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== Mémoire et Emotion ==
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Mémoire et émotion
2013/08/29
Sous-pages et productions:


Mémoire et Emotion

Article original disponible sur : http://deliriumstudens.org/wiki/index.php Non seulement la mémoire est une chose très complexe, mais elle représente beaucoup ce qu'on est. En effet, en l'enlevant, il devient difficile, voire impossible de se projeter dans le passé et/ou dans le futur.

Article de synthèse

Systèmes de mémoire

La mémoire à long terme (MLT) se décompose en plusieurs autres types de mémoires (Markowitsch & Staniloiu, 2011):

  • la mémoire procédurale qui permet d'avoir une réflexion consciente sur l'environnement et qui est liée à une activité motrice;
  • le priming (ou amorçage) est l'indice permettant la reconnaissance d'une information perçue au préalable;
  • la mémoire perceptuelle est ce qui permet de reconnaitre les stimuli, c'est-à-dire ce qui est perçu;
    • c'est ce qui permet de distinguer une pêche d'une poire, par exemple. On dit que c'est une mémoire pré-semantique puisque les personnes dont la mémoire sémantique est atteinte ne sont pas affectés,
  • la mémoire sémantique est orientée vers le moment présent et représente les faits, sans contexte particulier;
    • c'est, par exemple, le fait de savoir que Paris est la capitale de la France. Nous savons que nous le savons, mais nous ne sommes pas capables de contextualiser cette information, c'est-à-dire que nous ne savons pas où nous l'avons appris,
  • la mémoire épisodique/autobiographique est reliée au moment de l'encodage de l'information, c'est la mémoire qui nous permet de nous projeter dans le passé et/ou dans le futur.


Comme nous pouvons le voir ce modèle n'incorpore pas de notion affective.


Dans ce cours, nous allons nous focaliser sur la mémoire sémantique autobiographique.


Type de consigne

Il y a des types de consignes incidentes et des types de consignes intentionnelles. Dans un type de consigne incidente, le sujet n'est pas averti qu'on va lui faire faire une tâche de mémoire. Dans un type de consigne intentionnelle, au contraire, il sera prévenu.


La question posée quant à la mémoire autobiographique sémantique est de savoir pourquoi certains choses reviennent facilement en mémoire alors que d'autres semblent être oubliées.


Systèmes de mémoire

Figure 1. Diagramme montrant l'hypothèse de Tulving de l'organisation hiérarchique de la MLT démontrant, en plus, l'aspect développemental dans la formation de la mémoire). D'un point de vue phylogénétique et ontogénétique, concernant les deux mémoires les plus précoces (mémoire procédurale et priming/amorçage), il se peut qu'il ne s'agisse pas d'un développement séquentiel, mais parallèle. C'est pour cela qu'ils sont séparés par une ligne discontinue. (Markowitsch & Staniloiu, 2011)


Dans cette représentation hiérarchique de la MLT (figure 1) il y a deux choses importantes:

  1. qu'il se peut que les mémoires procédurale et le priming se développent de manière parallèle plutôt que séquentielle;
  2. le langage, la théorie de l'esprit, la représentation de soi et le concept du temps jouent un rôle important dans la mémoire et en particulier le concept du temps.


Mémoire

Comme nous l'avons vu dans le système de mémoire, le temps est important dans la mémoire. Ceci a d'ailleurs déjà été noté en 1900 par Muller & Pilzecker (figure 2). Lors de l'encodage d'une information, elle est consolidée, puis elle est récupérée. C'est comme si on avait une mémoire initialement labile (sujet à changement) qui se stabilise à travers le temps.


Figure 2. Le concept du fonctionnement de la mémoire vu en 1900 (Muller & Pilzecker).


Depuis cette façon de voir, il y a bien entendu eu une évolution. Pour Nader et al. (2000), la mémoire peut être labile, mais à un stade ultérieur. Un événement ne va pas rester stable dans le temps, il va être mis à jour, reconsolidé, remis à jour, etc. (figure 3).


Figure 3. Le concept de la mémoire revu et corrigé par Nader et al. (2000).


Mémoire ≠ réalité

Le fait de se remémore un événement et de le rediscuter peut créer des hésitations quand à ce qui s'est passé, où cela s'est passé, etc. De plus, chaque personne (ayant participé au même événement) pourra avoir son propre souvenir de ce qui s'est passé, où cela s'est passé, etc.


