Les FOAD au sein des universités d’État camerounaises sont-elles durables ?
Depuis la loi d’orientation de l’enseignement supérieur en 2001 dont l’un des mérites est d’encourager les formations à distance, six des huit universités d’État du Cameroun se sont engagés sur la voie d’e-learning. Ce sont les universités de Buea, de Douala, de Dschang, de Ngaoundéré, de Yaoundé1 et de Yaoundé 2. Il en est de même pour six grandes écoles dont l’École supérieure des sciences des TIC, l’Institut des relations internationales du Cameroun, l’École normale supérieure polytechnique, l’École nationale supérieure des travaux publics, l’Institut universitaire technologique de Bandjoun et l’Institut africain d’informatique. Si ces offres de formation reposent sur des partenariats variés, elles sont aussi diverses et couvrent dans une perspective technique et professionnelle, plusieurs domaines de la vie. Au-delà de l’engouement que ces innovations suscitent, une question peut être posée : pourront-elles survivre au-delà de la génération qui les a initiées ? Quelques observations permettent en effet de poser l’hypothèse qu’il y a des facteurs susceptibles de porter un coup à leur durabilité.
L’offre de FOAD traduit le profil et la vision de son porteur : et après lui…?
Si l’offre de FOAD est couverte institutionnellement par l’université qui la supporte, elle est d’abord l’œuvre d’un porteur qui la conçoit. Répondant à un appel à projet de l’AUF, un enseignant monte ainsi un dossier pour lequel il obtient l’accord et le soutien de son université et d’au moins une université occidentale partenaire. L’idée d’implémenter une FOAD ne relève donc de l’institution, mais d’un individu. C’est la traduction institutionnelle des aspirations, ambitions et visions que l’individu a pour lui via ce projet. C’est pour cela que le contenu de ces FOAD n’est autre que le champ de recherche de leurs porteurs. En d’autres termes, derrière une FOAD, se trouve un individu, avec sa personnalité, ses recherches, ses ambitions de carrière, son esprit innovant, ses stratégies, ses goûts pour l’e-learning et ses désirs de marquer l’espace. C’est lui qui est le responsable administratif et pédagogique de « son » dispositif. C’est lui qui en gère le budget, avec l’appui technique de quelques assistants.
Or aujourd’hui, les responsables de ces dispositifs sont des professeurs qui seront bientôt en fin de carrière. Dans un contexte où la promotion des jeunes compétences est problématique, on peut bien poser l’hypothèse qu’après eux, se créera un vide qu’il sera difficile de combler. Car le remplaçant devra avoir le triple profil académique, pédagogique et technologique de l’initiateur. Certes des formations de compétences sont souvent organisées, mais destinées à produire des exécutants (tuteurs et enseignants) et assistants (tuteurs) qui resteront toujours dans l’ombre du maître du projet. De plus, le fait qu’il n’y a pas de texte juridique qui encadre le processus de désignation des responsables de ces dispositifs de FOAD, constitue un handicap supplémentaire. Pour le dire autrement, ces dispositifs fonctionnent comme « une université dans une université » : ils ont leurs propres administrations, leurs propres personnels et leurs propres ressources, et répondent plus de l’AUF que de leurs universités hôtes.
Et si par hasard, un jour, la politique de l’AUF évolue, et rend l’autonomie ?
Toutes les FOAD au sein des institutions universitaires publiques du Cameroun sont soutenues par l’AUF. Au-delà des campus numériques francophones qu’elle met à leur disposition, elle participe aussi à la conception et au financement de ces FOAD. C’est elle qui leur sert de plateforme de communication et d’information. C’est elle qui héberge leurs dispositifs et forme les compétences enseignantes et tutorales nécessaires à leur utilisation. Or, de 1989 à 2013, les missions de l’AUF en ce qui concerne l’e-learning, ont connu plusieurs mutations. Il n’y a qu’à considérer la description historique que fait Loiret et Oillo (2013) de ses CNF pour s’en rendre compte. Ses missions sont donc dynamiques. Et si dans cette évolution, l’AUF décide de rendre aux dispositifs camerounais de FOAD leur autonomie financière, technologique, humaine, pédagogique et administrative, que se passera-t-il? La question reste posée, les hypothèses aussi.