« Logiciel libre » : différence entre les versions
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Façonné par Richard Stallman en 1984 (Stallman, 2002) et promu par la Free Software Foundation dès 1985, le logiciel libre est une définition des libertés associées à l’usage, la modification et la distribution d’un logiciel. Ces libertés se formalisent par un contrat, la licence publique générale (GPL, General Public License), qui implique l’accès au code source et son partage dans les mêmes conditions (copyleft). La licence libre apparaît dans l’économie numérique en réaction aux stratégies de copyright de l’industrie logicielle, de plus en plus intransigeantes et mercantiles depuis le dégroupage (unbundling) initié par IBM 15 ans auparavant. Vers la fin des années 1990, dans la lignée de la redécouverte des communs (Ostrom, 1990 ; Klein 2001), de la dissémination du thème des communs de la connaissance (Lessig, 2001), et du savoir ouvert et libre (Open Knowledge) (Peters, 2016), le logiciel libre devient peu à peu un modèle de commun numérique, comme le montre l’apparition et la large adoption des licences Creatives Commons. Le Libre, dont la philosophie est de donner des libertés aux utilisateurs et utilisatrices s’étend à d’autres domaines en tant que « praxis institutante » (Dardot & Laval, 2015), propre d’un bien commun (Bollier, 2024). | Façonné par Richard Stallman en 1984 (Stallman, 2002) et promu par la Free Software Foundation dès 1985, le logiciel libre est une définition des libertés associées à l’usage, la modification et la distribution d’un logiciel. Ces libertés se formalisent par un contrat, la licence publique générale (GPL, General Public License), qui implique l’accès au code source et son partage dans les mêmes conditions (''copyleft''). La licence libre apparaît dans l’économie numérique en réaction aux stratégies de copyright de l’industrie logicielle, de plus en plus intransigeantes et mercantiles depuis le dégroupage (''unbundling'') initié par IBM 15 ans auparavant. Vers la fin des années 1990, dans la lignée de la redécouverte des communs (Ostrom, 1990; Klein 2001), de la dissémination du thème des communs de la connaissance (Lessig, 2001), et du savoir ouvert et libre (Open Knowledge) (Peters, 2016), le logiciel libre devient peu à peu un modèle de commun numérique, comme le montre l’apparition et la large adoption des licences Creatives Commons. Le Libre, dont la philosophie est de donner des libertés aux utilisateurs et utilisatrices s’étend à d’autres domaines en tant que « praxis institutante » (Dardot & Laval, 2015), propre d’un bien commun (Bollier, 2024). | ||
=== Définition longue avec applications en éducation === | === Définition longue avec applications en éducation === | ||
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La licence publique générale (GPL), une licence copyleft, dont la première version a été publiée en 1989, inscrit la redistribution d’un logiciel libre avec sa licence initiale, garantissant ainsi la continuité du cercle vertueux. Cette licence copyleft « a créé un système de propriété collective à l’intérieur même des habituels murs du copyright » (Stallman et al., 2010, p. 180). Ce faisant, un déplacement du paradigme d’ancrage de l’artefact logiciel a été opéré : d’un capital à protéger, il devient un bien commun à valoriser (Masutti, 2024). | La licence publique générale (GPL), une licence copyleft, dont la première version a été publiée en 1989, inscrit la redistribution d’un logiciel libre avec sa licence initiale, garantissant ainsi la continuité du cercle vertueux. Cette licence copyleft « a créé un système de propriété collective à l’intérieur même des habituels murs du copyright » (Stallman et al., 2010, p. 180). Ce faisant, un déplacement du paradigme d’ancrage de l’artefact logiciel a été opéré : d’un capital à protéger, il devient un bien commun à valoriser (Masutti, 2024). | ||
