Handicap mental: fonctionnement cognitif
Cet article est en construction: un auteur est en train de le modifier.
En principe, le ou les auteurs en question devraient bientôt présenter une meilleure version.
Introduction
Handicap mental, mais aussi déficience mentale, débilité mentale, arriération mentale, retard mental ou déficience intellectuelle. Ces dénominations ne sont sont pas le fruit d'un manque d'accord conventionnel, elles font référence à des approches théoriques différentes (cognitivisme, constructivisme, comportamentalisme...) ou à des modèles de mesure ou catégorisation employés (compétences socio-scolaires, QI...) et elles évoluent à travers les époques.
Actuellement les termes les plus utilisés son déficience et retard. Par déficience, on entend une absence de dispositions, d'habilités ou de croyances. Si on parle de retard, on pense à un déficit fonctionnel, à un ralentissement du développement. Dans les deux cas, il y a comparaison par rapport à une norme, un individu type qui est "normal", en termes psychométriques, d'inadaptation ou d'inadéquation sociales ou en termes de déficit fonctionnel entre l'individu et son environnement. Cette comparaison peut se faire à âge mental égal (l'individu est comparé à des individus sans incapacités intellectuelles du même âge mental) ou à âge chronologique égal (la personne est comparée à ses pairs sans incapacités intellectuelles du même âge réel).
L'expression "déficience" est la plus courante dans la littérature francophone. Dans la littérature anglophone, les auteurs préfèrent celle de "retard mental".
L'OMS travaille depuis 1980 à une définition générale du handicap, et a établi une Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF), qui distinguait trois termes: la déficience, qui désigne la situation physique de la personne, l'incapacité, qui désigne la restriction des activités dues à la déficience et le handicap qui désigne les limitations en termes de réalisation d'un rôle social. La première fait référence au corps, la deuxième à l'impact de celle-ci sur les activités et la troisième, la conséquence globale de la déficience et/ou l'incapacité. Dans sa dernière correction de 2002 axé sur le fonctionnement, cette classification inclut trois dimensions, le corps, les activités et la participation, le terme handicap regroupant la déficience (problèmes dans le fonctionnement et les structures du corps), la limitation d’activité (qui remplace le terme incapacité) et la restriction de la participation (figure 1). Ce modèle montre des relations diverses entre les dimensions, ainsi une déficience peut avoir des conséquences sur la participation, provoquer un handicap social, sans créer des limitations d'activité. Selon ce modèle, le handicap serait une conséquence de l'interaction entre les déficits et les limitations de la personne et les caractéristiques de son environnements, ainsi la situation de handicap de la personne dépendent aussi des caractéristiques de l'environnement physique et social dans laquelle elle évolue, et on intègre ainsi la relativité du retard mental puisque les obstacles environnementaux varient en fonction des sociétés et des âges. (Courbois et Paour (2007)
Positions théoriques
Dans le regard sur le handicap mental, on trouve deux positions : causaliste ou comportementaliste. La première, centrée sur les causes et liée à l'étiologie, implique un diagnostic des déficits et prend le risque d'une attitude positiviste ; la deuxième se centre sur les conséquences du handicap, et risque la généralisation de comportements à partir de quelques observations. Entre les deux, on trouve une tendance interactionniste qui prend en compte que "tout individu est le résultat d'une interaction entre un héritage biologique spécifique et l'environnement dans lequel il évolue" (Lambert 1981, p.14, cité par Chapelle 1997)). Certains auteurs proposent de remplacer l'évaluation statique de l'intelligence à un moment donné de l'évolution de l'individu par l'analyse de son potentiel d'apprentissage (Büchel, 1995), en référence à la zone proximale de développement (écart entre la performance spontanée du sujet et celle qu'il peut atteindre avec de l'aide) (Vygotsky, 1978, cité par Büchel 1995).
Une approche multidisciplinaire (évaluation des causes et analyse des conséquences) permet "de situer la personne mentalement handicapée dans un système complexe, où les causes ne sont pas réduites à des facteurs uniquement organiques, mais au contraire interagissent avec des facteurs sociaux, affectifs et cognitifs, pouvant conduire à des différences interindividuelles importantes pour des causes biologiques identiques" (M.J. Chapelle 1997).
