Principes de la recherche empirique
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⚒ 2015/03/27 | ⚒⚒ 2015/03/27 |
Introduction
Le but de ce chapitre est à la fois de vous initier à certains principes fondamentaux qui définissent la recherche empirique et d’attirer votre attention sur les considérations préliminaires à prendre en compte avant de pouvoir rédiger un projet de recherche.
La 'recherche empirique, c’est la recherche ayant pour objet des données ― 'données réelles issues de l’observation et/ou de l’expérimentation et/ou d’interactions dans un environnement d’apprentissage à distance, etc.
La lecture de ce chapitre vous aidera à réfléchir à un design de recherche (ou stratégie d’investigation) et à sélectionner une méthodologie appropriée. Nous expliquerons en quoi consiste le cycle de la recherche empirique, comment formuler une question de recherche générale, et partant de là comment formuler des questions opérationnelles qui vous aideront à répondre à cette question générale. Nous vous rendrons également attentifs aux erreurs de raisonnement à éviter et attirerons votre attention sur des problèmes de fiabilité et de validité potentiels. De plus, nous vous indiquerons comment rédiger une problématique, effectuer une revue de littérature et vous donnerons quelques conseils quant à l’écriture académique. Attention! dans la mise en place de votre étude, vous devrez revenir à plusieurs reprises sur les différents éléments abordés dans ce chapitre: ils ne peuvent pas être traités une fois pour toute et de manière linéaire.
Objectifs d’apprentissage:
- Comprendre le rôle central d’une question de recherche générale
- Connaître les éléments et l’organisation d’un processus de recherche type
- Comprendre l’«opérationnalisation», c’est-à-dire le lien entre des concepts théoriques et des mesures
- tre capable de citer les méthodes principales de recueil de données
- Comprendre les concepts de fiabilité et de validité et être capable d’interroger des théories déterministes ayant montré que certaines causes produisaient certains effets
- Etre capable de distinguer, parmi les quatre théories principales de la connaissance, dans lesquelles s’inscrit une recherche donnée
- Etre conscient que le choix d’une méthodologie a nécessairement des retombées sur les résultats et la portée de l’étude
- Etre capable de sélectionner la méthodologie de recherche la plus appropriée pour une étude donnée en fonction du contexte (expertise du chercheur, tradition de l’institution et des chercheurs impliqués, public cible auquel l’étude est destinée)
I. Considérations préliminaires
Selon Creswell (2014, p. 247), les plans et les procédures de recherche - des décisions quant aux grandes lignes de l’étude jusqu’aux méthodes détaillées de recueil et d’analyse de données ― constituent l’approche de recherche. Une approche de recherche est composée de conjectures ou d’hypothèses reposant sur des théories de la connaissance, des designs de recherche (stratégies d’investigation) et des méthodes spécifiques. |
Lorsque l’on a une idée de projet de recherche, comment prendre la décision quant à l’approche qu’il faut choisir pour l’étudier? Trois éléments sont déterminants pour effectuer ce choix:
- La nature du problème de recherche;
- L’expérience personnelle du chercheur et ses systèmes de valeurs;
- Le public cible auquel l’étude est destiné.
Les 'théories de la connaissance
Tout projet de recherche doit se positionner quant à théorie de la connaissance qu’il véhicule et, pour ce faire, préciser:
- La théorie de la connaissance proposée dans l’étude;
- Une définition des idées de base de cette théorie et les auteurs qui sont particulièrement concernés;
- Comment et en quoi la théorie de la connaissance a influencé et modelé l’approche adoptée par le chercheur pour son étude.
Les quatre théories de la connaissance les plus répandues sont:
1. Le postpositivisme;
2. Le constructivisme;
3. La perspective transformative;
4. La perspective pragmatique.
Le postpositivisme
Les philosophes occidentaux qui véhiculent cette perspective de la construction du savoir sont, par exemple, Auguste Comte, John Stuart Mill, Emile Durkheim, Isaac Newton ou John Locke. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivantsdans un projet de recherche :
- C’est une approche déterministe dans laquelle des causes déterminent des effets / des résultats;
- Les problèmes étudiés nécessitent l’identification de causes;
- La recherche inscrite dans cette approche est réductionniste car elle réduit la collecte des données à un échantillon pour faire son étude et obtenir ses résultats;
- Elle étudie le comportement des individus et il est important pour elle de développer des mesures numériques à partir des observations faites;
- Pour cette approche, le savoir est conjecture et la vérité absolue ne peut jamais être trouvée. Des lois et des théories gouvernent le monde et celles-ci doivent être testées et/ou vérifiées puis affinées pour comprendre ce monde;
- La méthode scientifique consiste, pour un chercheur, à commencer avec une théorie, collecter des données qui appuient ou, au contraire, contredisent cette théorie, faire les révisions nécessaires et conduire les expériences.
Le constructivisme ou le socio-constructivisme souvent combiné à de l’interprétativisme
C’est une approche qui tire ses origines dans les travaux de Karl Mannheim et, plus récemment de Peter L. Berger et Thomas Luekmann ou encore Yvonna Lincoln et Egon G. Guba. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivantsdans un projet de recherche :
- Une croyance selon laquelle les individus cherchent à comprendre le monde dans lequel ils vivent et développent des significations différentes selon leurs propres expériences. Le chercheur, a pour rôle de rendre compte de la complexité et de la diversité de ces significations.
- Le chercheur a pour intention de faire émerger du sens à partir de l’interprétation qu’il propose en se basant sur les significations du monde communiquées par les participants.
- L’objectif de la recherche consiste à s’appuyer sur la perspective des participants et à étudier les interactions entre participants ainsi que les contextes sociaux, historiques et culturels.
- Le chercheur reconnait que son background a une influence sur son interprétation et se positionne clairement dans la recherche.
- Le chercheur peut travailler de manière déductive ou inductive et ne part donc pas forcément avec une théorie.
La perspective transformative
La perspective transformative repose sur les travaux de Karl Marx, Theodor W. Adorno, Herbert Marcuse, Jrgen Habermas ou Paulo Freire. Elle est née dans les année 1980 / 1990 parce que certains chercheurs considéraient que l’approche socio-constructiviste n’allait pas assez loin, ne proposait pas d’agenda pour réellement aider des groupes marginaux alors que le postpositivisme ne faisait qu’imposer des lois structurelles qui ne convenaient pas aux groupes marginaux. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivantsdans un projet de recherche :
- Elle soutient l’idée selon laquelle la recherche doit être mêlée à la politique et à un agenda de changement pour confronter l’oppression sociale.
- La recherche contient un agenda de réformes.
- Les problématiques spécifiques de pouvoir, d’inégalité, d’oppression, etc. sont souvent le point de départ d’une recherche.
- Le chercheur travaille de manière participative avec les participants pour ne pas les marginaliser d’avantage.
- La recherche est un moyen de donner une voix à un groupe marginalisé.
Perspective pragmatique
La perspective pragmatique repose sur les travaux de Charles Sanders Peirce, William James, George Herbert Mead ou John Dewey. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivantsdans un projet de recherche :
- Le pragmatisme en tant que théorie, émerge d’actions, de situations et de conséquences et non de conditions antécédentes comme c’est le cas dans l’approche postpositiviste par exemple.
- Elle est concernée par l’application, cherche à trouver des solutions qui marchent à des problèmes concrets.
- Elle se focalise sur le problème de recherche (sans s’affilier à un courant philosophique particulier) et utilise toutes les approches à disposition pour le comprendre au mieux et extraire de cette compréhension, une solution/application. La vérité est perçue comme ce qui fonctionne dans un contexte donné, à un moment donné.[#_msocom_2 [B2]]
Les designs de recherche
Comme indiqué ci-dessus, le deuxième élément constitutif d’une approche, après la théorie de la connaissance, est le design de recherche ou la stratégie d’investigation. C’est ici que nous introduisons les termes qualitatif, quantitatif et méthodes mixte.
La recherche qualitative est un moyen d'explorer et de comprendre la signification que des individus ou des groupes attribuent à un problème humain ou social. Le processus de recherche implique l'utilisation de questions et de procédures émergeantes; la collecte de données sur les lieux des participants; l'analyse de données de manière inductive, partant du particulier pour construire des thèmes généraux; et l'interprétation du sens des données. Un rapport de recherche qualitative est de structure flexible. La recherche quantitative est un moyen de tester des théories objectives en examinant la relation entre les variables. Ces variables peuvent être mesurées, à l'aide d'instruments, pour que les données numériques puissent être analysées par des procédures statistiques. Le rapport final d'une recherche quantitative est de structure fixe: introduction, revue de la littérature et théorie, méthodes, résultats et discussion. La recherche de type méthodes mixtes est une approche de recherche qui combine les deux formes de recherche, qualitative et quantitative. Elle implique un positionnement philosophique, l'utilisation d'approches qualitative et quantitative et l'intégration ou l'utilisation alternée des deux approches dans l'étude. |
« Le design de la recherche, ou architecture de la recherche, est la trame qui permet d’articuler les différents éléments d’une recherche : problématique, littérature, données, analyse et résultat » (Royer & Zarlowski, 2009, p. 144).