En éducation, les mises en applications de cette pratique sont motivées par les principes suivants cités par le Département-de-l'instruction-publique-de-la-formation-et-de-la-jeunesse-Genève | En éducation, les mises en applications de cette pratique sont motivées par les principes suivants cités, en partie, par le [https://edu.ge.ch/sem/system/files/ressources/telecharger/10_raisons_2.pdf Département-de-l'instruction-publique-de-la-formation-et-de-la-jeunesse-Genève]: | ||
# Disposer des mêmes logiciels libres, en toute légalité, dans les milieux éducatifs, professionnels et privés avec des frais spécifiques (voir point 12 ci-dessous); | # Disposer des mêmes logiciels libres, en toute légalité, dans les milieux éducatifs, professionnels et privés avec des frais spécifiques (voir point 12 ci-dessous); | ||
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# Développer, cocréer et mutualiser des contenus pédagogiques ; | # Développer, cocréer et mutualiser des contenus pédagogiques ; | ||
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# Pouvoir accéder aux contenus à long terme, ce qui présuppose un format garantissant une lisibilité pérenne, e.g. un format ouvert standard comme le format Open Document ; | # Pouvoir accéder aux contenus à long terme, ce qui présuppose un format garantissant une lisibilité pérenne, e.g. un format ouvert standard comme le format [[wp_fr:OpenDocument|Open Document]] ; | ||
# Accéder à un large choix de logiciels performants mais qui nécessitent souvent une certaine connaissance de la programmation ou des interfaces en ligne de commande car ils sont faits par des utilisateurs et utilisatrices pour des utilisateurs et utilisatrices. Un exemple ergonomique ne demandant pas de connaissances en programmation est la suite bureautique Libre | # Accéder à un large choix de logiciels performants mais qui nécessitent souvent une certaine connaissance de la programmation ou des interfaces en ligne de commande car ils sont faits par des utilisateurs et utilisatrices pour des utilisateurs et utilisatrices. Un exemple ergonomique ne demandant pas de connaissances en programmation est la suite bureautique [https://www.libreoffice.org/ Libre Office] et un exemple inverse, permettant de convertir les formats de fichiers, est le logiciel [https://pandoc.org/ Pandoc] ; | ||
# Disposer de logiciels adaptés à ses besoins propres ; | # Disposer de logiciels adaptés à ses besoins propres ; | ||
# Trouver facilement une aide appropriée par la communauté des utilisateurs et utilisatrices d’un logiciel donné ; | # Trouver facilement une aide appropriée par la communauté des utilisateurs et utilisatrices d’un logiciel donné ; | ||
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* Gouvernance décentralisée et autonome qui ouvre un espace commun, échappant ainsi à la logique de la propriété exclusive. | * Gouvernance décentralisée et autonome qui ouvre un espace commun, échappant ainsi à la logique de la propriété exclusive. | ||
Ces principes résonnent avec la Declaration of Internet Freedom du 1er juillet 2012 | Ces principes résonnent avec la [https://declarationofinternetfreedom.org/ Declaration of Internet Freedom] du 1er juillet 2012 ainsi que la création du World Wide Web en 1989. Dans les deux cas, les pratiques inscrites dans l’éthique du hacker ont rencontré une technologie décentralisée, permettant de connecter plusieurs réseaux, protocoles et modèles. | ||
Ils sont par contre en contradiction avec l’approche du logiciel Open Source, crée en 1998 par la Open Source Initiative. Se séparant du mouvement du logiciel libre, l’initiative Open Source en garde certains éléments mais s’inscrit dans une approche néo-libérale qui brise le cercle vertueux d’un projet collaboratif ayant pour objectif l’enrichissement d’un bien commun. La naissance du logiciel Open Source en tant que telle, s’explique par une triple problématique en lien avec l'innovation: le coût incrémental du développement logiciel ainsi que des besoins matériels; l'industrie qui est seule à pouvoir assumer ces coûts mais dont la finalité est capitaliste; l'efficacité prouvée de