L’apprentissage auto-régulé et le modèle de Boekaerts. L’intelligence émotionnelle et les travaux de groupe.

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Introduction

Peut-on aller vers une amélioration du bien-être des apprenants dans le cadre de l’auto-apprentissage en y implémentant le travail de groupe ? L’impact émotionnel engendré pourrait être un problème de taille dans certaines circonstances. Le travail de groupe et les interactions sociales amènent les étudiants vers l’utilisation de nouvelles modalités de travail et les compétences transversales connues aussi sous le nom de « soft skills » jouent un rôle prépondérant dans l’apprentissage mais aussi aujourd’hui sur le marché du travail. Développer ces compétences devient un défi de taille dans l’enseignement.

L'apprentissage auto régulé

Selon Cosnefroy (2010), l’auto apprentissage repose sur 4 piliers : une motivation initiale suffisante, un but défini à atteindre, un répertoire de stratégies d’autorégulation et la capacité d’observation de soi. Vohs et Baumeister (2004, cités par Cosnefroy) définissent l’autorégulation comme l’effort consenti pour altérer ses états internes et sa conduite. Deux obstacles se confrontent à l’apprentissage autorégulé : le premier obstacle peut être résumé par le dicton « choisir c’est renoncer », car une activité a un coût, il faut ainsi trouver des réponses adaptées pour protéger l’intention d’apprendre et maintenir la priorité sur l’activité en cours. Le second obstacle se trouve dans la confrontation à la difficulté de l’individu, il n’est pas simple de surmonter un obstacle et accepter ses erreurs ainsi que sa vulnérabilité pour mieux avancer (Cosnefroy, 2010). La question des émotions apparaît ainsi comme légitime dans ce cadre et en vient naturellement à nous interroger.

Le poids des émotions : Le modèle de Boekaerts

L’apprentissage autorégulé est abordé par plusieurs modèles existants. Le modèle de Boekaerts (le poids des émotions) est décrit par comme un modèle constituant une tentative d’intégrer des résultats issus de paradigmes théoriques provenant de la psychologie cognitive et de la psychologie du soi (Boekaerts, 1998, citée par Cosnefroy, 2010). Dans ce modèle qui a vu le jour en Europe, une place plus large est consacrée aux émotions. Selon Cosnefroy (2010), Boekaerts considère que la façon dont est évaluée la situation d’apprentissage joue un rôle majeur sur les processus d’autorégulation. Lorsque, par exemple, le niveau d’exigence perçu pour une tâche n’est pas en adéquation avec les ressources à disposition de l’apprenant, celui-ci n’est pas nécessairement en mesure d’utiliser des stratégies de coping efficaces. Des émotions décrites comme négatives telles que la colère, l’anxiété ou le désespoir sont activées et des stratégies de coping sont déclenchées afin de freiner ces émotions, ce qui est appelé le mode défensif. L’objectif fixé reste bien évidemment de restaurer un état de bien-être. Ainsi, toujours selon Cosnefroy, dans le modèle de Boekaerts, si l’envie d’apprendre est perçue comme stimulante pour l’apprenant alors une intention d’apprendre va se former, l’apprenant passe alors en mode maîtrise. L’état de l’apprenant peut être amené à être fluctuant lorsque surgissent des difficultés. Ainsi, Boekaerts invite à considérer que la conduite des apprenants est gouvernée par deux buts d’importance capitale : Accroitre ses connaissances / compétences et maintenir son niveau de bien-être (Cosnefroy, 2010). C’est une configuration de plusieurs buts, et non un unique but qui déclenche l’action (Boekarts, De Koning, & Vedder, 2006, cités par Cosnefroy).

La régulation des émotions et notamment de la colère serait à considérer comme centrale dans la poursuite de l’effort et la confrontation à la difficulté de l’apprenant. Pour autant, sa régulation pourrait être aussi importante que la régulation de l’anxiété dans le cadre de l’apprentissage auto-régulé (Goetz et al., 2007 cités par Cosnefroy). Ainsi une bonne connaissance de soi et de la compréhension de ses émotions semble nécessaire.