D'un point de vue cognitif, la déficience intellectuelle s'exprime par un double constat, celui d'une différence (moindre efficience à même âge chronologique) et celui d'un retard (assimilation à l'efficience de l'enfant normal plus jeune) (Paour 1988 cité par M.J. Chapelle 1997). Pour Paour, ces deux conceptions sont indissociables et il constate que trois conceptions psychologiques sur la déficience mentale s'affrontent : le retard, le déficit et les discordances.
Paour les critique toutes les trois. La conception "retard" n'explique pas les différences à même age mental, ne tient pas compte des déficiences d'étiologie principalement organiques et, sur le plan théorique, suppose des processus cognitifs identiques à partir l'observation de l'identité des conduites et de leur ordre d'apparition, ce qui est une inférence contestable.
La conception "déficit" suppose un déficit isolable, central (qui affecte des processus de base de traitement de l'information: encodage, mémorisation et récupération des informations, apprentissage discriminatoire, mécanismes perceptifs etc), et constant. Paour la critique aussi, car elle explique la déficience à partir du seul fonctionnement cognitif déficitaire (qui varie selon les auteurs) ; sur le plan méthodologique, comment prouver que face à une tâche "le niveau de développement et l'organisation de la personnalité ne sont pas mobilisés à travers la formation d'une présentation de la situation"? (Paour, 1998, cité par M. Chapelle (1997)).
Une troisième conception considère le handicap mental du point de vue des "discordances", et propose des cadres descriptifs qui permettent d'établir une typologie clinique de chacune d'elles. Cette approche tient compte de la complexité de l'individu et de sa relation avec l'environnement, considérant la déficience multidéterminée, mais ces discordances ne sont ni suffisamment spécifiques ni suffisamment stables pour permettre une catégorisation de valeur empirique. Paour propose une intégration constructive des trois conceptions. Pour diagnostiquer un retard mental, il faut donc tenir compte de trois critères, limitation du fonctionnement intellectuel, limitation des comportements adaptatifs et apparition de ces deux limitations avant l'âge adulte (Courbois et Paour (2007)).
Fonctionnement cognitif
Aujourd'hui, le handicap mental est décrit en termes de (in)capacités à s'adapter au milieu environnant (un système social). Cette inadaptation fait référence plus à une infonctionnalité qu'à une incapacité structurelle (Chapelle 1997). On attribue à la personne avec un handicap mental des systèmes de traitement de l'information limités. Paour dit: "Ces déficits de base se manifesteraient tout particulièrement dans les processus de mémorisation, de récupération de l'information mémorisée, d'orientation de l'attention au cours de l'apprentissage, d'accès au lexique, de traitement de l'information sémantique, d'évocation verbale et imagée comme aide à l'apprentissage". Dans des situations spécifiques de résolution de problèmes, les personnes déficientes se caractérisent par une moindre efficience à toutes les étapes de la mémorisation (à court, moyen ou long terme) et par une durée de traitement plus longue (mesure des temps de réaction). Certains auteurs attribuent cette moindre efficience à la limitation du nombre d'informations pouvant être simultanément traitées, ainsi que celle de la gestion temporelle du traitement qui implique de garder en mémoire le produit de calculs intermédiaires. Paour par contre la situe au niveau de l'exercice de contrôle volontaire du traitement de l'information et non sur le traitement lui-même, ce qui souligne l'importance des processus métacognitifs dans ces situations (Büchel 1992).
Selon une approche piagétienne du retard mental, plusieurs auteurs ont défendu les similitudes entre le développement retardé et le développement typique:
- Similitude séquentielles: permettant de concevoir l’intervention en fonction du niveau de développement de l’individu et de l’étape hiérarchique suivante.
- Similitude structurale: "Pour Zigler la moindre efficience des participants retardés ne renvoie pas à une différence de compétences mais à des déterminants affectivo-motivationnels."
- Similitudes réactionnelles: L’hypothèse concerne la similitude des modes d’ajustement aux modifications de l’environnement familial, éducatif et social(carences, abandon, institutionnalisation, types d’aide, …).