Le design de la recherche, ou «stratégie d’investigation» (Denzin & Lincoln 2011, cités par Creswell 2014, p. 12) peut se concevoir comme une enquête spécifique menée au sein d’approches qualitative, quantitative ou mixtes et qui, de ce fait, canalisent les choix quant aux procédures.
Exemple de design de recherche quantitative
Le design expérimentalcherche à déterminer si un traitement spécifique influence un résultat. Pour mettre en place un design expérimental, il s’agit de choisir deux groupes identiques, d’administrer un traitement à l’un et non à l’autre et ensuite de comparer les résultats.
Le design non expérimental comme l’enquête par sondage qui fournit une description numérique de tendances, attitudes ou opinion par un sondage mené sur un échantillon donné.
Exemple de design de recherche qualitative
Dans la recherche narrative, le chercheur étudie la vie des participants et leur demande de produire l’histoire de leur vie. Cette histoire est re-racontée de manière chronologique et combine la vue du chercheur et celle du participant.
Dans la recherche phénoménologique, le chercheur décrit les expériences vécues par les participants par rapport à un phénomène donné, et en partant de là, cherche à extraire l’essence, les universaux, de cette expérience.
Dans la théorie ancrée, le chercheur part de la perspective des participants et cherche à faire émerger de nouvelles théories à partir d’un procédé analytique de saturation de données. Ce processus implique différentes étapes de recueil de données et l’affinement progressif des catégories d’information.
Dans la recherche ethnographique, le chercheur étudie les patterns communs d’un groupe donné sur un temps donné qui est généralement long.
Dans les études de cas, le chercheur développe une analyse en profondeur d’un cas ― un programme, un processus ou encore un ou plusieurs individus.
Dans l’analyse de discours, le chercheur, en se basant sur les textes, s’intéresse aux concepts, à la linguistique et à l’organisation narrative du texte. L'analyse de discours part du principe que dans tout acte de communication, il y a bien plus qu'un simple transfert d'information. Le chercheur a pour objectif de mettre à jour tout ce qui se passe et est échangé par le biais du langage et de la culture. Il existe pléthore de méthodes d’analyse de discours (e.g. Adam, Bakhtine, Foucault, etc.).
Exemple de design de recherche mixte
Les méthodes mixtes impliquent la combinaison ou l’intégration de designs de recherche qualitatif et quantitatif. Les formes de collecte, analyse et interprétation des données dépendent des scénarios retenus (QUANTITATIF ― QUALITATIF / QUALITATIF ― QUANTITATIF / séquentiel ou parallèle).
Les méthodes
Enfin, les méthodes constituent le troisième élément d’une approche de recherche, selon Creswell, après la théorie de la connaissance et le design de recherche. Les méthodes spécifiques indiquent des procédures de collecte, analyse et interprétation des données. Le Tableau 10 les classe en fonction 1) du degré de leur nature prédéterminée, 2) de l'utilisation de questions ouvertes ou fermées et 3) de l'utilisation de données numériques ou non-numériques dans l'analyse des données.
Méthodes qualitatives | Méthodes quantitatives | Méthodes mixtes |
Méthodes émergeantes | Prédéterminées | Prédéterminées et émergeantes |
Questions ouvertes | Questions basées sur des instruments | Questions ouvertes et fermées |
Données d’entretien Données d’observation Données de documents Données audio-visuelles |
Données de performance Données d’attitude Données d’observation Données de recensement | Formes multiples de données ouvrant toutes les possibilités |
Analyse de texte et d’image | Analyse statistique | Analyse statistique et textuelle |
Thèmes Interprétation à partir de pattern | Interprétation statistique | Interprétation à partir de l’ensemble des bases de données |
Tableau 10: Méthodes quantitatives, qualitatives et mixtes (Creswell, 2014, p. 17)
Approches de recherche'
Les trois éléments ― théorie de la connaissance, design de recherche et méthodes spécifiques - contribuent à dire qu'une approche de recherche tend à être qualitative, quantitative ou mixte. Le tableau ci-dessous répertorie des différences majeures et nous espérons qu'il pourra aider le chercheur à choisir l’approche la plus appropriée pour son projet de recherche.
Typiquement, tendent à ... | Approche de type qualitative | Approche de type quantitative | Approche de type mixte |
Utiliser ces principes philosophiques ' |
Théorie de la connaissance constructiviste / transformative | Théorie de la connaissance postpositiviste | Théorie de la connaissance pragmatique |
Utiliser ces stratégies d’investigation |
Phénoménologie Théorie ancrée Ethnographie Etude de cas Recherche narrative Analyse de discours | Enquête et dispositif expérimental |
Séquentielle Concurrente Transformative |
Utiliser ces méthodes |
Questions ouvertes Approches émergeantes Données de type texte ou image |
Questions fermées Approches prédéterminées Données numériques |
Questions ouvertes et fermées Approches émergeantes et prédéterminées Analyse de données quantitative et qualitative |
Utiliser ces pratiques de recherche en tant que chercheur |
Se positionner en tant que chercheur Collecter les significations du monde des participants Focaliser sur un concept ou phénomène Apporter ses valeurs personnelles dans l’étude Etudier le contexte des participants Utiliser des techniques de validation des résultats Interpréter les données Propose un agenda de réformes Collaborer avec les participants |
Tester ou vérifier une théorie Identifier les variables à étudier Relier variable et hypothèses de recherche Utiliser des standards pour vérifier la validité et la fiabilité des résultats Observer et mesurer l’information de manière numérique Utiliser des approches non biaisées Utiliser des procédures statistiques |
Collecter des données quantitative et qualitative Développer une logique d’utiliser des designs et méthodes mixtes Intégrer les données à différentes étapes de la recherche Présenter des représentations visuelles des procédures retenues Utiliser les pratiques des recherches qualitative et quantitative
|
Tableau 11: Les approches de recherche qualitative, quantitatives et mixtes (Creswell, 2014, p. 18)
Exemples de scénario typiquespour trois approches:
'Approche qualitative: Théorie de la connaissance constructiviste / Design ethnographique / Méthode d’observation'
Le chercheur cherche à comprendre la signification d’un phénomène du point de vue des participants. Cela implique l’identification d’un groupe partageant une culture commune pour étudier le développement de patterns de comportement partagés sur une durée de temps donnée. Les données sont recueillies par l’observation du comportement des participants lorsqu’ils sont en activité. Les données sont analysées par le biais de méthodes de codage, manuel, automatique ou semi-automatique (Saldana, 2013, Roy & Garon, 2013).
'Approche quantitative: Théorie de la connaissance postpositiviste / Design expérimental / Pretest et postest pour mesurer l’attitude'
Le chercheur teste une théorie en spécifiant des hypothèses précises et une collecte des données précises pour réfuter ou confirmer une hypothèse. Un design expérimental est mis en place pour évaluer les attitudes avant et après le traitement. Les données sont recueillies à l’aide d’un instrument qui mesure les attitudes et l’information est analysée par le biais de procédures statistiques.
'Approche mixte: Théorie de la connaissance pragmatique / Recueil de données qualitative et quantitative de type séquentiel'
Le chercheur part du principe que recueillir des données qualitative et quantitative permettra de mieux comprendre le problème de recherche. L'étude débute avec une grande enquête pour généraliser les résultats sur une population donnée, puis enchaîne avec des entretiens qualitatifs visant à recueillir les perspectives précises des participants pour expliquer les résultats obtenus initialement par l'enquête.
Critères de sélection d’une approche de recherche
Comment sélectionner une approche de recherche face à une problématique donnée?
Six facteurs sont à prendre en considération dont trois ― les trois premiers - que nous avons déjà passés en revue:
1) La vision philosophique de la construction du savoir;
2) Le design de recherche ou stratégies d’investigation;
3) Les méthodes spécifiques de collecte, analyse et validation de données;
4) Le problème et les questions de recherche;
5) La formation et l’expérience personnelle du chercheur;
6) Le public cible à laquelle s’adresse l’étude.
En quoi le problème et les questions de recherche influence-t-ils le choix d’une approche? Un problème de recherche mérite d’être étudié pour plusieurs raisons dont les quatre suivantes qui ne sont pas exhaustives: le problème n’est pas encore traité dans la littérature, les résultats rapportés dans la littérature sont contradictoires, le chercheur souhaite donner une voix à des personnes marginalisées, le chercheur souhaite aborder la problématique sous un autre angle.
Si le problème, dans une recherche de type sociologique:
- Cherche à identifier un facteur qui influence un résultat;
- Cherche à évaluer l’utilité d’une intervention;
- Cherche à comprendre les meilleurs prédicteurs de résultats;
Alors l’approche sera plutôt quantitative.
- Cherche à comprendre un phénomène social complexe;
Alors l’approche sera plutôt qualitative.
