STIC:STIC IV (2017)/Jeu pour le developpement des compétences haptiques
Membres du groupe Philippe Berset, Olivier Gaudet-Blavignac, Laetitia Gosetto
Présentation du jeu
Vous et votre groupe d'aventuriers partez à la recherche du trésor d'un château abandonné. Une fois entrés, la porte se ferme violemment derrière vous et toutes les fenêtres se recouvrent d'un voile de magie noire. Vous voici coincés, vous et vos amis dans le noir le plus total. Désorientés, vous vous cognez les uns contre les autres, vous trébuchez et tout votre équipement se retrouve éparpillé. Vous allez devoir retrouver vos affaires à tâtons pour pouvoir ressortir de ce château obscur. Il va falloir trouver votre équipement sans le mélanger avec celui des autres ! Faites aussi attentions aux objets maudits et aux créatures dangereuses qui rôdent dans l'ombre...
Matériel
- Bande avec deux rangés
- 1ère rangée équipement à trouver (par exemple: épée, bouclier, casque)
- 2ème rangée équipement vide, pour scratcher les objets trouvés
- Objets à scratcher avec équipements (côté broderie et côté scratch)
- Armes: épée, baguette, hache, marteau
- Chapeau: casque carré, casque à cornes, casque arrondi
- Bouclier: rond, rectangulaire
- Accessoires: bague serpent, livre, bague magique
- Habit: Cape, Armure, plastron en cuir
- Objets à scratcher avec bonus et malus
- coffre au trésor x2
- mimic x2
- Crochet/grappin x1
- Dragon x1
- Boîte de jeu avec objets dedans
- Bandeaux pour cacher les yeux x4
- jeton points : pièce d’or
Règles
Chaque joueur construit un set d’équipement (3 objets) qu’il va devoir trouver dans la boîte, le plus rapidement possible et les yeux bandés. Lors de la 1ère manche tous les joueurs doivent trouver leur équipement dans la boîte (en fouillant à une seule main) et le scratcher sur leur bande. Il peuvent aussi prendre un bonus, mais uniquement un. Dès qu’un joueur a trouvé les 3 objets de son équipement (+1 bonus s'il le veut) le joueur peut arrêter la partie, il peut aussi arrêter la partie à 4 objets s’il veut avoir les 3 objets et un bonus. On ne compte que les objets scratchés. La manche se termine et on réalise le décompte des points. Si un joueur possède deux objets bonus, il ne peut appliquer aucun des effets.
Pour la deuxième manche, le déroulement est le même mais les joueurs changent leur set d’équipement. La troisième manche est similaire et le jeu se termine.
Le joueur ayant amassé le plus gros butin gagne la partie.
Variante: Les joueurs peuvent utiliser, soit les deux mains pour tâter un objet qu'ils ont sorti de la boite, soit une seule main (puis il conservent .
Points, bonus, malus
- +1 par objet correct
- -1 si mauvais objet d'équipement
- +2 si coffre au trésor trouvé
- -2 si c’est le mimic
- Annule effet des bonus si 2 bonus
Objets bonus
- coffre au trésor: + 2 points
- mimic (un coffre vivant): - 2 points
- Crochet/grappin: permet de voler un objet à un autre joueur (équipement ou coffre ou 1 point)
- Dragon : Fait perdre 2 points à un adversaire choisi
Temps de jeu moyen
10-15 minutes
Nombre de joueurs
2-4
Théorie
Objectifs du jeu
- Sensibilisation à l’apprentissage du Braille par les voyants
- Jeu ludique adapté à un public large: le jeu doit pouvoir être joué par des enfants et des adultes.
Intérêt de ce jeu par rapport aux jeux existants
Ce jeux s’inscrit dans la lignée de jeux conçus pour aider les enfants malvoyants et voyants à développer leurs capacités haptiques en vue de l’apprentissage du braille. La plupart de ces jeux consistent en des “memory” avec des tissus de différentes textures. Ou encore à assembler des formes entre elles, comme un puzzle. A notre sens, ces jeux manquent d’un aspect plus ludique et sont uniquement réservés aux enfants en bas âge. Il existe aussi de nombreux jeux qui sont des adaptations de jeux, mais pour personnes malvoyantes, comme des dés tactiles ou des dominos tactiles.
