BASES:Cours BASES 2022-23/Daniel Casas

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Introduction

Cet article sert à discuter de l’apprentissage via de la lecture de texte, en format papier ou en ligne. Il est rédigé dans le cadre du cours au Master MALTT – Bases psychopédagogiques des technologies éducatives (BASES)

L'apprentissage par texte est un aspect primordial dans l’éducation et dans les apprentissages, tout au long de notre vie. C'est pourquoi il est important de comprendre comment l'on parvient à apprendre via les textes et d'expliquer quels facteurs sont à prendre en compte lorsque nous rédigeons des textes, afin qu'ils soient les plus efficaces possibles.

Dans un premier temps, nous tenterons de développer les différents processus qui permettent et d’apprendre à partir de textes.

Dans un second temps, nous identifierons les différents facteurs qui déterminent l’efficacité d’un texte pour favoriser l’apprentissage.

Enfin, nous pourrons extraire de cette discussion les éléments importants à prendre en considération dans un texte pour qu’il soit pédagogiquement efficace. Nous pourrions ainsi mieux comprendre les structures et le contenu d’un texte efficace, mais aussi ce qui pourrait entraver l’apprentissage et est, donc, à exclure dans la mesure du possible.

Voici les deux processus les plus importants, selon moi, lors d'un apprentissage à partir d'un texte :

  • La compréhension du texte
  • La mémorisation des informations transmises


Voici les facteurs que j’ai identifiés qui influent sur la qualité de l’apprentissage par le texte :

  • L’ajout d’illustrations
  • La motivation
  • L'engagement
  • L'intérêt pour le sujet
  • La compréhension
  • L’organisation du texte
  • La longueur du texte
  • Les prises de notes

Afin de justifier mes choix, la structure de cet article et les différentes catégories que j'ai mis en place, je me base sur une multitude d'articles scientifiques, référencés en bas de page.

Partie 1 : Quels processus à l'œuvre?

Voici les deux principaux processus que j'ai choisi de traiter. En effet, pour justifier ce choix, il a été démontré que, après analyse des différents processus cognitifs impliqués dans l'apprentissage à partir de textes, la compréhension du langage et la mémorisation des informations sont les deux processus à retenir en priorité.

La compréhension du texte

Définir avec exactitude le domaine de la compréhension d'un texte n'est pas une mince affaire. Le texte de McNamara, D. S., & Magliano, J. (2009), "Toward a comprehensive model of comprehension. Psychology of learning and motivation" va servir de base pour l'explication de la compréhension de texte. Il est important de noter qu'une des conclusions de ce texte indique que le concept de compréhension peut se définir sur un spectre large, qui n'est pas encore totalement exploré. Cet article propose que le spectre de compréhension se résume en 3 processus cognitifs :

  • Le "spreading activation"
  • Le "unconscious retrieval"
  • Le "conscious" processing"

Spreading activation

Le spreading activation représente un concept selon lequel nos représentations mentales peuvent se propager à d'autres représentations associées. Dans le cas de la lecture d'un texte, ce processus s'enclenche lorsque l'information lue active des connaissances antérieures, dans notre mémoire à long terme, pour les associer. Ce processus, pour être convenablement mobilisé, dépend de facteurs contextuels tels que le calme, notre attention, notre engagement dans la lecture, nos connaissances préalables. Quelqu'un, par exemple, ayant déjà acquis des connaissances sur un sujet donné arrivera bien plus facilement à acquérir davantage d'informations nouvelles à ce sujet. Grâce à cela, il est possible de créer un lien entre les informations nouvelles avec les anciennes, ce qui peut favoriser la compréhension d'un texte et donc, par extension, l'apprentissage. Ce processus fait écho au texte de Beker, K., Jolles, D., Lorch, R. F., et van den Broek, P. (2016), qui démontre que lors d'apprentissages sur la base de texte, nous activons des connaissances et des lectures antérieurs pour faciliter notre compréhension.