- Nécessite les deux approches pour l’étudier;
Alors l’approche sera plutôt mixte.
En quoi la formation et l’expérience personnelle du chercheur entrent-t-elles en jeu?
Une personne formée à l'écriture scientifique et aux statistiques, originaire des sciences «dures» et habituée à lire des articles quantitatifs, aura plutôt tendance à privilégier un design quantitatif. De même, une personne à l’aise avec la rédaction littéraire ou la conduite d’entretiens privilégiera probablement une approche qualitative. Le chercheur qui privilégiera une approche mixte est une personne ayant des connaissances dans les deux approches ― quantitative et qualitative - et disposant du temps et des ressources nécessaires pour conduire une recherche de type mixte.
Enfin, le public cible auquel s’adresse l’étude est un dernier facteur à prendre en compte. A qui cette recherche est-elle adressée? A des décideurs? A des pairs praticiens? etc. Etant donné que le public cible est le juge ultime de l’étude et que c’est lui qui va lire et accepter (ou non) la recherche, il est important de savoir quelle approche il a l’habitude d’utiliser, que ce soit pour utiliser la même ou pour inscrire l’étude dans une autre approche en prévoyant des passerelles pour s’assurer la compréhension du public cible.
Pour pratiquer:
1) Mentionnez trois caractéristiques qui distinguent une étude qualitative d’une étude quantitative.
2) Identifiez une question de recherche dans un article scientifique et regardez, de manière critique, si l’approche choisie vous semble la meilleure pour étudier cette question. Documentez votre réponse.
3) Dans votre domaine et dans votre pays, les recherches se basent-elles, d’un point de vue théorie de la connaissance, sur des courants philosophiques occidentaux? Quels sont les philosophes non occidentaux qui influencent les recherches (e.g. les travaux de Ibn Khaldoun sont-ils utilisés et comment?)
4) En vous basant sur votre projet de recherche, élaborez une première version de l’approche que vous pourriez utiliser. Vous détaillerez a) la théorie de la connaissance que vous retenez, b) le design de recherche (stratégie d’investigation) qui vous semble le plus approprié, c) les méthodes spécifiques de recueil et d’analyse de données. Précisez si la recherche s’oriente vers une recherche qualitative, quantitative ou mixte et décrivez déjà un scénario, de manière très générale. Justifiez vos choix.
II. Introduction et cycle type d’une recherche empirique
Suivant l’approche envisagée, les détails relatifs à un cycle de recherche donné peuvent considérablement changer. Toutefois, pour la plupart des recherches, il convient tout d’abord de définir des questions de recherche précises en s’appuyant sur une revue de littérature et sur une réflexion consacrée aux objectifs.
La Figure 9: Le cycle typique de la recherche montre un cycle de recherche type. Nous distinguons cinq étapes principales: (1) définir les objectifs, lire la théorie et formuler les questions; (2) utiliser des cadres conceptuels et analytiques pour rendre ces questions plus opérationnelles; (3) créer des instruments de recherche et/ou des designs de recherche(stratégies d’investigation); (4) recueillir les données; (5) analyser les données et reporter les résultats.
Vous devez en général commencer par rendre plus explicite votre question de recherche (ce que nous appelons les conceptualisations) et créer des artéfacts (i.e. des instruments de recherche ou des designs de recherche). Vous devez ensuite recueillir des données (i.e. mesures) qu’il vous faudra analyser afin de répondre à la question de recherche principale et aux sous-questions. Ce processus est représenté visuellement dans la Figure 10: Répondre à une question de recherche.
Pour mieux comprendre chacun des éléments de ce processus, voici quelques détails pour chacun d’entre eux:
- Conceptualisations: par conceptualisations, nous entendons un ensemble d’outils intellectuels qui vous aideront à organiser vos questions de recherche et le savoir sur un sujet donné.
Il s’agit ici de rendre les questions explicites, d’identifier les concepts principaux (variables), de définir les termes clés et leurs dimensions, de trouver des grilles d’analyse, de définir des hypothèses, etc.
- Artéfacts: par artéfacts, nous entendons un instrument construit par l’être humain à des fins particulières. Autrement dit, un artéfact est un objet pertinent créé par des personnes, pour un usage précis (Stahl, 2002, http://gerrystahl.net/cscl/papers/ch15.pdf ).
Il s’agit ici de développer du matériel de recherche (e.g. des expériences, des sondages), de développer et/ou d’implémenter des logiciels (e.g. knowledge forum (www.KnowledgeForum.com)), de mettre en oeuvre des designs sur le terrain (e.g. vous avez mené une étude de besoins, conçu un environnement d’apprentissage adapté et le mettez en service dans une institution donnée, avec les apprenants, les formateurs, etc.), etc.
Notez encore que les artéfacts peuvent avoir pour seul but la recherche (e.g. un questionnaire), mais peuvent également avoir des objectifs «réels» (e.g. un environnement d’apprentissage à distance pour un besoin de formation précis).
- Mesures: par mesures, nous entendons la mise en oeuvre de différentes méthodes pour recueillir les données de manière appropriée, et ainsi pouvoir répondre à la question de recherche.
Il s’agit ici de faire des observations (i.e. faire des mesures) sur le terrain ou par l’intermédiaire d’expériences. Il s’agit d’utiliser vos artéfacts de différentes façons pour recueillir des données.
- Analyses et conclusions: Il s’agit ici d’analyser les données (de manière statistique ou qualitative) et de les mettre en lien avec des énoncés théoriques (e.g. vos questions de recherche opérationnelles et/ou vos hypothèses).
III. Objectifs de recherche, questions de recherche et problématique
Objectifs de recherche
Les objectifs de recherche sont le point de départ d’un projet de recherche: ils indiquent pourquoi vous voulez entreprendre cette étude et ce que vous pensez pouvoir accomplir en la réalisant (Figure 11).
Les objectifs de recherche indiquent l’intention de l’étude, les objectifs, l’idée principale. Cette idée principale est issue d’un besoin (le problème de recherche) et affinée dans des questions spécifiques (les questions de recherche). D’o le besoin de formuler clairement les questions de recherche pour pouvoir faire ressortir l’idée centrale de ces objectifs de recherche.
Dans un projet de recherche, il est important de formuler les objectifs de recherche dès l’introduction afin d’aider le lecteur à situer votre étude. Selon la méthodologie que vous utilisez (qualitative, quantitative, mixte), la formulation de cet objectif sera sensiblement différente.
Pour une recherche qualitative, les objectifs d’une étude donnent des informations quant au phénomène central qui va être exploré, les participants et le terrain. Au niveau de la rédaction, cela se traduit par la mention des éléments suivants:
- L’utilisation de mots tel que objectif, intention, but, finalité, etc.;
- La focalisation sur un seul phénomène ou concept ou idée;
- L’utilisation de verbes d’action pour expliquer comment l’étude va s’effectuer, tels que comprendre, développer, explorer, examiner la signification, découvrir, etc.;
- L’utilisation d’une position neutre. Ecrire par exemple «Le but de cette étude est d’explorer l’utilisation de YouTube dans l’apprentissage informel» et non «Le but de cette étude est d’explorer l’utilisation positive de YouTube dans l’apprentissage informel»;
- La définition du phénomène central même si cette définition va être amenée à évoluer (e.g. la définition provisoire du phénomène);
- L’utilisation de termes indiquant le design de recherche (stratégie d’investigation) choisi pour recueillir les données (e.g. étude de cas, théorie ancrée, étude phénoménologique, étude narrative, étude ethnographique, etc.);
- La mention des participants et du terrain d’investigation;
- La délimitation du champ de l’étude. Pour reprendre l’exemple précédent «Le but de cette étude est d’explorer l’utilisation de YouTube dans l’apprentissage informel», indiquer que l’étude se focalise sur des individus âgés de 20 à 25 ans, engagés dans un cursus universitaire donné, de niveau Master.
Exemple de scriptpour exposer les objectifs d’une recherche qualitative:
L’objectif de --------------------------- [type de recherche: étude de cas? étude narrative? étude phénoménologique? etc.] est de ------------------------- [comprendre? explorer? développer? découvrir? dévoiler? etc.] le ------------------------- [phénomène central] pour ------------------------[les participants en indiquant s’il s’agit d’individus, de groupes, d’organisations, etc.] dans -------------------[nommer le terrain]. A ce stade de la recherche, le ---------------- [phénomène central que l’on se propose d’étudier] sera généralement défini comme ----------------- [fournir une définition générale].
