BASES:Cours BASES 2022-23/Emma Schenkenberg van Mierop
Auteure : Emma Schenkenberg van Mierop
Introduction
La découverte du monde passe par la lecture. Elle est omniprésente à l’école, dans la vie quotidienne ou en ligne. Les élèves doivent côtoyer différents genres de textes comme des romans, des recettes de cuisine, des SMS, des journaux, etc. Il est difficile de participer à la vie citoyenne sans comprendre des textes, surtout que de nos jours, de plus en plus de textes sont disponibles sur Internet. Pourtant, en Suisse, environ 800 000 personnes de 16 à 65 ont de la difficulté à lire et à comprendre (Office fédéral de la culture, 2017). Il devient alors essentiel d’enseigner la compréhension en lecture afin d’aider les élèves «à mieux comprendre le monde et à pouvoir ainsi interagir socialement, culturellement et politiquement» (Guillemin, 2020). Dans cet article, je vais répondre aux questions suivantes : Quels sont les processus qui sont mis en œuvre lors de la compréhension de textes ? et Quels sont les facteurs qui favorisent ou qui entravent la compréhension de textes ?
Partie 1 : Processus mis en oeuvre pour comprendre des textes
La compréhension d'un seul texte
La lecture d’un texte, qu’elle soit au format papier ou au format numérique est un «processus interactif» (Giasson, 2016, p.6). La compréhension d’un texte n’est pas innée et ne passe pas simplement par le décodage des mots, mais se construit et nécessite de mettre en œuvre des processus. Giasson (1990) a conçu un modèle interactif généralisé de la compréhension en lecture (figure 1), qui comporte :
- le lecteur avec ses connaissances et ses attitudes ainsi que les habiletés qu’il met en oeuvre durant la lecture.
- le texte avec l’intention de l’auteur, le genre littéraire, la structure du texte et son contenu.
- le contexte avec les conditions dans lesquelles se trouve le lecteur face au texte (psychologique, social et physique).
Toutes ces composantes permettent au lecteur de donner sens à ce qui est écrit en utilisant à la fois le texte et ses propres connaissances (Nyssen et Terwagne, 2001).
La compréhension en lecture est à l’intersection de ses trois composantes et dépend de la relation entre les trois. «Plus le texte est adapté à l’habileté du lecteur dans un contexte approprié, meilleure sera la compréhension.» (Nyssen et Terwagne, 2001, paragr. 7).
Le lecteur doit mettre en œuvre cinq processus pour lire un texte (figure 2). On trouve tout d’abord les microprocessus qui se situent au niveau de la phrase et qui permettent de reconnaître des mots, ensuite les processus d’intégration se situent entre les phrases et utilisent des connecteurs pour lier les phrases. Les macroprocessus se situent au niveau du texte et permettent de le résumer et d’en identifier les idées principales, tandis que les processus d’élaboration permettent au lecteur de dépasser le texte et d’effectuer des inférences en faisant des prédictions et des liens avec les connaissances. Pour finir, les processus métacognitifs gèrent la compréhension et la réparent en cas de perte et permettent au lecteur de s’ajuster au texte et à la situation (Nyssen et Terwagne, 2001, paragr. 8).
Un deuxième point qui apparaît dans la composante lecteur sont les structures (figure 3). Elles dépendent de qui nous sommes, mais sont complexes, car nous avons tous des goûts et un bagage différents. Au sein d'une classe, un enseignant peut avoir à sa charge plus de 25 élèves, tous différents. Ces structures peuvent être cognitives ou affectives. Les structures cognitives regroupent les connaissances qu’un lecteur possède sur la langue et sur le monde, tandis que les structures affectives vont permettre de représenter l’attitude et la motivation du lecteur face au texte.
Afin d’identifier quelqu’un comme étant lecteur, il est nécessaire qu’il ait un texte à lire. Dans un texte, il y a trois points à prendre en compte, l’intention de l’auteur, la forme et le contenu. En effet, il est essentiel d’identifier le but poursuivi par l’auteur et son genre littéraire afin de comprendre le texte. Par ailleurs, les organisations des idées et le thème abordé dans le texte sont également importants à prendre en compte. Il faut faire attention à choisir le bon texte pour le bon public (Nyssen et Terwagne, 2001, paragr. 8). On ne va pas donner un texte scientifique à lire à des élèves de primaire.
Pour finir, un lecteur lit un texte toujours dans un contexte donné. Le contexte peut être social, c’est-à-dire que des interactions se produisent durant la lecture avec des pairs ou avec l’enseignant, mais il peut aussi être physique, c’est-à-dire qu’il faut prendre en compte les conditions matérielles comme le bruit qui peuvent impacter la lecture. Pour finir, il ne faut pas oublier le contexte psychologique dans lequel se situe le lecteur pour cerner son intérêt et sa motivation à lire (Nyssen et Terwagne, 2001, paragr. 8).