Notre jeu est un nouveau jeu, il ne s’agit pas classique revisité, adapté pour les malvoyants. Nous avons voulu créer un jeu qui puisse être joué par des enfants de plus de 5 ans mais aussi des adultes et que ce jeu soit ludique pour toutes les tranches d’âges. Ce jeu devait aussi pouvoir être joué par des malvoyants et des voyants ensembles. En effet, par son aspect ludique, ce jeu peut aider les personnes voyantes à mieux comprendre les non-voyants pour l’apprentissage du braille. Ainsi, sensibiliser par exemple des camarades de jeux d’un enfant malvoyant, ou ses parents. L’aspect ludique de ce jeu est dû à l’aspect compétitif du jeu, chaque joueur doit trouver le plus d’objets le plus rapidement possible pour gagner le plus de points. Il y a aussi plusieurs règles amenant de l'interaction dans le jeu comme le fait d’avoir des bonus permettant de voler un objet à un autre joueur.
Finalement, notre jeu, grâce à la reconnaissance haptique en effleurant des broderies, s’inscrit plus dans l’aide pour le braille que les autres jeux existants mais qui représentent de la reconnaissance d’objets. Par exemple, le jeu “Maitre Renard” est un jeu où les personnes doivent trouver les yeux bandés des petits objets représentant des animaux. Nous nous sommes inspirés de ce dernier pour les règles de notre jeu, étant donné que ce jeu a eu beaucoup de succès (nombreux prix). Cependant, notre jeu ne consiste pas en la reconnaissance du même type d’objet.
Apport du jeu pour l'apprentissage
D’après une analyse de Sauvé, Renaud et Gauvin (2007) sur l’apport pédagogique de plusieurs jeux, le jeu agit sur différents aspects de l’apprentissage humain. Effectivement, le jeu aide dans le développement d’habiletés de coopération, de communication et de relations humaines. Le jeu permet de développer des capacités pour rentrer en relation avec les autres, négocier, collaborer ou discuter par exemple. Ainsi, le jeu peut aider des personnes à rentrer en contact avec d’autres personnes, donc à mieux intégrer des enfants malvoyants ou aveugles avec d’autres enfants voyants. Il peut aussi encourager leur intégration, sensibilise les enfants voyants à l’apprentissage du braille et à sa difficulté.
En effet, toujours selon cette étude de Sauvé, Renaud et Gauvin (2007), le jeu améliorerait la motivation à l’apprentissage en soutenant positivement l’estime et la confiance en soi, l’engagement, le désir de persévérer et d’accomplir une tâche. De plus: “le plaisir de jouer, le défi, l’aspect compétitif, l’interaction entre les joueurs, l’effet d’entraînement et la possibilité de gagner des points, l’excitation et l’enthousiasme suscités par la participation au jeu sont d’autres facteurs de motivation” (Sauvé, Renaud et Gauvin, 2007). C’est pourquoi un jeu peut permettre d’amener à l’apprentissage du braille. Partir d’un jeu qui permette d’obtenir ces effets motivationnels par son aspect ludique peut entrainer les personnes à se sensibiliser à la reconnaissance haptique qui amènera par la suite une facilitation pour apprendre le braille. Notre jeu grâce à son aspect compétitif apporte de la motivation (être le plus rapide pour avoir le plus de points) mais aussi avoir des bonus qui pénalisent les autres joueurs (vol de points).
Apport de la modalité haptique pour l'apprentissage
Les principes pédagogiques développés par Montessori (1915, 1958) qui postule que le recours à la modalité haptique manuelle fournit un moyen qui favoriserait la connection entre l’image visuelle d’un mot et son image auditive. Dans son étude Fernald (1943) s’inspire de ces principes en utilisant une technique “multisensorielle” avec des enfants présentant des retards de lecture. Sa technique qu’il a nommé “tracé multisensoriel” consiste à tracer avec son index un mot écrit en prononçant et le regardant. Chaque mot était tracé et prononcé en amont par l’expérimentateur pour que l’enfant ait un modèle. L’enfant peut recommencer l’exercice jusqu’à ce qu’il puisse se passer du modèle.
Choix du type de joueur adapté
Nous avons donc regardé la littérature scientifique pour savoir si nos objectifs pour notre jeu pouvaient être valides, mais aussi à partir de quel âge il était possible de réussir notre jeu.
A 3-4 ans, les enfants gardent la main immobile sur l’objet ou font de discrets grattages qui sont des procédures non optimales pour la discrimination de formes (Abravanel, 1968). Dans une étude de Hatwell, Osiek et Jeanneret (1973) où les enfants de 4 et 5 ans exploraient 12 cubes identiques, fixés aléatoirement sur toute la surface d’une planche horizontale (45x25cm). Ils devaient trouver les cubes pouvant pivoter sur eux-mêmes. Il a été observé que les enfants avaient des mouvements désorganisés (ils touchent seulement 7 à 8 cubes en moyennes) et seulement sur la zone de la planche la plus proche du corps.