Pour une recherche quantitative, les objectifs d’une étude incluent les variables et leur relation, les participants et le terrain, ainsi qu’un langage quantitatif donné et le test déductif des relations ou des théories. Il s’agit d’abord d’identifier les variables principales qu’on se propose d’étudier (indépendante, intervening[#_msocom_3 [B3]], dépendante) ainsi que de produire une représentation visuelle pour que le lecteur identifie bien les relations entre variables. Il s’agit ensuite de spécifier comment les variables vont être mesurées et / ou observées et enfin d’indiquer le but ultime, à savoir d’établir des relations entre variables (e.g. enquête par sondage) ou de comparer des groupes en termes de résultats (e.g. dispositif expérimental ou quasi-expérimental). Au niveau de la rédaction, cela se traduit par la mention des éléments suivants:
- L’utilisation de mots tel que objectif, intention, but, finalité, etc.;
- L’identification de la théorie, du modèle, du cadre conceptuel ou du cadre analytique utilisé, sans le détailler dans cette section du projet de recherche;
- L’identification des variables indépendante, dépendante ainsi que toute variable utilisée (e.g. mediating, moderating, control);
- L’explicitation des liens existant entre variables ou de la comparaison qui va être effectuée;
- La mention du design de recherche (stratégie d’investigation) choisi pour recueillir les données (e.g. enquête par sondage, dispositif expérimental ou quasi-expérimental) pour anticiper la section méthodes du projet de recherche;
- L’indication des participants et/ou de l’unité d’analyse ainsi que le terrain;
- La définition de chaque variable clé en s’appuyant sur la littérature.
Exemple de scriptpour exposer les objectifs d’une recherche quantitative:
L’objectif de --------------------------- [expérience? sondage?] est de tester la théorie de ----------------- qui ---------------- [décrire les résultats de la théorie en question] ou de --------------------- [comparer? montrer la relation?] du ---------------------- [variable indépendante] avec le ---------------------- [variable dépendante], en contrôlant -------------- [variables de contrôle] pour --------------- [participants] sur le ------------ [terrain]. La variable indépendante est définie comme suit ------------------- [apporter une définition de la littérature]. La variable dépendante est définie comme suit ------------ [apporter une définition de la littérature], et les ------------- [identifier les variables de contrôle et les intervening variables] sont définies comme suit [apporter une définition de la littérature].
Pour une recherche mixte, les objectifs d’une étude incluent l’intention générale, des informations sur les axes qualitatifs et les axes quantitatifs ainsi qu’un raisonnement logique expliquant les raisons d’intégrer les deux axes pour étudier ce problème de recherche.
Au niveau de la rédaction, cela se traduit par la mention des éléments suivants:
- L’utilisation de mots tel que objectif, intention, but, finalité, etc.;
- L’indication de l’objectif global d’un point de vue du contenu pour ancrer le sujet d’étude auprès du lecteur avant d’entrer dans la division en axes qualitatif et quantitatif;
- L’indication du type de design retenu (exploratoire séquentiel, ancré, transformationnel, etc.);
- La discussion des raisons de combiner du qualitatif et du quantitatif. Exemples: le développement d’une compréhension complète d’un problème en comparant les résultats qualitatif et quantitatif; comprendre les données plus finement par l’utilisation de données qualitatives après l’exploration des données quantitatives.
Exemple de scriptpour exposer les objectifs d’une recherche mixte avec un design de type séquentiel explicatif dont le but est de comprendre les résultats quantitatifs à un niveau plus fin en poursuivant la recherche par des données qualitatives:
Cette étude a pour objectif ------------ [expliciter en termes d’objectif de contenu]. Un design mixte de type séquentiel explicatif est utilisé et implique d’abord un recueil de données quantitatives puis l’explication de ces résultats quantitatifs avec des données qualitatives. Dans la première phase quantitative de l’étude, ------------- [instrument quantitatif] les données sont recueillies des --------- [participants] de ----------- [terrain] pour tester ------------- [nom de la théorie] et ainsi évaluer si ----------- [variable indépendante] est liée à ----------- [variable dépendante]. La deuxième phase, qualitative, est conduite dans le but d’expliquer les résultats quantitatifs de la première phase. Pour cette phase qualitative, nous prévoyons d’explorer ----------- [phénomène central] avec ------------ [participants] de --------- [terrain].
Pour pratiquer:
En utilisant les trois exemples de script pour une recherche qualitative, quantitative et mixte, ainsi que les éléments qui doivent figurer dans un énoncé d’objectifs, rédigez les objectifs de votre recherche. Autrement dit, prenez votre sujet de recherche et rédigez-en les objectifs pour chacune des trois méthodologies. Cela vous entrainera à une certaine gymnastique d’esprit et vous permettra de lire plus facilement les articles de recherche dans l’une ou l’autre des approches.
Questions de recherche
Les questions de recherche sont le résultat de:
- vos objectifs initiaux (qu’il vous faudra éventuellement reconsidérer)
- la (première) revue de littérature
Tout ce que vous prévoyez de faire, dans votre projet de recherche, doit être formulé dans la question de recherche centrale.
Comment formuler une question de recherche qualitative? Au niveau pratique de la formulation d’une question de recherche centrale et d’une dizaine de sous-questions associées, voici quelques conseils:
- La question de recherche centrale est une question large qui cherche à explorer le phénomène central de l’étude. La question de recherche centrale et l’approche qualitative choisie doivent être alignées dans un tout cohérent.
- Pour formuler cette question de recherche centrale, demandez-vous: quelle est la question la plus large que je puisse poser par rapport à cette recherche? tout en ayant en tête que l’objectif consiste à explorer les facteurs complexes autour du phénomène central pour, au final, pouvoir présenter les significations et perspectives des participants.
- Focalisez-vous sur UN SEUL phénomène ou concept. Demandez-vous quel est LE phénomène que vous voulez explorer.
- Formuler, au maximum, une dizaine de sous-questions: elles servent à centrer l’étude.
- Se renseigner sur la formulation de la question de recherche centrale dans la tradition d’investigation que vous allez adopter (e.g. phénoménologique, recherche ethnographique, narrative, etc.).
- Formuler la question de recherche centrale pour communiquer la nature émergeante de la recherche et la débuter par des mots comme comment, en quoi.
- Utilisez des verbes évoquant le caractère émergeant de l’étude que vous allez entreprendre tout en indiquant ce que vous allez faire. Exemples: pour une recherche narrative, reporter des histoires; pour une recherche phénoménologique, décrire l’essence d’une expérience; pour une recherche de type théorie ancrée, découvrir; pour une recherche ethnographique, chercher à comprendre; pour une étude de cas, explorer un processus, etc.
- Préparez-vous à l’évolution de la question de recherche centrale durant la réalisation de la recherche.
- Spécifiez les participants impliqués dans l’étude ainsi que le terrain de recherche.
Exemple de script pour la rédaction d’une question de recherche qualitative centrale:
[En quoi, comment] est-ce que ------------- [les histoires s’il s’agit de recherche narrative; la signification de s’il s’agit de recherche phénoménologique; le problème s’il s’agit d’une étude de cas; etc.] de ------------- [phénomène central] pour ---------------- [participants] de ------------ [terrain].
Comment formuler une question de recherche quantitative? Une question de recherche quantitative spécifie les relations entre variables que le chercheur cherche à découvrir. Les hypothèses quantitatives sont des prédictions que le chercheur fait sur les résultats attendus de relations entre variables. Il y a trois démarches de base:
1. Comparer des groupes par rapport à une variable indépendante pour voir son impact sur une variable dépendante (e.g. design expérimental);
2. Etablir une relation entre une ou plusieurs variables indépendantes et une ou plusieurs variables dépendantes (e.g. enquête par sondage avec corrélation de variables);
3. Décrire les réponses aux variables indépendantes, mediating, et indépendantes (e.g. étude descriptive).
Au niveau pratique de la formulation d’une question de recherche quantitative, voici quelques conseils:
- Les recherches quantitatives les plus rigoureuses consistent à tester une théorie et la question de recherche reprend, dans ce cas, des relations entre variables de cette théorie.
- Les variables indépendantes et dépendantes doivent être mesurées séparément et ne doivent pas être mesurées sur le même concept. Cette procédure renforce la logique cause et effet de la recherche quantitative.
- Si vous utilisez des hypothèses, il en existe trois formes: 1) les hypothèses nulles. Une hypothèse nulle fait la prédiction que dans la population générale, il n’y a pas de relation ou de différence significative entre groupes sur une variable donnée; 2) les hypothèses alternatives ou directionnelles. En utilisant une hypothèse alternative ou directionnelle, le chercheur prédit le résultat de son étude en se basant sur la littérature (e.g. les scores seront plus élevés pour le groupe A que pour le groupe B sur la variable dépendante); 3) les hypothèses non directionnelles. En utilisant une hypothèse non directionnelle, le chercheur fait une prédiction mais sans la préciser car la littérature ne lui permet pas de le faire (e.g. il y aura une différence de scores entre le groupe A et le groupe B sur la variable dépendante mais on ne connait pas sa nature).
- Utilisez des variables non démographiques (e.g. l’attitude, le comportement) en tant que variable mediating. Comme il s’agit de tester des théories, les variables démographiques (e.g. âge, salaire, niveau d’éducation) interviennent souvent comme variable mediating au lieu d’être utilisées comme variables indépendantes principales.
Exemples de scripts pour la rédaction d’une question de recherche quantitative:
- Exemple de question de recherche quantitative décrivant les résultats pour une variable: Quelle est la fréquence et la variation de score de ---------- [nom de la variable] pour ------------ [participants] dans l’étude?
