Analyse de contenu

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Page rédigée dans le cadre du cours Conduite de la recherche (2022-2023) par Elodie Haefliger, Nicola Zanetti, Tamara Crétard

Introduction

L’analyse de contenu est une méthodologie souvent utilisée en sciences sociales, elle a pour objectif final de « connaître la vie sociale ». Cette méthodologie consiste en l’analyse de traces mortes (documents) pour interpréter des processus vivants (comportements humains). Une certaine connaissance et compréhension de la symbolique des activités sociales est donc un préalable nécessaire à l’analyse de contenu. En effet, ce sont par ces connaissances du comportement humain que le chercheur pourra « faire parler » les traces mortes. Les documents analysés peuvent être de formats assez divers, on peut diviser l’analyse de contenu en différents sous-domaines, en fonction des nombreuses formes que possède l’humain pour s’exprimer. Il peut par exemple s’agir de l’analyse d’un article de journal (discours écrit), d’une peinture (production visuelle) ou encore d’un film (production visuelle et auditive).

Définition de l’analyse de contenu

La définition du concept de l’analyse de contenu a changée dans le temps. Selon Bardin (1997/2018), mais aussi Alabarello (2003) Barelson définissait l'analyse de contenu comme “une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication”. Bien que cette définition était bien connue dans le milieu de la recherche, elle était considérée comme très limitée par les chercheurs postérieurs. Cette définition a été remplacée (Bardin, 1997/2018) notamment du fait que les moyens de communication de masse et l'informatique ont beaucoup évolué et ont, entre autres, changé la manière de faire l’analyse de contenu. Aujourd’hui la définition qui semble être généralement acceptée est que l’analyse de contenu est : “un ensemble de techniques d’analyse de communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces messages” (Bardin, 1997/2018).

Ces deux définitions ont des différences fondamentales, on voit d’abord dans la deuxième que l’analyse de contenu fournit au chercheur un ensemble de techniques et ne consiste donc pas en une seule technique comme dans la première définition. Aussi, dans la deuxième cette technique permet d’obtenir des indicateurs aussi bien qualitatifs que quantitatifs alors que la première parle juste de quantitatif. Finalement, dans la première définition on parle de contenu manifeste, c’est à dire du contenu dont le sens apparaît dans un texte de façon “directe”, alors que la deuxième pose l'accent sur le concept d’inférence, c’est à dire le fait de faire une déduction logique sur la base des informations qu’on à a disposition, mais qui ne sont pas nécessairement dans le contenu lui-même.

Cependant, malgré ces différences, les deux définitions s’accordent sur une chose, c'est-à-dire que l’analyse de contenu doit être systématique et objective.

Historique

La première façon d'analyser le contenu a été religieuse. En effet, on a cherché à expliquer, analyser des textes bibliques et des symboles divins.

Par la suite, à partir du 19ème siècle, l’analyse de contenu sort du contexte de la religion. On prend alors conscience que les textes ne sont pas seulement des retranscriptions, mais que leur conception-même, permet d’apporter un sens. Par exemple, les ratures des auteurs, “l’annotation des textes sous forme d’édition critique des œuvres, avec commentaires et notes en bas de pages, aura pour but d’aider le lecteur dans sa compréhension du sens” (Sabourin, 2009).

Le 20ème siècle apporte un changement. Avec les deux guerres mondiales notamment, on assiste à de la propagande que ce soit à travers les journaux, le cinéma, la radio ou encore des affiches. L’analyse des contenus se fait donc plutôt à des fins “étatiques et militaires” (Sabourin, 2009). On va par exemple répertorier “les thèmes favorables aux ennemis dans des journaux soupçonnés de pencher en faveur des thèses adverses, etc. La Deuxième Guerre mondiale sera un second moment particulièrement prolifique en subventions militaires pour assurer le développement des méthodes et des techniques d’analyse de contenu quantitative” (Sabourin, 2009).

Encore aujourd’hui nous avons recours à l’analyse des contenus, mais celle-ci peut être plus sophistiquée. Par exemple, “l’informatique documentaire qui, sous sa forme la plus connue (Ex. : les moteurs de recherche sur l’Internet), joue une part de plus en plus importante dans l’organisation de la connaissance dans nos sociétés” (Sabourin, 2009).

Un ensemble de techniques

Bien que le nom “analyse de contenu” peut nous faire penser qu’il s’agit d’une simple démarche, en réalité, il cache un domaine beaucoup plus vaste que ce qu’on pourrait penser à première vue. Albarello (2003), en citant Blanchet et Gotman (1992) distingue quatre types d’analyse de contenu :

L’analyse de l’entretien

Comme on peut l'imaginer, ce type d’analyse se fait sur la base des entretiens, ceux-là peuvent être classifiés en différents types d'entretiens, comme par exemple directifs, semi-directifs ou libres. Cette méthode permet de récolter des données verbales qui peuvent être enregistrées à travers des dispositifs d’enregistrement audio, ou notés sur papier. Il ne s'agit pas d’une technique spécifique mais d’une pratique pour obtenir des données qualitatives. L’analyse de l’entretien peut être mené avec des techniques d’analyse de contenu “classiques” telles que l’analyse thématique, mais cela risque de limiter l’analyse sur le sens de ce qui est dit, en risquant de laisser dans l’ombre une richesse d’informations qu’on peut déduire par autres signes (Bardin, 1997/2018), comme par exemple le ton de la voix, le contexte, l’utilisation de certains mots ou expressions, donc il ne faut pas se limiter à ce type d’analyse, mais croiser plus en profondeur à travers ce que Bardin appelle le déchiffrage structurel, c’est à dire une procédure qui consiste à analyser des informations qui ne sont pas dites explicitement, comme les émotions, le ton de la voix etc. Ceux-là peuvent aider à compléter le sens de ce qui est dit.

