« Les apprentissages formels et informels de l'adolescent en informatique. » : différence entre les versions

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C’est ce deuxième point de vue, que Rabardel (1995) décrit comme anthropocentré : l’adaptation de l’instrument à l’homme et non le contraire. Le but est de rendre l’instrument le plus flexible, le plus utile et le plus ergonomique possible pour l’homme, en vue de l’aider à atteindre ses objectifs et satisfaire ses besoins ou ceux de sa communauté. Dans la phase de conception d’un instrument informatique, on s’attachera ainsi à appréhender prioritairement l’utilisateur humain comme cible, avec ses caractéristiques organiques, psychologiques et sociales propres, afin de construire un instrument informatique ergonomique complet. Par exemple, relativement aux adolescents, on étudierait leurs besoins, leurs activités et leurs caractéristiques, pour ensuite élaborer un design et programmer un jeu d’arcade électronique au plus près de leurs besoins, leurs goûts et motivations.  
C’est ce deuxième point de vue, que Rabardel (1995) décrit comme anthropocentré : l’adaptation de l’instrument à l’homme et non le contraire. Le but est de rendre l’instrument le plus flexible, le plus utile et le plus ergonomique possible pour l’homme, en vue de l’aider à atteindre ses objectifs et satisfaire ses besoins ou ceux de sa communauté. Dans la phase de conception d’un instrument informatique, on s’attachera ainsi à appréhender prioritairement l’utilisateur humain comme cible, avec ses caractéristiques organiques, psychologiques et sociales propres, afin de construire un instrument informatique ergonomique complet. Par exemple, relativement aux adolescents, on étudierait leurs besoins, leurs activités et leurs caractéristiques, pour ensuite élaborer un design et programmer un jeu d’arcade électronique au plus près de leurs besoins, leurs goûts et motivations.  
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<p>L’instrument n’existe ainsi qu’à travers l’utilisation de l’homme qui est située socialement. C’est en d’autres termes un artefact :<br />
<p>L’instrument n’existe ainsi qu’à travers l’utilisation de l’homme qui est située socialement. C’est en d’autres termes un artefact, Rabardel (1995, p. 26) : ''« Les artefacts existent dans l’activité et sont constamment transformés par l’activité, ils ne doivent pas être analysables en tant que choses mais comme médiateurs de l’usage. Les artefacts ne sont pas seulement des moyens individuels, ils sont porteurs de partage et de division du travail, ils ont une signification incorporée dans une pratique sociale. De ce fait, les artefacts évoluent sans cesse et reflètent un état historique de la pratique des utilisateurs en même temps qu’ils modèlent cette pratique » … « une application informatique doit, par exemple, être considérée comme un ensemble d’outils dont la conception crée de nouvelles conditions du travail individuel, mais aussi collectif ».''</p>
« Les artefacts existent dans l’activité et sont constamment transformés par l’activité, ils ne doivent pas être analysables en tant que choses mais comme médiateurs de l’usage. Les artefacts ne sont pas seulement des moyens individuels, ils sont porteurs de partage et de division du travail, ils ont une signification incorporée dans une pratique sociale. De ce fait, les artefacts évoluent sans cesse et reflètent un état historique de la pratique des utilisateurs en même temps qu’ils modèlent cette pratique » … « une application informatique doit, par exemple, être considérée comme un ensemble d’outils dont la conception crée de nouvelles conditions du travail individuel, mais aussi collectif ».</p>
<p>Mais à fanatiser le point de vue anthropologique, on en vient à ignorer et occulter les caractéristiques fondamentales et essentielles de la technique, que l’ingénieur s’évertue à étudier. C’est aussi considérer que la technique est subordonnée à l’humain. Or, comme l’avance Rabardel, la nature de l’instrument est plus imbriquée qu’elle ne le paraît. Il a des aspects multidimensionnels autant matériels, techniques, qu’humain et social. C'est en fait un artefact associé à des schèmes d'utilisation, chez le sujet, dont la portée peut-être limitée ou moulée par certaines de ses caractéristiques techniques. En d'autres termes, le sujet actif qui utilise un instrument informatique, s’en  construit des modes opératoires ou des algorithmes humanisés d’utilisations projetées et finalisées. A travers ces processus  bio-psycho-sociologiques et techniques, un savoir actualisé se cristallise dans l’instrument et se transmet socialement (ex. manuel  d’utilisation, formation à l’école, transmission orale, etc.). Pour illustrer la chose, l'utilisation que l'on fait d'un outil peut souvent en retour modifier certaines de ces caractéristiques techniques. On peut penser par exemple aux robots ménagers, dont les gadgets ne cessent de s'améliorer au fil du temps, pour en optimiser l'utilisation de plus en plus économique pour tout en chacun. En outre, ces opérations artefactuelles actualisées par l'utilisateur sont combinatoires et présentent des régularités. Ainsi l’utilisateur peut associer plusieurs schèmes d’utilisation à un artefact, qu’il soit  matériel (ex. une carte mère matérielle), sémiotique (ex. le langage en tant qu'outil de communication sur l'écran d'ordinateur), psychologique  (le profil perso sur le web) ou cognitif (ex. un système expert), comme  il peut associer plusieurs artefacts à un schème. Par exemple, afin de  rédiger un texte pour un exposé, un adolescent peut adopter un  traitement de texte comme artefact et opérer avec les schèmes : « écrire  du texte sur l’écran », mais aussi « effacer un mot dans le texte », «  copier – coller », « imprimer », etc.. Il pourra aussi utiliser ce même  traitement de texte non pas pour écrire un texte, mais pour publier sa  page Web perso. Pour cela, il devra adjoindre aux schèmes d’utilisation  précédents, des schèmes comme « publier la page sur Internet », «  appliquer une couleur à une forme », etc.. </p>
<p>Mais à fanatiser le point de vue anthropologique, on en vient à ignorer et occulter les caractéristiques fondamentales et essentielles de la technique, que l’ingénieur s’évertue à étudier. C’est aussi considérer que la technique est subordonnée à l’humain. Or, comme l’avance Rabardel, la nature de l’instrument est plus imbriquée qu’elle ne le paraît. Il a des aspects multidimensionnels autant matériels, techniques, qu’humain et social. C'est en fait un artefact associé à des schèmes d'utilisation, chez le sujet, dont la portée peut-être limitée ou moulée par certaines de ses caractéristiques techniques. En d'autres termes, le sujet actif qui utilise un instrument informatique, s’en  construit des modes opératoires ou des algorithmes humanisés d’utilisations projetées et finalisées. A travers ces processus  bio-psycho-sociologiques et techniques, un savoir actualisé se cristallise dans l’instrument et se transmet socialement (ex. manuel  d’utilisation, formation à l’école, transmission orale, etc.). Pour illustrer la chose, l'utilisation que l'on fait d'un outil peut souvent en retour modifier certaines de ces caractéristiques techniques. On peut penser par exemple aux robots ménagers, dont les gadgets ne cessent de s'améliorer au fil du temps, pour en optimiser l'utilisation de plus en plus économique pour tout en chacun. En outre, ces opérations artefactuelles actualisées par l'utilisateur sont combinatoires et présentent des régularités. Ainsi l’utilisateur peut associer plusieurs schèmes d’utilisation à un artefact, qu’il soit  matériel (ex. une carte mère matérielle), sémiotique (ex. le langage en tant qu'outil de communication sur l'écran d'ordinateur), psychologique  (le profil perso sur le web) ou cognitif (ex. un système expert), comme  il peut associer plusieurs artefacts à un schème. Par exemple, afin de  rédiger un texte pour un exposé, un adolescent peut adopter un  traitement de texte comme artefact et opérer avec les schèmes : « écrire  du texte sur l’écran », mais aussi « effacer un mot dans le texte », «  copier – coller », « imprimer », etc.. Il pourra aussi utiliser ce même  traitement de texte non pas pour écrire un texte, mais pour publier sa  page Web perso. Pour cela, il devra adjoindre aux schèmes d’utilisation  précédents, des schèmes comme « publier la page sur Internet », «  appliquer une couleur à une forme », etc.. </p>
<p>L’instrument  informatique est donc multi facettes, car il comporte des dimensions  matérielles, techniques, sémiotiques, psychologiques, cognitives ou  sociales, qui peuvent s’y juxtaposer, mais il a aussi une dimension  développementale. En se référant à la psychologie génétique, qui dit  opération ou schème dit aussi assimilation et accommodation, donc développement.  C’est pourquoi, l’instrument reflète également l’état des connaissances  actualisées de l’utilisateur ou dans notre cas l’adolescent à un moment de son développement. Ce dernier aime utiliser l’instrument informatique en fonction de ses  activités et de ses envies du moment : apprentissage scolaire,  divertissements, jeux électroniques avec ses pairs, socialisation avec  ses pairs, montrer ses photos à d’autres sur le Web, etc.</p>
<p>L’instrument  informatique est donc multi facettes, car il comporte des dimensions  matérielles, techniques, sémiotiques, psychologiques, cognitives ou  sociales, qui peuvent s’y juxtaposer, mais il a aussi une dimension  développementale. En se référant à la psychologie génétique, qui dit  opération ou schème dit aussi assimilation et accommodation, donc développement.  C’est pourquoi, l’instrument reflète également l’état des connaissances  actualisées de l’utilisateur ou dans notre cas l’adolescent à un moment de son développement. Ce dernier aime utiliser l’instrument informatique en fonction de ses  activités et de ses envies du moment : apprentissage scolaire,  divertissements, jeux électroniques avec ses pairs, socialisation avec  ses pairs, montrer ses photos à d’autres sur le Web, etc.</p>