Mais qu'est-ce qui fait qu'un événement sera rappelé et qu'est-ce qui fait qu'il sera mieux rappelé?


Émotion & mémoire

Les événements émotionnelles sont mieux rappelés que d'autres. Il y a un effet de facilitation. Mais quelle est l'élément clé qui est responsable de cette facilitation?


Figure 4. Sharot & Phelps, 2004, Kensinger et al., 2007, D'argembeau et al., 2004.


Un souvenir n’est pas une copie conforme de la réalité, ils peuvent subir des déformations voir être des faux souvenirs. La mémoire épisodique a un aspect affectif. Dans la vision classique de la mémoire, on la représente par une ligne du temps: encodage → consolidation → récupération (figure 2). Nader a ajouté sur cette ligne de temps la réactivation et la reconsolidation (figure 3), qui permettrait l’intégration de nouvelles informations sur un souvenir déjà existant. La mémoire serait donc plutôt labile. Nous savons aujourd’hui que les stimuli émotionnels ont un effet de facilitation sur la mémoire. Trois modèles essayent d’expliquer cela:

  • la théorie de la valence;
  • la théorie de l'arousal;
  • la théorie de la pertinence.


Arousal & mémoire

L’arousal permettrait un effet de facilitation en mémoire. Un mot neutre était présenté au centre de l’écran et un mot neutre ou haut en arousal étaient présenté en périphérie de l’écran. Les participants devaient dire à quel point le mot du centre était fréquent dans la langue (vérifier l’encodage du mot). Dans la seconde expérience (soit tout de suite après ou 24h après) de nouveaux mots et des anciens étaient présentés et les participants devaient dire s’ils les avaient déjà rencontré dans la première expérience. Les mots hauts en arousal (en périphérie) permettaient une facilitation en mémoire seulement lorsque la seconde expérience se faisait 24h après la première (consolidation), ces mots étaient mieux rappelés. Les mots neutres sont mieux rappelés immédiatement qu’après 24h. Il y a donc une stabilité dans le temps des mots émotionnels, soit haut en arousal. Un stimulus émotionnel en périphérie attire notre attention inconsciemment.


Figure 5. Taux de reconnaissance pour des mots périphériques testés immédiatement et après un délai. Un mot (neutre ou «excitant») était présenté en périphérie en même temps qu'un mot neutre était présenté au milieu de l'écran. D'après Sharot & Phelps (2004)[1].

Pour Sharot et Phelps, ce sont les événements hauts en arousal vs ceux qui sont bas en arousal.


Dans leur étude, il y a toujours un mot neutre au centre de l'écran. Par contre, en périphérie, le mot qui apparait est soit neutre, soit haut en «arousal» (il s'agit souvent des mots négatifs tels que: mort, cancer, etc.). Le sujet doit fixer le mot au centre de l'écran sans prêter attention aux mots en périphérie. Il s'agit d'une tâche incidente (c'est-à-dire que les sujets ne savent pas qu'on va les tester sur leur mémoire des mots vus). Il y a deux groupes, un qui passe la tâche immédiatement et doit identifier les mots en périphérie alors qu'on ne leur a pas demander de les mémoriser, et l'autre groupe qui est testé 24h après (parce qu'entre deux ils auront dormi et que le sommeil est supposé aider la consolidation des souvenirs en mémoire).


Les résultats (figure 5) montrent que les mots neutres sont mieux reconnus immédiatement après l'expérience, tandis que les mots émotionnellement chargés sont mieux reconnus le lendemain. Il se peut donc qu'il y ait une forme de consolidation grâce au sommeil. Attention toutefois, l'expérience était transversale («between subjects») et non longitudinale.


Figure 6. Sharot & Phelps (2004).


Valence & mémoire

les stimuli négatifs permettent un effet facilitateur sur la mémoire. Les stimuli négatifs seraient mieux rappelés que les stimuli neutres ou positifs. Deux images étaient présentées aux participants : une forêt ou une rivière (neutres) avec un serpent (négatif) ou un singe (neutre). Les participants devaient ensuite retrouvés l’image du singe ou du serpent parmi d’autres membres de leurs espèces. Les serpents étaient mieux retrouvés. Le background seul (rivière, forêt) était mieux rappelés lorsqu’ils étaient associés au singe (neutre), car l’attention du participant n’était pas focalisée que sur le serpent et pouvait regarder les détails du background.