Vers 7-9 ans, la taille de la zone à explorer augmente, mais la main effectue un parcours peu organisé. Seulement les adultes prennent des points de repères systématiques ce qui leur permet d’avoir une exploration structurée couvrant l’ensemble de l’espace critique et de ce fait éviter de repasser plusieurs fois sur le même chemin. Ainsi, l’âge minimal de notre jeu est de 7 ans mais sachant que les adultes ont plus de capacités il serait judicieux de voir si les adultes ont plus de facilités par rapport aux enfants. Si c’est le cas, nous pourrons ajouter des règles pour rendre plus compliqué le jeu pour l’adulte ou plus facile pour l’enfant.
Test utilisateurs
Nous avons fait tester notre jeu auprès de 2 personnes, faisant ainsi des parties à 3 et 4 joueurs (étant nous-mêmes joueurs). Les 4 joueurs avaient en moyenne 25 ans et étaient voyants.
Le temps de jeu moyen était de 15 minutes, environ 2-3 minutes par manche pour joueurs adultes voyants.
Suite à plusieurs parties nous avons modifié les règles selon les retours des joueurs. Ainsi nous somme passés de 2 grappins et 2 dragons à un seul grapin et dragon.
Il pouvait y avoir des conflits quand à l’ordre d’utilisation des grappins si plusieurs joueurs en avaient un. Il y a aussi le cas peu amusant où si deux joueurs ont un grappin et un seul joueur a un coffre, le dernier joueur à pouvoir utiliser le grappin peut garder le coffre, ce qui n’est pas satisfaisant d’un point de vue ludique. Le bonus du grappin a aussi été amélioré, il permet de voler n’importe quel objet (pièce, équipement ou bonus), alors qu’avant il permettait de voler uniquement un équipement ou bonus. Comme nous réduisons le nombre de grappins, nous pouvons nous permettre de le rendre plus stratégique.
Le dragon protégeait du grappin. Suite au retour des joueurs, il est apparu que le dragon était un choix stratégique très peu utilisé. Comme il y a encore moins de chance de tomber sur un grappin, nous avons décidé de lui donner le pouvoir de faire perdre deux points à un adversaire au choix. Étant donné sa forme complexe à deviner, il semble juste que la récompense soit à la hauteur du défi. Il devient aussi un choix stratégique intéressant, car le joueur qui l’utilise doit sacrifier une possibilité de gagner des points pour en faire perdre à un adversaire en avance.
Nous avons aussi ajouté des règles:
- possibilité d’avoir un seul bonus, si on en à 2 ceux-ci s’annulent, afin d’éviter les abus (par exemple prendre que des bonus).
- jouer avec les 2 mains pour toucher les équipement (1 seule main qui sélectionne dans la boite et les 2 pour toucher l’objet).
Nous avons validé auprès des joueurs le temps de partie, soit 3 manches de 3 minutes environs. Le retour des joueurs a été très positif, le jeu est prenant, on a envie de jouer plusieurs parties. La mécanique du jeu maintenant modifiée est bien. Le fait que ce soit un jeu court est aussi très bien perçu.
Références
Abravanel, E. (1968). The development of intersensory patterning with regards to selected spatial dimensions. Monographs of the Society for Research in Child Development, 33(2), 1-52.
Fernardl, G. (1943) Remedial Techniques in Basic School Subjects, New York, McGraw-Hill.
Hatwell, Y., Oziek, G., & Jeanneret, V. (1973). L'exploration perceptive tactile d'un ensemble d'objets chez l'enfant et chez l'adulte. L'année psychologique, 73(2), 419-441.
Hatwell, Y., Streri, A., & Gentaz, E. (Eds.). (2000). Toucher pour connaître: Psychologie cognitive de la perception tactile manuelle. Presses Universitaires de France.
Montessori, M. (1915). The Montessori Method. Londres:Heinemann.
Montessori, M. (1958) Pédagogie scientifique, la maison des enfants. Alençon: Desclée de Brouwer.
Sauvé, L., Renaud, L., & Gauvin, M. (2007). Une analyse des écrits sur les impacts du jeu sur l’apprentissage. Revue des sciences de l'éducation, 33(1), 89-107.
Présentation du jeu Maitre Renard : http://videoregles.net/videoregle/maitre-renard