Version du 7 novembre 2010 à 09:18




HISTORIQUE ET CONTEXTE


A partir des années septante, comme le remarque Birrien (1992) dans son ouvrage moderne d'histoire, l’outil informatique est devenu plus accessible aux profanes avec l'arrivée des micro-processeurs. A cette époque, toutefois, apprendre à utiliser un ordinateur s’apparente encore à une initiation quasi ésotérique pour grand nombre d'intéressés. Dans les années nonante un tournant arrive avec la convergence de l'informatique, de l'Internet et des télécommunications d'où émergent les technologies de l'information et de la communication. Ce n'est cependant qu'au XXIème siècle, que leur développement prend un angle encore plus abrupte et que l’on voit apparaître des ordinateurs super puissants à microprocesseurs très miniaturisés et des connections ADSL à grandes bandes passantes permettant ainsi à la multitude de surfer sur un Web interactif désormais démocratisé.

Cette émancipation informatique reste toutefois encore l’apanage des sociétés industrialisées ou développées; mais elle est telle, que des auteurs comme Prensky introduisent le terme de "natifs numériques" pour décrire la jeunesse ayant grandi dans la culture du numérique médiatisée, belle et bien là. Pour ces jeunes l'informatique est un instrument habituel, ancré dans leurs mœurs et leur vie quotidienne ! L'instrument informatique est donc plus qu'un objet technique, car il a une dimension culturelle et psychologique qui motive fort bien l'adolescent à l'utiliser.