Figure 6. Kensinger et al. (2007).


Pour Kensinger et al. (2007)[2], il ne s'agit pas d'arousal, mais de valence. En particulier les stimuli ayant une valence négative. Dans leur expérience, les stimuli sont soit négatifs, soit neutres. La reconnaissance de l'objet (stimulus) lui-même est sur un fond («background») neutre. Les images sont présentées et on demande aux sujets ce qu'ils ont vu. Les résultats montrent que les stimuli négatifs sont mieux rappelés que les stimuli neutres (figure 7). Par contre, selon le type de «background», c'est celui qui est neutre, avec un objet neutre qui était reconnu (figure 8). Les stimuli négatifs attirent et négligent la périphérie de la scène.



Pertinence & mémoire

Proposé sous d'autres formes, mais relié à l'émotion, on dit que ce serait la pertinence du stimulus qui compte. En lien avec buts, valeurs et survie, ce qui est pertinent par rapport à nos buts faciliteraient la mémorisation.


Si un événement est évalué comme pertinent il y a déclenchement d’une émotion. La pertinence est évaluée par rapport à nos buts, à nos valeurs ou à notre survie. L’amygdale est très importante pour les stimuli émotionnels, elle est un détecteur de la pertinence et est importante pour la mémoire. C’est donc la pertinence, repérée par l’amygdale qui permettrait une facilitation de la mémoire. Dans une expérience IRM, les participants devaient s’imaginer une situation (parking IKEA), le visage d’une personne et imaginer que cette personne allait partir de sa place de parc (goal relevant) / sortir avec son caddy (neutral) / nous piquer la place (goal obstructive). Nous nous rappelons mieux des visages qui nous ont laissé ou piqué la place (situations émotionnelles). Les visages présentés étaient toujours neutres, c’est donc la pertinence évaluée par le participant qui compte pour faciliter la mémoire. Une autre expérience a été faite dans laquelle les participants pouvaient gagner ou perdre des points en répondant à des questions sur des objets (encodage). Immédiatement ou 24h après, les objets étaient représentés et les participants devaient dire s’ils les avaient déjà vu. Le fait de gagner est quelque chose d’important pour les buts des participants. Ils devaient ensuite évaluer l’arousal, la valence et la pertinence des objets. Les objets étaient tous neutres mais lorsqu’ils étaient évalués comme plus pertinents et plus hauts en arousal car associés à un gain. Les stimuli associés à une perte n’étaient pas évalués comme aussi pertinents et aussi hauts en arousal que ceux associés à un gain. Dans la condition immédiate, ce sont les objets sans gain ni perte qui sont mieux rappelés. Par contre, 24h plus tard, ce sont les objets associés à un gain qui sont mieux rappelés. Les stimuli pertinents se consolident en mémoire alors que les stimuli neutres subissent une diminution du rappel mnésique dans le temps. Il existe peut-être un biais de positivité chez les participants, qui préfèrent garder en mémoire le gain que la perte. Dans une autre expérience, les participants devaient mémoriser un match de basket. Les participants se souviennent mieux des séquences de jeu dans lesquelles leur équipe avait marqué un panier (biais de positivité) que celles dans lesquelles l’autre équipe avait marqué.


Figure 9. Kensinger et al. (2007).


Pertinence

Comme vu dans les théories des processus composants (Théories de l'«appraisal»), la pertinence (ou «relevance» en anglais), est synonyme d'importance. C'est à dire que quelque chose est pertinent pour quelqu'un lorsque cette chose représente quelque chose [d'importan] à ses yeux. Cette pertinence d'un objet serait facilitatrice de la mémorisation dudit objet. Dans ce contexte, le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant quelque chose de physique et tangible qu'une idée, ou un but, par exemple.


L'accès à cet objet peut être facilité ou obstrué. Mais comme vu ci-dessus, la pertinence ou non de l'objet déclenchera ou non une émotion (figure 10).


Figure 10. La pertinence d'un événement déclenche l'émotion.