L’analyse thématique

Selon Negura (2006), “le but de l'analyse thématique comme méthode d'analyse de contenu est de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers discursif de l’énoncé”. Il y a donc d’abord un repérage des idées significatives à réaliser, pour ensuite les catégoriser (Negura, 2006). Avec cette catégorisation, un traitement des données brutes est possible. C’est après la catégorisation qu’il faut porter attention à la composante affective de ces unités sémantiques. Ainsi, l'analyse thématique peut être considérée comme un outil d'analyse des unités de base qui ensuite peuvent être classifiées en opinions, attitudes et stéréotypes” (Negura, 2006).

L’analyse propositionnelle du discours

Cela consiste en le “découpage systématique du discours sur base d'unités sémantiques” (Albarello, 2003). Bardin la décrit comme une variante de l’analyse thématique, en cherchant à "dépasser certaines insuffisances”. En analyse propositionnelle du discours, on cherche à comprendre à travers quelles structures sémantiques s’expriment les acteurs.

l’analyse des relations par opposition

L’objectif est de repérer “les relations qui existent à travers l’ensemble du matériau entre les signifiants [...] et les signifiés [...] de sorte que les signifiants et les signifiés s’opposent terme à terme. (Albarello, 2003).

Le principe d'inférence

En ce qui concerne le principe d’inférence, il semblerait d’auprès Mucchielli (1998) qu’il y a deux façons de penser :

Dans la première on trouve ceux qui pensent que l’inférence est nécessaire dans l’analyse de contenu pour en déduire des messages ou des significations pas explicites. Par exemple, Bardin l’a inclue comme partie de la définition d’analyse de contenu. Pour lui “la lecture de l’analyste du contenu des communications n’est pas, ou n’est pas seulement, une lecture au “pied de la lettre” mais la mise à jour d’un sens au second degré. Il ne s’agit pas de traverser des signifiants pour saisir des signifiés [...], mais au travers de signifiant ou de signifiés [...] d’atteindre d’autres “signifiés” de nature psychologique, sociologique, politique, historique, etc.” Pour faire un exemple, on pourrait déduire qu'une personne adhère à une certaine idéologie politique, juste en regardant la fréquence de certains mots ou expressions dans un texte.

La deuxième façon de penser inclut ceux qui pensent que l’inférence ne doit pas être part de l’analyse de contenu et que “le contenu manifeste est [...] le seul contenu toléré” (Mucchielli, 1998), par contenu manifeste on entend le contenu tel que il se présente dans l’objet analysé (sans chercher des doubles sens, ou des sens cachés). D’après ceux qui suivent cette façon de penser, il est important d’analyser le contenu des mots et des expressions comme il apparaît dans le texte, sans déduire d'autres sens qui peuvent être cachés,il faut absolument éviter de tomber dans la subjectivité. Par rapport à ça, Mucchielli, sans pourtant prendre leur partie, dit qu’effectivement “il serait absurde de supposer que la liste des réponses d’un groupe à une question ouverte ou un bulletin d’information scientifique recèlent un autre sens, caché dans le sens manifeste”. Pourrait-on en conclure que le fait d’inférer soit approprié ou non selon le type de contenu qu’on va analyser, selon le fait que le texte contient des sens “cachés” ou pas?

Les différentes phases de l’analyse de contenu

Selon Bardin, l’analyse de contenu se fait en suivant trois phases:

  1. la préanalyse
  2. l’exploitation du matériel
  3. le traitement des résultats, l’inférence et l’interprétation


La première s’agit d’une phase d’organisation des idées qui consiste à choisir les document à analyser, formuler des hypothèses et des objectifs et élaborer des indicateurs sur lesquels s’appuiera l’interprétation terminale (Bardin, 2013). Il s’agit donc d’une phase qui nous permet de se familiariser avec les thèmes traités et les documents à disposition.

L’exploitation du matériel est une phase qui “consiste essentiellement en opérations de codage, décompte ou énumération en fonction des consignes préalablement formulées” (Bardin, 2013). Cela est une phase très dure à effectuer, mais nécessaire.

Finalement, le traitement des résultats obtenus et l’interprétation consiste à donner un sens aux données qui ont été récoltées.

De manière semblable Sabourin (2009) a structuré ces trois phases en les appellant :

  1. Constitution de la base de connaissance
  2. Description
  3. Formalisme de l’analyse

Ces trois phases ont été décrites à peu près de la même manière que Bardi, avec la différence que Sabourin a mis l’accent sur une séparation entre les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives.

Application de l’analyse de contenu

Bardin explique que l’analyse de contenu peut être vue comme “un outil avec plusieurs formes et adaptable à un champ d’application très étendu”, c’est à dire que l’analyse de contenu peut être appliquée à tout ce qui relève de la communication (qui passe à travers le langage ou non), et que le type d’analyse qu’on va appliquer dépend de la nature de ce qu’on va analyser.

Références

  • Albarello, L. (2003). Apprendre à chercher - L’acteur social et la recherche scientifique (2e édition). De Boeck.
  • Bardin, L. (2013). L’analyse de contenu. (2e édition.). PUF.
  • Mucchielli, R. (1998). L’analyse de contenu des documents et des communications (8e édition). ESF éd.
  • Negura, L. (2006). L’analyse de contenu dans l’étude des représentations sociales. SociologieS.
  • Sabourin, P. (2009). L’analyse de contenu. Dans Gautier B. (dir.),Recherche sociale: de la problématique à la collecte des données (5e édition, p. 415-444).