Au sujet des instruments et selon un point de vue holistique, Rabardel (1995) et d'autres auteurs se rattachant à la théorie de l'activité explicitent plusieurs visions possibles de l'instrument, y compris celui informatique. Pour ce dernier, tout instrument informatique a une dimension technique, psychologique et sociale. Comme nous le développerons par la suite, il implique à la fois un artefact et des schèmes d'utilisations qui s'inscrivent dans des processus de développement humain, donc d'apprentissage. Barron (2006), reprenant cette théorie, va aborder la thématique plus largement, en adoptant une perspective écologique, pour qui l’apprentissage de l’informatique chez l’adolescent prend une dimension développementale multicontextuelle. De ce point de vue, l'interaction entre l'adolescent et ses différents environnements développementaux se trouve médiatisée par l'artefact informatique et ses schèmes d'utilisation qui lui sont relatifs. Pour l'adolescent l'objet informatique n'a pas une fin en soi, mais il l'utilise comme moyen de socialisation dans des groupes de pairs, à l'école, avec sa famille, mais aussi comme instrument médiatique pour gérer des contenus, communiquer et construire son identité. L'instrument est donc à la fois artefact, mais aussi objet d'apprentissage. L'adolescent l'apprend en l'utilisant, non pas forcément dans le but formel d'apprendre l'informatique, comme à l'école, mais aussi indirectement dans le but d'assouvir ses besoins psychosociaux indépendamment de toute technologie.

Apprendre l'informatique a donc une nature formelle, car l'enseignement de l'informatique s'est institutionnalisé dans les écoles dans bon nombre de pays développés; mais aussi informelle, car comme on l'a explicité auparavant certains adolescents, si ce n'est la majorité peuvent s'apparenter à des natifs numériques : ils naissent, agissent, grandissent et se socialisent en contact avec la culture numérique. Il s'agit donc d'appréhender la thématique d'un point de vue holistique intégrant autant une vision technique, que psychologique et culturelle; postulant un utilisateur volontaire ou non évoluant dans des environnements formels ou non, au contact desquels se forment les schèmes d'utilisation d'artefacts informatiques.


DÉFINITIONS ET ENJEUX


Quatre concepts sont associés à la thématique :

  • L’instrument informatique
  • L’adolescent
  • L’apprentissage formel
  • L’apprentissage informel


Il s’agit de les définir, d’en expliciter les enjeux, et d’en synthétiser les liens dans une perspective holistique, pour aborder la thématique sous toutes ses facettes.

De la notion d’instrument


Selon Rabardel (1995) on peut appréhender tout instrument, y compris celui informatique, selon deux points de vue. Premièrement en se centrant principalement sur la technique. Selon celui-ci, l’activité de l’utilisateur humain est considérée comme résiduelle et consacrée exclusivement à des tâches complexes que l’ordinateur ne peut pas accomplir. La machine peut donc remplacer l’homme dans le traitement de l’information. La communication homme-machine se limite ainsi à une transmission unidirectionnelle d’informations. C’est l’homme qui doit s’y adapter et non le contraire. De plus, il doit apprendre à utiliser l’instrument informatique en faisant avec ses contraintes techniques. C'est pourquoi, par exemple, on a vu apparaître des systèmes experts dans l'aviation ou la médecine conçus comme des prothèses humaines. Toutefois une telle vision technocentrée peut mener à des impasses fastidieuses comme le notent Roth, Bennet & Woods (1987) :

  • l’utilisateur est limité à entrer des informations dans le système et rien d’autre, qui en retour lui retourne unidirectionnellement des informations;
  • il est donc passif, car c’est la machine qui assure complètement le contrôle des opérations,
  • c’est donc l’instrument (le système expert) qui dirige la résolution de problèmes et présente à l’utilisateur les observations et les actions qu’il doit réaliser.


Or ces mêmes auteurs ont observé, que les utilisateurs ne se conformaient pas à un rôle passif, dès lors que l’efficacité de leurs interactions avec la machine se dégradait. De plus, actuellement, une usine sans humains reste utopique. En effet, les savoirs-être, les savoirs-faire et les savoirs du professionnel sont souvent indispensables à l’entreprise dans l’utilisation des machines de production automatisées, car lui seul peut interpréter et comprendre les contextes de production complexes ou incertains.

Au XXIème siècle, il est donc encore impossible de se passer de l’homme et de ses compétences. C’est pourquoi, pour reprendre l’exemple précédent, il est plus pertinent de considérer le système expert comme un instrument à disposition d’un sujet qui résout un problème. C’est ce deuxième point de vue, que Rabardel (1995) décrit comme anthropocentré : l’adaptation de l’instrument à l’homme et non le contraire. Le but est de rendre l’instrument le plus flexible, le plus utile et le plus ergonomique possible pour l’homme, en vue de l’aider à atteindre ses objectifs et satisfaire ses besoins ou ceux de sa communauté. Dans la phase de conception d’un instrument informatique, on s’attachera ainsi à appréhender prioritairement l’utilisateur humain comme cible, avec ses caractéristiques organiques, psychologiques et sociales propres, afin de construire un instrument informatique ergonomique complet. Par exemple, relativement aux adolescents, on étudierait leurs besoins, leurs activités et leurs caractéristiques, pour ensuite élaborer un design et programmer un jeu d’arcade électronique au plus près de leurs besoins, leurs goûts et motivations.

