Développement moral et psychosocial
Les théories que nous présentons ici sont d'ordres très variés, bien qu'elles aient toutes en commun le développement psychologique (de la connaissance, psychosocial, moral). Constructivisme et Piaget vont de pair puisque ce dernier est l'un des pères du constructivisme (mais pas le seul, aussi, sa théorie ne peut se confondre exactement avec le constructivisme). Piaget traite principalement dans ses écrits du développement de la connaissance chez l'enfant qui se fait, selon lui, par construction. La théorie du développement psychosocial d'Erikson, bien que relativement datée, est l'une des rares théories à proposer une taxonomie psychologique de l'âge adulte. C'est pour cette raison que nous pensons qu'il est intéressant de la connaître. En effet la psychologie va, pour de nombreux auteurs, de l'étude de la psychologie du bébé à l'étude de la psychologie des adolescents. Après cet âge, les travaux se font plus rares. Néanmoins, il semble utile pour les personnes se préparant à l'enseignement de connaître les processus psychologiques que vivent les personnes adultes. La théorie de Kohlberg va également dans ce sens, bien qu'elle ne traite pas de développement psychosocial, mais de développement moral. Cette théorie a, en outre, comme la théorie d'Erikson, le mérite de souligner le fait que la psychologie n'est pas exclusivement cognitives, mais peut s'intéresser à tout type de problématique.
Constructivisme
Définition
Le constructivisme est une théorie de l'apprentissage fondée sur l'idée que la connaissance est construite par l'apprenant sur la base d'une activité mentale. Les étudiants sont considérés comme des organismes actifs cherchant du sens, des significations. Le constructivisme est basé sur l'hypothèse que, en réfléchissant sur nos expériences, nous construisons notre propre vision du monde dans lequel nous vivons. Chacun de nous produit ses propres « règles » et « modèles mentaux », que nous utilisons pour donner un sens à nos expériences. Apprendre est donc simplement un processus d'ajustement de nos modèles mentaux pour s'adapter à de nouvelles expériences. Les constructions du sens peuvent au début ne soutenir que peu le rapport avec la réalité (comme dans les théories naïves des enfants), mais elles deviendront de plus en plus complexes, différenciées et réalistes au fil du temps.
Historique
Le constructivisme est issu, entre autres, des travaux de Jean Piaget (1964) qui émet la théorie qu’un individu confronté à une situation donnée va mobiliser un certain nombre de structures cognitives, qu’il nomme schèmes opératoires.
Principes de base du constructivisme
- Apprendre est une recherche de sens. Par conséquent, apprendre doit commencer par les questions autour desquelles les étudiants essaient activement de construire le sens.
- Comprendre le sens exige de comprendre le tout comme ses parties. Parties qui doivent être comprises dans le contexte du tout. Par conséquent, l'apprentissage se concentre sur des concepts primaires, non sur des faits isolés.
- Pour enseigner correctement, il faut comprendre les modèles mentaux que les étudiants utilisent pour percevoir le monde et les hypotèses qu'ils font pour soutenir ces modèles.
- Le but de l'apprentissage est, pour un individu, de construire sa propre signification, et pas simplement d'apprendre par coeur les « bonnes » réponses pour recracher le sens à d'autres. Depuis que l'éducation est en soi interdisciplinaire, la seule manière valable de mesurer l'apprentissage est d'en faire l'évaluation, fournissant ainsi aux étudiants de l'information sur la qualité de leur apprentissage.
Comment le Constructivisme produit un effet sur l'apprentissage
L'enseignement constructiviste est fondé sur la croyance que les étudiants apprennent mieux quand ils s'approprient la connaissance par l'exploration et l'apprentissage actif. Les mises en pratiques remplacent les manuels, et les étudiants sont encouragés à penser et à expliquer leur raisonnement au lieu d'apprendre par coeur et d'exposer des faits. L'éducation est centrée sur des thèmes, des concepts et leurs liens, plutôt que sur l'information isolée.
Instruction : A partir de la théorie constructiviste, les enseignants se concentrent sur l'établissement de rapports entre les faits et favorisent les nouvelles compréhensions des étudiants. Ils adaptent leur enseignement aux réponses des étudiants et les encouragent à analyser, interpréter et prévoir l'information. Les professeurs s'appuient également fortement sur des questions ouvertes et favorisent le dialogue entre les étudiants.