travailler de manière décentralisée avec un code ouvert. La licence Open Source donne des droits d’accès au code source, avec des gradations différentes. Le droit d’accès est indépendant du droit de partager. Les licences Creatives Commons, utilisées notamment avec les Ressources Educatives Libres (REL) reproduisent le même modèle. Seules les licences CC-BY et CC-BY-SA sont des licences orientées bien commun. | Ils sont par contre en contradiction avec l’approche du logiciel [[Open source|Open Source]], crée en 1998 par la ''Open Source Initiative''. Se séparant du mouvement du logiciel libre, l’initiative Open Source en garde certains éléments mais s’inscrit dans une approche néo-libérale qui brise le cercle vertueux d’un projet collaboratif ayant pour objectif l’enrichissement d’un bien commun. La naissance du logiciel Open Source en tant que telle, s’explique par une triple problématique en lien avec l'innovation: le coût incrémental du développement logiciel ainsi que des besoins matériels; l'industrie qui est seule à pouvoir assumer ces coûts mais dont la finalité est capitaliste; l'efficacité prouvée de travailler de manière décentralisée avec un code ouvert. La licence Open Source donne des droits d’accès au code source, avec des gradations différentes. Le droit d’accès est indépendant du droit de partager. Les licences Creatives Commons, utilisées notamment avec les Ressources Educatives Libres (REL) reproduisent le même modèle. Seules les licences CC-BY et CC-BY-SA sont des licences orientées bien commun. | ||
=== Débats et enjeux théoriques du concept en éducation === | === Débats et enjeux théoriques du concept en éducation === | ||
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# Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées et leurs finalités | # Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées et leurs finalités | ||
L’extension du libre à des œuvres autres que du logiciel informatique a débuté avec la Licence de Documentation Libre GNU initiée par Stallman et Moglen en 1999 . Cette licence est | L’extension du libre à des œuvres autres que du logiciel informatique a débuté avec la [[wp_en:GNU_Free_Documentation_License|Licence de Documentation Libre GNU]] initiée par Stallman et Moglen en 1999 . Cette licence est [[wp_en:Wikipedia:Comparison_of_GFDL_and_CC_BY-SA|équivalente à la licence Creative Commons CC-BY-SA]], crée en 2002 (Stacey & Hinchliff Pearson, 2017). Le libre s’est ensuite étendu aux œuvres d’art avec la licence [https://artlibre.org/ ArtLibre] notamment. Aujourd’hui, pour protéger des savoirs traditionnels, les [https://localcontexts.org/labels/traditional-knowledge-labels/ labels TK] viennent apporter une dimension nouvelle au partage et à la diffusion de savoirs communautaires en dehors de la communauté. La licence libre se voit d’une certaine manière dotée d’une nouvelle liberté, celle de ne pas partager du savoir « protégé » par les Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou, en anglais, TRIPS : Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights) qui créent des déséquilibres économiques entre pays riches et pays pauvres (Drahos, 2005, p. 27). Enfin, la licence copyleft, en tant que ''hack'' d’un système dysfonctionnel du copyright, a permis de remettre en équilibre le pouvoir des créateurs face à celui des éditeurs. En effet, la licence copyleft donne le pouvoir aux créateurs d’imposer le contrat d’utilisation de leur œuvre. Ce pouvoir est aujourd’hui face au défi des IA génératives commerciales qui font fi et du copyright et du copyleft dans la phase initiale d’entraînement (tante, 2024; Wells, 2024). | ||
Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées est fondamental comme cela a été mis en exergue pour expliquer la différence subtile existant entre logiciel libre et Open Source. Le paradigme permet de comprendre l’ancrage d’un concept, son interprétation et son opérationnalisation. En effet, il détermine la finalité (partie immergée de l’iceberg) et oriente les pratiques et modes de gouvernance (partie émergée d’un iceberg) (Sterling, 2021, 2024). Deux paradigmes principaux sont à l’œuvre : le paradigme systémique / holistique et le paradigme mécaniste / positiviste. Le paradigme systémique focalise sur le tout dans son agencement en lien avec une unité alors que le paradigme mécaniste focalise sur les parties, considérées séparément (Bourg & Swaton, 2021). | Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées est fondamental comme cela a été mis en exergue pour expliquer la différence subtile existant entre logiciel libre et Open Source. Le paradigme permet de comprendre l’ancrage d’un concept, son interprétation et son opérationnalisation. En effet, il détermine la finalité (partie immergée de l’iceberg) et oriente les pratiques et modes de gouvernance (partie émergée d’un iceberg) (Sterling, 2021, 2024). Deux paradigmes principaux sont à l’œuvre : le paradigme systémique / holistique et le paradigme mécaniste / positiviste. Le paradigme systémique focalise sur le tout dans son agencement en lien avec une unité alors que le paradigme mécaniste focalise sur les parties, considérées séparément (Bourg & Swaton, 2021). | ||
Une pratique décentralisée guidée par le bien commun s’inscrit dans un paradigme systémique alors qu’une pratique décentralisée guidée par le | Une pratique décentralisée guidée par le bien commun s’inscrit dans un paradigme systémique alors qu’une pratique décentralisée guidée par le capital s’inscrit dans un paradigme mécaniste [De manière intéressante, l’étymologie, du latin ''capitalis'' signifie « qui peut coûter la tête, dangereux » ou « qui se trouve en tête, important » (https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C0612 ; https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C0613 )]. Dans le domaine de l’éducation, les deux concepts de libre et d’ouvert co-existent dans la langue française – e.g. Ressource éducative libre ; Science ouverte - et témoignent d’une base philosophique fondée sur le relationnel dans un ancrage systémique d’un côté et sur le transactionnel dans un ancrage capitaliste de l’autre (Bollier, 2024; Leonelli, 2023; Sterling, 2021). La création de la propriété privée capitaliste au XVIème siècle incarne le passage de l’une à l’autre avec le tristement célèbre mouvement des ''[[wp_en:Enclosure|enclosures]]'' dans les campagnes anglaises. De manière similaire, l'[[wp_fr:Enclosure_des_communs_informationnels|''enclosure'' des communs informationnels]] se réfère à l’économie du savoir soumise au copyright anglo-saxon. | ||
=== Principales retombées et applications en éducation === | === Principales retombées et applications en éducation === | ||
Les principales retombées de l’éthique du hacker et du mouvement du logiciel libre se situent dans des pratiques et une compréhension du bien commun ancrées dans un paradigme systémique. Si certains parlent aujourd’hui de « « libérer » le numérique éducatif » (Joffredo, 2023, p. 79), c’est pour sortir de l’enclosure informationnelle due à l'adoption de solutions numériques propriétaires à finalité de captation et de marchandisation des données. Le logiciel libre offre une voie alternative basée sur une approche démocratique d’utilisateur à utilisatrice qui non seulement a fait ses preuves mais est à la base de la culture du développement logiciel à l’université dans les années 1950 et 1960 (Levy, 2013). | Les principales retombées de l’éthique du hacker et du mouvement du logiciel libre se situent dans des pratiques et une compréhension du bien commun ancrées dans un paradigme systémique. Si certains parlent aujourd’hui de « « libérer » le numérique éducatif » (Joffredo, 2023, p. 79), c’est pour sortir de l’enclosure informationnelle due à l'adoption de solutions numériques propriétaires à finalité de captation et de marchandisation des données. Le logiciel libre offre une voie alternative basée sur une approche démocratique d’utilisateur à utilisatrice qui non seulement a fait ses preuves mais est à la base de la culture du développement logiciel à l’université dans les années 1950 et 1960 (Levy, 2013). | ||