- Exemple de question de recherche quantitative cherchant à examiner la relation entre variables: Est-ce que ------------- [nom de la théorie] explique la relation entre --------- [variable indépendante] et -------------- [variable dépendante], contrôlant les effets de ---------- [variable de contrôle]?
- Exemple de question de recherche quantitative comprenant une hypothèse nulle: Il n’y a pas de différence significative entre ------- [groupe expérimental et groupe de contrôle sur la variable indépendante] par rapport à ----------- [variable dépendante].
Comment formuler une question de recherche mixte? Une recherche mixte devrait comporter une question de recherche mixte, une question de recherche qualitative et une question de recherche quantitative. Pour rédiger les questions qualitative et quantitative, les conseils ci-dessus sont à utiliser de la même manière. Pour rédiger la question mixte, il existe trois formes principales:
- Orienter la question de recherche sur la méthode. Exemple: Est-ce que les données qualitatives aident à comprendre les résultats obtenus durant la phase quantitative initiale?
- Orienter la question de recherche sur le contenu. Exemple: Est-ce que la thématique de soutien social aide à comprendre pourquoi certains apprenants deviennent des intimidateurs dans les écoles?
- Orienter la question de recherche sur la méthode et le contenu. Exemple: En quoi les données d’entretiens qualitatifs sur le harcèlement en milieu scolaire, par des apprenants, expliquent pourquoi le soutien social, mesuré de manière quantitatif, tend à décourager le harcèlement mesuré sur une échelle de harcèlement?
Pour pratiquer:
Pour une recherche qualitative, rédigez une ou deux questions centrales suivies de 5 sous-questions. Référez-vous à la littérature de votre domaine pour identifier des articles de recherche qualitative et identifiez les questions de recherche. Comparez vos formulations avec celles trouvées dans la littérature.
Pour une recherche quantitative, rédigez deux jeux de questions: 1) le premier jeu de questions comportera des questions descriptives sur les variables indépendantes et dépendantes de votre étude; 2) le deuxième jeu établira des relations ou des comparaisons entre les variables indépendantes et les variables dépendantes.
Pour une recherche de type mixte, rédigez, en vous basant sur vos questions qualitatives et quantitatives, une question mixte de façon à inclure les deux méthodes.
La problématique de recherche
«L’élaboration du discours argumentatif ou problématique cernant le problème requiert de réunir des matériaux de différents types et origines et de les assembler de manière à bâtir un raisonnement qui en atteste l’intérêt et la pertinence. Les arguments peuvent provenir directement de la situation observée. Ils peuvent provenir d’autres sources relatant des observations similaires faites ailleurs.
La problématique doit progresser de façon à circonscrire et décrire de manière pertinente :
- l’objet de recherche;
- le(les) objectif(s) de recherche ;
- le(les) problème(s) ou la(les) question(s) de départ à étudier.
Pour construire une problématique, le chercheur doit explorer et exploiter divers matériaux ayant trait à son domaine, son thème et son sujet (provisoire) : littérature grise (thèses, mémoires de recherche, rapports d’étude et d’expertise, actes des rencontres scientifiques, etc.), littérature populaire (romans, presse, films, CD, etc.), littérature scientifique (livres, ouvrages et revues scientifiques, encyclopédies et dictionnaires spécialisés, etc.), comptes rendus de faits ou d’événements, rapports historiques, bases de données d’enquêtes nationales ou internationales, annuaires statistiques, etc.
Exemple:
Sall (1996) consacre les deux premiers chapitres de sa recherche ‘Efficacité et équité de l’enseignement supérieur. Quels étudiants réussissent à l’Université de Dakar’ à délimiter le problème posé à travers la réussite dans l’enseignement supérieur et à en rechercher les fondements historiques. Dans le chapitre premier intitulé ‘Le problème’, la première partie campe à travers un ‘Tableau général’ (de l’éducation au Sénégal) ‘une situation préoccupante’. La deuxième partie du même chapitre dresse un ‘Tableau général de l’enseignement supérieur’ au Sénégal.
Le chapitre II ‘Eléments d’histoire’ procède à l’analyse de l’histoire de l’éducation en général et de l’enseignement supérieur en particulier au Sénégal, ‘I- Des balbutiements à nos jours’, pour mettre en lumière ‘II- Les contradictions du colonisateurs’, ‘III- Les contradictions du colonisé’. Cette perspective historique aboutit à identifier ‘IV- Quelques répercussions du phénomène scolaire’ et ‘V- Les faiblesses de l’enseignement supérieur’ pour finalement se demander ‘VI- Quelles leçons tirer du passé’.
Le problème analysé tout au long du chapitre premier et prolongé dans le chapitre II sous l’éclairage de l’histoire débouche sur la formulation d’une question générale de recherche dont l’objectif est de comprendre et d’expliquer les dysfonctionnements de l’enseignement en général, et de l’enseignement supérieur en particulier au Sénégal.
Pour cet exemple, voir :
http://www.fastef-portedu.ucad.sn/cuse/cr/cuzon.htm > chapitres 1 et 2».
Cet extrait est tiré du cours Ingénierie de la formation rédigé par Prof. Hamidou Nacuzon SALL, Chaire UNESCO Sciences de l'éducation CUSE/FASTEF/UCAD-Dakar et équipe Labo CUSE, pp. 5 à 8.
IV. La définition des concepts clés et la revue de littérature
Introduction
«L’élaboration et la présentation de la problématique constituent le premier point d’une recherche. Le deuxième point portera, d’une part, sur la définition du sens particulier des mots essentiels ou concepts clés contenus dans la formulation du problème ou de la question générale de recherche et, d’autre part, sur la présentation critique des principales théories, des résultats de recherches menées par d’autres auteurs qui permettront de défendre, d’illustrer et d’apprécier les réponses auxquelles la recherche aboutit ou pense aboutir.
Le deuxième point d’une recherche porte donc sur deux dimensions :
- la définition des mots essentiels ou concepts clés ;
- la présentation critique des principales théories et des résultats de recherches menées par d’autres auteurs sur le même thème ou sur des thèmes voisins.
La définition des concepts clés et la revue critique de la littérature doivent être conçues et présentées de manière à constituer un ensemble cohérent, un système de référence théorique propre à la recherche et sur laquelle elle s’appuiera surtout lors de l’appréciation et de l’interprétation des réponses ou éléments de réponse apportés aux questions posées. Concevoir ces deux dimensions comme un système, un ensemble cohérent, nécessite une construction progressive et non une simple juxtaposition de définitions, de théories et d’auteurs.
L’objectif principal de la définition des mots clés, concepts clés ou analyse sémantique est de dégager leurs sens précis, de constituer et exposer le lexique ou dictionnaire propre servant de base de langage de la recherche entreprise. En effet, l’expérience prouve que les mots prennent un sens et des significations particuliers en fonction des contextes dans lesquels ils sont utilisés. D’o la nécessité de clairement délimiter le sens des concepts clés ou le sens qu’ils ne prennent pas dans le contexte de la recherche entreprise.
La définition des concepts clés
L’effort de précision, de choix de définition ou de redéfinition du sens particulier que les mots clés prennent dans la recherche en cours impose de consulter plusieurs sources. Cet effort de précision se fonde principalement sur la comparaison des significations qu’un mot ou un concept prennent dans ces sources différentes consultées. Les dictionnaires, les vocabulaires ou dictionnaires spécialisés, les définitions ou redéfinitions opérées par d’autres auteurs dans le compte-rendu de leur recherche sont habituellement les principales sources d’inspiration et de référence à partir desquelles peuvent être définis ou redéfinis les concepts centraux d’une recherche. La consultation de ces sources est donc déjà en soi une occasion de procéder à une revue critique de la littérature ou recension critique de la littérature.
Si des dictionnaires comme le Larousse encyclopédique, le Littré, le Robert, etc., peuvent servir de sources d’amorçage, il est indispensable de confronter les définitions qu’ils proposent à celles des dictionnaires et vocabulaires spécialisés. Par exemple: le Dictionnaire actuel de l’éducation de Renald Legendre (Montréal : Editions Guérin / Paris : Editions Eska, 3ème édition 2005). S’ils ne se rangent pas réellement dans la catégorie des dictionnaires ou vocabulaires spécialisés, certaines sources et certains auteurs n’en constituent pas moins des sources de référence lexicale dont la consultation est nécessaire pour mieux circonscrire le sens particulier ou actuel de certaines notions dans un domaine comme l’éducation. L’Introduction à la recherche en éducation de Thierry Karsenti et Lorraine Savoie-Zajc (Sherbrooke : Editions du CRP, 2000) contient un glossaire inséré après la conclusion. Certaines publications des institutions de coopération internationale comme l’OCDE, le PNUD, la Banque Mondiale, l’UNESCO contiennent généralement des lexiques dont la consultation est souvent utile.