Amygdale

Figure 11.
Figure 12. L'amygdale en rouge dans cette animation tridimensionnelle.
Figure 13. L'hippocampe joue un rôle important dans le mémoire.

Si un événement pertinent est détecté par l'amygdale (figure 12), cela provoquera une émotion. L'amygdale a un rôle important dans détection de stimulus. Il joue également un rôle dans la mémoire. Lorsque les stimuli sont mieux rappelés, il y a une plus grande activation de l'amygdale.


Lors d'un événement captivant, celui-ci est détecté par l'amygdale, ce qui déclenche une émotion et ce qui faciliterait le stockage en mémoire où c'est l'hippocampe (figure 13) qui est sollicité.


Selon cette théories, c'est parce qu'un événement est pertinent qu'on mémorise (figure 14).


Figure 14. Le rôle de l'amygdale dans la mémorisation.


Expérience

Une expérience a été menée pour vérifier que la pertinencerelevance») joue effectivement un rôle dans l'encodage de la mémoire (la mémorisation), ainsi que la reconnaissance (le rappel) en utilisant l'IRM. Montagrin et al. (en prép.) ont inventé plusieurs histoires pour tester cela, la consigne était incidente (les participants ne savaient pas qu'il s'agissait d'une tâche de mémoire). La «cover story» était qu'il s'agissait d'une tâche sur l'imagerie mentale:

Figure 15. Résultats de l'expérience de Montagrin et al. (en prép.).
  • histoire 1 («goal constructive»):
    • le sujet se rend à la poste où il y a 20 minutes de queue avant d'être servi. Le sujet prend un ticket pour attendre son tour;
    • on lui montre un visage avec une expression neutre;
    • puis l'histoire continue en disant que la personne vous donne son ticket parce qu'elle doit partir et il se trouve que le ticket donné porte le prochain numéro qui sera tiré;
    • on remontre le visage neutre;
    • on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;
  • histoire 2 («goal obstructive»):
    • le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour pouvoir prendre une place de parking qui vient de se libérer;
    • on lui montre un visage avec une expression neutre;
    • tout à coup une autre voiture passe et prend la place attendue;
    • on remontre le visage neutre;
    • et on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;
  • histoire 3 («goal irrelevant»):
    • le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour pouvoir prendre une place de parking qui vient de se libérer;
    • on lui montre un visage avec une expression neutre;
    • tout à coup un piéton passe avec un caddy devant la voiture du sujet;
    • on remontre le visage neutre;
    • et on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation.


On remontre tous les visages neutres vus (60 identités jamais vues auparavant) et les sujets sont demandés s'ils ont vu ou pas ces visages.


Les résultats montrent qu'il y aura une préférence à reconnaitre les visages présenté dans des situations négatives et positives en comparaison à des situations neutres (figure 15).


Facilitation mnésique

Figure 16.

La facilitation mnésique est testée avec d'autres paradigmes. L'attention est quelque chose d'important pour la mémoire émotionnelle. Mais que se passe-t-il s'il l'attention n'est pas portée sur quelque chose, peut-il quand même y avoir un effet de facilitation?


Il y a un phénomène appelé le «change blindness» où les gens ne s'aperçoivent pas qu'une situation change. Il y a bon nombre de changement qui sont dans le champ visuel qui ne sont pas perçus. Mais est-ce quelque chose d'adaptatif (au sens darwinien du terme)?


La facilitation mnésique est adaptative car elle permet de se souvenir de stimulus dangereux (serpent) ou de visages pertinents qui avaient contrés ou aidés nos buts. Par contre, cette facilitation mnésique peut également être mal adaptative (ESPT, flash back et intrusions). Nous pouvons bloquer la facilitation mnésique grâce à un médicament, le béta-bloquant (propranolol), qui supprime l’émotion. L’hormone de stress (noradrénaline) est fortement liée à la formation de souvenirs émotionnels. Le béta-bloquant bloque l’action de l’adrénaline et de la noradrénaline. La libération de la noradrénaline se fait dans le noyau de l’amygdale ce qui permet une neuroplasticité dans d’autres zones cérébrales comme l’hippocampe. La consolidation ne peut plus se faire grâce au bétabloquant. Pour supprimer les intrusions provoquées par une ESPT, il faudrait prendre le bétabloquant avant l’événement (pas très pratique). Heureusement, d’autres auteurs ont montré qu’il serait possible de prendre ce médicament lors de la réactivation du souvenir et ainsi, de bloquer l’effet de facilitation mnésique.