L’instrument n’existe ainsi qu’à travers l’utilisation de l’homme qui est située socialement. C’est en d’autres termes un artefact, Rabardel (1995, p. 26) : « Les artefacts existent dans l’activité et sont constamment transformés par l’activité, ils ne doivent pas être analysables en tant que choses mais comme médiateurs de l’usage. Les artefacts ne sont pas seulement des moyens individuels, ils sont porteurs de partage et de division du travail, ils ont une signification incorporée dans une pratique sociale. De ce fait, les artefacts évoluent sans cesse et reflètent un état historique de la pratique des utilisateurs en même temps qu’ils modèlent cette pratique » … « une application informatique doit, par exemple, être considérée comme un ensemble d’outils dont la conception crée de nouvelles conditions du travail individuel, mais aussi collectif ».

Mais à fanatiser le point de vue anthropologique, on en vient à ignorer et occulter les caractéristiques fondamentales et essentielles de la technique, que l’ingénieur s’évertue à étudier. C’est aussi considérer que la technique est subordonnée à l’humain. Or, comme l’avance Rabardel, la nature de l’instrument est plus imbriquée qu’elle ne le paraît. Il a des aspects multidimensionnels autant matériels, techniques, qu’humain et social. C'est en fait un artefact associé à des schèmes d'utilisation, chez le sujet, dont la portée peut-être limitée ou moulée par certaines de ses caractéristiques techniques. En d'autres termes, le sujet actif qui utilise un instrument informatique, s’en construit des modes opératoires ou des algorithmes humanisés d’utilisations projetées et finalisées. A travers ces processus bio-psycho-sociologiques et techniques, un savoir actualisé se cristallise dans l’instrument et se transmet socialement (ex. manuel d’utilisation, formation à l’école, transmission orale, etc.). Pour illustrer la chose, l'utilisation que l'on fait d'un outil peut souvent en retour modifier certaines de ces caractéristiques techniques. On peut penser par exemple aux robots ménagers, dont les gadgets ne cessent de s'améliorer au fil du temps, pour en optimiser l'utilisation de plus en plus économique pour tout en chacun. En outre, ces opérations artefactuelles actualisées par l'utilisateur sont combinatoires et présentent des régularités. Ainsi l’utilisateur peut associer plusieurs schèmes d’utilisation à un artefact, qu’il soit matériel (ex. une carte mère matérielle), sémiotique (ex. le langage en tant qu'outil de communication sur l'écran d'ordinateur), psychologique (le profil perso sur le web) ou cognitif (ex. un système expert), comme il peut associer plusieurs artefacts à un schème. Par exemple, afin de rédiger un texte pour un exposé, un adolescent peut adopter un traitement de texte comme artefact et opérer avec les schèmes : « écrire du texte sur l’écran », mais aussi « effacer un mot dans le texte », «  copier – coller », « imprimer », etc.. Il pourra aussi utiliser ce même traitement de texte non pas pour écrire un texte, mais pour publier sa page Web perso. Pour cela, il devra adjoindre aux schèmes d’utilisation précédents, des schèmes comme « publier la page sur Internet », «  appliquer une couleur à une forme », etc..

L’instrument informatique est donc multi facettes, car il comporte des dimensions matérielles, techniques, sémiotiques, psychologiques, cognitives ou sociales, qui peuvent s’y juxtaposer, mais il a aussi une dimension développementale. En se référant à la psychologie génétique, qui dit opération ou schème dit aussi assimilation et accommodation, donc développement. C’est pourquoi, l’instrument reflète également l’état des connaissances actualisées de l’utilisateur ou dans notre cas l’adolescent à un moment de son développement. Ce dernier aime utiliser l’instrument informatique en fonction de ses activités et de ses envies du moment : apprentissage scolaire, divertissements, jeux électroniques avec ses pairs, socialisation avec ses pairs, montrer ses photos à d’autres sur le Web, etc.


Enjeux :

Comme indiqué par Rabardel (1995), la tendance actuelle est de considérer l’informatique avec un point de vue centré sur la technique. Même si certains adolescents s’intéressent intellectuellement à cette dimension, une grande partie utilise un outil d’un nouveau genre, en quelques sortes, un opérant de leur développement identitaire. Il est donc pertinent en rapport à la thématique abordée de ne pas s’en tenir qu’à un point de vue technocentré ou alors anthropocentré. Au contraire, en continuant à se référer à Rabardel (1995), il est primordial de développer des approches et des études qui considèrent l’instrument informatique appris sur deux facettes : sur le plan de l’artefact comme on vient de le voir, mais aussi sur celui des schèmes d’utilisation. Il devient donc pertinent et nécessaire de se centrer sur l'adolescent en développement, donc en apprentissage, puis de comprendre pourquoi et comment il utilise l’instrument informatique, donc l'apprend conjointement à ses tâches développementales, dans la limite des possibilités offertes par la technologie. Tels sont les enjeux.


Le sujet adolescent et l’instrument informatique


Le psychologue Erickson (1998) s’est notamment intéressé à cet âge de la vie. Il dénote d’ailleurs un stade qui lui est consacré, le stade de l’identité, qui va de l’âge de 12 à 18 ans environ. Pendant ce stade, le jeune est en pleine puberté ou croissance et comme le concept l’indique, il s’attache à construire son identité. Par ce terme, on comprend une représentation de soi stable par rapport aux autres, qui comprend :

  • les valeurs personnelles,
  • les goûts,
  • les ambitions et projets,
  • les idéaux,
  • les propres représentations de la corporalité et du genre sexuel, etc.,

en quelque sorte, tout ce qui fait qu’une personne est une personne et qu’elle puisse s’exprimer en tant que telle, au travers de représentations stables.