Le concept de liberté, fondement du mouvement du logiciel libre, résonne, en éducation, avec le concept de liberté académique. Ce dernier a été créé dans | Le concept de liberté, fondement du mouvement du logiciel libre, résonne, en éducation, avec le concept de liberté académique. Ce dernier a été créé dans l’''universitas'' naissante de Bologne, au Moyen-Age (Barblan, 2016; Rangel, 2007; Ruegg, 1992), pour pouvoir créer des pratiques et du savoir autre que le savoir véhiculé par les autorités de l’époque. Etymologiquement, ''libertas'' signifie : « état de celui qui n'est pas esclave » « état de celui qui jouit de ses droits de citoyen » « état d'un peuple qui n'est pas soumis à une autorité arbitraire (ou extérieure)[https://www.cnrtl.fr/etymologie/libert%C3%A9 <nowiki>» […]</nowiki> ]» . | ||
A l’ère d’un numérique qui confirme les valeurs et finalités initiales de l’informatique militaire et commerciale (Peters, 2016; Turner, 2012), | A l’ère d’un numérique qui confirme les valeurs et finalités initiales de l’informatique militaire et commerciale (Peters, 2016; Turner, 2012), les libertés que le logiciel libre donne à l’utilisateur et à l’utilisatrice, tout comme la liberté académique que l’université donne à son corps académique, sont des expressions de la « responsabilité à l’égard du savoir » (Ricoeur cité par Beaud, 2021, p. 635). En éducation, elles appuient la réintroduction de connaissances philosophiques et historiques approfondies (Laot & Rogers, 2015; Tesar et al., 2022) pour chercher la vérité. La recherche de la vérité représente en effet la finalité des missions des universités telles que décrites dans les différentes chartes de déontologie. Elle remonte au modèle de Von Humboldt et s’inscrit dans le plus large projet de la ''Bildung'', soit le développement de la personne en tant qu’être humain (Deimann, 2013; Barblan, 2016). | ||
les libertés que le logiciel libre donne à l’utilisateur et à l’utilisatrice, tout comme la liberté académique que l’université donne à son corps académique, sont des expressions de la « responsabilité à l’égard du savoir » (Ricoeur cité par Beaud, 2021, p. 635). En éducation, elles appuient la réintroduction | |||
Un numérique éducatif reposant sur le Libre offre aujourd’hui à l’université une possibilité de renouer avec l’essence du modèle de Von Humboldt duquel elle se réclame généralement. | Un numérique éducatif reposant sur le Libre offre aujourd’hui à l’université une possibilité de renouer avec l’essence du modèle de Von Humboldt duquel elle se réclame généralement. | ||
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Joffredo, T. (2023). Biens communs ou bien marchands ? Plaidoyer pour « libérer » le numérique éducatif. Administration & Éducation, N° 180(4), 79-84. https://doi.org/10.3917/admed.180.0079 | Joffredo, T. (2023). Biens communs ou bien marchands ? Plaidoyer pour « libérer » le numérique éducatif. Administration & Éducation, N° 180(4), 79-84. https://doi.org/10.3917/admed.180.0079 | ||
Klein, N. (2001). Reclaiming the Commons. New Left Review, 9, 81-89. https://newleftreview.org/issues/ii9/articles/naomi-klein-reclaiming-the-commons | |||
Laot, F., & Rogers, R. (Eds.). (2015). Les Sciences de l'éducation. Emergence d'un champ de recherche dans l'après-guerre. Presses universitaires de Rennes. | Laot, F., & Rogers, R. (Eds.). (2015). Les Sciences de l'éducation. Emergence d'un champ de recherche dans l'après-guerre. Presses universitaires de Rennes. | ||
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Masutti, C. (2024). Communs numériques et souveraineté : sauver les logiciels libres. La Vie des idées. https://laviedesidees.fr/Communs-numeriques-et-souverainete-sauver-les-logiciels-libres | Masutti, C. (2024). Communs numériques et souveraineté : sauver les logiciels libres. La Vie des idées. https://laviedesidees.fr/Communs-numeriques-et-souverainete-sauver-les-logiciels-libres | ||