Mémoire émotionnelle & attention

Cette expérience compare deux groupes:

  • un qui a faim;
  • un qui est rassasié.


Lorsqu'on a faim on veut se rapprocher du stimulus de nourriture.


Aux deux groupes on montre des photos montrant de la nourriture ou du mobilier. Les personnes ayant faim reconnaissent plus les objets liés à la nourriture que ceux n'étant pas lié à la nourriture. Les personnes rassasiées, quant à elles, ne présentent pas de différence entre les deux types de photos.


Toujours adaptatif?

Comme nous l'avons vu plus haut, l'émotion a un effet direct sur la mémoire. Il y a un meilleur rappel des visages qui ont facilité nos buts. Ceci est probablement fonctionnel/adaptatif. Cependant, il y a des cas où cet adaptation peut porter préjudice. Notamment, pour les personnes atteintes de d'ESPT (état de stress post-traumatique) à cause, notamment, des souvenirs intrusifs et des flashbacks[3]. Cela reste adaptatif, mais n'est pas bien vécu.


Cette problématique a provoqué un nouveau champ de recherche: comment modifier le souvenir? C'est-à-dire comment intervenir et modifier, voire empêcher, l'effet de facilitation de mémorisation.


... & mémoire

Figure 17. Basé sur McGaugh (2000).

Lors d'un événement stressant il y a (figure 17):

  1. activation du système nerveux sympathique;
  2. libération de noradrénaline;
  3. une réponse combat-fuitefight or flight response»).


Il est possible d'inhiber les hormones adrénaline et noradrénalie grâce à des beta-bloquants qui empêchent ces hormones d'être capturés par les récepteurs idoines. Ceci a pour effet d'empêcher la modulation au niveau de l'hippocampe et autres aires cérébrales (figure 18).


Figure 18. Facilitation bloquée par bêta-bloquant.


Bêta-bloquant & mémoire

Figure 19. Le bêta-bloquant empêche la facilitation pour la mise en mémoire.

Labar & Cabeza (2006) ont mené une expérience où il y avait deux groupes de participants. Les sujets d'un des groupes prenaient des bêta-bloquants (propranolol) 1 heure avant l'expérience tandis que les sujets de l'autre groupe recevaient un placebo. De plus, il y avait un patient souffrant de ???. Puis les sujets étaient amenés à écouter une histoire en regardant un diaporama. Pendant ce temps une histoire était racontée. L'histoire commençait par être neutre, puis elle devenait émotionnellement chargée pour redevenir neutre.


Les résultats (figure 20) montrent que le groupe prenant du propranolol se souvenait moins bien des images présentées durant la partie émotionnelle de l'histoire que que les sujets ayant pris le placébo.


Figure 20. Les résultats de Labar & Cabeza (2006).


Par contre, il y a un problème pratique avec ce genre d'étude. En effet, pour éviter les effets d'un événement traumatique, il faudrait prendre le beta-bloquant 1 heur avant l'évévenement, mais on ne sait pas quand ce genre d'événement aura lieu.


Récupération

Kroes, Strange & Dolan (2010) on fait une autre expérience impliquant également du bêta-bloquant. Mais au lieu de l'appliquer pendant l'encodage de l'événement, ils l'ont appliqué pendant une période de récupération en mémoire de l'événement (recodage).


Dans l'expérience, il s'agissait d'encoder des mots neutres et des mots chargés émtionnellement et pour être sûr que les sujets se concentrent bien sur ce la tâche, ils étaient demandé de dire si le mot représentait quelque chose de vivant ou pas.


Le second jour, la moitié du groupe recevait un bêta-bloquant, tandis que l'autre recevait un placebo. Puis il y avait un rappel indicé. Le troisième jour, les mots étaient remontrés, certains avec une amorce et d'autres pas.


