activité est réalisée en groupe, or le travail de groupe possède lui-même certaines limites. En premier lieu, la charge cognitive due à une mise en commun des informations entre apprenants devient une charge inutile quand la tâche d’apprentissage est simple, comme le décrit l’effet de mémoire collectif (Tricot, 2017)[4]. C’est dans le cas de tâches complexes que le travail en groupe devient plus efficace.

De plus, le travail de groupe est un contexte dans lequel la comparaison sociale peut affecter négativement la performance du groupe (et donc des apprenants individuels) :

« Lorsqu’elle [la comparaison sociale] se joue en termes de différences de compétences (qui est le plus compétent, mon partenaire ou moi ?) plutôt qu’en termes de validité des jugements (quelle est la réponse la plus appropriée ?) une partie de l’attention sera captée par une interrogation sur sa propre valeur au détriment de la résolution de la tâche. » (Cosnefroy, 2010, p. 37)[5].

Conclusion

L’hétérogénéité des supports de travail durant les travaux de groupe pour l’apprentissage peut réduire la charge cognitive des apprenants, et stimuler la communication entre eux, car ceux-ci doivent expliciter leurs points de vue, et peut ainsi améliorer les performances en termes d’apprentissage. Il s’agit donc d’une modalité organisationnelle qui favorise l’efficience et la performance de l’apprentissage en groupe.

Mais son effet sur l’efficience de l’apprentissage dépend notamment du facteur travail en groupe (qui l’englobe), qui lui même comporte des limites, par exemple dues à la charge cognitive supplémentaire (durant les phases d’échanges entre apprenants, qui doivent collaborer ou coopérer), ou à la comparaison sociale, qui peut déplacer l’attention des apprenants sur la perception de la compétences de soi et des autres.

Bibliographie

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Dillenbourg, P., Baker, M. J., Blaye, A., & O’Malley, C. (1995). The evolution of research on collaborative learning. 28.
  2. Durfee, E.H., Lesser, V.R. & Corkill, D.D. (1989) Cooperative Distributed Problem Solving. In A. Barr, P.R. Cohen & E.A. Feigenbaum (Eds) The Handbook of Artificial Intelligence (Vol. IV, pp. 83-127). Reading, Massachusetts: Addison-Wesley.
  3. Sweller, J., van Merrienboer, J. J. G., & Paas, F. G. W. C. (1998). Cognitive Architecture and Instructional Design. Educational Psychology Review, 10(3), 251‑296. https://doi.org/10.1023/A:1022193728205
  4. Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d’apprentissage. 8.
  5. Cosnefroy, L. (2010). L’apprentissage autorégulé : Perspectives en formation d’adultes: Savoirs, 23(2), 9‑50. https://doi.org/10.3917/savo.023.0009