Exploration des enjeux de l'intégration des EIAH dans le contexte scolaire
Résumé
Ce texte explore les implications psycho-cognitives et socio-éducatives de l'intégration des Environnements Informatiques pour l'Apprentissage Humain (EIAH) dans le cadre scolaire. En se penchant sur les impacts de la technologie tant du côté de l'enseignant que de l'apprenant, il souligne les avantages et les possibles inconvénients liés à l'utilisation des EIAH.
Enjeux
Considérations psycho-cognitives
Accessibilité et flexibilité
Dans son ouvrage, Tricot (2021) identifie trois contraintes pesant sur l'apprentissage scolaires traditionnel – en présentiel et sur papier – et explore la manière dont la technologie les atténue :
- Contrainte de lieu : les enseignants et leurs élèves peuvent désormais communiquer à distance via divers outils, tout en garantissant une efficacité des apprentissages inchangée.
- Contrainte de temps : le numérique permet aux apprenants de travailler à leur propre rythme, en offrant la possibilité d' « apprendre ce dont il a besoin au moment où il en a besoin » (Tricot, 2021, p.42).
- Contrainte des manières d'apprendre : une multitude d'outils innovants permettent d'envisager de nouvelles méthodes d'apprentissage, allant jusqu'à l'utilisation de chatbots, de micromondes ou de simulations.
La réduction de ces contraintes offre à l'enseignant la possibilité d'adapter ses cours en fonction des besoins particuliers de chaque apprenant, tandis que cela permet à l'apprenant de travailler quand il veut, où il veut et de la manière qui lui convient le mieux.
Engagement
Plus haut l'on mentionne chatbots, micromondes et simulations, en effet les avancées technologiques permettent à l'apprenant de s'immerger dans des cas pratiques et des mises en situations improbables pour garantir un apprentissage de la théorie et de la pratique. Ainsi, Tchounikine et Tricot (2011) mentionnent des résultats intéressant sur ce type d'EIAH : « ce type d’environnement permet notamment de créer des supports d’apprentissage disponibles et personnalisables, facilitant le suivi des actions et du parcours des apprenants, la réversibilité des actions, le rejeu et l’analyse a posteriori (Mellet d’Huart et Michel 2006) » (p.172).
De plus, Tricot (2021) rapporte les résultats intéressants de la méta-analyse de Goldberg, Russell et Cook (2003) : « les élèves qui acquièrent des aptitudes à la rédaction en utilisant l’ordinateur pour apprendre à écrire ne sont pas seulement plus engagés et motivés pour écrire, mais ils produisent un travail écrit plus long et de meilleure qualité » (p. 49).
Considérations psycho-sociales
Collaboration
Pour des tâches telles que la rédaction de texte en groupe, Tricot (2021) explique la manière dont divers outils numériques les ont rendu possible : « cette tâche collective est à peu près impossible à réaliser sur papier-crayon dès que le groupe de rédacteurs comprend plus de 2 personnes ». Ainsi, jusqu'à l'apparition des outils de rédactions en ligne, la possibilité d'écrire un texte en groupe était quasi-impossible.
Cependant, dans ce même ouvrage, Tricot (2021) rapporte la synthèse de Kirschner et al., explorant l'efficacité de l'apprentissage coopératif dans les CSCL (computer supported cooperative learning). Kirschner et al. (2018) auraient mit en évidence que pour une collaboration efficace, dix conditions doivent être remplies, dont la clarté des rôles, la répartition homogène des connaissances, et la connaissance mutuelle entre les membres du groupe. De plus, les avancées numériques introduisent d'autres défis, notamment les risques de scripts CSCL trop contraignants, selon Vogel, Wecker, Kollar et Fischer (2017). Ainsi, Tricot suggère que la solution se trouve davantage dans l'utilisation de scripts, soulignant l'importance d'un équilibre entre la collaboration et l'assistance technologique pour maximiser les bénéfices du CSCL.
Besoin d'un système de care
Grâce aux avancées technologiques des EIAH et la contrainte du lieu et du temps soulevée, les opportunités de créer des liens entre les individus s'amoindrissent. Ce problème est abordé par Hétier et Blocquaux (2021) qui soulignent que le système de care ne peut être remplacé par la technologie car le care nécessite une présence physique et d'une relation particulière avec autrui. Ils insistent sur le caractère complexe du care, impliquant plusieurs paramètres difficilement remplaçables. Ce besoin est illustré par le témoignage d'un apprenant dans leur ouvrage : « Je veux aller à l'université pour ressentir “la vraie chose”. À distance, l'expérience universitaire me semble incomplète, artificielle » (p.23). Ce témoignage souligne les inquiétudes liées à l'utilisation excessive des technologies numériques, accusée de renforcer la distanciation sociale et de compromettre le processus de pensée critique, essentiel à l'éducation. Ainsi, l'équilibre entre l'apprentissage en ligne et la présence physique des caregivers et éducateurs est indispensable pour maintenir la qualité du care et de l'éducation.
Conclusion et Perspectives
En conclusion, l'intégration des EIAH et leurs avancées technologiques dans l'éducation offre des opportunités significatives en termes de flexibilité, d'engagement et de nouvelles méthodes d'apprentissage pour l'apprenant et l'enseignant. Cependant, on reconnaît les défis potentiels liés à la collaboration numérique et le besoin de care soulignent l'importance de préserver la valeur irremplaçable de la présence physique dans le domaine du care et de l'éducation. Pour l'avenir, des recherches approfondies pourraient explorer davantage ces transformations, en évaluant l'efficacité à long terme des outils pédagogiques technologiques, et en perfectionnant les aspects psycho-sociaux de la technologie dans l'éducation, tout en préservant le besoin fondamental d'interaction humaine. Les références à Tricot (2021) et aux travaux de Tchounikine et Tricot (2011), ainsi que ceux de Hétier et Blocquaux (2021), apportent une base solide à cette réflexion.
Références
Tricot, A. (2021). Le numérique permet-il des apprentissages scolaires moins contraints ? Éducation et sociétés, 45(1), 37-56. https://doi.org/10.3917/es.045.0037
Tchounikine, P., & Tricot, A. (2011). Environnements informatiques et apprentissages humains. In Garbay, C., & Kayser, D. (Eds.), Informatique et sciences cognitives : Influences ou confluence ? (pp. 153-186). Éditions de la Maison des sciences de l’homme.
Hétier, R. & Blocquaux, S. (2021). Vulnérabilité et éthique de la présence à l’ère numérique. Éthique en éducation et en formation, (11), 8–28. https://doi.org/10.7202/1084194ar