« Mémoire et émotion » : différence entre les versions

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== Modélisation et bases physiologiques de la pertinence==
== Modélisation et bases physiologiques de la pertinence==
Comme nous l'avons vu, la pertinence (ou «<i>relevance</i>» en anglais), est synonyme d'<i>importance</i>. Autrement dit, un objet est pertinent pour quelqu'un lorsqu'il a de l'importance à ses yeux. La pertinence faciliterait la mémorisation de l'objet parce qu'elle déclencherait une émotion, comme montré sur la figure 10 (le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant une chose physique et tangible qu'une idée, ou un but).
Un objet est pertinent pour quelqu'un lorsqu'il a de l'importance à ses yeux. La pertinence facilite la mémorisation de l'objet parce qu'elle déclencherait une émotion, comme montré sur la figure 10 (le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant une chose physique et tangible qu'une idée, ou un but).





Version du 9 septembre 2013 à 15:25

Bases psychopédagogiques des technologies éducatives
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brouillon avancé
2013/09/09
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Mémoire et Emotion

Non seulement la mémoire est un système complexe, mais elle contient la représentation que l'on se fait de soi-même. En effet, c'est elle qui permet de se projeter dans le passé et dans le futur.

Article de synthèse

Systèmes de mémoire

La mémoire à long terme (MLT) se décompose en plusieurs autres types de mémoires (Markowitsch & Staniloiu, 2011):

  • la mémoire procédurale est la mémoire grâce à laquelle on peut se souvenir comment exécuter une séquence de gestes. Elle est très stable dans le temps;
  • le priming (ou amorçage) est l'indice permettant la reconnaissance d'une information perçue au préalable;
  • la mémoire perceptuelle est ce qui permet de reconnaitre ce qui est perçu (les stimuli);
    • c'est elle qui permet de distinguer une pêche d'une poire, par exemple. On dit que c'est une mémoire pré-semantique puisque les personnes dont la mémoire sémantique est atteinte ne sont pas affectés par des pertes de capacité de mémoire perceptuelle,
  • la mémoire sémantique est orientée vers le moment présent et représente les faits, sans contexte particulier;
    • c'est, par exemple, le fait de savoir que Paris est la capitale de la France. Nous savons que nous le savons, mais nous ne sommes pas capables de contextualiser cette information, c'est-à-dire que nous ne savons pas où nous l'avons appris,
  • la mémoire épisodique/autobiographique est reliée au moment de l'encodage de l'information, c'est la mémoire qui nous permet de nous projeter dans le passé et/ou dans le futur.

Dans cet article, nous allons porter notre attention sur la mémoire sémantique autobiographique (mais c'est quoi cette mémoire?). Nous allons tenter de comprendre pourquoi certaines choses reviennent facilement en mémoire alors que d'autres choses semblent être oubliées.

Systèmes de mémoire

Figure 1. Diagramme de l'organisation hiérarchique de la MLT démontrant, en plus, l'aspect développemental de la formation de la mémoire). D'un point de vue phylogénétique et ontogénétique, concernant les deux mémoires les plus précoces (mémoire procédurale et priming/amorçage), il se peut qu'il ne s'agisse pas d'un développement séquentiel, mais parallèle. C'est pour cela qu'ils sont séparés par une ligne discontinue. (Markowitsch & Staniloiu, 2011)


Dans cette représentation hiérarchique de la MLT (figure 1) deux choses sont à retenir :

  1. il se peut que les mémoires procédurale et le priming se développent de manière parallèle plutôt que séquentielle;
  2. la mémoire joue un rôle important pour le langage, la théorie de l'esprit, la représentation de soi et en particulier pour lle concept du tempsl

Mémoire

Le temps est important pour la mémoire. Muller & Pilzecker en faisaient déjà mention en 1900 (figure 2).

Dans leur modèle, une information est encodée, puis elle est consolidée, et enfin elle est récupérée. Ainsi, selon ces auteurs, la mémoire est initialement labile (sujette à changement) puis se stabilise à travers le temps.


Figure 2. Le modèle du fonctionnement de la mémoire de 1900 (Muller & Pilzecker).