Il s’avère généralement indispensable de confronter les définitions proposées dans ces dictionnaires usuels, vocabulaires spécialisés, lexiques ou glossaires annexés à des ouvrages par les définitions proposées directement dans des comptes rendus ou publications de recherche ou d’ouvrages généraux sur la recherche ou la méthodologie de la recherche. Les thèses de doctorat et les mémoires de maîtrise peuvent être rangés dans cette catégorie de sources à consulter pour définir ou redéfinir le sens des mots-clés d’une recherche entreprise.
En aucun cas, les définitions rencontrées dans ces différentes sources pour séduisantes qu’elles puissent être ne doivent être présentées les unes à la suite des autres, juxtaposées sans lien, sans critique et sans prise de position. Le souci constant de la définition des concepts clés doit être d’une part d’élaborer ou d’adopter une définition personnelle spécifique à la recherche entreprise, en la justifiant et, de l’autre, de proposer un ensemble lexical comprenant certes plusieurs entrées ou mot clés mais dont les définitions s’articulent les unes aux autres pour constituer un ensemble cohérent».
Cet extrait est tiré du cours Ingénierie de la formation rédigé par Prof. Hamidou Nacuzon SALL, Chaire UNESCO Sciences de l'éducation CUSE/FASTEF/UCAD-Dakar et équipe Labo CUSE, pp. 9-10.
La revue de littérature
«Un domaine de recherche renvoie souvent à une discipline. Une recherche peut avoir une orientation psychologique, sociologique, économique, historique, pédagogique, didactique, etc. D’o l’utilité, en fonction de l’envergure et de l’objectif de la recherche entreprise, de consulter les travaux les plus récents dans le domaine ou dans des domaines connexes.
Le principal objectif de la revue critique de la littérature est de situer, d’insérer, d’affilier une recherche dans un courant théorique élaboré par d’autres recherches et de prendre position de manière critique par rapport à leurs conclusions. Comme pour les concepts clés, la recension critique de la littérature rapproche et compare les sources (ouvrages) consultées, en vue d’élaborer et adopter un cadre de référence cohérent et, si possible, exhaustif. Elargissement critique ou restriction également critique d’idées avancées par d’autres auteurs, le cadre de référence théorique campe la position du chercheur sur le sujet ou thème abordé. Le chercheur y expose ses idées, conceptions et points de vue personnels en les argumentant à partir des sources consultées, de l’adhésion aux idées qui y sont défendues, des réserves qu’elles suscitent en lui et des dépassements qui lui paraissent nécessaires. Cette opération complexe de prise de position peut être entraînée par le fait que les auteurs cités n’ont pas pris connaissance de certains résultats de recherches disponibles ou les ont peu ou mal exploités, ou que ces résultats n’étaient pas disponibles. La critique des sources consultées et l’appel à leur dépassement, élargissement ou restriction peuvent aussi être liés au contexte spécifique de la recherche entreprise et dont certaines dimensions sont absentes ou ne sont pas présentes ou prises en compte dans ces sources». Cet extrait est tiré du cours Ingénierie de la formation rédigé par Prof. Hamidou Nacuzon SALL, Chaire UNESCO Sciences de l'éducation CUSE/FASTEF/UCAD-Dakar et équipe Labo CUSE, p. 11.
Les fonctions de la revue de littérature
La revue de la littérature remplit plusieurs fonctions, selon les moments de la recherche.
Moment | Fonction de la revue de littérature |
Au tout début, lorsque le chercheur a un intérêt de départ |
Comprendre comment le sujet a été abordé par le passé Comprendre les méthodologies de recherche privilégiées pour traiter le sujet Prospecter pour trouver des cadres analytiques qui pourraient convenir à la nouvelle recherche Affiner son intérêt de départ et le développer en problématique |
Une fois la problématique et les questions de recherche plus ou moins définies Exemple: projet de recherche / canevas de thèse |
Positionner sa problématique dans le champ de l’existant Identifier les cadres analytiques Choisir et justifier la méthodologie de recherche |
Dans le travail de recherche lui-même, la dissertation Exemple: thèse |
Choisir une stratégie pour donner forme à la revue de littérature et la justifier Partager avec les lecteurs ce que les autres chercheurs ont fait sur ce sujet de recherche Relier la présente recherche au dialogue qui a lieu dans la littérature sur le sujet en comblant les aspects inexplorés et en poursuivant les études déjà débutées Donner un cadre pour montrer l’importance de mener cette étude Donner des repères utiles pour une comparaison des résultats |
Après la thèse, lorsque l’on dissémine les résultats de l’étude Exemple: article dans un journal scientifique |
Forme condensée de l’étape précédente avec les mêmes fonctions |
«Autrement dit, au niveau du projet de recherche, la revue critique de la littérature sert à éclairer selon différentes perspectives le problème et la question générale de recherche formulés dans la problématique. En soulevant des questions, soit sur les résultats dont font état les ouvrages consultés soit sur des aspects, dimensions ou perspectives qu’ils n’ont pas abordés de manière explicite, l’éclairage théorique délimite une dimension ou une facette particulière du problème ou de la question générale dont traitera la recherche entreprise. En même temps qu’il précise l’aspect ou la dimension du problème ou de la question générale qui sera au centre de la recherche, l’éclairage théorique anticipe sur les résultats attendus et les explications possibles en leur formulant un cadre théorique propice à leur compréhension.
La revue critique de la littérature revient finalement à une analyse de contenu : analyse de contenu d’ouvrages, d’articles, de cassettes audio et vidéo, d’images et de films, d’affiches, de panneaux publicitaires, etc. Ces contenus sont actuellement de plus en plus disponibles sous format électronique sur Internet. L’analyse de contenu des sources auxquelles le chercheur se réfère a pour fonction principale de produire du sens pour circonscrire les limites à l’intérieur desquelles la recherche et les résultats qu’elle vise trouveront tous leurs fondements théoriques».
Cet extrait est tiré du cours Ingénierie de la formation rédigé par Prof. Hamidou Nacuzon SALL, Chaire UNESCO Sciences de l'éducation CUSE/FASTEF/UCAD-Dakar et équipe Labo CUSE, p. 11.
Formes typiques de revue de littérature
Cooper (2010) cité par Creswell (2014, p. 28) identifie quatre formes différentes de revue de littérature:
- Une intégration des travaux des autres chercheurs en les organisant de manière thématique et en mettant en avant les problèmes principaux;
- Une critique des travaux académiques antérieurs;
- Un pont entre différents sujets reliés;
- Une identification de questions et problèmes centraux dans un domaine donné.
Etapes
Selon la méthodologie de recherche, la revue de la littérature aura une place et une fonction différente dans l’étude. Indépendamment de ces différences, les étapes pour localiser et résumer les études existantes sur un sujet donné, peuvent se résumer comme suit. En effet, il s’agit de développer une stratégie pour accéder, évaluer et résumer la littérature qui comporte à la fois des articles de recherche sur le sujet et des articles conceptuels pour penser les sujets de recherche:
1) Identifier des mots clés. Ces mots clés peuvent émerger à la suite de lectures préalables et/ou durant l’identification d’un intérêt de départ;
2) A l’aide de ces mots clés, faire une recherche dans les bases de données (e.g. en bibliothèque, à l’aide de Google Scholar, dans des bases de données spécialisées, etc.). Pour l’aspect pratique, utilisez des opérateurs booléens pour effectuer une recherche fine: http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/competences/rechercher/methodologie/syntaxe/interrogation-base ;
3) Identifier une cinquantaine d’articles et de livre traitant de votre sujet de recherche. Vérifiez que vous pouvez accéder à ce matériel et procurez-vous le;
4) Parcourir ce matériel initial dans le but de savoir si l’article en question contribuera de manière utile à votre compréhension de la littérature;
5) Durant ce processus d’identification de matériel utile, commencer à concevoir une carte de littérature ou un tableau à double entrée. Cette représentation visuelle permet de commencer à positionner votre recherche dans la littérature existante;
6) En parallèle de la conception de la représentation visuelle, commencer à écrire des résumés des articles les plus pertinents. Pour écrire ces résumés, pensez déjà à la forme de la revue de littérature que vous allez retenir. Pour l’aspect pratique, utilisez un traitement de texte pour rédiger ces résumés (e.g. open office, word, etc.) et constituez votre base de données d’articles pertinents dans un logiciel approprié (e.g. Endnote). Cela aura le mérite de vous générer une bibliographie automatiquement en fin de document et de vous permettre un accès facile à vos articles.
7) Assembler la revue de littérature en la structurant de manière thématique ou en fonction de concepts prépondérants. Finaliser en résumant les thèmes principaux et en indiquant en quoi votre recherche comble un vide, apporte une nouvelle réponse à une question déjà abordée, poursuit une étude, etc.
Comment sélectionner le matériel?