Travaux de groupe, forces, faiblesses et compétences transversales

Mayer et Salovey (1990) définissent l'intelligence émotionnelle comme un type d'intelligence sociale qui implique la capacité de surveiller ses propres émotions et celles des autres, de faire la distinction entre elles et d'utiliser les informations pour guider sa pensée et ses actions. C'est un paramètre qui en viendrait peut-être à permettre aux étudiants de s’améliorer au travers de l’interaction sociale offert via les travaux de groupe et favoriser l’atteinte d’un but fixé par un individu dans le cadre de l’apprentissage autorégulé. Le développement des compétences transversales amènerait ainsi à l’utilisation de stratégies d’autorégulation favorables. Introduire des travaux de groupe pour favoriser l’interaction sociale et travailler sur l’intelligence émotionnelle des apprenants pourrait finalement représenter une piste. De plus, les travaux de groupe détiennent certaines forces que les travaux individuels ne peuvent offrir aux apprenants.

Dillenbourg (1996) décrit, par exemple, que les interactions et conflits cognitifs, selon plusieurs approches connues (par exemple, socio-constructiviste et socio-culturelle), permettent une meilleure acquisition des connaissances. Malheureusement, toujours selon Dillenbourg (1996), l’apprentissage collaboratif n’est efficace que dans un certain cadre contrôlé. En effet, il faudrait pouvoir programmer les groupes à l’avance afin de ne pas créer une trop grosse homogénéité mais justement une hétérogénéité des connaissances antérieures en fonction de l’activité et du niveau de développement cognitif des participants qui est une limite à l’application de ces principes et qui ne rendent pas tous les concepts réalisables dans l’instant.

D’autre part, un inconvénient majeur des exercices de groupe réside dans le fait qu’ils ne permettent pas d’individualiser les exercices et les profils des apprenants qui sont bien souvent différents et l’adaptation permettrait une meilleure utilisation des ressources cognitives comme le mentionne Tricot (2017). Au travers de la description des 14 effets de la théorie des charges cognitives de Tricot (2017), nous pouvons citer un point positif pour les travaux de groupe. Dans ces effets nous retrouvons en tant que numéro 13, l’effet de mémoire de travail collectif. Cet effet est défini, comme son nom l’indique, par une efficacité plus grande d’un travail en groupe face à une tâche complexe qu’un travail individuel. Cependant, ce principe n’est applicable que pour les tâches complexes il demeure vrai que les tâches individuelles sont mieux réalisées lorsqu’elles sont effectuées seul, autrement une charge cognitive inutile est appliquée. Le travail de groupe a ainsi ses forces et ses limites. Mais, ces mêmes travaux peuvent malgré tout amener vers une amélioration des capacités individuelles (Tricot, 2017).

Conclusion

En conclusion, le modèle de Boekaerts amène une vision centrée sur les émotions et le bien-être de l’apprenant dans le cadre de l’auto apprentissage. Le développement des compétences transversales au travers des travaux de groupes pourrait être une piste amenant l’apprenant vers une meilleure compréhension des émotions et donc potentiellement de ses propres émotions. Sans oublier que les travaux de groupe représentent une opportunité afin de résoudre des problèmes complexes mais ne sont pas utilisables efficacement dans tous les cas de figure pour permettre un apprentissage efficient des apprenants. Tout cela amène à s’interroger sur quelles activités peuvent mener à bien ce développement des compétences transversales et s’ils amènent effectivement vers cette dynamique ? Dans ce cas-ci, selon le modèle de Boekaerts, ce facteur pourrait potentiellement améliorer le bien-être des apprenants dans le cadre de l’apprentissage autorégulé. Un approfondissement des facteurs étudiés à plusieurs niveaux et une plus ample étude du sujet serait ainsi nécessaire pour tenter de répondre à cette hypothèse.

Bibliographie

Cosnefroy, L. (2010). « L’apprentissage autorégulé : perspectives en formation d’adultes », Savoirs 2010/2 (n°23), pp.9-50.

Dillenbourg, P., Baker, M., Blaye, A. & O'malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman (Eds) Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (pp.189-211). Oxford : Elsevier.

Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes proposer pour adapter les situations d'apprentissage. Conférence de consensus « Différenciation pédagogique : comment adapter l'enseignement pour la réussite de tous les élèves ? »

John D. Mayer & Peter Salovey. (1993). “The intelligence of emotional intelligence”. Intlligence, volume 17 (issue4), pp.433 https://doi.org/10.1016/0160-2896(93)90010-3