Unconscious retrieval

Ce processus explique que notre mémoire ressort parfois des informations qui y sont stockées, sans même que nous nous en rendions compte. Cela se produit généralement en réponse à différents stimuli autour de nous. Cet aspect permet de comprendre pourquoi, même lorsque nous ne recherchons pas une information dans notre mémoire activement, notre spreading activation parvient malgré tout à faire ressurgir des souvenirs que l'on associera avec les différents stimuli qui nous entourent. Ce qui veut dire que cela peut s'appliquer inconsciemment durant nos lectures.

Conscious processing

Le conscious processing désigne le processus où nous portons une attention consciente à ce que nous faisons. Par exemple, lors de la lecture d'un texte, nous devons traiter les informations qui défilent et dédier notre attention et notre énergie à la compréhension de ce que nous lisons, donner du sens à tout ça. Il s'agit du processus de base si nous désirons lire et apprendre dans un domaine où nous n'avons aucune connaissance préalable : le spreading activation et le unconscious retrieval peuvent ne pas se manifester ou alors très peu.

La mémorisation des informations transmises

Pour ce qui est de la mémorisation des informations transmises, nous pouvons diviser ce processus en trois étapes principales :

  • Un encodage de l'information lorsqu'elle est nouvelle.
  • Lorsqu'elle est encodée, l'information est stockée dans notre mémoire à long terme.
  • Lorsque nécessaire, cette information est récupérée de notre mémoire.

Les processus de compréhension et de mémorisation sont donc co-dépendantes : une mémoire à long terme bien remplie permet une compréhension simplifiée grâce au spreading activation. Une compréhension efficace permet aussi un stockage plus facile dans la mémoire à long terme.

Partie 2 : Quels facteurs ?

Facteurs primaires

Voici une courte description des facteurs primaires. Nous remarquons qu’ils peuvent s’influencer entre eux. Par exemple, la longueur d’un texte peut être réduite si le vocabulaire employé à sa rédaction se permet d’être complexe, afin d’être plus précis dans ses termes : “J’étais totalement figé et stupéfait !” -> “J’étais abasourdi !”

La longueur du texte

La longueur du texte peut influencer l’efficacité de l’apprentissage de plusieurs manières. Un texte jugé beaucoup trop long demande plus d’investissement de la part du lecteur et augmente les risques de décrochages. Si cela se produit, il y a peu de chances que le lecteur puisse comprendre ce qu’il lit et encore moins qu’il s’en souvienne ou qu’il en tire un quelconque apprentissage (Kirschner, Sweller & Clark, 2006).

De l’autre côté, un texte trop court risque de ne pas donner assez d’informations et de développer les concepts qu’il est censé apprendre aux lecteurs. L’apprentissage est donc incomplet.

En outre, la longueur du texte va dépendre du niveau du lecteur. En effet, un lecteur peu expérimenté ne pourra pas commencer des lectures trop longues. Il faut une courbe de progression et augmenter la taille des textes petit à petit (Giasson, 1990).

L’organisation du texte

L’organisation du texte est un facteur primordial. La structure du texte et des phrases est essentielle pour la compréhension du lecteur. L’organisation en différents chapitres, avec une suite logique et des transitions de paragraphes fluides, permettent au lecteur de rester concentré sur sa lecture, ce qui augmente ses chances de pouvoir retenir ce qu’il lit et de donner lieu à un apprentissage significatif grâce à une compréhension plus élevée. Par exemple, un texte avec une structure narrative telle que celle d’une histoire ou d’une analogie peut impacter positivement la compréhension du lecteur.

Un texte sans organisation logique donnera plus l’impression d’être une bouillie d’informations qu’il sera plus difficile à retenir sur un long terme et ne serait donc pas bénéfique pour un apprentissage.

L’adaptation du vocabulaire

Encore une fois, le vocabulaire est un autre facteur où il faut trouver une balance. D’un côté, un texte avec un vocabulaire pauvre peut se montrer imprécis ou incomplet et diminuer la qualité de l’apprentissage visé par le texte (Stahl & Nagy, 2006).