(Courbois et Paour, 2007)
Inhelder (1963) note que le développement d'une personne handicapée mentale est identique à celui d'une personne non handicapée mais plus lent. Mais cette progression n'est pas continue comme pour l'enfant non handicapé et ne va pas au-delà d'un certain stade piagétien. Elle appelle cet arrêt "fixation" et le définit comme "l'arrêt de la construction d'opérations logiques". Paour parle de sous-fonctionnement chronique, qui caractérise la genèse de structures cognitives chez les retardés, marquée par des phénomènes de lenteur, de fixations et d'inachèvement qui seraient dûs à une mobilisation inefficace des outils cognitifs (Paour 1980). Il défend aussi une certaine plasticité développementale et propose des apprentissages opératoires pour accéder à des stades de développement supérieurs et surmonter les fixations. Cette vision constitue un modèle théorique à partir duquel proposer de modèles de remédiation, passer de la théorie à la pratique. Dans ce modèle Paour adopte et concilie les conceptions "retard" et "déficit" : il y a un retard dans le développement des structures cognitives et un déficit dans la capacité d'utilisation des outils cognitifs.
Paour (1991) a recensé 24 caractéristiques cognitives qui sont ensuite réunies en cinq caractéristiques majeures (Langevin et Rocque (2007)):
- Lenteur et retard du développement, mésuré par l'écart entre âge mental et âge chronologique.
- Ralentissement et arrêt prématuré du développement.
- Moindre efficience du fonctionnement intellectuel, due à un déficit de l'attention sélective (la personne ne choisit pas les bonnes informations), déficit de la mémoire de travail, moindre efficience systématique en situation de résolution de problèmes, manque de stratégies cognitives et métacognitives. Cette différence d'efficience augmente en fonction la complexité de la tâche.
- Bases de connaissances pauvres et mal organisées.
- Difficultés de transfert et de généralisation.
Ces caractéristiques cognitives favorisent le développement d'autres difficultés non cognitives associées à l'expérience de l'échec: faible motivation, faible estime de soi, certitude anticipée de l’échec, faiblesse du degré d’exigence au regard d’une tâche et pauvreté des investissements dans la tâche, système d’attribution des échecs inadapté (s'attribuer un échec qui est dû à l'environnement), absence ou inadéquation du scénario de vie (Langevin et Rocque (2007)).
Mémoire à court terme
L'autorépétition interne est une stratégie cognitive, qui permet de maintenir des informations dans la mémoire à court terme le temps nécessaire pour leur traitement (comparaison avec les connaissances antérieures et intégration). Des chercheurs on montré que cette stratégie est moins utilisée et avec moins d'efficacité par la personne avec une déficience . Cette carence peut être corrigée par l'entraînement : "si les conditions d'apprentissage (type de tâche, conditions de représentation) le permettent et si l'empan de mémoire ne dépasse pas un seuil inférieur, les personnes avec une déficience intellectuelle développent, après entrainement, des stratégies qui permettent de compenser la limitation de leur empan mnésique"(Büchel, Paour 2005).
La métacognition
Certains auteurs attribuent le handicap à un déficit dans les processus qui réclament un effort volontaire et une analyse consciente des demandes cognitives. Ainsi, il n'y a pas de différences prouvées entre personnes avec et sans retard mental au niveau de la mémoire incidente (fonctionnement inconscient). Selon la théorie métacognitive, la conscience et la connaissance de son propre fonctionnement, en tant qu'apprenant, par rapport aux stratégies les mieux adaptées pour une tâche dont l'apprenant a une certaine préconnaissance, sont à la base de la planification et du contrôle de l'apprentissage. Aujourd'hui l'hypothèse d'un déficit métacognitif chez les personnes présentant un retard mental est largement répandue. "Ce n’est donc pas l’impossibilité d’apprendre qui caractérise le retard mental, mais plutôt la faiblesse chronique du transfert d’apprentissage(...)C’est donc l’incapacité à développer leurs potentiels sans le secours de prises en charge spécifiques qui est la marque du retard mental (une relative autonomie développementale constitue sans doute la première des exigences sociales)". (Courbois et Paour, 2007), .
