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==Description==
==Description==
La recherche collaborative implique bon nombre d’acteurs issus de différents milieux en lien avec le sujet traité. Il en découle alors autant de points de vue, d’analyses et d’interprétations propres en fonction de son expérience et du contexte professionnel dans lequel on travaille. Les participants se retrouvent inévitablement confrontés à une dissonance entre les apports de chacun-e au sein de la recherche qui, d’une part, résulte en la création d’un espace interprétatif partagé, une forme de communication co-construite par les personnes qui collaborent pour se comprendre autour du même sujet. D’autre part, cette diversité initiale de discours invite à la mise en place, tôt dans la collaboration, d’une zone de discussion sécurisée dans laquelle une cohésion se crée entre les différents corps professionnels représentés et où tous les acteurs se sentent libres d’exprimer leurs idées.
Les personas sont des personnes fictives susceptibles de ressembler à un type d'utilisateur auquel est destiné un objet conçu. Ce sont des artefacts, en cela qu'ils sont créés de toute pièce par une équipe pour servir un but (Lallemand, 2016, p.194). Leur description est basée sur une première phase d'exploration qui vise à déterminer à quel genre de public doit s'adresser le produit final. Les personas représentent donc un moyen efficace de se représenter l'utilisateur et aide les concepteurs à les considérer comme personnes, à avoir une forme d'empathie pour eux et à ne pas les voir comme de simples chiffres statistiques. C'est surtout pour cette raison qu'on intègre à leur description des éléments humanisants, comme leur physique, leurs idéaux ou leurs émotions (Nielsen, 2004, p.123).


== Trois étapes ==
Outre la décentration du concepteur, les personas sont aussi un outil de communication au sein d'une équipe. Une fois les différentes personnalités fictives connues, on échange plus facilement au sujet des utilisateurs en se référant directement aux personas créés. Un groupe de chercheurs a interrogé des concepteurs habitués de cette pratique. L'un d'eux témoignait : "[Personas] made it easier for designers to get their designs and ideas accepted. So when we started out, the Distinguished Engineer would say, literally... 'I don't like it.' And you know, I'd answer, 'Well, it's not about you, it's about Jennifer, and Bob, and Rose.'" (Whittaker et al., 2012).


=== Zone sécurisée ===
== Différents types de personas ==
La première étape de mise en œuvre consiste à établir une zone sécurisée et sécurisante pour les intervenant-e-s afin de promouvoir l’échange interdisciplinaire de connaissances métiers, d’expériences vécues, de contraintes ou d’ambitions. Cette zone permet aux participant-e-s de s’exprimer sans contraintes vis-à-vis de leur domaine de compétence, d’oser essayer de nouvelles approches méthodologiques (Ligozat et Marlot, 2016) et de contenir les discussions réalisées en son sein.
Plusieurs types de personas peuvent être conçus afin de cibler plusieurs types d'utilisateurs du projet (Rind, R., 2007).
* Le persona primaire. Il représente l'utilisateur principal pour qui le projet est principalement conçu.
* Le persona secondaire. Celui-ci a des besoins et caractéristiques partagés avec le persona principal mais possède également des besoins divergents qui ne seront pas considérés comme secondaires pour le projet.
* Le persona négatif. C'est l'utilisateur qui ne va pas être prit en compte pour le projet. Cela permet de rappeler à l'équipe de conception de limiter le champs du projet aux besoins du persona primaire.
* Le persona acheteur. Ce persona représente le propriétaire du projet une fois achevé ou l'acheteur potentiel. Ses besoins sont donc différents du persona primaire et peuvent être pris en compte tant qu'ils n'interfèrent pas avec ceux du persona primaire.
* Le persona concerné. Ce persona n'est pas directement un utilisateur du projet mais représente quelqu'un qui sera affecté par celui-ci.
* Le persona supplémentaire. Permet de s'assurer que tous les types d'utilisateur aient été pris en compte pour la conception


=== Zone d'intercompréhension ===
== Avantages et limites ==
Au fil du temps et des réunions, la zone sécurisée va évoluer en une zone d’intercompréhension (Ligozat et Marlot, 2016), également appelée zone d’écotone (Vinatier, Morrissette, 2015), où les savoirs divergents des participant-e-s sont détaillés afin de partager l’opinion, la méthodologie ou les expériences de chaque corps de métier. L’objectif visé est que chaque acteur-rice puisse visualiser le point de vue des autres acteur-rice-s pour pouvoir participer en connaissance de cause à la collaboration issue de la prochaine étape.  
Les personas permettent aux concepteurs de considérer les valeurs et besoins des utilisateurs ciblés en personnifiant des utilisateurs types du projet. Ainsi les concepteurs possèdent une vue d'ensemble de le public cible et détermineront plus précisément le cadre de leur projet. De plus, les personas sont souvent réutilisables pour d'autres projets et peuvent être utilisés par d'autres méthodes de conception. Ils sont donc à conserver précieusement.
 
