Déontologie

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Introduction

Cette page sur la déontologie et la rigueur scientifique est développée dans le cadre d'un programme de formation à destination des nouveaux enseignants, renforcement des compétences pédagogiques et numériques des enseignants chercheurs (RECOMP-ES) et se déroule principalement sur ce Moodle.

Objectifs d'apprentissage

Les universités: lieux de création et de transmission du savoir, lieux de quêtes de la vérité

Les universités européennes ont été créés au Moyen-Age, à la suite, probablement, d’universités plus anciennes crées en Inde notamment, l’université Nalanda en 427 (Magdeleine et al., 2024; Wikipedia, NoDate-a) et au Maroc, à Fes, l’université Al Quaraouiyine, جامعة القرويين, en 859 (Wikipedia, NoDate-c).

L’université Al Quaraouiyine a débuté comme une madrasa, un centre d'enseignement religieux, au sein de la mosquée du même nom. Son fonctionnement reposait principalement sur l'enseignement de disciplines religieuses, comme le droit islamique, fiqh, et la théologie, mais elle s'est rapidement ouverte à d'autres domaines du savoir, tels que la grammaire, la médecine, les mathématiques et l'astronomie. Le modèle éducatif de l’université Al Quaraouiyine était centré sur les enseignements dispensés par des érudits qualifiés, souvent à travers des cercles d'étude informels, halaqas. Les étudiants se rassemblaient autour de leurs professeurs dans des espaces ouverts ou dans la mosquée elle-même. Les étudiants avaient une certaine liberté dans le choix de leurs maîtres et des disciplines qu'ils souhaitaient étudier. Le système de validation du savoir reposait sur une autorisation, ijaza, reçue du maître et habilitant un étudiant à enseigner à son tour une matière donnée. L’université Al Quaraouiyine a joué un rôle déterminant dans la transmission du savoir dans le monde. Elle a probablement également joué un rôle déterminant quant à cette forme décentralisée d’université, endogène à la culture islamique (Nelson, 2024) lorsque l’université de Bologne a été créé.

L’Université de Bologne a été créé en 1088 sur un modèle décentralisé et non hiérarchique. Il est important de se remettre dans le contexte historique de l’époque, autrement dit, un pouvoir ecclésiastique dominant, pour comprendre l’émergence de cette nouvelle forme. A cette époque, en Europe, la conception du monde selon Copernic a commencé à germer et trouvait une forte opposition du pouvoir ecclésiastique. Contrairement aux universités contemporaines, l’université n'était pas une entité centralisée avec des bâtiments dédiés, mais un regroupement informel d'étudiants et de maîtres (que l’on appelle dans la suite du texte enseignants), regroupés dans des associations appelées universitas. Ces associations étaient autonomes et se concentraient principalement sur l'enseignement du droit civil (Paul, 2014).

« Les spécialistes du droit romain, qui sont les premières gloires de la ville, donnent à l’école un caractère civil et laïque inconnu ailleurs. L’université de Bologne a de ce fait un caractère professionnel marqué, elle est très différente de l’université de Paris dont l’enseignement phare est la théologie. Sans expliquer toutes les différences, ces orientations fondamentales laissent entrevoir des types d’universités assez différents suivant qu’elles forment principalement des clercs ou des professionnels du droit et de la médecine. » (Paul, 2014, no page, on-line)

Une universitas était donc une corporation ou une communauté de personnes ayant un intérêt commun, autrement dit, une association d'individus cherchant à organiser un enseignement de manière collective. Les étudiants, souvent venus de toute l'Europe, jouaient un rôle clé dans le fonctionnement de l'institution, qui comprenait notamment l’engagement des enseignants et, plus généralement, toute la gestion de l’universitas (De Meulemeester, 2011; Scott, 2006).

