Autonomie dans l'apprentissage : le problème de la volition chez l'apprenant
Résumé
Cette page constitue une mise en lien de trois textes : Tricot (2017), Dillenbourg (1996) et Cosnefroy (2010), à travers lesquels nous abordons la question de la volition et de l’autorégulation dans l’apprentissage.
Introduction
L’apprentissage implique un effort permanent et nécessite une forte autonomie de la part de l’apprenant qui « doit se mobiliser intensément aux plans cognitif, métacognitif et motivationnel pour tirer parti de [son] expérience » (Cosnefroy). Que ce soit par l’aspect cognitif, métacognitif ou motivationnel, les différentes stratégies d’autorégulation, qu’un apprenant développe, dépendent de la volition de celui-ci. Cosnefroy définit l’autorégulation comme « la construction de modèles s’efforçant d’intégrer les aspects cognitifs, métacognitifs et motivationnels de l’apprentissage » et dont le but est de décrire les « mécanismes psychologiques qui sous-tendent l’autonomie dans les apprentissages ». La volition désigne « un état dynamique dans une situation donnée suscité par la volonté, qui permet à l’étudiant de s’engager dans l’activité choisie et/ou de s’y maintenir, notamment en cas de fatigue, de difficulté, de distraction » (Corno, 2001, cité dans Houart, 2019). A partir de cette observation de l’effort à investir pour la réalisation d’une tâche, la question suivante se pose : Quelles sont les stratégies favorables à un apprentissage effectif ?
Développement
Le concept d’apprentissage est au cœur des recherches en éducation. L’apprentissage individuel pose notamment des problèmes quant à l’effort créant une charge cognitive (terme développé par Sweller et dont Tricot définit trois types qui sont la charge intrinsèque, extrinsèque et essentielle) et résultant d'un manque d’auto-régulation (Cosneyfroy) de l’apprenant face à des activités diverses dans lesquelles il lui est demandé de s’investir, dans le cadre d’un enseignement scolaire. Comme le présente Tricot, la mémoire de travail (contrairement à la mémoire à long terme) a une capacité limitée à traiter les informations et à les encrer dans l'esprit de l'apprenant. De plus, la motivation joue un rôle important dans la réalisation d’une tâche car l’apprenant rencontre régulièrement des obstacles (ex : distractions externes à l’activité principale et/ou la confrontation à la difficulté) et c’est par la force de la volition que l’apprenant parvient à atteindre son but et à s’y tenir de manière constante. Pour mener à bien une tâche et s’y maintenir, l’apprenant doit mettre en place plusieurs stratégies d’autorégulation qui vont permettre d’organiser et d’optimiser l’activité et de contrôler son apprentissage de manière autonome.
Stratégies cognitives et métacognitives
Les stratégies cognitives permettent d’optimiser le traitement de l’information par rapport à un but fixé, alors que les stratégies métacognitives sont des stratégies d’autorégulation pour atteindre ce but. Les stratégies relatives à ces deux aspects sont néanmoins souvent dépendantes de l’interaction avec autrui, car l’autonomie c’est aussi savoir quand demander de l’aide. Tricot, Cosnefroy et Dillenbourg portent leur attention sur la nécessité d’accéder à un guidage selon le niveau d’expertise d’un apprenant. En effet :
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Par conséquent, un apprenant débutant dans un domaine d’apprentissage doit recevoir un guidage de la part d’une personne plus experte, mais plus il avance dans son développement cognitif et moins le guidage est nécessaire. Dans ce cas, on fait disparaitre progressivement le guidage en commençant par des problèmes résolus pour arriver à des problèmes à résoudre (Tricot).
Quelques stratégies énoncées par Tricot pour les apprenants en difficultés d’apprentissage :
- Faire disparaitre le guidage progressivement ;
- Mémoriser les relations les plus importantes ;
- Travail en groupe quand l’apprentissage visé est éloigné des élèves; sinon, le travail peut être réalisé seul.