Evaluation : Le constructivisme tend à l'élimination des catégories et des tests standardisés. Au lieu de cela, l'évaluation devient partie prenante de l'apprentissage de sorte que les étudiants jouent un plus grand rôle en jugeant leurs propres progrès.
Conclusions
Le constructivisme est une manière de penser le savoir, une référence pour construire des modèles de l'enseignement, de l'apprentissage et des programmes d'études (Tobin et Tippin, 1993). Dans ce sens, c'est une philosophie.
Le constructivisme peut également être utilisé pour fonder une théorie de la communication. Quand vous envoyez un message en disant quelque chose ou en fournissant des informations, et que vous n'avez aucune connaissance du récepteur, alors vous n'avez aucune idée de la manière dont le message a été reçu, et vous ne pouvez pas clairement interpréter la réponse.
Dans cette perspective, l'enseignement devient l'établissement et le maintien d'une langue et de moyens de communication entre le professeur et les apprenants, aussi bien qu'entre les apprenants eux-mêmes. Présenter simplement le matériel, annoncer les problèmes et recevoir des réponses n'est pas un processus de communication assez raffiné pour un apprentissage efficace.
Certains principes du constructivisme en termes pédagogiques :
- Les étudiants viennent en classe avec une expérience du monde et un apprentissage antérieur long de plusieurs années.
- Même pendant qu'il évolue, un apprenant filtre toutes ses expériences à travers sa conception du monde et cela affecte l'interprétation de ses observations.
- Changer leur vision du monde exige des apprenants un travail important.
- Les étudiants apprennent les uns des autres aussi bien que de l'enseignant.
- Les étudiants apprennent mieux en faisant.
- Permettre et créer pour tous des occasions de se faire entendre favorise la construction de nouvelles idées.
Dans une perspective constructiviste, les étudiants sont actifs dans la recherche du sens. L'enseignement cherche ce que les étudiants peuvent analyser, étudier, et comment ils peuvent collaborer, partager, construire et générer du sens sur la base de ce qu'ils savent déjà, plutôt que quels faits, qualifications ou processus ils peuvent singer. Pour y parvenir efficacement, un enseignant doit être un étudiant et un chercheur. Il doit essayer d'obtenir une plus grande conscience des environnements et des participants dans une situation d'enseignement donnée. Ainsi, pour engager les étudiants dans l'apprentissage, il pourra s'ajuster continuellement à leurs actions et s'appuyer sur le constructivisme comme une référence.
Piaget
Pour Piaget, c’est en agissant sur son environnement que l'enfant construit ses premiers raisonnements. Ses structures cognitives (Piaget parle aussi de schèmes de pensée), au départ complètement différentes de ceux de l’adulte, s'intériorisent progressivement pour devenir de plus en plus abstraites.
La théorie piagétienne du développement distingue quatre structures cognitives primaires qui correspondent à autant de stades de développement, lesquels se subdivisent ensuite en périodes distinctes où émergent des capacités cognitives particulières.
Stade sensorimoteur
Le premier stade, qui s’étend de la naissance à environ 2 ans, est le stade sensorimoteur. Durant cette période, le contact qu’entretient l’enfant avec le monde qui l’entoure dépend entièrement des mouvements qu’il fait et des sensations qu’il éprouve. Chaque nouvel objet est brassé, lancé, mis dans la bouche pour en comprendre progressivement les caractéristiques par essais et erreurs. C’est au milieu de ce stade, vers la fin de sa première année, que l’enfant saisit la notion de permanence de l’objet, c’est-à-dire le fait que les objets continuent d’exister quand ils sortent de son champ de vision.
Période pré-opératoire
Le deuxième stade est celui de la période pré-opératoire qui débute vers 2 ans et se termine vers 6 - 7 ans. Durant cette période qui se caractérise entre autres par l’avènement du langage, l’enfant devient capable de penser en terme symbolique, de se représenter des choses à partir de mots ou de symboles. L’enfant saisit aussi des notions de quantité, d'espace ainsi que la distinction entre passé et futur. Mais il demeure très orienté vers le présent et les situations physiques concrètes, ayant de la difficulté à manipuler des concepts abstraits. Sa pensée est aussi très égocentrique en ce sens qu’il suppose que les autres voient les situations de son point de vue à lui.