Pour conclure, les universitas, qui sont à l’origine des universités contemporaines, se donnaient pour mission la quête de la vérité à travers la transmission-création de savoirs (Rangel, 2007). Un instrument très important pour pouvoir assurer cette mission a été créé : la liberté académique.

Comme le propose Tight (1988), les origines de la liberté académique proviennent du besoin des universités de se protéger elles-mêmes et de protéger leurs membres du dogmatisme politique et de la persécution de l’époque. Grâce à leur pratique, les universités ont appuyé des valeurs éducatives et des politiques différentes de celles qui prévalaient à l’époque.(Rangel, 2007, p. 85)

La liberté académique

L’histoire de la liberté académique nous intéresse depuis quatre moments importants qui ont contribué à forger le concept :

·       Socrate et la maïeutique

·       Les universitas du Moyen-Age

·       Le modèle de Von Humboldt

·       La professionnalisation de l’activité de recherche au 20ème siècle et les années 1960

Socrate

On fait généralement remonter la liberté académique à Socrate : « Au prix de sa vie, le grand philosophe grec a défendu, jusqu'à la fin, son droit à conduire librement son interrogation sur les dieux, le monde et les hommes selon ce qu'il croyait être le plus véridique, le plus juste et le plus raisonnable » (Audet, 1982, p. 99). Socrate incarne l'idée fondamentale de l'indépendance intellectuelle et de la recherche libre de la vérité, même face aux pressions sociales et politiques. Socrate, à travers sa méthode dialectique (ou maïeutique [« Méthode par laquelle Socrate disait accoucher les esprits, au moyen de questions habilement posées, des vérités dont ils n’étaient pas encore conscients. » https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9M0201]), interrogeait ses concitoyens sur leurs croyances et leurs idées reçues, cherchant à éveiller un esprit critique et à remettre en question les dogmes établis. Cette attitude de questionnement constant et son refus de se conformer aux idées dominantes de l'époque illustrent les bases de la liberté académique : le droit d'exprimer des idées, de questionner l'autorité et de poursuivre la connaissance sans crainte de répercussions.

Socrate a été jugé et condamné à mort en 399 avant J.-C. et, en acceptant sa condamnation, il a montré son engagement envers la vérité et l'éthique personnelle, soulignant que la recherche intellectuelle devait être menée avec intégrité, même au prix de sa propre vie.

Pour ces différentes raisons, la morale et l'éthique de Socrate, basées sur la recherche du bien et de la vérité par la raison et le dialogue, sont considérées comme les racines philosophiques de la liberté académique. Elles valorisent la quête du savoir comme un processus libre et indépendant, résistant à l'influence des autorités extérieures ou des normes sociales. De plus, « cette remise en question de l'individualité se trouve dépassée dans le dialogue entre un individu et un autre, dialogue fondé sur la raison, pour atteindre l'universalité » (Wikipedia, NoDate-b).

Moyen-Age

La liberté académique, au Moyen Âge, désigne principalement l'autonomie par rapport aux pouvoirs religieux. Elle se concrétisait par le droit pour les enseignants et les étudiants de poursuivre des études, d’enseigner et de mener des recherches sans être soumis à des pressions extérieures ou à des censures. La liberté académique est associée aux universitas, qui jouissaient d’une autonomie juridique et administrative, leur permettant de fixer leurs propres règles et, dans certains cas, d’échapper à l’autorité directe des évêques ou des autorités locales. Les enseignants et étudiants bénéficiaient souvent de privilèges juridiques et fiscaux, appelés libertés académiques, accordés par des chartes ou des bulles papales (Paul, 2014). Cette liberté leur permettait de rechercher la vérité, de créer et de transmettre des savoirs autres que ceux transmis par les pouvoirs ecclésiastiques en place.

Le modèle de Von Humboldt

Tout d'abord, il est important de rappeler que le modèle de nos universités contemporaines découle du modèle de Von Humboldt, à l’Université de Berlin, crée en 1809 avec l'intégration de la recherche en plus de l'enseignement. Von Humboldt a conçu l’université comme un espace où la quête de la vérité et la recherche scientifique doivent tendre vers la finalité que constitue la Bildung.

