Entretien d'explicitation

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Présentation de la technique

Cette technique proposée par Vermersch (2005) est généralement utilisée pour retracer, en détail, toutes les étapes dans le déroulement d’une tâche ou activité à un moment spécifique. En effet, selon Husserl, le fondateur de la phénoménologie, tout ce qui est vécu par l’individu, particulièrement les événements importants et significatifs à ses yeux, laisse une marque dans sa mémoire et peut être récupéré (Husserl, 1964, 1905, cité dans Vermersch, 2005). En évoquant un moment spécifique du passé, cette technique permet d’accéder aux actions mentales ou matérielles qui ont été réalisées, n’ayant pas forcément encore été l’objet d’une prise de conscience. Par exemple, lorsque l’on réalise une tâche, comme écrire un article de journal, on est conscients que l’on est en train d’écrire un texte, mais toutes les étapes et processus qui s’activent pour le faire, sont implicites et ne font pas l’objet d’un travail de réflexion. Le rédacteur sait écrire un texte, mais ne se rend pas compte de tout ce qu’il fait, toutes les connaissances qu’il a utilisées pour y parvenir. Vermersch cherche ainsi à comprendre toutes les étapes menant à la réalisation d’une activité. Il s'intéresse au comment et essaie de mettre en lumière toutes les stratégies utilisées, même celles qui sont invisibles.

Effectivement, tous les processus engagés ne sont pas toujours observables. En s’inspirant des travaux piagétiens et de Husserl (Balas-Chanel, 2002), Pierre Vermersch distingue alors ce qu’il appelle la conscience pré réfléchie de la conscience réfléchie. La première se réfère à “la part de notre expérience qui est vécue sans être reconnue, sans être immédiatement accessible à la conscience et à la description verbale. » (Petitmengin, s.d., p.165), alors que la deuxième est aisément accessible et mise en mots par l’individu. C’est justement cette partie pré réfléchie sur laquelle se concentre Vermersch et qui enferme les savoirs sous-jacents à une activité. Ensuite, c’est uniquement par le biais de la prise de conscience qu’il est possible de passer de la conscience pré-réfléchie au réfléchi. Néanmoins, pour que cette prise de conscience ait lieu, il est nécessaire qu’un médiateur guide l’interviewé dans l’évocation d’une action réelle et spécifique, se situant dans le passé. Celle-ci doit être “concrète” (Forget, 2013, p.13). Puis, il s’agit également de verbaliser le vécu, car “la mise en place de la verbalisation de l'action contribue à la construction de l'expérience du sujet” (Vermersch, 1994, p. 28, cité dans Balas, 1998, p.63). Le rôle du guide consiste donc à maintenir l’interviewé focalisé sur la tâche ou action accomplie, de l’amener à détailler l’action pour en ressortir toutes les étapes et finalement, à l’écouter (Daniellou et al., 2006, p.259).

Apports et limites

Cet outil d’explication est bénéfique, car il permet à l’interviewé de s’auto-informer. Il se retrouve dans une position où il est capable d’observer l’étendue de son savoir-faire, ses compétences et de mieux saisir son propre fonctionnement intellectuel (p.259). Il est également en mesure, en formulant les stratégies et démarches mises en place lors d’une activité à un moment donné, d’apprendre comment il est parvenu à un certain résultat et de retracer la source de ses erreurs ou au contraire, de ses réussites. Cette technique d’entretien se révèle aussi très utile pour didactiser, par exemple, une pratique professionnelle (Daniellou et al., 2006). Elle donne la possibilité à un observateur n’ayant aucune connaissance sur le domaine, d’avoir accès aux informations qui ne peuvent s’expliquer uniquement par ce qu’il voit et de remonter jusqu’aux sources de ces connaissances.

L’entretien d’explicitation serait également en mesure d’éviter les malentendus dans un contexte d’apprentissage (Bautier & Rochex, 1997, p.109). En levant le voile sur les processus employés par un individu pour réaliser une tâche, cela permet de s’assurer que ses intentions et raisonnements soient bien compris. Prenons le cas de plusieurs élèves dans une classe en primaire, qui résolvent un exercice donné par un enseignant. Ces élèves ont interprété différemment la consigne fournie par l’enseignant et les résultats qu’il ont inscrit ne correspondent finalement pas à ceux qui étaient attendus par le professeur. Cet entretien d’explicitation permettrait alors de montrer à l’enseignant que sa consigne n’était pas claire, ce qui l’amènerait à faire plus attention dans le futur aux termes qu’il emploie et à développer des stratégies pour éviter ce genre de malentendus. Dans un deuxième temps, il verrait grâce à cet outil les capacités et connaissances des élèves, qui ont fait faux, pas parce qu’ici ils ne savaient pas quoi faire, n’ont pas assez travaillé à la maison, mais parce qu’ils avaient une autre interprétation que la sienne. L’enseignant serait peut-être plus tolérant face à leur réponse s’il comprend comment ils ont interprété la consigne et si leur raisonnement est pertinent (Muller Mirza, 2014).