Il est important d’établir des priorités dans la recherche de littérature et de se demander quelle type de littérature doit être examinée et avec quel ordre de priorité. Pour établir ces priorités, voici quelques astuces:
- Si vous examinez un sujet pour la première fois et n’êtes pas du tout au courant de la recherche y relative, débutez avec de grandes synthèses telles qu’on les trouve dans les encyclopédies. Exemples:
o Karsenti, Savoie Zajc (2011). La Recherche en éducation: étapes et Approches. ERPI
o Depover, Karsenti, Khomis (2007). Enseigner Avec les Technologies: Favoriser les Apprentissages, Développer des compétences. Presses de l'Université du Québec
o http://edutechwiki.unige.ch/en/Educational_technology (en anglais)
o http://fr.wikipedia.org/wiki/Technologies_de_l%27information_et_de_la_communication
- Identifier les revues scientifiques qui traitent de votre sujet de recherche et 1) regarder la composition du comité éditorial pour positionner le caractère national ou international de la revue; 2) parcourir les articles les plus récents qui traitent de votre sujet de recherche. Se baser sur la bibliographie des articles ainsi que sur les numéros moins récents pour identifier d’autres articles d’intérêt.
- Identifier les livres reliés à votre sujet. Commencer par des monographies qui résument la littérature scientifique puis considérer des ouvrages entiers qui traitent d’un sujet spécifique (exemple: Henri, F. et Lundgren-Cayrol, K. (2001). Apprentissage collaboratif à distance: pour comprendre et concevoir les environnements d'apprentissage virtuels. Presses de l’Université du Québec).
- Continuer la recherche en regardant les actes de conférences récents sur votre sujet. Cela implique tout d’abord d’identifier les conférences qui traitent de votre sujet de recherche. Exemples:
o EIAH: Environnements Informatiques pour l'Apprentissage Humain
o EARLI: European Association for Research on Learning and Instruction
o EAPRIL: European Association for Practitioner Research on Improving Learning
En effet, c’est aux conférences que vous verrez les développements les plus récents de la recherche dans un domaine donné et dans les actes de conférence que vous les retrouverez consignés.
- Vous pouvez aussi consulter les thèses de doctorat qui ont été réalisées dans le domaine de votre sujet de recherche mais faites attention à la qualité de ces dernières qui varie énormément. En général, les résumés ou l’entièreté des thèses sont disponibles en ligne sur les archives ouvertes des universités respectives ou d’entités regroupantes.
Exemples:
o Archives Ouvertes de l’Agence Universitaire Francophone: https://www.archives-ouvertes.fr/
o Archives Ouvertes de l’Université de Genève: https://archive-ouverte.unige.ch/
Pour résumer, les articles de revues scientifiques sont un matériel facilement accessible (pour autant que vous ayez accès aux revues électroniques via une institution) et fiable. En effet, il est important de bien identifier la fiabilité de ses sources avant de se baser dessus (e.g. un article trouvé sur internet peut être intéressant mais s’il n’a pas été publié, il est plus sage de le considérer comme du matériel secondaire).
Réaliser une carte de la littérature
Lorsqu’un chercheur se penche sur un nouveau sujet de recherche, une des premières tâches qu’il doit accomplir est l’organisation de la littérature. Cette organisation permet de positionner la recherche qui va être entreprise: est-ce une prolongation d’une recherche existante? la réplication d’une recherche existante? l’exploration d’un nouvel aspect d’un sujet déjà traité? l’exploration d’une question déjà traitée avec d’autres méthodes? etc.
La carte de la littérature est un artefact visuel qui synthétise les recherches conduites par d’autres chercheurs sur le sujet. Pour réaliser cette carte, qui peut prendre des formes multiples, les règles de conceptions utilisées pour l’élaboration de cartes conceptuelles sont applicables, http://edutechwiki.unige.ch/fr/Carte_conceptuelle http://edutechwiki.unige.ch/en/Concept_map
Si vous vous lancez dans la réalisation de telles cartes, plusieurs cartes seront nécessaires, au fur et à mesure que vous affinerez votre sujet de recherche.
Dans le cadre de votre projet de recherche, il est important d’écrire un résumé décrivant le processus que vous avez mis en place pour effectuer la revue de littérature et réaliser votre carte de littérature. Concevoir cette carte est un défi qui prend du temps et demande de faire des choix importants (e.g. catégories et sous catégories). A titre indicatif, pour une thèse, la carte devrait comporter un minimum de 100 études. Pour un projet de recherche et l’élaboration d’une carte préliminaire, il faut compter avec une trentaine d’études étroitement liées au sujet de recherche.
Dans le même temps, il est important de faire un résumé de chaque étude en spécifiant:
- Le problème étudié;
- L’objectif principal de l’étude;
- La méthodologie utilisée, y compris brièvement l’échantillon, etc.
- Les résultats clés;
- S’il s’agit d’un article critique ou de revue méthodologique, relever les points faibles au niveau méthodologique.
Développer une lecture efficace des articles scientifiques implique une lecture non linéaire. Les étapes ci-dessous sont éliminatoires (e.g. si vous vous rendez compte, en lisant le résumé que finalement l’article n’aborde pas le sujet que vous traitez, vous le laissez de côté et passez au suivant):
- Lire le résumé et décider si la recherche tombe dans le sujet ou non;
- Lire les parties méthodologie et conclusion;
- Lire la partie résultat;
- Lire l’entièreté de l’article.
«Exemple de revue de littérature:
Dans sa recherche sur le thème ‘Efficacité et équité de l’enseignement supérieur. Quels étudiants réussissent à l’Université de Dakar’, Sall (1996) propose au chapitre III ‘Le cadre scientifique’ général qu’il lui semble indispensable de camper pour bien dégager la tonalité dans laquelle il tente de s’inscrire. Il procède ensuite à l’analyse des concepts clés et à la revue critique de la littérature dans six chapitres. Il développe progressivement ses idées en consacrant respectivement trois chapitres à chacun des deux concepts centraux de sa recherche : l’efficacité et l’équité. Le chapitre IV présente et discute ‘Le concept d’efficacité. Sous l’éclairage des éléments de définition avancés, le chapitre V circonscrit ‘Les types d’efficacité. Le chapitre VI dresse un panorama critique de l’Evaluation de l’efficacité. La même démarche est reconduite pour l’équité. Le chapitre VII examine ‘Le concept d’équité’ ; le chapitre VIII dresse un tableau critique des différents ‘Types d’équité’ ; le chapitre IX propose un ensemble de démarches propices à l’Evaluation de l’équité’, évaluation fondée sur la revue critique de la littérature consacrée à cette notion.
Dans la recherche de Sall (1996) ; les six chapitres consacrés aux concepts clés (efficacité et équité) et à la revue critique de la littérature forment avec les trois premiers chapitres le cadre de référence scientifique général de sa recherche sur l’efficacité dans l’enseignement supérieur.
Pour cet exemple voir :
http://www.fastef-portedu.ucad.sn/cuse/cr/cuzon.htm > chapitres 3 à 8»
Cet extrait est tiré du cours Ingénierie de la formation rédigé par Prof. Hamidou Nacuzon SALL, Chaire UNESCO Sciences de l'éducation CUSE/FASTEF/UCAD-Dakar et équipe Labo CUSE, p. 12.
Pour pratiquer:
Faites la liste des mots / concepts clés de votre projet de recherche et identifiez le domaine dans lequel s’inscrit cette recherche.
1) Faites une recherche de manière à localiser un article aussi proche que possible de votre problématique. Décrivez comment vous avez procédé, les problèmes rencontrés, comment vous les avez résolu, etc.
2) A partir de l’article identifié au point 1, en vous basant sur sa bibliographie et sur ses caractéristiques (mots clés, méthodologie, etc.), identifiez 10 articles en rapport étroit avec votre sujet de recherche.
3) Faites un résumé de chacun des 11 articles identifiés ci-dessus.
4) Elaborez une carte de littérature ou un tableau de littérature à l’aide de ces 11 articles. Décrivez comment vous avez procédé, les problèmes rencontrés, comment vous les avez résolu, etc.
Question d’organisation, nous vous conseillons d’utiliser un logiciel de gestion de références bibliographiques pour 1) constituer votre base de données de références, 2) y accéder facilement depuis votre traitement de texte, 3) générer une bibliographie selon la norme de votre choix. Exemples de logiciel: Endnote, CiteSeer.
V. Conceptualisations et artéfacts
Après ces considérations sur l’élaboration d’une revue de littérature, nous allons parler de conceptualisations et d’artefacts (Figure 12). Ces outils intellectuels vous permettent d’organiser votre travail. Nous parlerons ensuite d’hypothèses et de modèles formels car, dans la recherche de type vérification de théorie, ces derniers occupent une place prépondérante notamment dans les dispositifs expérimentaux et quasi-expérimentaux. Ce qui nous permettra de passer, enfin, de manière détaillée, à la notion d’opérationnalisation de concepts.
Par le terme générique «conceptualisations», nous définissons un ensemble d’outils intellectuels qui vous aideront à organiser vos questions de recherche et les connaissances sur un sujet donné.