Cependant, ils ne sont pas exempt de limites notamment à leur conception. Il n'est pas toujours chose aisée de produire des personas grâce aux données obtenues sur le terrain, cela requiert une certaine expertise. Autre limite, les personas doivent être intégrés au processus de conception et compris par l'ensemble des concepteurs pour pouvoir apporter un rôle pertinent au projet. Ce dernier point peut être vu par l'équipe de conception comme une tâche supplémentaire à réaliser dans une liste de tâche déjà conséquente.
=== Espace interprétatif partagé ===
Finalement, la résultante des étapes précédentes créé ce que que Ligozat et Marlot (2016) appellent l’espace interprétatif partagé où les intervenants, ayant pris connaissance et accepté leurs différences de savoirs, de cultures ou d’expériences collaborent à la coproduction et à la formalisation d’une nouvelle méthodologie, d’une nouvelle pratique ou d’un nouveau processus et son usage (Sennett, 2014).
 
== Limites et désavantages ==
Ses espaces d’échange ne sont pas pour autant dépourvus de limites. On retrouve alors certaines questions qui pourraient se poser plus généralement à l’activité de la recherche collaborative. Se penchant plus particulièrement sur la communication au sein d’un groupe hétérogène, Lyet et Molina (2018) se demandent si les modes de socialisation différenciés des chercheurs-es influencent la régulation des débats dans le cadre de la recherche. Ce pourrait être le cas, par exemple, lorsqu’une personne détentrice d’un doctorat sur le sujet de recherche exprime une idée, souvent considérée implicitement plus légitime par le reste du groupe. Les espaces interprétatifs, aussi partagés soient-ils, peuvent encore présenter quelques formes de biais influençant les échanges.


== Références ==
== Références ==
Ligozat, F. et Marlot, C. (2016). Un "espace interprétatif partagé" entre l'enseignant et le didacticien est-il possible? Etude de cas à propos du développement de séquences d'enseignement scientifique en France et à Genève. Dans ''Le partage des savoirs dans les processus de recherche en éducation''. ''Raisons Éducatives'' (20), 143-164.  
Blomquist A. & Arvola M. (2002), « Personas in Action: Ethnography in an Interaction Design Team », Proceedings of NordiCHI 2002, New York, acm, 197-200.


Lyet, P. & Molina, Y. (2018). Épistémologie éthique dans un espace interprétatif partagé et négocié. Le cas d'une recherche conjointe québéco-française. ''Recherches sociographiques'', 59(1-2), 225–241. <nowiki>https://doi.org/10.7202/1051432ar</nowiki>
Lallemand, C. (2016). ''Méthodes de design UX, 30 méthodes fondamentales pour concevoir des expériences optimales''. Eyrolles : Paris.


Sennett, R. (2014). ''Pour une éthique de la coopération''. Paris: Albin Michel
Matthews, T., Judge, T., & Whittaker S. (2012). How do designers and user experience professional actually perceive and use personas? ''Proc. of CHI 2012'', 1219–1228.


Vinatier, I. et Morissette, J. (2015). Les recherches collaboratives : enjeux et perspectives. ''Carrefours de l’Education'', (39), 137-170. <nowiki>https://doi.org/10.3917/cdle.039.0137</nowiki>
Pruitt J. S. & Adlin T. (2006), « The Persona Lifecycle », San Francisco, Morgan Kaufmann.


Rind, R. (2007). The power of the persona. The Pragmatic Marketer, 5(4), 18–22
[[Catégorie:Méthodes de recherche]]
[[Catégorie:Méthodes de recherche]]

Dernière version du 23 mars 2022 à 08:53

Page rédigée dans le cadre du cours Conduite de la recherche (2021-2022) par Jerome Humbert , Franck Grisard , Thomas Wünsche
Exemple d'un persona dans la conception d'une application sportive.
Exemple d'un persona dans la conception d'une application sportive.