De l’autre côté, un vocabulaire beaucoup trop riche ou complexe pose un risque d’incompréhension pour le lecteur. Certes, il a toujours la possibilité de faire ses recherches pour comprendre des termes qui lui étaient encore inconnus, mais si la densité de ces mots est trop élevée, soit le lecteur peut décider de ne plus aller chercher leurs définitions, soit il décidera de ne plus continuer sa lecture. Ainsi, le lecteur ne pourra pas en tirer grand-chose. C’est pourquoi il faut trouver un juste-milieu, qui s’adapte au niveau du lecteur.

Facteurs externes

Ces facteurs sont plus orientés sur l’appréhension du lecteur, son état d’esprit vis-à-vis de ses motivations, de l’engagement qu’il peut donner et de l’intérêt qu’il porte pour le sujet traité dans le texte qu’il lit.

La motivation

La motivation de l’apprenant est ce qui lui permet de se lancer dans la tâche et détermine la quantité d’énergie qu’il consacre à la tâche qu’il lui est donnée. En outre, plus sa motivation est forte, plus le temps et l’énergie qu’il pourra accorder à sa lecture sera importante. Il permet aussi d’incitation plus fortement le lecteur à la prise de note. Enfin, une motivation forte permet une meilleure mémorisation et une compréhension accrue des informations transmises (Gagne et Deci, 2005).

L’engagement

À ne pas confondre avec la motivation, l’engagement désigne plutôt le sens que le lecteur donne à sa tâche. Plus il donnera de sens à ce qu’il essaie d’accomplir, plus il sera impliqué dans son travail, émotionnellement parlant.

L’engagement est lié à la motivation, car elle peut impacter de manière positive la motivation du lecteur. Ainsi, il peut y consacrer plus d’énergie et de temps sur sa lecture (Vansteenkiste, Simons, Lens, Sheldon et Deci, 2004).

En outre, un bon engagement de la part d’un apprenant entraîne plus facilement une ouverture aux questions et aux discussions du sujet traité, ce qui est bénéfique pour réajuster ses connaissances ou les renforcer (Barkley, Cross & Major, 2014).

L’intérêt pour le sujet

Ce facteur, plus personnel encore que les deux précédents, représente ce qui importe au lecteur, ce qui l’intéresse. Il est souvent reconnu que plus on est intéressé par ce que l’on fait, plus on s’implique dedans. Tout comme la motivation, un grand intérêt pour un sujet favorise une plus grande mobilisation de ressources du lecteur, ce qui augmente ses chances de compréhension et de retenir les informations du texte (Kirschner, Sweller et Clark, 2006).

Facteurs utilitaires / Outils

Ces éléments ne font pas directement partie du texte et ne sont pas liés à l’état d’esprit du lecteur. Ce sont des outils qui ont pour but de faciliter l’apprentissage, la compréhension et l’insertion de certaines informations dans notre mémoire à long terme. Cette liste n’est pas exhaustive.

L’ajout d’illustrations

Pour certains apprenant, il est toujours plus agréable d’accompagner un texte avec une illustration pour renforcer sa compréhension du texte, surtout ceux qui possèdent des difficultés en compréhension de texte (Mayer, 2019).

La prise de notes

Une prise de notes a plusieurs manières de renforcer l’acquisition d’une information. Dans un premier temps, par le processus de réécriture, l’information est plus susceptible de persister dans notre mémoire. Dans un second temps, il est parfois nécessaire de répéter une information selon nos propres termes, ce qui implique une réflexion et une compréhension de l’information reçue (Karpicke et Blunt, 2011). Enfin, elle peut tout simplement servir de rappel ultérieur en cas de besoin ou de doute.

Plan des facteurs

Resume facteurs comprehension lecture daniel casas.png

Discussion

Nous avons pu observer différents processus cognitifs en œuvre lors de la lecture d'un texte, allant de la compréhension active à l'aide de processus conscients et inconscients, à la mémorisation de l'information dans notre mémoire à long terme.