Cela il le fait en évoluant dans des environnements multiples de construction identitaire : la famille, l’école, les pairs et le monde professionnel. L’environnement-école et ses apprentissages scolaires lui permettent de développer ses facultés de raisonnement abstraites, mais aussi de se socialiser, de mieux connaître ses compétences, de forger son estime de soi et de spécifier ses intérêts professionnels. La famille reste un lieu de soutient par rapport auquel il a besoin toutefois de s’autonomiser pour construire et reformer sa propre personnalité, prendre des distances par rapport au triangle œdipien. Les pairs sont un espace réel de socialisation, où il peut partager ses secrets, ses craintes ou alors ses joies, spécifier ses goûts, s’exprimer en tant que genre sexué, etc.. Le jeune doit nécessairement parvenir à se resituer dans ses environnements sociaux. L’outil informatique l’aide comme instrument médiateur.

On ne peut donc pas sous-estimer son importance et sa centralité en tant qu’artefact. Par exemple, aux USA, en Europe et dans d’autres pays comme la Chine récemment; l’outil informatique tient une telle présence dans la vie quotidienne des adolescents, que certains journalistes comme Prensky (2001) n’ont pas hésité à les décrire comme des « natifs numériques ». Ces derniers s’opposant à des immigrants numériques, dont la figure de proie est le maître d’école classique, de génération précédente, imperméable à toutes immiscions de la technologie informatique dans le champ pédagogique.

Vu cette fracture générationnelle, ces natifs peuvent quelquefois mal s’adapter à la pédagogie classique en vigueur dans les écoles ou dans d’autres institutions formelles où des apprentissages structurés ont lieu, car ils développent dans des lieux informels et en utilisant l'informatique des opérations cognitives, des schèmes d’utilisation ou des compétences cognitives différentes. La dichotomie synthétisée ci-dessous dans le tableau émerge ainsi :

Le natif numérique apprend informellement au travers de l'outil informatique par... L'immigrant numérique (l'école) lui propose comme pédagogie formelle...
l'interactivité et un feedback rapide une gestion du collectif
faire plusieurs choses à la fois (multitâche...) un déroulement linéaire, amenant une chose à la fois
l'image, qui sera traitée avant le texte des tâches privilégiant le texte
choisir et sauter entre diverses sources d'informations des tâches privilégiant le texte
trouver sa motivation dans le jeu le sérieux dans le travail
choisir et sauter entre diverses sources d'informations des tâches privilégiant le texte



Mais il s’agit de relativiser une telle dichotomie entre les apprentissages à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. Premièrement, certains auteurs considèrent que l’explosion des réseaux sociaux a permis à ces natifs de développer des facultés créatives spécifiques. Ces dernières sont toutefois tout à fait valorisées dans le monde scolaire. En effet, on n'y attend pas de l’élève, qu'il révolutionne l'art ou la pensée, mais qu'il s'engage, assimile un savoir transmis et aussi qu’il change et restructure ses propres cadres de connaissance. Ce qui implique des processus créatifs.

John Palfrey et Urs Gasser (2007) avancent selon le même point de vue, que cette créativité est de type productive ou opératoire, donc valorisée par l'école, pour reprendre les termes de Rabardel. Par exemple, les copier-coller, les placements d’images détournées, les films postés sur des réseaux sociaux, les parodies et autres formes de contenus imbriqués sont de nouvelles formes d’expressions de soi et de communication, donc de nouveaux opérants, pour faire valoir son autonomie et construire son identité. On voit aussi apparaître le "tag", qui est un instrument sémiotique d’un nouveau genre. C’est un libellé représentant un mot-clé (signifiant) qui renvoie à de l’information sous forme d’article wiki, une image ou un clip vidéo. Il est introduit de manière créative par l’auteur dans une page Web. Viennent également le commentaire et l'échange communicatif sur Internet tributaires de l’engagement du jeune vis-à-vis de l’information. Sur ce point, les médias digitaux lui offrent des opportunités d’interaction, mais aussi du contenu sémiotique à symboliser.

Deuxièmement, on voit apparaître parmi les natifs numériques des enseignants habitués et donc perméables à l’instrument informatique, car ils font eux même partie de la nouvelle génération. Où est alors la fracture ? En fait cette fracture générationnelle s’exprimant différemment dans les environnements formels et informels en masque une autre qui est de nature statutaire et socio-économique. Golding (2000) observe par exemple que l’aisance d’utilisation de l’artefact informatique des jeunes est corrélée à leur classe sociale et leur sexe. Les filles étant défavorisées. Plus le niveau socio-économique des parents est élevé et plus l’adolescent a accès aux ressources informatiques et s’y entraîne. Howard, Rainie & Jones(2001) précisent que les objectifs d’utilisation d’Internet dépendent du niveau d'étude des jeunes. Plus la personne est formée, plus elle utilisera Internet pour accroître son capital de connaissance, alors qu’une personne de niveau scolaire ou de formation plus modeste valorisera davantage le divertissement (jeu d’arcade) et la communication (chat, réseaux sociaux, messageries, etc.). Ces observations sur les inégalités numériques de nature socio-économiques sont toutefois à relativiser. Bennett, Maton & Kervin (2008), dénotent premièrement qu’une grande habitude dans l’utilisation des technologies informatiques à des fins de recherche et de communication n'entraine pas de fait des compétences techniques de haut niveau. Enfin, un des moteurs principaux de l’apprentissage de l’informatique est l’intérêt et les motivations personnels de l’adolescent. Même si ce dernier dispose de ressources informatiques importantes, s’il n’a pas envie de les utiliser, son apprentissage sera moindre ou en surface.