Description

Les personas sont des personnes fictives susceptibles de ressembler à un type d'utilisateur auquel est destiné un objet conçu. Ce sont des artefacts, en cela qu'ils sont créés de toute pièce par une équipe pour servir un but (Lallemand, 2016, p.194). Leur description est basée sur une première phase d'exploration qui vise à déterminer à quel genre de public doit s'adresser le produit final. Les personas représentent donc un moyen efficace de se représenter l'utilisateur et aide les concepteurs à les considérer comme personnes, à avoir une forme d'empathie pour eux et à ne pas les voir comme de simples chiffres statistiques. C'est surtout pour cette raison qu'on intègre à leur description des éléments humanisants, comme leur physique, leurs idéaux ou leurs émotions (Nielsen, 2004, p.123).

Outre la décentration du concepteur, les personas sont aussi un outil de communication au sein d'une équipe. Une fois les différentes personnalités fictives connues, on échange plus facilement au sujet des utilisateurs en se référant directement aux personas créés. Un groupe de chercheurs a interrogé des concepteurs habitués de cette pratique. L'un d'eux témoignait : "[Personas] made it easier for designers to get their designs and ideas accepted. So when we started out, the Distinguished Engineer would say, literally... 'I don't like it.' And you know, I'd answer, 'Well, it's not about you, it's about Jennifer, and Bob, and Rose.'" (Whittaker et al., 2012).

Différents types de personas

Plusieurs types de personas peuvent être conçus afin de cibler plusieurs types d'utilisateurs du projet (Rind, R., 2007).

  • Le persona primaire. Il représente l'utilisateur principal pour qui le projet est principalement conçu.
  • Le persona secondaire. Celui-ci a des besoins et caractéristiques partagés avec le persona principal mais possède également des besoins divergents qui ne seront pas considérés comme secondaires pour le projet.
  • Le persona négatif. C'est l'utilisateur qui ne va pas être prit en compte pour le projet. Cela permet de rappeler à l'équipe de conception de limiter le champs du projet aux besoins du persona primaire.
  • Le persona acheteur. Ce persona représente le propriétaire du projet une fois achevé ou l'acheteur potentiel. Ses besoins sont donc différents du persona primaire et peuvent être pris en compte tant qu'ils n'interfèrent pas avec ceux du persona primaire.
  • Le persona concerné. Ce persona n'est pas directement un utilisateur du projet mais représente quelqu'un qui sera affecté par celui-ci.
  • Le persona supplémentaire. Permet de s'assurer que tous les types d'utilisateur aient été pris en compte pour la conception

Avantages et limites

Les personas permettent aux concepteurs de considérer les valeurs et besoins des utilisateurs ciblés en personnifiant des utilisateurs types du projet. Ainsi les concepteurs possèdent une vue d'ensemble de le public cible et détermineront plus précisément le cadre de leur projet. De plus, les personas sont souvent réutilisables pour d'autres projets et peuvent être utilisés par d'autres méthodes de conception. Ils sont donc à conserver précieusement. Cependant, ils ne sont pas exempt de limites notamment à leur conception. Il n'est pas toujours chose aisée de produire des personas grâce aux données obtenues sur le terrain, cela requiert une certaine expertise. Autre limite, les personas doivent être intégrés au processus de conception et compris par l'ensemble des concepteurs pour pouvoir apporter un rôle pertinent au projet. Ce dernier point peut être vu par l'équipe de conception comme une tâche supplémentaire à réaliser dans une liste de tâche déjà conséquente.

Références

Blomquist A. & Arvola M. (2002), « Personas in Action: Ethnography in an Interaction Design Team », Proceedings of NordiCHI 2002, New York, acm, 197-200.

Lallemand, C. (2016). Méthodes de design UX, 30 méthodes fondamentales pour concevoir des expériences optimales. Eyrolles : Paris.

Matthews, T., Judge, T., & Whittaker S. (2012). How do designers and user experience professional actually perceive and use personas? Proc. of CHI 2012, 1219–1228.

Pruitt J. S. & Adlin T. (2006), « The Persona Lifecycle », San Francisco, Morgan Kaufmann.

Rind, R. (2007). The power of the persona. The Pragmatic Marketer, 5(4), 18–22