Opérations concrètes
Entre 6 - 7 ans et 11-12 ans, c’est le stade des opérations concrètes. Avec l’expérience du monde qu'il accumule, l’enfant devient capable d’envisager des événements qui surviennent en dehors de sa propre vie. Il commence aussi à conceptualiser et à créer des raisonnements logiques qui nécessitent cependant encore un rapport direct au concret. Un certain degré d’abstraction permet aussi d’aborder des disciplines comme les mathématiques où il devient possible pour l’enfant de résoudre des problèmes avec des nombres, de coordonner des opérations dans le sens de la réversibilité, mais toujours au sujet de phénomènes observables. Résoudre des problèmes à plusieurs variables en le décortiquant de façon systématique demeure exceptionnel à ce stade.
Opérations formelles
Finalement, à partir de 11-12 ans se développe ce que Piaget a appelé les opérations formelles. Les nouvelles capacités de ce stade, comme celle de faire des raisonnements hypothético-déductifs et d’établir des relations abstraites, sont généralement maîtrisées autour de l’âge de 15 ans. À la fin de ce stade, l’adolescent peut donc, comme l’adulte, utiliser une logique formelle et abstraite. Il peut aussi se mettre à réfléchir sur des probabilités et sur des questions morales comme la justice.
L'apprentissage pour Piaget
L’apprentissage consiste en une adaptation de nos schèmes de pensée à de nouvelles données du réel. Pour Piaget, cette adaptation peut se faire de deux façons : par assimilation ou par accommodation.
L’assimilation consiste à interpréter les nouveaux événements à la lumière des schèmes de pensée déjà existants. Par exemple un enfant en bas âge sait comment saisir son hochet préféré avec les doigts d’une main et le lancer pour qu’il fasse du bruit. Quand il tombe sur un nouvel objet, comme la fragile montre de son père, il transfère sans problème ce schéma moteur connu au nouvel objet et l’envoie rebondir sur le plancher.
L’accommodation est le processus inverse, c’est-à-dire changer sa structure cognitive pour intégrer un nouvel objet ou un nouveau phénomène. Si le même enfant tombe maintenant sur un ballon de plage, il va essayer de le saisir comme il le fait pour son hochet avec une seule main. Mais très vite, il va se rendre compte que ça ne fonctionne pas et découvrira éventuellement comment tenir le ballon entre ses deux mains.
Pour Piaget, on passe constamment de l’assimilation et l’accommodation durant les processus de compréhension du monde qui nous entoure. Durant certaines périodes du développement, l’une des deux peut toutefois être temporairement plus utilisée que l’autre.
apprentissage=assimilation + accommodation
Développement moral
Méthode
Pour déterminer le stade maximal de développement moral atteint par un enfant, Kohlberg pose des dilemmes moraux, dont le but est d'amener le sujet à son maximum de réflexion éthique. Voici le plus célèbre de ces dilemmes, le dilemme de Heinz :
« La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir d’un instant à l’autre si elle ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez le pharmacien et lui demande le médicament, ne fût-ce qu’à crédit. Le pharmacien refuse. Que devrait faire Heinz ? Laisser mourir sa femme ou voler le médicament ? »
Ce qui importe pour déterminer le stade moral atteint ce n'est pas la réponse donnée mais le type de justification. Il est important de noter que les tests de Kohlberg ne sont pas des tests conçus à des fins de diagnostic. Ils ont pour fin de mesurer la relation statistique entre différentes variables (notamment l'âge, mais aussi le sexe, la délinquance,...) et le niveau de développement moral.
Caractéristiques du développement moral
Après avoir administré ses tests à un large échantillon d'enfants, Kohlberg et ses élèves en ont conclu que le développement moral est :
- Séquentiel, c'est-à-dire qu'il se développe par étapes successives qui ne peuvent être devancées.
- Irréversible, sauf dans le cas de dégénérescences telles que la maladie d'Alzheimer, une fois l'un des stades acquis, une personne ne peut régresser à un stade antérieur
- Intégratif, une personne ayant acquis un stade supérieur étant à même de comprendre les raisonnements des individus ayant atteint les stades inférieurs.
- Transculturel, c'est-à-dire que dans toutes les cultures, le développement moral suit les mêmes étapes.
La stagnation est possible, tout le monde n'atteint pas nécessairement le stade suivant.
L'irréversibilité est cependant à nuancer, il existe des variations intra-individuelles, c'est-à-dire qu'un même individu peut dans différentes situations émettre des jugements moraux appartenant à des stades distincts.