En outre, nous avons identifié plusieurs facteurs qui influent sur l'efficacité de l'apprentissage par texte. Ceux-ci peuvent se diviser en trois parties : les facteurs directement liés aux textes, les facteurs liés à l'individu qui lit le texte et enfin, un dernier facteur utilitaire, les outils qui ne sont pas obligatoirement intégrés aux textes, mais qui peuvent améliorer le processus d'apprentissage. Il est important de noter que les processus et les facteurs discutés ne représentent pas l'entièreté des découvertes à ce sujet et qu'il est encore bien vaste. Cet article sert principalement à initier une discussion autour de l'apprentissage par la lecture.

À partir de ces éléments, nous devons être capables de penser, rédiger et composer un texte pour qu'il soit le plus adapté et le plus efficace possible pour le lecteur. Cependant, un problème qui survient est le suivant : chaque individu possède ses propres dispositions : il devient alors "impossible" d'avoir un texte parfait pour tous. Une chance à laquelle le numérique nous donne accès est la possibilité d'éditer et modifier des textes en quelques clics pour l'adapter aux personnes qui prévoient de le lire. Par exemple, un enseignant de sixième primaire peut choisir un texte traitant d'un sujet qui intéresse fortement sa classe. Cependant, si ce texte est pensé pour des élèves de huitièmes primaires, cet enseignant a la possibilité le modifier et réduire la complexité du vocabulaire, diminuer la taille du texte ou encore ajouter des illustrations pour simplifier la compréhension du texte, entre autre. Bien d'autres facteurs, en dehors de ceux traités dans cet article, sont à prendre en compte, cependant. Tels que l'âge du lecteur, son niveau de la langue dans laquelle il lit, l'environnement, etc. De plus, chaque individu fonctionne de manière différente et possède ses spécificités. Ainsi, il n'est pas possible de concevoir des textes qui conviendront à tout le monde avec la même efficacité. Peut-être, un jour, pourrions-nous tendre vers un algorithme prenant tous ces paramètres en compte pour générer une même histoire, mais adaptée à la personne qui la lit.

Références

  • Cartwright, K. B., et Duke, N. K. (2019). The DRIVE model of reading: Making the complexity of reading accessible. The Reading Teacher, 73(1), 7-15. DOI : https://doi.org/10.1002/trtr.1818
  • Eme, E., et Rouet, J. F. (2002). Aspects métacognitifs dans l’apprentissage de la lecture-compréhension. L'orientation scolaire et professionnelle, (31/1). DOI : https://doi.org/10.4000/osp.4871
  • Karpicke, J. D. et Blunt, J. R. (2011). Retrieval practice produces more learning than elaborative studying with concept mapping. Science, 331(6018), 772-775. https://doi.org/10.1126/science.1199327
  • Mayer, R. E. (2019). How multimedia can improve learning and instruction. In J. Dunlosky et K. A. Rawson (Eds.), The Cambridge handbook of cognition and education (pp. 460–479). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/9781108235631.019
  • Saux, G., Britt, M. A., Vibert, N., et Rouet, J. F. (2021). Building mental models from multiple texts: How readers construct coherence from inconsistent sources. Language and Linguistics Compass, 15(3). DOI : https://doi.org/10.1111/lnc3.12409
  • Kirschner, P. A., Sweller, J., et Clark, R. E. (2006). Why minimal guidance during instruction does not work: An analysis of the failure of constructivist, discovery, problem-based, experiential, and inquiry-based teaching. Educational psychologist, 41(2), 75-86. https://doi.org/10.1207/s15326985ep4102_1
  • Stahl, S. A. et Nagy, W. E. (2006). Teaching word meanings. In S. A. Stahl et K. P. Koschmann (Eds.), Online professional development for teachers: Emerging models and methods (pp. 89-121). Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates. https://doi.org/10.4324/9781410615381