Collaboration, émotions et théorie de la charge cognitive : leur influence sur l’apprentissage

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Résumé

Cette page met en lien trois articles, cités en références en bas de page. Nous proposons une lecture transversale des différents domaines influant sur l’apprentissage : l’aspect collaboratif, l’aspect émotionnel, ainsi que la charge cognitive.

Introduction

L’apprentissage humain est un phénomène largement étudié en psychologie. La manière d’étudier celui-ci a évolué au fil du temps, ce qui a amené le corps de recherche à s’intéresser aux différents aspects de l’apprentissage. Si la recherche vise à mettre en lumière les contributions de ces différents aspects pour favoriser l’apprentissage, qu’il soit médié ou non par un dispositif pédagogique, chacune de ces perspectives n’est pas indépendante les unes des autres. En effet, nous allons proposer une vision interrelationnelle de la collaboration (Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021), des émotions (Cuisinier, 2018) et de la charge cognitive (Tricot, 2021) dans le processus d’apprentissage collaboratif.

Développement

Le « double-problème » de l'apprentissage collaboratif

Dans un apprentissage collaboratif, la recherche définit la collaboration comme un « double-problème » (Barron, 2003, citée par Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021), où les dimensions cognitive et émotionnelle sont liées et s’influencent mutuellement. (Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021). Donc la réussite d’une collaboration pour un apprentissage dépend de la qualité de la régulation cognitive et émotionnelle au sein du groupe. Pour évaluer ceci, Molinari, Muller Mirza et Tartas (2021) proposent de considérer la collaboration à travers deux perspectives interdépendantes : la dimension affective et émotionnelle et la dimension cognitive. Ce double-problème désigne donc l’espace relationnel où les relations interpersonnelles liées aux émotions existent afin de gérer et maintenir une collaboration réussie, tandis que l’espace cognitif partagé par tous les apprenant-es renvoie à la représentation du problème à résoudre. Bien que les deux aspects de ce double-problème sont clairement distincts, il n’y en a pas un plus ou moins important que l’autre.

Le rôle des émotions

Même si cela ne fait que depuis le 20e siècle que la psychologie des émotions a été intégrée par Pekrun à la recherche sur l’apprentissage (Cuisinier, 2018), le rôle des émotions n’est pas à négliger. En effet, les émotions s’inscrivent dans un processus complexe qui amène les apprenant-es à l’évaluation subjective des obstacles et des ressources. C’est-à-dire que les émotions plaisantes favorisent la réussite, tandis que les émotions déplaisantes interviennent défavorablement à la réussite d’un apprentissage (Cuisinier, 2018), tout comme le sentiment de compétence personnelle qui médie les émotions. Dès lors, au vu du rôle non-négligeable des émotions dans un apprentissage déjà individuel, nous pouvons comprendre que leur rôle n’est pas à omettre dans le contexte d’un apprentissage collaboratif. En résumé, le sentiment de compétence dépend et influence les émotions, qui, à leur tour, conditionnent la perception de l’apprenant-e des obstacles et des ressources d’un apprentissage. Par conséquent, plus l’élève ressent une émotion positive, mieux il ou elle l’appréhendera.

L'aspect social

Dans une perspective sociale, l’apprentissage collaboratif nécessite des interactions sociales. Les apprenant-es doivent communiquer entre eux/elles pour partager leurs connaissances et leurs représentations du problème dans un premier temps, dans le but d’installer un climat favorable à la collaboration (Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021). Cela mobilise des compétences interpersonnelles : la communication et la gestion des tensions. Autant la communication que la gestion des conflits au sein d’un groupe, les deux requièrent une certaine compréhension de l’autre et une gestion des émotions. Le chercheur Jorczack (2011, cité par Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021), propose de concevoir l’apprentissage collaboratif en un cycle de trois phases : une phase initiale, une phase de divergence cognitive, puis une phase de convergence cognitive. Il souligne l’importance de la phase de divergence cognitive pour l’apprentissage, phase où le groupe co-élabore des informations diversifiées à partir des différentes connaissances de chaque personne, car il en émerge un conflit sociocognitif. Autrement dit, les désaccords de cette phase de divergence sont recherchés dans le groupe pour favoriser l’apprentissage, mais ils doivent être régulés et amenés à un équilibre, par le biais d’interactions productives – produits des compétences interpersonnelles – pour arriver à un apprentissage collaboratif réussi.

L'aspect cognitif

Dans une perspective cognitive de l’apprentissage collaboratif, l’apprentissage individuel est mis en relation avec la co-construction de connaissances (Molinari, Muller Mirza, Tartas, 2021). Mais cette dernière ne peut avoir lieu que si les interactions du groupe sont productives. Et pour que celles-ci le soient, il faut que l’apprentissage soit suffisamment exigeant pour justifier un travail de groupe, plutôt qu’un travail individuel (Tricot, 2021) pour que les apprenant-es y trouvent un sens et un intérêt motivant. Si ces apprenant-es considèrent que la collaboration est superflue, le travail de groupe impose dans ce cas une charge cognitive inutile qui entrave l’apprentissage. Pour Tricot (2021), connaître les théories de la charge cognitive permet de mieux concevoir des outils et environnements pédagogiques qui favorisent un apprentissage en adéquation avec les objectifs.

Conclusion

Pour résumer, si l’apprentissage collaboratif peut être bénéfique dans certains contextes, cela ne se fait pas sans condition. La dimension émotionnelle des apprenant-es ne peut pas être omise, comme le montrent les recherches de Pekrun (2004, cité par Cuisinier, 2018). Non seulement les émotions influent sur le sentiment de compétence personnelle et vice-versa, elles vont aussi modifier la perception de l’élève sur les obstacles et les ressources de l’apprentissage, et donc sur sa motivation à apprendre. Dans un travail collaboratif, les émotions vont influencer le caractère productif des interactions – c’est-à-dire la communication et la gestion des tensions – qui sont au cœur-même du processus de co-construction des connaissances au sein de la collaboration. Et enfin, pour qu’un travail de groupe ne gêne pas l’apprentissage, il doit être adapté en étant suffisamment exigeant et conséquent, pour donner un sens et un intérêt à la charge cognitive qu’une collaboration demande aux apprenant-es. Faute de quoi la charge cognitive supplémentaire serait superflue et qu’un travail individuel serait plus pertinent pour l’objectif pédagogique.

Références bibliographiques

  • Cuisinier, F. (2018). Émotions et apprentissages scolaires : que nous apprend l’étude des émotions déclarées ? Approche Neuropsychologique de l’Apprentissage chez l’Enfant (A.N.A.E.), 30(155), 5-16.
  • Molinari, G., Muller Mirza, N. & Tartas, V. (2021). Regards croisés des approches cognitives et socioculturelles sur l’apprentissage collaboratif : Quelles contributions dans le domaine de l’éducation ? Raisons éducatives, 25(1), 41-64. [1]
  • Tricot, A. (2021). Articuler connaissances en psychologie cognitive et ingénierie pédagogique. Raisons éducatives, 25(1), 141-162. [2]

Page rédigée par Anh-Thu Pham (MALTT) - Drakkar, le 25.10.2023.