Depuis lors, il y a eu une évolution dans les modèles de mémoire. Pour Nader et al. (2000), la mémoire peut également être labile, mais à un stade ultérieur. Un événement ne va pas rester stable dans le temps, il va être mis à jour, reconsolidé, remis à jour, etc. (figure 3).


Figure 3. Le modèle de la mémoire revu et corrigé par Nader et al. (2000).

Mémoire ≠ réalité

Le fait de se remémorer un événement et de le rediscuter peut créer des hésitations quant à ce qui s'est passé, où cela s'est passé, quand cela s'est passé... De plus, chaque personne ayant pris part à un même événement aura son propre souvenir, pas forcément équivalent à celui des autres personnes.

Nous allons chercher à déterminer ce qui fait qu'un événement sera rappelé, et ce qui fait que le souvenir sera de plus ou moins bonne qualité.

Émotion & mémoire

Les événements émotionnels sont mieux rappelés que d'autres types d'événements. Il y a un effet de facilitation sur la mémoire. Mais quelle est la raison de cette facilitation?


Figure 4. Sharot & Phelps, 2004, Kensinger et al., 2007, D'argembeau et al., 2004.


Un souvenir n’est pas une copie conforme de la réalité, ils peut subir des déformations voire être un faux souvenir. La mémoire épisodique a un aspect affectif. Dans la vision classique de la mémoire, on la représente par une ligne du temps: encodage → consolidation → récupération (figure 2). Nader a ajouté sur cette ligne de temps la réactivation et la reconsolidation (figure 3), qui permettrait l’intégration de nouvelles informations sur un souvenir déjà existant. La mémoire serait donc plutôt labile. Nous savons en outre que les stimuli émotionnels ont un effet de facilitation sur la mémoire. Les trois modèles que nous discutons dans les sections suivantes de cet article s'attèlent à expliquer cet effet de facilitation de l'émotion sur la mémoire :

  • la théorie de la valence;
  • la théorie de l'arousal;
  • la théorie de la pertinence.


Arousal & mémoire

Note: "arousal" est un terme anglais signifiant éveil ou stimulation. Le sens dans lequel il est généralement utilisé en psychologie n'est pas exactement celui-là, aussi, il est difficilement traduisible, et nous le laisserons tel quel dans la suite du texte. Ainsi, un mot "haut en arousal" est un mot qui sucscite des émotions, tel que les mots "mort", "sexe", "violence", etc.

L’arousal a un effet de facilitation en mémoire.

L'expérience de Sharto et Phelps

Dans une expérience (Sharto et Phelps, 2004), un mot neutre (peu chargé émotionnellement, c'est-à-dire "bas en arousal") est présenté au centre de l’écran accompagné d'un autre mot en périphérie de l'écran. Le mot en périphérie de l'écran est soit un mot neutre soit un mot haut en arousal. Les participants doivent dire à quel point le mot du centre est fréquent dans la langue. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne sont pas conscients qu'ils participent à une expérience sur la mémoire. La question sur la fréquence du mot dans la langue n'intéresse absolument pas les expérimentateurs, elle n'est qu'un leurre destiné à tester la mémoire des sujets.

Par la suite (tout de suite après pour une moitié des sujets, 24 heures après pour l'autre moitié) un mélange de mots jamais vus par les participants et de mots présentés en périphérie de l'écran dans la première tâche sont présentés et les participants doivent dire s’ils les ont déjà rencontrés dans la première tâche.

Résultats et interprétation

Les mots hauts en arousal sont mieux rappelés que les mots neutres seulement dans la condition où les sujets sont interrogés 24 heures après la première tâche. Par contre Les mots neutres sont mieux rappelés que les mots hauts en arousal quand on interroge les sujets directement après la première tâche. Il y a donc une stabilité dans le temps des mots émotionnellement chargés. Un stimulus émotionnel en périphérie attire l'attention du sujet bien qu'il n'en soit pas conscient. Ainsi, il y aurait une consolidation de la trace mnésique grâce au sommeil.


Figure 5. Taux de reconnaissance pour des mots périphériques testés immédiatement et après un délai. Un mot (neutre ou «excitant») était présenté en périphérie en même temps qu'un mot neutre était présenté au milieu de l'écran. D'après Sharot & Phelps (2004)[1].