L’une de vos premières tâches consiste à trouver, à élaborer et à adapter des concepts nécessaires pour étudier des phénomènes observables. Certains de ces concepts et cadres d’analyse peuvent globalement déterminer votre façon de voir les choses; d’autres permettent de définir et d’affiner vos variables explicatives (celles qui sont supposées être la cause) ou vos variables expliquées (celles qui sont supposées être l’effet).
Les cadres d’analyse
Les cadres d’analyse (cadres analytiques) vous permettent de regarder votre objet de recherche à partir d’un point de vue donné. La théorie de l’activité (Figure 13), qui s’appuie sur ce que l’on pourrait appeler la micro-sociologie soviétique, est un cadre d’analyse et de travail très utilisé en technologie éducative.
Le modèle de la théorie de l’activité, représenté visuellement par un triangle, représente les différents éléments d’un système d’activités dans un tout. Les participants d’une activité sont décrits comme des sujets qui interagissent avec des objets pour atteindre des buts. Les outils, les règles et la division du travail médiatisent les interactions entre les participants d’une part et entre les participants et les objets de l’environnement d’autre part. Ces médiateurs représentent la nature des relations entre les participants d’une activité dans une communauté de pratiques donnée. Ce modèle de représentation de différents aspects de l’activité humaine permet au chercheur de se focaliser sur les facteurs à prendre en considération lors du développement d’un système d’apprentissage. Cependant, la théorie de l’activité ne comprend pas une théorie de l’apprentissage (Daisy Mwanza & Yrj Engestrm, 2003).
Autrement dit: le cadre d’analyse de la théorie de l’activité nous aide à réfléchir au fonctionnement d’une organisation (notamment à ses acteurs, à ses artéfacts et à ses processus), et donc à savoir comment l’étudier.
Un tel cadre d’analyse et de travail n’est pas juste ou faux, il est simplement utile (ou inutile) pour une tâche intellectuelle donnée! Il est important de trouver de bons cadres analytiques, et la meilleure méthode pour y parvenir est de les identifier lors de la revue de littérature.
Les cadres analytiques sont des éléments clés dans la pensée académique. Il est important que vous parveniez à identifier des cadres utiles dès les premières étapes de votre recherche, car ils permettent d’organiser des concepts, de structurer l’analyse, d’établir des liens entre la théorie et les questions de recherche, et de définir des relations entre les concepts principaux. Nous pouvons aisément distinguer quatre types de cadres conceptuels. 1. Cadres théoriques
2. Cadres d’analyse
3. Listes de dimensions
4. Grilles d’analyse et d’évaluation
Pour consulter de tels cadres et grille d’analyse, vous pouvez regarder cet inventaire sur EduTechWiki: http://edutechwiki.unige.ch/en/Methodology_tutorial_-_conceptual_frameworks |
Hypothèses et modèles
Dans le domaine de la recherche de type vérification de théorie, les modèles et les hypothèses occupent une place importante, e.g. théorie expérimentale de l’apprentissage, implémentation quasi expérimentale ou recherche évaluation.
o Les hypothèses (et les modèles formels comme le Technology Acceptance Model, http://edutechwiki.unige.ch/fr/Mod%C3%A8le_d%27acceptation_de_la_technologie ) mettent en relation des variables (concepts) et postulent des liens de causalité sous forme de règles.
o Typiquement, une simple hypothèse part du principe qu’un phénomène peut être expliqué par un autre phénomène. D’un point de vue plus technique: la variable indépendante X explique la variable dépendante Y.
o Exemples: «une augmentation de X provoque une augmentation de Y», ou «une augmentation de X provoque une diminution de Y».
Les causalités entre des variables théoriques n’ «existent» pas en soi, elles peuvent uniquement être observées indirectement. Les hypothèses théoriques doivent être opérationnalisées, comme nous pouvons le voir dans l’exemple suivant.
Exemple 1. La formation d’un enseignant et la qualité de l’enseignement (Figure 14)
Imaginez une question de recherche dont le but est de déterminer s’il existe un lien de causalité entre la formation d’un enseignant et la qualité de son enseignement. Dans le domaine de la recherche empirique, une telle question de recherche serait formulée comme une hypothèse qui peut alors être testée.
Voici une hypothèse fréquente:
- La formation continue des enseignants (cause X) améliore l’enseignement (effetY)
Dans la Figure 14, on observe les principes suivants:
- Comme point de départ (en haut), il nous faut une hypothèse théorique causale (le postulat).
- Nous devons ensuite réfléchir à la façon de mesurer chacun des deux concepts à l’aide de données observables. Par exemple, la formation de l’enseignant peut être mesurée par la «quantité de formation» et la qualité de l’enseignement par les «notes des élèves».
- Toutefois, cette opérationnalisation est insuffisante. A un certain stade, nous devons être plus précis. Par exemple, la «quantité de formation» sera mesurée en «nombre de jours de formation suivis en l’espace d’une année».
Nous reviendrons plus tard sur ce concept central d’opérationnalisation. Le but à ce stade est de montrer que les hypothèses doivent être formulées en premier lieu à un niveau conceptuel. Elles doivent ensuite être reformulées pour devenir opérationnelles, c’est-à-dire applicables à des données réelles.
Importance de la différence (variance) pour les explications
Avant de nous intéresser de plus près à la question de l’opérationnalisation, nous devons présenter le concept de la «variance». La variance signifie que des données relatives à un concept peuvent avoir différentes valeurs. Par exemple, les enseignants peuvent être {nullement, peu, passablement, bien} formés. Au niveau empirique, la variable «quantité de formationde l’enseignant» pourrait avoir différentes valeurs (inexistante, faible, etc.). Si l’on trouve cette variété de valeurs dans les observations, nous avons de la variance. Si tous les enseignants sont décrits comme étant «passablement formés», nous n’avons pas de variance. La variance est indispensable en recherche. Sans variance (aucune différence), nous ne pouvons rien expliquer.
La co-variance nous est également indispensable. Le but de la recherche empirique est de savoir pourquoi les choses existent. Nous devons observer des variables explicatives qui font preuve de variance puis déterminer comment elles affectent les variables à expliquer qui n’ont pas de variance. En d’autres termes, sans co-variance, nous ne pouvons rien expliquer.
Voici deux exemples pour illustrer le principe de co-variance:
Exemple 2. Exemple quantitatif bivarié
Imaginons que nous souhaitions évaluer l’hypothèse suivante: «des formations plus longues produisent de meilleurs enseignants». Nous allons nous intéresser à deux variables empiriques:
- Jours de formation pour les enseignants
- Moyennes obtenues par les apprenants dans les cours de ces enseignants
Ce graphique (Figure 15) montre que les deux variables que nous avons choisies ont de la variance: nous avons différentes moyennes au niveau des notes ainsi qu’une différence de formation pour les trois enseignants. Nous pouvons à présent tester l’hypothèse. Selon ces données hypothétiques, une augmentation du nombre de jours de formation des enseignants a pour conséquence des notes moyennes plus basses. Par conséquent, l’hypothèse de base, «des formations plus longues produisent de meilleurs enseignants», doit être rejetée. (Veuillez s’il-vous-plaît considérer cet exemple hypothétique comme faux!)
Exemple 3. Exemple qualitatif bivarié
Imaginons que nous souhaitions savoir pourquoi certaines écoles privées adoptent la technologie plus rapidement que d’autres. Une hypothèse à évaluer pourrait être: «des réformes ont lieu lorsque le système scolaire est soumis à une pression externe». Cette hypothèse suppose deux variables (et leurs valeurs correspondantes):
- Variable Y = réformes (n’ont jamais lieu, ont parfois lieu, ont lieu régulièrement)
* Variable X = pression (interne, externe)
Afin d’opérationnaliser ces variables, nous utilisons des traces écrites pour la «pression» et des stratégies observables adoptées par l’école pour les «réformes».
Stratégies d’une école (réformes) | ||||
Type de pression | Stratégie 1: aucune réaction | Stratégie 2: création d’une task force | Stratégie 3: création de programmes de formation | Stratégie 4: réaffectation des ressources |
Lettres écrites par les parents | (N=8) (p=0.8) | (N=2) (p=0.2) | ||
Lettres écrites par l’encadrement | (N=4) (p=0.4) | (N=5) (p=0.5) | (N=1) (p=0.1) | |
Articles de journaux | (N=1) (p=20%) | (N=4) (p=80%) |
N = nombre d’observations, p = probabilité
Le résultat de la recherche (fictive) est le suivant: une augmentation de la pression a pour conséquence de multiplier les mesures entreprises. Par exemple, les données indiquent que:
- Si les lettres sont écrites par des parents (pression interne), les probabilités que rien ne change sont de 80%.
- Si un article de journal est écrit, les probabilités que les ressources soient réaffectées sont de 80%.
Par conséquent, notre hypothèse «des réformes ont lieu lorsque le système scolaire est soumis à une pression externe» se confirme. Bien entendu, il convient d’interpréter ces résultats prudemment et nous en viendrons aux questions de validité ultérieurement.