Stades de développement moral
Les âges indiqués sont les valeurs dans lesquels la grande majorité des sujets sont compris, ce qui explique le chevauchement. Certaines personnes peuvent être précoces ou au contraire en retard par rapport à ces valeurs indiquées.
Stades préconventionnels
Ce niveau se caractérise par l'égocentrisme, c'est-à-dire que l'enfant ne se soucie que de son intérêt propre, les règles lui sont extérieures et l'enfant ne les perçoit qu'à travers la punition et la récompense.
Stade 1 - Obéissance et punition (2-6 ans) L'enfant adapte son comportement pour fuir les punitions. Les normes morales ne sont pas intégrées. Réponse possibles au dilemme de Heinz :
"Heinz ne doit pas voler car s'il le fait il ira en prison" "Heinz doit voler car sinon Dieu le punira d'avoir laissé sa femme mourir."
Stade 2 - Intérêt personnel (5-7 ans) À ce stade, l'enfant intègre les récompenses en plus des punitions. Réponse possibles au dilemme de Heinz :
"Heinz doit voler car sa femme l'aimera d'autant plus par la suite" "Heinz ne doit pas voler car c'est bien pire d'être envoyé en prison par le juge que d'être détesté par sa femme"
Stades conventionnels
L'altérité prend de l'importance. L'individu apprend à satisfaire des attentes, obéir à des lois, des règles générales
Stade 3 - Relations interpersonnelles et conformité (7-12 ans) L'enfant intègre les règles du groupe restreint auquel il appartient. Sa principale interrogation est : que va-t-on penser de moi ?
Stade 4 - Autorité et maintien de l'ordre social (10-15 ans) L'enfant intègre les normes sociales. Il respecte les lois même si cela va contre son intérêt et qu'il sait pouvoir échapper à la sanction. On peut parler d'amour des lois ou de souci pour le bien commun.
Réponses possibles au dilemme de Heinz:
"Heinz ne doit pas voler car c'est interdit par la loi." "Heinz doit voler car les tribunaux ne condamnent pas le vol s'il est justifié alors que la non-assistance à personne en danger est condamnable."
Stades post-conventionnels
L'individu fonde son jugement moral sur sa propre évaluation des valeurs morales. Il est prêt à enfreindre une loi s'il juge celle-ci mauvaise ou à l'inverse est prêt à condamner moralement certaines activités et à se les interdire alors même que la loi les autorise. Un certain nombre d'individus n'atteignent pas ces stades, pour preuve la défense d'Adolf Eichmann (tortionnaire nazi) a consisté à dire qu'il avait scrupuleusement agi de manière morale, ne faisant pas le moindre écart à la loi et aux ordres de ses supérieurs, y compris lorsqu'il aurait voulu épargner une de ses victimes. C'est un raisonnement typique du stade conventionnel, on pense ne pas être en tort moral dès lors que l'on respecte la loi. L'individu est incapable de former son propre jugement.
Stade 5 - Contrat social L'individu se sent engagé vis-à-vis de ses proches. Il se soucie de leur bien-être et agit pour concilier ses intérêts aux leurs.
Stade 6 - Principes éthiques universels Le jugement moral se fonde sur des valeurs morales à portée universelle et est adopté personnellement par le sujet à la suite d'une réflexion éthique (égalité des droits, courage, honnêteté, respect du consentement, non-violence, etc). Ces valeurs morales que se donne le sujet priment sur le respect des lois. Ainsi, la personne est prête à défendre un jugement moral minoritaire. Elle est capable de juger bonne une action illicite ou au contraire de juger mauvaise une action licite.
D'après Kohlberg, seul 13% de la population adulte atteindrait le stade 6.
Stades du développement psychosocial
Les stades du développement psychosocial d’Erik Erikson s’articulent autour de huit stades permettant un développement psychologique humain sain depuis la petite enfance jusque la vieillesse. À chaque stade, la personne est confrontée à, et peut maîtriser, de nouveaux défis. Chaque stade se construit sur les bases construites lors des stades précédents. Les défis peu ou non relevés sont susceptibles de réapparaître sous forme de problèmes dans l’avenir.