Figure 6. Sharot & Phelps (2004).

Valence & mémoire

les stimuli négatifs ont un effet facilitateur sur la mémoire. Ils seraient mieux rappelés que les stimuli neutres ou positifs.

L'expérience de Kensinger (2007)

Deux images sont présentées à des participants : soit un serpent (image négative) soit un singe (image neutre). Les animaux sont placés dans un contexte neutre constitué soit par l'image d'une forêt, soit par l'image d'une rivière. Les participants doivent ensuite retrouver l’image qu'ils ont vue précédemment. Cette image leur est présentée parmi des images de serpents ou de singes appartenant à d'autres espèces (donc similaires mais pas complètement).

Résultats et interprétation

Les serpents sont plus facilement retrouvés. Le contexte quant à lui (rivière ou forêt) est mieux rappelé lorsqu’il est associé au singe (image neutre), car l’attention du participant n’est pas focalisée sur le serpent et il peut ainsi regarder les détails de l'image qui lui est présentée.


Figure 6. Kensinger et al. (2007).


Pour Kensinger et al. (2007)[2], il ne s'agit pas d'arousal, mais de valence. La valence est l'attractivité intrinsèque d'un objet, qui peut être soit positive soit négative. Elle se distingue de l'arousal qui constitue plutôt une mesure du "taux d'excitation" provoqué par un objet. Ainsi, le serpent serait mieux rappelé, parce qu'il est jugé très négativement par les participants et attirerait par conséquent leur attention.



Cette expérience contredit la théorie de l'arousal. En effet, selon cette dernière, le contexte neutre, donc faible en arousal, ne devrait pas être plus ou moins bien rappelé selon l'image que qu'on lui associe.

Pertinence & mémoire

Une autre interprétation possible du lien entre mémoire et émotion est celle de la pertinence du stimulus. Ainsi, un stimulus pertinent par rapport à nos buts, à nos valeurs, à notre survie, faciliterait la mémorisation.

Si un événement est évalué comme pertinent il y a déclenchement d’une émotion. C’est l'amygdale qui jouerait le rôle de détecteur de la pertinence des stimuli émotionnels. Ce serait donc la pertinence, repérée par l’amygdale qui permettrait une facilitation de la mémoire.

L'expérience (...)

Dans une expérience menée à l'aide d'une IRM ayant pour but de déterminer quelle théorie est "la meilleure" entre celle de l'arousal et celle de la pertinence, les participants doivent s’imaginer qu'ils se trouvent sur le parking d'Ikea. On leur présente l'image du visage d’une personne qui présente une expression neutre. Les participants doivent imaginer que cette personne va soit partir de sa place de parc, soit sortir avec son caddie, soit qu'elle va leur piquer la place. L'expérience présente donc trois conditions. La première condition est pertinente par rapport aux buts des participants (il vont pouvoir prendre la place), alors que la deuxième est neutre et la troisième constitue une situation d'obstruction par rapport aux buts des participants. Une fois ceci fait, on présente à nouveau l'image du visage présenté au début de l'expérience parmi d'autres visages, et on demande aux participants de le retrouver. Il s'agit donc d'une tâche incidente, où les sujets ne savent pas qu'ils participent à une expérience sur la mémoire.

Résultats et interprétation

Les visages des personnes qui ont laissé ou piqué la place (situations émotionnelles) sont mieux rappelés. Les visages présentés étant toujours neutres, c’est donc la pertinence pour les participants qui facilite leur mémoire. Ces résultats viennent encore une fois contredire la théorie de l'arousal. En effet, dans cette expérience, les visages sont neutres, et ont donc un faible arousal. C'est la pertinence par rapport aux buts des participants qui permet un meilleur rappel.