Ces composantes définies par Giasson (1990) peuvent faire penser au DRIVE model de Cartwright (2019) qui relie la pratique de lecture à la pratique de la conduite. C’est un processus stratégique actif qui est influencé par de multiples facteurs internes et externes en interaction.
Par exemple, on retrouve comme éléments clés de ce modèle le genre, la structure et la forme du texte qui influencent la compréhension du texte et qui rappellent la composante texte de Giasson (1990). On trouve également le lecteur avec sa motivation et son engagement qui lui sont propres, ainsi que ses connaissances sur le monde et sur la langue. Cartwright (2019) inclut également le contexte dans lequel s’effectue la lecture du texte en indiquant que les conditions comme le bruit ou le manque de lumière peuvent impacter négativement la compréhension ou encore que l’environnement peut influencer. En effet, on ne lit pas un texte de la même manière s’il est lu en classe ou s’il est lu dans un environnement religieux.
La lecture d’un simple texte passe donc par des processus complexes qui sont reliés entre eux. Lorsqu’une des composantes n’est pas reliée aux autres, alors la compréhension de textes n’est pas garantie (figure 4).
Dans la première situation, le texte correspond au lecteur, mais le contexte dans lequel il se trouve n’est pas optimal. Dans la deuxième situation, le lecteur peut lire dans de bonnes conditions, mais le texte n’est pas adapté. Dans la dernière situation, les trois composantes sont dissociées, car le lecteur ne peut être exclu d’une relation. Ainsi, lorsqu’une des composantes n’est pas en lien avec les autres, la compréhension du texte devient impossible. En tant qu’enseignant, on peut avoir un réel impact au niveau de la composante texte et ainsi sur la compréhension de texte en proposant des ouvrages qui correspondent au niveau de lecture des élèves et en enseignant des stratégies.
La compréhension de plusieurs textes en ligne
De nos jours, les lecteurs peuvent accéder à des informations partout et à tout moment. Le nombre d’informations disponibles dans différents formats augmente chaque jour, mais elles ne sont pas toujours fiables. Nous sommes tous sujets aux Fake News et surtout les enfants ! En tant qu’enseignant, il faut aider les élèves à développer des compétences numériques comme la recherche de pages web pertinentes (Salmerón, 2018).
En effet, la navigation est essentielle pour la lecture numérique, car elle peut favoriser ou entraver la compréhension et l'intégration des informations (Salmerón, 2018). En naviguant, les lecteurs peuvent établir des liens entre des sources d'informations, cependant, cela n'implique pas nécessairement qu’ils construisent une représentation mentale cohérente (Salmerón, 2018), car faire des liens entre plusieurs textes et l’une des compétences en lecture les plus difficiles à acquérir (Beker et al., 2016). Pour comprendre un sujet, les lecteurs doivent intégrer de l’information à partir de multiples documents (Cartwright, 2019).
En tant qu’enseignant, il faut aider les élèves à développer des compétences en lecture qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour comprendre un seul texte en permettant aux élèves d’intégrer plusieurs éléments d’informations et plusieurs formats de présentation, ainsi que de leur apprendre à évaluer critiquement une information (Salmerón, 2018).
À l’école, il est parfois demandé à un élève de faire des recherches pour faire une présentation devant la classe. Il lui faudra alors rechercher l’information dans plusieurs textes et la comparer. Cet exercice requiert cependant un effort stratégique considérable de la part de l’apprenant (Lombard et al., 2021). Lorsque les élèves travaillent sur plusieurs documents à la fois pour répondre à une question, ils essaient d’abord de donner un sens aux informations, puis de créer un document externe afin d’être évalués sur le sujet (Lombard et al., 2021).
Mais, pour donner du sens, il est nécessaire que les informations textuelles lues précédemment soient spontanément activées durant la lecture d’un nouveau texte, ce qui permettra l’intégration entre les différents textes (Beker et al., 2016). Cependant, si le chevauchement des traits (featural overlap) est faible, il est possible que les informations d’un texte lu précédemment ne soient pas activées lors de la lecture d’un texte qui est lu plus tard et que des liens entre les textes ne soient pas créés. Le chevauchement des traits (featural overlap) entre plusieurs textes peut être diminué à cause des différences de contextes et à la source de l’information. L'information pourrait donc ne pas être activée si le nouveau texte est lu dans un lieu différent du texte précédent ou à cause de la personne qui fournit l’information. Il est donc nécessaire de faire attention à ce que les informations puissent être bien réactivées afin de créer des liens entre les différents textes à lire.
Par ailleurs, les élèves seront régulièrement confrontés à un certain nombre de sources d'information avec des points de vue différents et dont la source n’est pas toujours fiable. Salmerón et al. (2016) ont remarqué que les élèves de cinquième et de sixième années justifiaient leurs propos avec des commentaires d'expériences personnelles, alors que les étudiants de premier cycle préféraient les preuves documentaires. Les enseignants ont donc ici un rôle essentiel pour développer l'esprit critique des élèves et pour les aider à identifier des sources fiables.