Les stades
Espoir : Confiance versus Méfiance (0-18 mois)
Crise identitaire : Confiance versus Méfiance Vertu : Espoir Formulation de l’identité acquise : « Je suis ce qu'on me donne »
Le premier stade de la théorie d’Erik Erikson est centré sur les besoins basiques de l’enfant et des échanges avec ses parents. L’enfant dépend de ses parents, spécialement de sa mère, pour s’alimenter, se sentir bien, etc. Erikson établit un parallèle entre ce stade et le stade oral de la théorie psychanalytique. Sa relative compréhension du monde et de la société lui vient des parents et des interactions qu’ils peuvent avoir avec lui. Si ces parents lui apportent chaleur et une affection régulière et constante, l’enfant verra le monde où il vit comme un monde où règne la confiance. Si ces mêmes parents échouent à lui procurer un environnement sécurisant et une satisfaction pleine à ses besoins premiers, l’enfant le verra comme un monde de méfiance. Dans cette théorie, la tâche majeure du développement de l’enfant est d’apprendre comment, les autres, spécialement son entourage proche, satisfont, ou non, ses besoins premiers. S’ils se montrent fiables et constants, l'enfant apprendra la confiance (« les autres sont fiables et constants »). S’il en vient à être négligé, voire abusé, il apprendra la méfiance (« les autres sont non fiables et inconstants »). Volonté : Autonomie versus Honte et Doute (18 mois-3 ans)
===Crise identitaire : Autonomie versus Honte et Doute=== Question principale : « Puis-je accomplir des choses seul ou devrais-je toujours dépendre des autres ? » Vertu : Volonté Formulation de l’identité acquise : « Je suis ce que je puis vouloir librement »
Alors que l’enfant acquiert le contrôle de diverses fonctions (d’élimination - Erikson établit un parallèle entre ce stade et le stade anal de la théorie psychanalytique -, de locomotion), il commence à explorer son environnement proche. Les parents continuent à apporter de solides bases de sécurité à ce dernier afin que l’enfant puisse expérimenter et se lancer. La patience des parents et leurs encouragements aident à renforcer l’autonomie de l’enfant. des parents trop restrictifs ou pas assez encourageants instilleront le doute chez l’enfant qui arrêtera ses explorations. Les progrès des enfants (développement physique et musculaire, gain d’autonomie), leur permettent de satisfaire eux-mêmes certaines de leurs envies. Ils commencent à se nourrir, à s’habiller, à se laver eux-mêmes, à utiliser les toilettes. Si l’entourage proche encourage ce comportement, l’enfant développe son sens de l’autonomie et à se sentir capable d’affronter des difficultés. Mais, si les parents en demandent trop et trop tôt ou s’ils refusent de laisser l’enfant tenter de faire ces choses, ou encore se moquent de ses échecs, il pourra développer un sentiment de honte de lui-même et de doute en ses capacités à affronter la difficulté.
Conviction : Initiative versus Culpabilité (3-6 ans)
Crise identitaire : Initiative versus Culpabilité Question principale : « Suis-je bon ou mauvais ? » Vertu : Conviction Éléments sociétaux en relation : les prototypes Formulation de l’identité acquise : « Je suis ce que j’imagine que je serai »
L’initiative apporte la possibilité d’anticiper, de planifier et d’entreprendre une tâche en vue de la santé mentale. L’enfant apprend à maîtriser le monde qui l’entoure, à être curieux de tout, à étendre sa maîtrise du langage et les principes de base de la physique (« les choses tombent vers le bas et non vers le haut », « les choses rondes roulent »). Il commence à faire des actions dans un but. La culpabilité fait aussi son apparition en tant que nouvelle émotion qui apporte de la confusion. Il peut se sentir coupable de choses qui logiquement ne le devraient pas. Il peut ainsi ressentir de la culpabilité à n’avoir pas pu réussir quelque chose. Il se prépare à prendre des initiatives qui le mèneraient vers des rôles sociaux (leadership, etc.) au travers de conduites « à risque » où il teste ses propres limites : traverser une rue seul, faire du vélo sans casque. Durant ce stade, l’enfant peut aussi développer son acceptation, ou non, de la frustration et donc, parfois, des comportements « négatifs » : jeter des objets, frapper, crier. Erikson parle d’un mode pénétrant qu’il met en parallèle avec le stade phallique de la théorie psychanalytique. L’enfant devient donc de plus en plus capable d’accomplir des tâches dans un but précis et donc de pouvoir établir des choix sur des activités à poursuivre. Si les parents et l’école l’encouragent, tout en le guidant et en l’aidant, l’enfant développera son sens de l’initiative. Dans le cas contraire, il développera un sentiment de culpabilité envers ses besoins et ses désirs.