Les résultats montrent une réduction de la pression systémique (pression minimal lors du relâchement du cœur) chez les sujets ayant pris du propranolol, alors que ceux ayant pris le placebo ne présentaient pas de différence. Les résultats par rapport au rappel montrent une différence significative du placebo ayant un meilleur rappel des mots émotionnels que neutres (plus de liens avec les mots émotionnels que neutres) alors que les sujets ayant pris du propranolol ne montraient pas de différence entre les deux types de mots. Par conséquent, le bêta-bloquant a un effet sur le recodage du souvenir (figure 21).


Figure 21. La différence Sy-Sy sous Propranolol est statistiquement significative.


De plus, cette désactivation de l'association avec les mots chargés émotionnellement a perduré dans le temps (figures 22 et 23).


Figure 22. Jour 2.
Figure 23. Jour 3.


Conclusion

  • Il y aurait un rôle critique de la norédrénaline dans la récupération de souvenirs émotionnels;
  • et il y aurait un maintient dans le temps de cet effet malgré l’absence de propranolol.


Il serait donc possible de rendre un événement émotionnel labile et en manipuler le souvenir.


Reconsolidation & conditionnement de peur

Conditionnement classique

Avant le conditionnement

Un stimulus inconditionnel, de la nourriture, par exemple, engendre une réponse inconditionnelle, de la salivation chez un chien, par exemple.


Un stimulus neutre, un son de cloche par exemple, n'engendre pas de réponse conditionnelle, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de salivation.


Pendant le conditionnement

Un stimulus conditionnel, un son de cloche, auquel on ajoute un stimulus inconditionnelle – de la nourriture – donne une réponse inconditionnelle, de la salivation.


Après le conditionnement

Un stimulus conditionnel, le son de cloche qui a retenti pendant le conditionnement enclenche une réponse conditionnelle, la salivation.


Reconsolidation & mémoire

Figure 28. L'extinction pendant la reconsolidation empêche le retour spontané de peur éteinte.

Schiller et al. (2010)[4] on effectué l'expérience suivante.


Trois groupes subissent un conditionnement et associent un carré de couleur jaune avec un choc électrique. Le conditionnement est refait 10 minutes ou 6 heures avant l’extinction («reminder»). On mesure la conductance de la peau et on remarque que le conditionnement fonctionnait. L’extinction fonctionne également pour tous les groupes. Au niveau de la ré-extinction, le groupe sans reminder et le groupe avec reminder 6 heures avant montrent toujours une activation de la conductance de la peau. Le groupe avec reminder 10 minutes avant ne montre plus de réponse cutanée. Grâce à un reminder (réactivation du souvenir) dans une fenêtre temporelle très restreinte, le groupe numéro 3 ne pouvait plus associer le carré jaune au choc électrique. Il y a donc une mise à jour du souvenir qui se fait entre la reconsolidation et la récupération (figure 28).


Les sujets ont été revus 1 an après l'expérience et le groupe ayant eu le reminder 10 minutes avant avait la peur toujours éteinte alors que le groupe de 6 heures avait toujours la manifestation physiologique (figure 29).


Les souvenirs sont donc malléables: ils peuvent être rappelés et modifiés.


Figure 29. Le blocage du retour de la peur persiste un an après.


Faux souvenirs

Loftus a réussi à implanter un faux souvenir à 16% des participants (rencontrer Bugs Bunny à Disneyland alors que le lapin n'est pas de Disney). Cette facilité pour implémenter des faux souvenirs peut avoir des répercussions sur les témoignages oculaires et sur la suggestivité en thérapie.


Notes & références

  1. Sharot, T., Phelps, E.A.(2004) How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention. Cogn. Affect. Behav. Neurosci. 4:294–306. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [1], consulté le 2013.04.20.
  2. Kensinger, E. A., Garoff-Eaton, R. J., & Schacter, D. L. (2007). Effects of emotion on memory specificity: Memory trade-offs elicited by negative visually arousing stimuli. Journal of Memory and Language, 56, 575–591. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [2], consulté le 2013.04.20.
  3. À ce sujet, le lecteur pourra apprécier le cours de Psychopathologie de l'adulte au sujet de L’état de stress post-traumatique.
  4. Schiller, D. , Monfils, M., Raio, C., Johnson, D., LeDoux, J.E., & Phelps, E.A. (2010). Preventing the return of fear in humans using reconsolidation update mechanisms. Nature 463: 49-53.