Enjeu :

L’enjeu est donc d’appréhender et d’étudier l’instrument informatique pour l’adolescent, non pas uniquement comme un objet soumis inévitablement à des pathologies (dépendance numérique) ou des déviations; mais également comme un artefact lui permettant de se développer avec motivation.

L’informatique est en effet à la fois un instrument cognitif, psychologique ou sémiotique. Il permet à l’adolescent d’organiser ses idées, de gérer des représentations identitaires et donc de mieux se connaître, transmettre des messages symboliques et significatifs. Il est aussi de nature sociale, puisqu’il lui permet de créer ou s’intégrer dans des réseaux sociaux. Sans oublier ses aspects techniques et matériels, qui peuvent attirer sa curiosité et satisfaire ses besoins instrumentaux. L’adolescent évolue d’autre part, dans des environnements formels et structurés comme l’école et dans d’autres informels, comme le groupe de pairs, la famille, un club sportif, etc..

Il semble donc s’instaurer des différences, mais aussi une certaine dynamique et synergie entre des environnements d’apprentissage formels comme l’école et ceux informels, comme le groupe de pairs, les réseaux sociaux sur le Web, les télécommunications via les téléphones portables, où l’adolescent apprend l’informatique en l'utilisant pour satisfaire ses propres besoins psychosociaux. Il s’agit d’inclure donc aux notions vu précédemment les notions d’apprentissages formels et informels, d’en comprendre les différences, mais aussi les synergies à travers un paradigme qui nous le permette et qui prenne en compte les intérêts de l’adolescent en développement.

L’enjeu pertinent est donc pour la pédagogie de demain d’appréhender l’apprentissage de l’informatique chez l’adolescent sous un point de vue holistique, tout en se centrant sur des problématiques plus précises, comme on vient de le voir. Occulter un des points essentiels du triangle « artefact, sujet et objet d’apprentissage » peut s’avérer coûteux lorsqu’il s’agira de prendre des décisions réelles et d'intervenir concrètement, à propos de la place qu’a l’informatique pour l’adolescent, autant à l’intérieur, qu’à l’extérieur de l’école.


L'apprentissage formel et informel de l'informatique d'un point de vue écologique


Au niveau européen, on s'est dernièrement attaché à marquer une distinction entre l'apprentissage formel et celui informel. La Cedefop (2003) donne la définition européenne suivante, de l'apprentissage formel : "Apprentissage dispensé dans un contexte organisé et structuré (en établissement d’enseignement / de formation ou sur le lieu de travail), et explicitement désigné comme apprentissage (en termes d’objectifs, de temps ou de ressources). L’apprentissage formel est intentionnel de la part de l’apprenant; il débouche généralement sur la certification".

Ce qui est différent de l'apprentissage informel, qu'elle définit ainsi : "Apprentissage intégré dans des activités planifiées non explicitement désignées comme activités d’apprentissage(en termes d’objectifs, de temps ou de ressources), mais contenant une part importante d’apprentissage. L’apprentissage non formel est intentionnel de la part de l’apprenant et ne débouche habituellement pas sur la certification".

Le terme "intentionnellement" revient à chaque fois dans ces deux définitions. Or pour Brigid Barron c'est justement l'intérêt, l'intentionnalité qui sont à considérer comme le moteur essentiel de son apprentissage de l'informatique autant dans ses environnements formels et que ceux informels. Pour conceptualiser la chose, elle développe justement une approche écologique qui permet de mieux comprendre les liens et synergie existants entre l’apprentissage hors du cadre scolaire et l’apprentissage scolaire. Les relations entre l’utilisateur ou l’apprenant, l’instrument informatique et l’objet pédagogique (l’apprentissage de l’informatique) y sont abordés dans la dynamique de l’adolescent en développement, dont le ressort est l'intérêt personnel, ses émotions et ses motivations alimentés par ses besoins de constructions identitaires.

L'aspect relationnel de l'apprentissage n’est pas non plus à occulter. Par exemple, lors d’interactions familiales aux musées ou à table, le jeune peut développer un îlot d’intérêt ou d’expertise pour un sujet donné, comme les dinosaures. Cet intérêt naissant, ainsi que des compétences relatives, il va pouvoir les nourrir et les développer à l’occasion de toutes sortes d’évènements informels, mais aussi pendant ses cours à l’école. Cela est vérifiable également pour l’apprentissage de l’informatique. Sur ces points, l’auteure développe trois conjectures :

  • Chez l’adolescent l’émergence de l'intérêt pour l’informatique est souvent déclenchée par une variété de ressources (ex. jeux d’arcade, réseau social sur le Web, PC), donc aussi des artefacts, qui sont un facteur de maintient de son intérêt,
  • Pour l’adolescent, se créer des opportunités ("opportunity to learn") pour alimenter l’intérêt et apprendre soi-même (motivation, temps, liberté et ressources) est primordial,
  • De même franchir des obstacles qui peuvent freiner son apprentissage, car il est motivé pour le faire.