Compétence : Travail versus Infériorité (6-12 ans)
Crise identitaire : entreprenant versus Infériorité Question principale : « Suis-je capable ou incapable ? » Vertu : Compétence Éléments sociétaux en relation : la division du travail Formulation de l’identité acquise : « Je suis ce que je peux apprendre à faire marcher »
La volonté d’atteindre un but « professionnel » via une réussite scolaire prend le pas sur les volontés de jouer. Les fondamentaux sont développés. Il considère son entourage comme individus. Il veut se montrer bon, raisonnable, coopératif et travailleur. Il comprend les concepts d’espace et de temps, devient plus logique, commence à comprendre les liens de cause à effet. Il peut accomplir des tâches complexes : lire, écrire… Il commence à donner forme à certaines valeurs morales et reconnaît les différences individuelles et/ou culturelles. Il veut démontrer son indépendance en se montrant désobéissant, en parlant par derrière ou en se rebellant. Erikson perçoit l’école élémentaire comme un seuil critique dans le développement de la confiance en soi. Dans l’idéal, elle doit apporter de nombreuses opportunités pour l’enfant d’obtenir la reconnaissance de ses parents, de ses maîtres et de ses pairs par l’accomplissement de tâches : dessins, résolutions mathématiques, rédaction et autres. Erikson établit là aussi un parallèle avec la psychanalyse : pour lui, c’est le stade de latence. Si l’enfant est encouragé à faire et à accomplir des choses et félicité pour celles-ci, il devient « industrieux » et devient plus rapide, plus persévérant et se met au travail avec plaisir. Au contraire, s’il est moqué ou puni, il deviendra inapte à assouvir les attentes de ses maîtres et de ses parents : il développera un sentiment d’infériorité et aura tendance à s’isoler.
Fidélité : Identité versus Confusion des rôles (12-20 ans)
Crise identitaire : Identité versus Confusion des rôles Question principale : « Qui suis-je et où vais-je ? » Vertu : Fidélité Éléments sociétaux en relation : l’idéologie
L’adolescent est préoccupé de la manière dont les autres le perçoivent. Il change beaucoup physiquement. Son ego surdimensionné accroît la confiance en soi et en un avenir prometteur. Le sens de l’identité sexuelle se développe également vers la fin de l’adolescence. Dans cette transition entre enfance et monde adulte, l’adolescent pèse le pour et le contre dans les rôles qu’il pourrait jouer plus tard. Au départ, il rencontre de la confusion et il est porté à tenter diverses expériences dans les tâches et les comportements (baby-sitting, affiliation à des groupes politiques ou religieux…). Ce point névralgique de l’identification ressemble à une sorte de réconciliation entre « la personne à être » et « la personne dont la société espère la venue ». Ce sens émergeant de l’identité se forge au travers de la synthèse des expériences passées et les anticipations du futur. Dans cette recherche personnelle, Erikson parle d’un « moratoire » donné par la société aux adolescents qui peuvent alors se livrer à diverses expériences. Comme pour les autres stades, les forces bio-psycho-sociales entrent en jeu. Parfois les adolescents entrent en conflit avec leurs parents quant à leurs orientations politiques ou religieuses. Parfois, les adolescents peuvent choisir leur orientation professionnelle et d’autres fois, ce sont les parents qui ont un rôle décisif. D’autres fois, les adolescents subissent des pressions et acceptent « au forceps » d’expérimenter une voie alors que d’autres le tenteront d’eux-mêmes. Peu importe comment surgissent les choix du moment qu’ils sont ou deviennent personnels. Selon Erikson : quand un adolescent balance entre « Qu’est-ce que je veux ? » et « Qu’est-ce ce que je vais faire avec ? », il construit son identité. C’est là qu’intervient la fidélité en tant que moyen de soutenir une certaine loyauté dans un moment de contradictions et de confusions inévitables au sein d’un système propre de valeurs. Même si l’on donne 20 ans comme âge de « fin » de ce stade, celle-ci est fréquemment dépassée. Erikson donne deux exemples de « retard » dans deux de ses ouvrages (Young Man Luther et Gandhi’s Truth) : 25 et 30 ans.