La Bildung se réfère à un processus de développement personnel et intellectuel qui dépasse la simple acquisition de compétences ou de connaissances techniques. Elle implique une formation complète de l’individu, englobant le développement moral, esthétique et critique pour se développer en tant que personne. C'est un chemin vers l’épanouissement personnel et la réalisation de soi, où l’éducation vise à former des personnes éclairées et autonomes capables de réflexion critique. Cette approche souligne l'importance du développement de la personne en tant que finalité essentielle de l'éducation (Deimann, 2013; Deimann & Sloep, 2013).

“The concept of Bildung brings together the aspirations of all those who acknowledge – or hope – that education is more than the simple acquisition of knowledge and skills, that it is more than simply getting things ‘right,’ but that it also has to do with nurturing the human person, that it has to do with individuality, subjectivity, in short, with ‘becoming and being somebody’.”(Deimann, 2013, pp. 192-193).

Von Humboldt a soutenu que pour que l'université puisse remplir son rôle de recherche et de transmission du savoir de manière efficace, il est déterminant que les enseignants et les chercheurs soient libres de poursuivre leur recherche et enseignement sans contraintes externes. Cette liberté académique permet la production de savoirs nouveaux et la formulation de critiques, contribuant à la quête de la vérité (Östling, 2020).

La professionnalisation de l’activité de recherche au 20ème siècle et les années 1960

« La notion de science telle qu’elle est entendue aujourd’hui peut être datée du milieu du 19ème siècle. C'est à partir de cette période que le terme change radicalement de sens et que la science devient une référence majeure dans la société. Elle renvoie simultanément à un certain état d’esprit, à une manière de concevoir la connaissance (et la connaissance « vraie ») qui occupe une place clé dans les idéologies nouvelles du progrès, à une certaine manière de concevoir et d'organiser ce qui sera considéré comme un travail véritablement scientifique, et à des institutions spécifiques de plus en plus formalisées. Il y a, comme on l’a dit, institutionnalisation et professionnalisation de l’activité scientifique, ce qui conduit à la constitution des systèmes de recherche (et d’innovation, la terminologie est importante) tels qu’on les connait aujourd’hui. »(Weinstein, 2013, p. 5)

La liberté académique a été discutée, au plus proche de nous, durant les mouvements sociaux des années 1960. Ces mouvements, étaient en lien notamment avec les modèles d’éducation décentralisés et l’utilisation du concept d’Open Education qui les représentait en partie (e.g. Barth & Rathbone, 1971; Illich, 1971; Rathbone, 1971). Dans le monde anglo-saxon, la liberté académique a été fortement discutée (e.g. Beaud, 2021, p. 632) mais il n’en n’a pas été de même en France notamment. Paul Ricoeur se démarque en critiquant les deux modèles, décentralisé et centralisé. Il définit la liberté académique dans son rapport avec la responsabilité :

« La liberté académique est définie positivement par la responsabilité à l’égard du savoir. Le droit de contestation des étudiants, la liberté d’expression des professeurs dans l’exercice de l’enseignement, l’autonomie pédagogique, administrative et financière de l’Université ne sont que des expressions et des organes de cette responsabilité des uns et des autres à l’égard du savoir. » (Ricoeur cité par Beaud, 2021, p. 635)

La liberté académique connait depuis ses début des périodes de croissance (par ex : 1945 et 1990) et de déclin (par ex : depuis 2013) selon Lott (2023) et représenté dans la Figure 1: Période de croissances et de déclin de la liberté académique entre 1900 et 2022, Lott (2023, p. 8)

Figure 1: Période de croissances et de déclin de la liberté académique entre 1900 et 2022, Lott (2023, Figure 2, p. 8)

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