Expérience de Montagrin

Une autre expérience a été menée pour vérifier que la pertinencerelevance») joue effectivement un rôle dans l'encodage de la mémoire (la mémorisation), ainsi que dans la reconnaissance (le rappel). Cette expérience a été réalisée à l'aide d'une IRM. Montagrin et al. (en prép.) ont inventé plusieurs histoires pour tester cette hypothèse. Il est également important de noter qu'il s'agit d'une expérience à consigne incidente. La «cover story» (autrement dit, le "mensonge" que l'on raconte aux sujets pour justifier leur participation à l'expérience) est qu'il s'agit d'une tâche sur l'imagerie mentale. Ainsi, les sujets ont pour tâche de s'imaginer qu'ils se trouvent dans la situation décrite dans les histoires suivantes.

Figure 15. Résultats de l'expérience de Montagrin et al. (en prép.).

histoire 1goal constructive»):

  • le sujet se rend à la poste où il y a 20 minutes de queue avant d'être servi. Le sujet prend un ticket puis attend son tour;
  • on lui montre un visage avec une expression neutre;
  • puis l'histoire continue : la personne dont on a montré le visage donne son ticket au participant parce qu'elle doit partir et il se trouve que le ticket donné porte le prochain numéro qui sera appelé;
  • on remontre le visage neutre;
  • on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;

histoire 2goal obstructive»):

  • le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour prendre une place de parking qui vient de se libérer;
  • on lui montre un visage avec une expression neutre;
  • tout à coup une autre voiture passe et prend la place attendue;
  • on remontre le visage neutre;
  • on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation;

histoire 3goal irrelevant»):

  • le sujet est dans sa voiture en train d'attendre pour prendre une place de parking qui vient de se libérer;
  • on lui montre un visage avec une expression neutre;
  • tout à coup un piéton passe avec un caddie devant la voiture du sujet;
  • on remontre le visage neutre;
  • et on demande au sujet à quel point il est affecté par cette situation.


On remontre tous les visages neutres vus parmi d'autres visages jamais vus et on demande aux sujets s'ils ont vu ou pas ces visages.


Les résultats montrent que les visages présentés sont mieux reconnus dans les situations négative et positive que dans la situation neutre (figure 15).

Modélisation et bases physiologiques de la pertinence

Un objet est pertinent pour quelqu'un lorsqu'il a de l'importance à ses yeux. La pertinence facilite la mémorisation de l'objet parce qu'elle déclencherait une émotion, comme montré sur la figure 10 (le mot «objet» est pris dans son acception large et représente autant une chose physique et tangible qu'une idée, ou un but).


Figure 10. La pertinence d'un événement déclenche l'émotion.

Importance de l'amygdale pour la mémorisation

Figure 11.
Figure 12. L'amygdale en rouge dans cette animation tridimensionnelle.
Figure 13. L'hippocampe joue un rôle important dans le mémoire.

Si un événement pertinent est détecté par l'amygdale (figure 12), il provoque une émotion. L'amygdale a un rôle important dans la détection des stimuli. Elle joue également un rôle pour la mémoire. A une plus grande activation de l'amygdale correspond un meilleur rappel des stimuli.


Lors d'un événement captivant, celui-ci est détecté par l'amygdale, ce qui déclenche une émotion et facilite le stockage en mémoire où c'est l'hippocampe (figure 13) qui est sollicité.


Selon cette théorie, c'est parce qu'un événement est pertinent qu'on le mémorise (figure 14).


Figure 14. Le rôle de l'amygdale dans la mémorisation.

Facilitation mnésique

Figure 16.

L'émotion a un rôle de facilitateur de la mémoire parce qu'elle porte l'attention du sujet sur l'objet qui provoque l'émotion. Aussi, la question se pose de savoir comment se comportera la mémoire si l'émotion est absente, ou, du moins, atténuée.

Stress post-traumatique

La facilitation mnésique est adaptative (au sens darwinien du terme) car elle permet de se souvenir de stimuli dangereux (tels que le serpent) ou de visages pertinents qui ont contrecarré ou favorisé nos buts. Cependant, cette facilitation mnésique peut également se révéler non adaptative dans des pathologies telles que le syndrome de stress post-traumatique (ESPT). En effet, dans ces pathologies, l'émotion causée par des stimuli réactivant le souvenir du traumatisme provoque des flashbacks ou des intrusions incessants que les personnes qui en sont victimes vivent très mal.