Taxonomie des stratégies volitionnelles pour atteindre son but
Dans le modèle de Corno (2001), cité dans Cosnefroy (2010), la volition est divisée en deux pôles :
- Le contrôle de soi par les processus internes de la cognition, la motivation et l’émotion ;
- Le contrôle de l’environnement, c’est-à-dire le contrôle du contexte d’apprentissage.
D’après la « taxonomie des stratégies volitionnelles » présentée par Cosnefroy, le premier pôle permet de mettre en place un but rendant légitime l’effort à fournir, prévoir les conséquences au cas d’échec, définir un sentiment d’efficacité personnel, contrôler ses émotions et agir en conséquence. Le second permet de définir un environnement de travail appropriés aux besoins de l’apprenant, aller chercher les ressources externes utiles à son apprentissage, et structurer le temps mis à disposition pour l’effectuation d’une activité d’apprentissage (Cosnefroy). La fixation de ces règles offre une meilleure autonomie à l’apprenant et permet de réguler l’effort à investir dans une activité cognitive.
Répétition de l’autorégulation et régulation en collaboration
Bien que l’autorégulation crée de la fatigue chez l’apprenant (car elle demande beaucoup d’efforts, i.e. charge cognitive), le fait de la pratiquer régulièrement peut aider sur le long terme (Cosnefroy). De plus, l’auto-régulation en groupe est bénéfique à l’apprentissage de chacun car chaque individu aura moins besoin de volition. En effet, « Les processus métacognitifs de contrôle sont répartis entre tous les membres du groupe » (Corno, 2001, 2004, cité dans Cosnefroy, 2010), phénomène que Dillenbourg nomme « shared (distributed) cognition approach ». L’environnement social fait partie intégrante de l’activité cognitive à travers laquelle émergent des concepts construits en tant que produit du groupe (« a single cognitive system ») grâce à une entente mutuelle (Dillenbourg).
Conclusion
Pour avoir un espace mental et physique de travail propice à l'apprentissage, il est essentiel de prendre en compte les efforts liés aux aspects cognitifs, métacognitifs, motivationnels et volitionnels afin d’élaborer un modèle d’autorégulation spécifique aux besoins de chaque apprenant. Selon Cosnefroy, pour apprendre de manière autonome, l’apprenant va donc devoir : définir un but initial à atteindre et à maintenir tout en ajustant ce but au fur et à mesure qu’il avance dans la tâche et restructurer ses connaissances (stratégie cognitive) ; « développer un regard critique sur son propre fonctionnement qui permet de juger le travail accompli et de décider, si besoin est, de changer le fonctionnement actuel » à travers un processus métacognitif ; recourir à des stratégie d’autorégulation afin d'être motivé (se mettre au travail) et de le rester (stratégies volitionnelles). L’apport de l’apprentissage collaboratif amène enfin une échappatoire à cette contrainte de la volition par la théorie de la cognition partagée de Dillenbourg.
Références bibliographiques
Cosnefroy, L. (2010). L'apprentissage autorégulé : perspectives en formation d'adultes. Savoirs, 23, pp.9-50. https://doi.org/10.3917/savo.023.0009
Dillenbourg, P., Baker , M., Blaye, A. & O'Malley, C. (1996). The evolution of research on collaborative learning. In E. Spada & P. Reiman (Eds) Learning in Humans and Machine: Towards an interdisciplinary learning science. (Pp. 189- 211). Oxford: Elsevier.
Houart, Bachy, S., Dony, S., Hauzeur, D., Lambert, I., Poncin, C., & Slosse, P. (2019). La volition, entre motivation et cognition : quelle place dans la pratique des étudiants, quels liens avec la motivation et la cognition? Revue Internationale de Pédagogie de L’enseignement Supérieur, 35(1). https://doi.org/10.4000/ripes.2061
Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d’apprentissage. Dans Notes remises dans le cadre de la conférence de consensus du Cnesco et de l’Ifé/Ens de Lyon « Différenciation pédagogique : comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ?», pp.157-165.
Rédigé par Ana Rajic dans le cadre du cours ADID, Volée Concordia, le 21.10.2022