Pour cela il peut adopter cinq stratégies initiantes :

1. Rechercher des textes-sources
2. Se créer des projets et des activités associées
3. S’engager dans un apprentissage structuré, c’est-à-dire formel
4. Explorer des médias
5. Etablir des relations d’échanges de connaissance ou de mentorat

Ainsi, l’intérêt personnel, la construction de soi et de l’identité, mais aussi l’instrument dans ce qu’il a de schématique et artefactuel sont la pierre angulaire de l’apprentissage de l’informatique de l’adolescent dans ses environnements formels et informels, c'est-à-dire :


  • La famille (jeux, hobby, projet, jeux) à la maison
  • les communautés d’intérêts (club...librairies...)
  • L’école
  • Un cadre professionnel et lucratif
  • Les ressources distribués sur le Web (livre, tutoriel, groupe on line, forum)
  • Les amis et les pairs

A propos de la maison, comme environnement informel, l'auteure constate que c'est un point central pour l’adolescent. Son degré d’utilisation expérientielle de l’outil informatique est notamment corrélé avec le nombre d’instruments informatiques à disposition au domicile, ainsi qu’avec sa fréquence d’utilisation. De plus, les adolescents les plus expérimentés disposent enfin d’un réseau de ressources qui s’étend bien au-delà du domicile. La disponibilité des ressources au domicile est essentielle, mais il apparait tout aussi vital d'offrir des ressources d'apprentissage à travers des réseaux sociaux impliquant des pairs, des enseignants ou des parents. Comme on l’a avancé, les adolescents peuvent développer à la maison ou avec leurs amis un îlot d’intérêts pour des instruments informatiques et ils vont rechercher des opportunités autant en dehors de l’école, qu’au-dedans avec des enseignants, pour l’entretenir et faire croître des compétences. Ainsi, par la motivation et par des schèmes d’utilisations opérant dans plusieurs environnements peuvent s’expliquer les transitions environnementales de l’adolescent. Concrètement cela signifie qu’un adolescent va par exemple s’initier à la création de pages Web informellement par l’intermédiaire d’un ami qui lui montre comment il a créé son blog sur Internet. Intéressé par le sujet, il va rechercher activement des informations sur le Web et tombe sur le langage PHP, qu’il va approfondir par la lecture d’ouvrages. Il va aussi télécharger un éditeur pour HTML et PHP, ainsi que s’auto initier à la création Web. Il en parlera à son père qui a un ami travaillant dans le domaine. Ce dernier sera une sorte de mentor pour l’adolescent dans ses objectifs d’apprentissages de création Web. Objectifs qui seront renforcés par un cours d’informatique suivi à l’école justement spécialisé dans ce domaine.


A ses transitions, Bull et al.[12] trouvent cependant quelques obstacles potentiels :

  • la spécificité des objectifs d’apprentissage de l’informatique à l’école
  • les contraintes de temps en classe
  • l'intégration des technologies, qui peut venir complexifier la pédagogie en classe
  • le manque de modèle de pratique pour les enseignants désirant intégrer l’outil informatique dans leurs enseignements
  • enfin, les recherches limitées pour inspirer les "bonnes pratiques" pédagogiques dans ce cadre.

En réponse, Christine Greenhow fait deux recommandations pour favoriser le rapprochement entre scolaire et non-scolaire :

  • une redéfinition des objectifs d'apprentissage scolaires adaptés au contexte de l’utilisation de l’outil informatique en classe
  • former les enseignants à l’échange et à la communication médiatisée au travers du réseau social et de la communauté des élèves par les médias informatiques.


L’idéal serait d’établir en classe, lors des cours d’informatique, une certaine continuité entre ce qui se passe au dehors et au-dedans de l’école pour l’adolescent.

Pour synthétiser



On observe en fin de compte que l'apprentissage de l'informatique chez l'adolescent ne se limite pas seulement à des cours formels à l'école. Il débute souvent dans des lieux informels dans lesquels le jeune apprend à utiliser l'informatique non pas en tant que but en soi, mais pour satisfaire ses besoins psychologiques et sociaux. Cela n'empêche pas cependant, qu'il puisse conjointement s'intéresser à la technologie en tant que telle et désire développer des compétences techniques pointues, dans tel et tel domaine de l'informatique et ce par des cours à l'école par exemple. Mais la technologie n'est pas au centre de son apprentissage, c'est bien son intérêt personnel qui l'est en tant que moteur du développement de ses schèmes d'utilisation au contact de l'artefact informatique.

EXEMPLES ILLUSTRANT


Barron () aborde la recherche sur la thématique de l’apprentissage par une approche tenant en compte l’initiative intéressée de l’adolescent évoluant dans différents environnants et y vivant des interactions construisant sa personne. La méthode employée pour décrire les cas est de type écologique et se base sur des témoignes personnels d’utilisateurs de l’informatique adolescents.


Le premier exemple


Il concerne Jamal un jeune étudiant aux Bermuda, qui s’est alimenter un intérêt pour le développement et le design web suite à un cours à l’école. Ensuite, son apprentissage s’est généralisé à des environnements informels.

L’auteure questionne ainsi l’adolescent : « Quand tu as pris le cours, avais-tu beaucoup d’expérience avec les ordinateurs ? ».

Ce dernier répond : « Pas du tout. Quand ma mère m’a acheté un laptop, je ne connaissais rien à propos du web design ou d’HTML. Tout ce qui je connaissais de l’ordinateur était comment taper quelque chose… Je ne connaissais rien à propos d’Internet ou rien d’autres d’identique, jusqu’à ce que je vienne ici à ce cours, à Burton Hall, notre école publique aux Bermuda».

Barron() lui pose une autre question : « Avec qui étais-tu ? »

Et il répondit : « J’étais avec ma mère. Elle était très excitée parce que je faisais vraiment quelque chose qui allait au-delà du jeu électronique. Je lisais des livre en informatique ; à la maison j’utilisais de plus en plus l’ordinateur pour produire moi-même des pages Web. Je suis également allé sur l’auteur qui a écrit HTML Goodies, c’est-à-dire Joe Burns. C’était comme le livre, à part que je lui ai demandé de petites choses et lui me répondait en retour par email ».