Partie 2 : Les facteurs qui favorisent et entravent la compréhension de textes
Facteurs qui favorisent la compréhension en lecture
Pour permettre aux élèves de mieux comprendre des textes, on peut leur enseigner des stratégies. En effet, Giasson (2016) affirme qu’un enseignement des stratégies de qualité développe l’autonomie des lecteurs ; ils deviennent ainsi responsables et gèrent leur activité de lecture seul. Pour cela, les élèves doivent se rendre eux-mêmes compte que c’est une compétence qui se construit. L’enseignant doit ainsi passer par un enseignement explicite des stratégies passant par cinq étapes (Giasson, 2016) :
- «Définir la stratégie et préciser son utilité» (Giasson, 2016, 29)
- «Rendre le processus transparent» (Giasson, 2016, 30)
- «Interagir avec les élèves et les guider vers la maîtrise de la stratégie» (Giasson, 2016, 30)
- «Favoriser l’autonomie dans l’utilisation de la stratégie» (Giasson, 2016, 30)
- «Assurer l’application de la stratégie» (Giasson, 2016, 30)
L’enseignement de la compréhension en lecture, accompagné d’un enseignement explicite des stratégies de compréhension devrait permettre à l’élève d’améliorer sa compréhension globale (Guillemin, 2020). 12 stratégies ont été développées par Guillemin (2020) afin de permettre à l’élève de se questionner sur le texte puis d’oraliser ce qu’il se passe dans sa tête. Ces stratégies sont les suivantes : prédire, critiquer, tisser des liens avec ses connaissances, se mettre à la place de, ressentir, repérer les reprises anaphoriques, inférer, identifier sa perte de compréhension, réparer sa perte de compréhension, construire une image mentale, confirmer et changer d’idée.
Cette première étape d’auto-questionnement permet à l’élève de devenir un compreneur autonome (Guillemin, 2020). La deuxième étape peut être travaillée avec plusieurs dispositifs comme le texte en trois colonnes ou le montage Keynote.
Le texte en trois colonnes se présente sous la forme suivante :
Au centre on trouve le texte, à gauche on peut placer le pictogramme de la stratégie de compréhension utilisée pour comprendre le texte et à droite on peut collecter les mots clés. Ce même dispositif peut être utilisé à l’ordinateur : l’élève parle à haute voix, il dit ce qui se passe dans sa tête à haute voix, glisse et dépose les pictogrammes des stratégies puis écrit les mots clés. En enregistrant la voix de l’élève, le document pourra être réécouté par l’élève et par l’enseignant.
Le montage Keynote incite l’élève à écrire sur des diapositives préremplies par l'enseignant en complétant avec des mots clés et en s’enregistrant. Ils peuvent ensuite réaliser des dessins de ce qu’ils ont compris du texte et présenter leur production à un public.
Ces stratégies sont efficaces lors de la lecture d’un seul document, mais lorsque le lecteur doit mettre en lien plusieurs textes, il doit mettre en place d’autres stratégies. Cho et Afflerbach DATE ! ont inclus des stratégies telles que la prise de notes pour enregistrer des informations provenant de différents textes, la comparaison et la mise en contraste d'informations provenant de textes apparentés ou encore l'organisation des informations à travers les textes. Cela peut se faire grâce aux outils disponibles sur les ordinateurs et sur les tablettes qui permettent de surligner, d’extraire et d’organiser des informations de plusieurs documents (Lombard et al., 2021). Une autre stratégie qui recommandée pour comprendre plusieurs textes est de juger de l'utilité de l'information d'un texte par rapport à celle d'autres textes, et évaluer la contribution d'un ou de plusieurs textes à l'objectif de la tâche (Cho et Afflerbach, …). Enfin, il faut noter que ce guidage stratégique, en plus d'être efficace pour favoriser les performances de compréhension des élèves, peut influencer l'efficacité avec laquelle ils effectuent des tâches avec plusieurs documents (Lombard, et al., 2021).
Facteurs qui entravent la compréhension en lecture
Les parties 1 et 2 viendront faire la synthèse de vos lectures (les textes recommandés complétés par vos lectures personnelles). N'oubliez pas d'illustrer vos propos par des Tableaux et Figures qui résument.
Discussion
Résumez (10-15 lignes) votre contribution en ouvrant sur la partie 2 du travail, c'est-à-dire en expliquant comment les résultats des recherches décrites ici peuvent être utilisés pour construire des dispositifs numériques qui peuvent favoriser l'apprentissage à partir de textes.
Références
Mentionnez ici vos références par ordre alphabétique et en respectant les normes APA.