Les hormones de stress (adrénaline et noradrénaline) sont fortement liées à la formation de souvenirs émotionnels. La facilitation mnésique peut être atténuée grâce à un médicament, le béta-bloquant (propranolol), qui supprime l’émotion en empêchant l'action de ces hormones. Ainsi, la consolidation mnésique ne peut plus se faire grâce à ce médicament.

Pour supprimer les intrusions provoquées par un ESPT, il faudrait prendre le béta-bloquant avant l’événement, ce qui est évidemment impossible. Néanmoins, d’autres auteurs ont montré qu’il serait possible de prendre ce médicament lors de la réactivation du souvenir et ainsi, de bloquer l’effet de facilitation mnésique.


Toujours adaptatif?

Comme nous l'avons vu plus haut, l'émotion a un effet direct sur la mémoire. Il y a un meilleur rappel des visages qui ont facilité nos buts. Ceci est probablement fonctionnel/adaptatif. Cependant, il y a des cas où cet adaptation peut porter préjudice. Notamment, pour les personnes atteintes de d'ESPT (état de stress post-traumatique) à cause, notamment, des souvenirs intrusifs et des flashbacks[3]. Cela reste adaptatif, mais n'est pas bien vécu.


Cette problématique a provoqué un nouveau champ de recherche: comment modifier le souvenir? C'est-à-dire comment intervenir et modifier, voire empêcher, l'effet de facilitation de mémorisation.


... & mémoire

Figure 17. Basé sur McGaugh (2000).

Lors d'un événement stressant il y a (figure 17):

  1. activation du système nerveux sympathique;
  2. libération de noradrénaline;
  3. une réponse combat-fuitefight or flight response»).


Il est possible d'inhiber les hormones adrénaline et noradrénalie grâce à des beta-bloquants qui empêchent ces hormones d'être capturés par les récepteurs idoines. Ceci a pour effet d'empêcher la modulation au niveau de l'hippocampe et autres aires cérébrales (figure 18).


Figure 18. Facilitation bloquée par bêta-bloquant.


Bêta-bloquant & mémoire

Figure 19. Le bêta-bloquant empêche la facilitation pour la mise en mémoire.

Labar & Cabeza (2006) ont mené une expérience avec deux groupes de participants. Les sujets d'un des groupes prennent des bêta-bloquants (propranolol) 1 heure avant l'expérience tandis que les sujets de l'autre groupe reçoivent un placebo. Puis les sujets écoutent une histoire en regardant un diaporama. L'histoire est d'abord neutre, puis elle devient émotionnellement chargée pour redevenir neutre.


Les résultats (figure 20) montrent que le groupe prenant du propranolol se souvientt moins bien des images présentées durant la partie émotionnelle de l'histoire que que les sujets ayant pris le placebo.


Figure 20. Les résultats de Labar & Cabeza (2006).

Récupération

Kroes, Strange & Dolan (2010) ont également réalisé une expérience impliquant également le bêta-bloquant. Au lieu de de faire prendre le bêta-bloquant à leurs sujets pendant l'encodage de l'événement, ils l'ont donné dans une période de récupération en mémoire de l'événement (recodage).


Dans leur expérience, les sujets se voient présenter des mots neutres et des mots chargés émotionnellement. Il s'agit d'une tâche incidente, à savoir que les sujets ne savent pas qu'ils doivent mémoriser les mots. Pour être sûr que les sujets se concentrent bien sur la tâche, on leur demande de dire si le mot représente quelque chose de vivant ou non.


Le jour suivant, la moitié du groupe reçoit un bêta-bloquant, tandis que l'autre reçoit un placebo. Commence alors une séance de rappel indicé (les sujets doivent se rappeler s'ils ont vu ou non la veille les mots qu'on leur présente. Pour cela, ils sont aidés d'indices). Le troisième jour, les mots sont à nouveau montrés, et les sujets doivent dire s'ils les ont vus les jours précédents ou non.


