Le numérique controversé ?

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Article concis écrit par Pauline Hébert, volée drakkar

Dans quelle mesure les controverses entourant l'utilisation du numérique persistent-elles, malgré les avancées de la recherche en milieu scolaire ?

Résumé

Cet article a pour but de répondre à la problématique décrite dans l'introduction en mobilisant trois controverses sur les technologies éducatives. Cet article aborde de manière très légère les concepts évoqués et les différentes controverses existantes. Afin d’appréhender le sujet en profondeur, il est conseillé de lire les auteurs évoqués ainsi que d’autres recherches en Éducation.

Introduction

A l’ère où le numérique est partout, l’implantation de celui-ci dans les écoles rencontre différentes problématiques. Nombreuses recherches ont été menées sur son utilité au sein de l’Education. « Or, on le sait, les résultats des études sur les effets ou les impacts des technologies sont systématiquement décevants » (Fluckiger, 2019). La question suivante peut alors émerger : « dans quelle mesure les controverses entourant l’utilisation du numérique persistent-elles, malgré les avancées de la recherche en milieu scolaire ? ».

Développement

Une première controverse concerne la représentation du numérique et son utilité en milieu scolaire. Premièrement, le terme numérique n’est pas employé correctement. « L’hétérogénéité de ce à quoi renvoie usuellement le numérique dans le champ éducatif est frappante. Il peut être fait référence à des contenus d’apprentissage ou au contraire à des outils, à des instruments pour l’enseignant ou pour les apprenants, à des outils mobiles ou fixes, disciplinaires ou transversaux, conçus pour (ou par) l’école, utilisés en classe ou hors de la classe, etc… » (Fluckiger, 2019). Deuxièmement, la technologie éducative est vue comme effective sur les apprentissages. La société met l’impact sur ce qu’on fait de cette technologie et non sur elle-même. Or, selon Fluckiger (2019), la question des effets ou de l’efficacité des technologies est une question controversée, car elle repose sur une vision diffusionniste, une impasse méthodologique et un paradoxe. Troisièmement, selon Fluckiger (2019), un troisième mythe voudrait que la technologie ait des effets transformatifs du système éducatif, notamment en favorisant des formes d’innovation pédagogique. Cette idée doit être rejetée, car les chercheurs ont montré de longue date que les innovations pédagogiques « restent marginales, dépendantes d’individus exceptionnels » (Linard, 2003) et « que les situations d’innovations ne sont pas toujours porteuses de changement » (Baron et Bruillard, 2004). Au regard de ces trois mythes, il semble évident que le numérique persiste dans sa controverse.

Une deuxième controverse impliquant le numérique concerne, malgré une avancée des recherches dans le domaine éducationnel, les différentes contraintes liées à l’apprentissage. En effet, plusieurs études ont été menées pour essayer de démontrer les qualités du numérique en regard des contraintes de l’apprentissage. Selon Tricot (2021), il semble que le numérique permette d’assouplir la contrainte temporelle car chaque élève peut apprendre à un moment de son choix, mais ne la soulage pas, car apprendre des connaissances scolaires requiert du temps. En somme, la contrainte est déplacée à la responsabilité de l’élève et plus du professeur. Concernant la contrainte du lieu, d’un point de vue logique, l’enseignement à distance fait sauter celle-ci. Cependant, malgré l’abondance des outils de communication électroniques, cette contrainte est également déplacée et devient une gestion propre de l’élève (Tricot, 2021). De plus, les études de Karsenti et Parent (2020) démontrent l’importance d’organiser un lieu pour l’étude à la maison (Tricot, 2021). La contrainte des savoirs n’est également pas soulagée, car les ressources disponibles sur internet ne sont pas des connaissances, mais des bases de données. « Le numérique ne change pas le fait que ce sont des données et non les connaissances qui sont rendues disponibles » (Tricot, 2021). Enfin, selon Tricot (2021), le numérique soulage la dernière contrainte, il agit sur la manière d’apprendre en apportant différentes possibilités d’activité d’apprentissage (pour prendre des notes, illustrer des cours par vidéos, lire, faire des exercices, produire du contenu, rechercher de l’information,…). Ces études démontrent que ces nouvelles manières d’apprendre ne sont pas facilitantes, mais apportent de nouvelles exigences. En effet, en déportant les contraintes gérées par l’enseignant vers celles autorégulées par les élèves, les outils numériques peuvent pénaliser certains élèves qui ne savent pas gérer leur temps, leur lieu et leur manière d’apprendre (Tricot, 2021). Cette controverse persiste donc bien, car elle ne soulage pas la totalité des contraintes évoquées et constituent même un possible frein pour certains élèves.

Une troisième controverse concerne l’utilisabilité et l’utilité des technologies éducatives en milieu scolaire lors d’une activité. D’après deux études de cas, Nogry et al. (2013) ont démontrés que l’apparition des technologies numériques modifie peu les pratiques des enseignants, qui restent dans leur zone de confort en utilisant des logiciels connus et maîtrisés. Ce qui laisse sous-entendre que soit l’utilisabilité de ces outils n’est pas adéquate, soit les enseignants mettent en doute leur utilité. De plus, l’enseignant est obligé de créer un instrument pivot, c’est-à-dire un instrument organisateur qui a un rôle particulier, pour assurer les fonctions nécessaires à l’enseignant, qui consiste à concilier un travail en autonomie des élèves, un suivi personnalisé de leur progression et une orchestration de tous les apprenants de la classe (Nogry et al., 2013). Cela engendre un travail supplémentaire qui peut être questionné. En effet, ce temps supplémentaire est-il nécessaire au regard des apports de cette technologie ou faut-il abandonner celles-ci pour éviter de dépenser efforts et temps en vain ? A travers ces études de cas, la persistance de cette controverse est bien démontrée et illustrée. En effet, les outils technologiques ne remplacent pas l’ensemble des ressources mobilisées lors d’une activité et créent une exigence supplémentaire relative aux protagonistes de l’activité.

Conclusion

Au regard des trois controverses explorées précédemment, la conclusion qui peut être tirée est la suivante : les controverses concernant le numérique persistent, car la société consent aux différents mythes relatifs aux technologies pédagogiques, celles-ci ne rendent pas l’apprentissage moins contraint aux élèves et ne remplace pas les ressources mobilisées lors d’une activité concrète exercée par les enseignants. Les recherches éducatives sur le sujet pourraient amener un regard nouveau sur ces controverses et permettre potentiellement de les éliminer.

Liste de références

  • Fluckiger, C. (2019). Numérique en formation : des mythes aux approches critiques. Education permanente, 2 (219), 19-30. DOI : 10.3917/edpe.219.0019
  • Nogry, S., Decortis, F., Sort, C. et Heurtier, S. (2013). Apports de la théorie instrumentale à l’étude des usages et de l’appropriation des artefacts mobiles tactiles à l’école. Sticef, 20, 413 – 443. DOI : https://doi.org/10.3406/stice.2013.1077
  • Tricot, A. (2021). Le numérique permet-il des apprentissages scolaires moins contraints ? Education et sociétés, 1 (45), 37-56. DOI : 10.3917/es.045.0037


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