Amour : Intimité versus Isolement (20-34 ans)
Crise identitaire : Intimité versus Isolement Question principale : « Est-ce que je veux partager ma vie avec quelqu'un ou vivre seul ? » Vertu : Amour Éléments sociétaux en relation : modalités de coopération (voire mariage)
Ce stade débute lorsque le précédent est en bonne voie. Il y est donc fortement lié. Les jeunes adultes continuent de brasser leur identité avec celles d’amis. ils s’y confrontent. Ils sont effrayés par les possibilités de rejet ou de ruptures. Parfois, leur ego ne peut le supporter. Ceux qui ont bien établi leur identité peuvent alors se lancer dans des relations d’intimité réciproque (et avec leurs propres ressources intérieures). Ces relations peuvent être durables (amitié proche, mariage…) et ils peuvent faire preuve des sacrifices et des compromis nécessaires à ce type de relation. Au cas où ces mêmes personnes ne pourraient pas s’ouvrir à de telles relations, un sentiment d’isolation peut en résulter.
Attention : Régénération versus Stagnation (35-65 ans)
Crise identitaire : Régénération versus Stagnation Question principale : « Ai-je produit quelque chose d’une réelle valeur ? » Vertu : Attention Éléments sociétaux en relation : parentalité, éducation ou tout autre implication sociale
Le souci de génération est le questionnement du stade suivant. La valeur sociale de la production et du travail y est associée, avoir ou vouloir des enfants n’est pas le seul profil de cette générativité. Durant cet âge adulte médian, la principale tâche du développement est d’apporter sa contribution à la société et d’aider la génération future. Lorsque les personnes apportent de telles contributions, en agrandissant leur famille, en travaillant à l’amélioration de la vie de la société, il développe leur sens générationnel, un sens de productivité et d’accomplissement. À l’opposé, une personne trop autocentrée, qui ne voudrait ou ne pourrait aider la société développe un sentiment de stagnation et d’insatisfaction.
Questions centrales posées à ce stade :
Exprimer de l’amour vrai plus que des actes sexuels ; Développer l’unité avec son partenaire ; Aider à faire grandir les enfants afin qu’ils deviennent des adultes responsables ; Jouer un rôle central dans l’éducation des enfants ; Accepter les enfants de son partenaire et de ses amis ; Fonder un foyer confortable ; Être fier de ses actes et de ceux de son partenaire ; Inverser les rôles avec ses parents âgés ; Parfaire sa responsabilité civique et sociale ; S’ajuster aux changements physiques ; Utiliser son temps libre pour la création ; Aimer les autres.
Sagesse : Intégrité versus Désespoir (> 65 ans)
Crise identitaire : Intégrité versus Désespoir Question principale : « Ai-je vécu une vie bien remplie ? » Vertu : Sagesse
Ce stade final est celui de la rétrospection. À mesure que nous vieillissons et devenons des seniors, nous avons tendance à baisser dans notre productivité et regardons la vie du point de vue du retraité. C’est durant ce laps de temps que nous pouvons contempler nos aboutissements et sommes capables de développer un sentiment d’intégrité si nous estimons avoir une vie riche et remplie. Dans le cas contraire, nous développons un sentiment de désespoir menant à la dépression face à une vie ressentie comme inachevée.
Rapport à la théorie freudienne
Erikson a été un étudiant de Sigmund Freud et a été analysé par Anna Freud, ce qui a donné une trame psychanalytique à sa théorie des stades de développement psychosocial. Les premiers stades de cette théorie ont été mis en regard de celle de Freud : les quatre premiers stades d’Erikson sont rapportés directement dans son ouvrage à ceux de Freud (stades oral, anal, phallique, de latence). De plus, le 5e stade d’Erikson est relié au stade génital de Freud.
Erikson voit la dynamique à l’œuvre durant toute une vie, le développement ne s’arrête pas avec l’adolescence (comme cela peut être vu par la théorie psychanalytique). Il voit également les stades de la vie comme un cycle : la fin d’une génération voit l’apparition de la suivante. Du point de vue sociétal, les stades de la vie ne sont plus linéaires comme pour un individu mais font partie du développement cyclique d’une société.
Conclusion
Les théories présentées dans cet article ont toutes en commun la notion de stade, et donc d'évolution d'un stade vers le suivant. De nombreuses autres théories en psychologie se basent également sur la notion de stade. Qu'il s'agisse de développement moral, psychosocial, ou de la connaissance, la personne gravit les échelons de stade en stade. Dans ces théories, un stade n'est atteignable que si l'on est passé par les précédents, et il est impossible de parcourir ces stades différemment. Néanmoins, d'autres domaines de la psychologie, telles que la psychologie différentielle ont remis en question la linéarité des stades du développement.