Les résultats montrent une réduction de la pression diastolique (pression minimale lors du relâchement du cœur) chez les sujets ayant pris du propranolol, alors que ceux ayant pris le placebo ne présentent pas de différence. Les résultats concernant le rappel des mots montrent que les sujets ayant pris le placebo se rappellent mieux les mots chargés émotionnellement que les mots neutres alors que les sujets ayant pris du propranolol ne montrent pas de différence dans le rappel des mots émotionnels et le rappel des mots neutres. Par conséquent, les auteurs concluent que le bêta-bloquant a un effet sur le recodage du souvenir (figure 21).


Figure 21. La différence Sy-Sy sous Propranolol est statistiquement significative.


De plus, cette désactivation de l'association avec les mots chargés émotionnellement perdure dans le temps (figures 22 et 23).


Figure 22. Jour 2.
Figure 23. Jour 3.

Conclusion

  • La norédrénaline a un rôle critique dans la récupération de souvenirs émotionnels;
  • et il y aurait un maintient dans le temps de cet effet.

Reconsolidation & conditionnement de peur

Conditionnement classique

Avant le conditionnement

Un stimulus inconditionnel, de la nourriture, par exemple, engendre une réponse inconditionnelle, de la salivation chez un chien, par exemple.


Un stimulus neutre, un son de cloche par exemple, n'engendre pas de réponse conditionnelle, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de salivation.


Pendant le conditionnement

Un stimulus conditionnel, un son de cloche, auquel on ajoute un stimulus inconditionnelle – de la nourriture – donne une réponse inconditionnelle, de la salivation.


Après le conditionnement

Un stimulus conditionnel, le son de cloche qui a retenti pendant le conditionnement enclenche une réponse conditionnelle, la salivation.


Reconsolidation & mémoire

Figure 28. L'extinction pendant la reconsolidation empêche le retour spontané de peur éteinte.

Schiller et al. (2010)[4] on effectué l'expérience suivante.


Trois groupes subissent un conditionnement et associent un carré de couleur jaune avec un choc électrique. Le conditionnement est refait 10 minutes ou 6 heures avant l’extinction («reminder»). On mesure la conductance de la peau et on remarque que le conditionnement fonctionnait. L’extinction fonctionne également pour tous les groupes. Au niveau de la ré-extinction, le groupe sans reminder et le groupe avec reminder 6 heures avant montrent toujours une activation de la conductance de la peau. Le groupe avec reminder 10 minutes avant ne montre plus de réponse cutanée. Grâce à un reminder (réactivation du souvenir) dans une fenêtre temporelle très restreinte, le groupe numéro 3 ne pouvait plus associer le carré jaune au choc électrique. Il y a donc une mise à jour du souvenir qui se fait entre la reconsolidation et la récupération (figure 28).


Les sujets ont été revus 1 an après l'expérience et le groupe ayant eu le reminder 10 minutes avant avait la peur toujours éteinte alors que le groupe de 6 heures avait toujours la manifestation physiologique (figure 29).


Les souvenirs sont donc malléables: ils peuvent être rappelés et modifiés.


Figure 29. Le blocage du retour de la peur persiste un an après.


Faux souvenirs

Loftus a réussi à implanter un faux souvenir à 16% des participants (rencontrer Bugs Bunny à Disneyland alors que le lapin n'est pas de Disney). Cette facilité pour implémenter des faux souvenirs peut avoir des répercussions sur les témoignages oculaires et sur la suggestivité en thérapie.

Notes & références

  1. Sharot, T., Phelps, E.A.(2004) How arousal modulates memory: Disentangling the effects of attention and retention. Cogn. Affect. Behav. Neurosci. 4:294–306. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [1], consulté le 2013.04.20.
  2. Kensinger, E. A., Garoff-Eaton, R. J., & Schacter, D. L. (2007). Effects of emotion on memory specificity: Memory trade-offs elicited by negative visually arousing stimuli. Journal of Memory and Language, 56, 575–591. L'article est disponible en cliquant sur le lien suivant: [2], consulté le 2013.04.20.
  3. À ce sujet, le lecteur pourra apprécier le cours de Psychopathologie de l'adulte au sujet de L’état de stress post-traumatique.
  4. Schiller, D. , Monfils, M., Raio, C., Johnson, D., LeDoux, J.E., & Phelps, E.A. (2010). Preventing the return of fear in humans using reconsolidation update mechanisms. Nature 463: 49-53.

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