Le deuxième exemple


Il a une configuration inverse au précédent, car l’adolescente, Stephanie, commence à apprendre l’informatique de façon informelle avec ses pairs, ce qui la mène à un désir d’en apprendre plus par l’intermédiaire d’un cours formel.

L’auteure questionne ainsi l’adolescente : « Peux-tu me dire une histoire sur toi et l’ordinateur ? Quand as-tu commencé à l’utiliser et quel type de choses as-tu faites ? ».

Cette dernière répond : « Okay, Okay, j’ai toujours eu des amis qui étaient très intéressés par les ordinateurs. Ils ont commencé à faire du Web design et ils m’ont dit que c’était vraiment fun. Je me suis donc jointe à eux et ainsi j’ai appris HTML. J’ai commencé en faisant mes propres pages Web, puis je me suis initié aux technologies industrielles, puis à la vraie programmation, mon intérêt grandissant de plus en plus».

L’auteure enchaîne : « Et comment les utilises-tu ces technologies maintenant ? »

La jeune répond : « J’ai commencé probablement à les utiliser à la maison de mes amis ou chez moi, parce que l’on voulait travailler ensemble sur nos propres pages. C’était vraiment fun. Et puis j’ai commencé à lire de plus en plus de livres à la bibliothèque, où j’y utilisais également des ordinateurs. Mais maintenant je travaille le plus à l’école, car dans ce domaine j’y fait des cours ».

Ces témoignages illustrent trois choses :


  • On observe dans ces deux cas l’émergence d’intérêts pour l’informatique. C’est comme on l’a expliqué le moteur essentiel de l’apprentissage de l’adolescent. Par exemple, pour Jamal, son intérêt a émergé essentiellement pendant un cours d’informatique où il a pu vraiment sous tutorat découvrir en profondeur ce qu'était un ordinateur, même s'il en possédait déjà un à la maison, que sa mère lui avait offert. Au contraire,les motivations de Stéphanie émergent au travers de ses interactions informelles avec ses amis, qui l’initient à ce monde. On voit aussi que dans ce processus d’émergence, ces adolescents sont actifs. Leur statut de sujet se confirme par le fait qu'ils cherchent activement des opportunités d’apprentissages : décider de suivre un cours, interagir avec des amis ou des experts, se documenter, etc..

  • Cet apprentissage actif se distribue au travers d’environnements transitionnels formels et informels. Par exemple, Jamal a commencé son apprentissage de l’informatique à l’école, un environnement formel, pour continuer à la maison ou sur Internet, des environnements informels, où il interagissait avec un expert en développement Web, pour parler de sa passion et pour des coups de pousse. Même si sa mère lui avait acheté un ordinateur portable, c’est pendant ses cours scolaires que son intérêt pour ce domaine a émergé. Ce qui n’est pas le cas pour Stéphanie qui a commencé à apprendre le développement web par l’intermédiaire d’amis, puis ensuite par des livres, ce qui l’a poussée à suivre des cours formels à l’école. Même s'il y a des différences environnementales, le jeune vit tout de même des transitions entre ce qui est d’ordre formel et d’ordre informel, car le moteur principal de son apprentissage est son intérêt pour l'artefact informatique et les schèmes d'utilisation qu'il développe. Il n’y a donc pas de dichotomie nette entre ses deux pôles. On observe même souvent des allers-retours.

  • Enfin, dans ses environnements, le jeune y trouve des ressources : sociales (contacts personnels avec sa famille le congratulant, interactions avec un expert, etc.), scolaires (textes, exploration sur Internet, cours structuré,tutoriels, etc.), matériels ou technologiques (ordinateur, applications informatiques, etc.). Ici encore les synergies dépendent de la motivation et de l’activité de l’enfant en tant que sujet. Ces ressources peuvent être également des artefacts, puisque l'informatique dans notre cas est à la fois instrument et objet.



CONCLUSION


Ce qui suit nous montre que l’apprentissage de l’informatique pour l’adolescent, n’est pas uniquement de l’apprendre à l’utiliser selon une méthode précise à l’école. L’apprentissage de l’adolescent se distribue dans une multitude d’environnements et le moteur de son évolution est bien son intérêt alimenté par ses besoins de constructions identitaires, ses interactions sociales, mais aussi ses schèmes d’utilisation et l’artefact informatique lui-même. Qui dit intérêt dit aussi émotions et affectivité. Or il semble que peu d'études s’attachent à appréhender les ressorts affectifs et les émotions qui poussent le jeune à en apprendre l’utilisation. De même qui dit identité, dit aussi formation du genre personnel sexué. Là encore il semble que peu d’études s’attachent à aborder l’apprentissage de l’informatique du point de vue ces besoins.

BIBLIO ET WEB-GRAPHIE


Jean-Yvon Birrien (1992), Histoire de l'informatique, collection Que sais-je, no2510, Éd. PUF
Rabardel, P. (1995). Les Hommes et les technologies une approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Université de Paris 8. pdf1 et pdf2
Jean-Yvon Birrien (1992), Histoire de l'informatique, collection Que sais-je, no2510, Éd. PUF
Brigid Barron, Interest and Self-Sustained Learning as Catalysts of Developpement: A Learning Ecology Perspective, (2006), Human Developpement 49: 193-224
Woods, D. D., Roth, E.M., & Bennett, K. (1987). Explorations in joint human-machine cognitive systems. In W. Zachary & S. Robertson (Eds.), Cognition, computing and cooperation. Norwood NJ: Ablex.
Erickson, E. (1998). La quête de l’identité. Champs Flammarion Sciences.
Prensky, M. (2001). Digital Natives, Digital Immigrants. On the Horizon 9:1-6