Fonctionnement adaptatif
L'AAMR, définit le comportement adaptatif comme l'ensemble des habiletés conceptuelles, sociales et pratiques apprises par la personne et qui lui permet de fonctionner au quotidien. "Les habiletés conceptuelles sont, entre autres relatives à l'utilisation de la lecture, de l'écriture ou du nombre dans les actes de la vie quotidienne. Les habiletés pratiques font référence à de nombreuses activités comme l'habillage, la préparation de repas, les déplacements. Les habiletés sociales renvoient aux relations interpersonnelles et à la responsabilité, la crédulité, la capacité à éviter la victimisation". (Courbois et Paour 2007) Ce comportement adaptatif est évalué avec des échelles d'estimation.
Systèmes de classification
Courbois et Paur (2007) font un inventaire des systèmes de classification du retard mental qui ont été proposés:
Degré de sévérité du retard
C'est le système plus rependu et repose sur a mesure du QI. Le DSM IV-TR propose quatre degrés de retard: léger (QI de 50-55 à 70 environ), moyen (QI de 35-40 à 50-55), grave (QI de 20-25 à 35-40) et profond (QI inférieur à 20-25). Ce mode de classification est rapide mais imprécis, car il ne permet pas de nuancer les profils cognitifs de la personne.
Intensité du besoin de soutien
L'AAMR propose depuis 1992 une classification basée sur l'intensité du soutien nécessaire à la personne, et qui est donc basé par le fonctionnement dans son environnement."L’intensité du soutien est évaluée par une méthode systématique et structurée qui permet de déterminer sa durée, sa nature et sa fréquence dans différents domaines (socialisation, travail, enseignement, etc.). Il en résulte un système de classification qui utilise une échelle d’intensité à quatre degrés : intermittent (soutien fourni de façon ponctuelle, à la demande) ; limité (soutien régulier limité dans le temps, une période de transition par exemple) ; important (soutien régulier pendant une durée longue et dans différents environnements de la personne) ; intense (soutien constant, dans tous environnements de la personne)" (Courbois et Paour (2007)).
L'étiologie
Dependante de la recherche médicale, cette classification essaye de déterminer les causes d'un retard mental, dont le nombre augmente avec l'avancement de la recherche. ainsi il y a plus de 1200 atteintes génétiques qui seraient associées à un retard mental (Collignon 2001, cité par Courbois et Paour 2007). Aujourd'hui, certains auteurs considèrent aussi que certains retards peuvent avoir des origines socio-familiales ou psychosociales. Les connaissances étiologiques peuvent permettre des méthodes adaptatives spécifiques.
Références
- Büchel, F. (1992). Difficultés d'apprentissage et intervention, Psychoscope, 13, 8-10.
- Büchel, F. (1995). L'éducation cognitive: le développement de la capacité d'apprentissage et son évaluation. Neuchâtel; Paris: Delachaux et Niestlé.
- Büchel,F.P. et Paour J-L. (2005). Déficience intellectuelle: déficits et remédiation cognitive. Enfance Vol 57,2005/3, p. 227 à 240.
- Chapelle Marc J.(1997). Handicap mental et lecture de mots. Ed. SZH.
- Courbois, Y. et Paour J.l. (2007). lE RETARD MENTAL. In J. Lautrey (Ed.), Psychologie du développement et de l'éducation (pp377-406). Paris: Presses Universitaires de France.
- Ellis, N.R. (1970). Memory processes in retardates and normals. In N.R. Ellis (ED.) International Review of Research in Mental Retardation (Vol 4) New York: Academic Press.
- Inhelder, B. (1963). Le diagnostic du raisonnement chez les débiles mentaux. Neuchâtel: Delachaux et Niestlé.
- Lambert, J-L. (1981) Enseignement spécial et handicap mental. Bruxelles: P. Mardaga.
- Langevin, J. et Rocque, S. (2007) Balises et processus d’adaptation pour l’utilisation des TIC et pour l’accessibilité à l’information au regard de limitations cognitives.
- Paour, J-L. (1988) Retard mental et aides cognitives. In J.P. Caverni (Ed.), Psychologie cognitive, modèles et méthodes (pp.191-216). Grnoble:PUG.
- Paour, J_L. (1991) Un modèle cognitif et développemental du retard mental pour comprendre et intervenir. Aix en Provence, Université de Provence, Laboratoire de Psychologie du développement. Texte de soutenance de thèse.
- Vygotsky, L.S. (1978; orig. 1933). Mind in society: The developpment of higher psychological processes. Cambridge: harvard University Press.