Ostrom, E. (1990). Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511807763 | |||
Paloque-Berges, C., & Masutti, C. (Eds.). (2013). Histoires et cultures du Libre. Des logiciels partagés aux licences échangées. Framasoft. <nowiki>https://archives.framabook.org/histoiresetculturesdulibre/index.html</nowiki> | Paloque-Berges, C., & Masutti, C. (Eds.). (2013). Histoires et cultures du Libre. Des logiciels partagés aux licences échangées. Framasoft. <nowiki>https://archives.framabook.org/histoiresetculturesdulibre/index.html</nowiki> |
Dernière version du 22 novembre 2024 à 20:25
Définition courte
Façonné par Richard Stallman en 1984 (Stallman, 2002) et promu par la Free Software Foundation dès 1985, le logiciel libre est une définition des libertés associées à l’usage, la modification et la distribution d’un logiciel. Ces libertés se formalisent par un contrat, la licence publique générale (GPL, General Public License), qui implique l’accès au code source et son partage dans les mêmes conditions (copyleft). La licence libre apparaît dans l’économie numérique en réaction aux stratégies de copyright de l’industrie logicielle, de plus en plus intransigeantes et mercantiles depuis le dégroupage (unbundling) initié par IBM 15 ans auparavant. Vers la fin des années 1990, dans la lignée de la redécouverte des communs (Ostrom, 1990; Klein 2001), de la dissémination du thème des communs de la connaissance (Lessig, 2001), et du savoir ouvert et libre (Open Knowledge) (Peters, 2016), le logiciel libre devient peu à peu un modèle de commun numérique, comme le montre l’apparition et la large adoption des licences Creatives Commons. Le Libre, dont la philosophie est de donner des libertés aux utilisateurs et utilisatrices s’étend à d’autres domaines en tant que « praxis institutante » (Dardot & Laval, 2015), propre d’un bien commun (Bollier, 2024).
Définition longue avec applications en éducation
Stallman a créé une pratique, formalisée dans un contrat et incarnée dans le logiciel libre. Ce contrat, une licence copyleft, donne les quatre libertés suivantes aux utilisateurs et utilisatrices :
- La liberté de faire fonctionner le programme comme vous voulez, pour n'importe quel usage (liberté 0) ;
- La liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu'il effectue vos tâches informatiques comme vous le souhaitez (liberté 1) ; l'accès au code source est une condition nécessaire ;
- La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider les autres (liberté 2) ;
- La liberté de distribuer aux autres des copies de vos versions modifiées (liberté 3) ; en faisant cela, vous donnez à toute la communauté une possibilité de profiter de vos changements ; l'accès au code source est une condition nécessaire. (GNU)
La licence publique générale (GPL), une licence copyleft, dont la première version a été publiée en 1989, inscrit la redistribution d’un logiciel libre avec sa licence initiale, garantissant ainsi la continuité du cercle vertueux. Cette licence copyleft « a créé un système de propriété collective à l’intérieur même des habituels murs du copyright » (Stallman et al., 2010, p. 180). Ce faisant, un déplacement du paradigme d’ancrage de l’artefact logiciel a été opéré : d’un capital à protéger, il devient un bien commun à valoriser (Masutti, 2024).
En éducation, les mises en applications de cette pratique sont motivées par les principes suivants cités, en partie, par le Département-de-l'instruction-publique-de-la-formation-et-de-la-jeunesse-Genève:
- Disposer des mêmes logiciels libres, en toute légalité, dans les milieux éducatifs, professionnels et privés avec des frais spécifiques (voir point 12 ci-dessous);
- Comprendre le logiciel permet de se former, d’agir dessus et favorise la réflexion, la créativité et la performance ;
- Cultiver la diversité en développant l’autonomie et le libre-arbitre de la communauté apprenante par la maîtrise d’une fonction et non d’un outil spécifique qui rendrait captif ;
- Travailler de manière collaborative requiert des modalités de droit d’auteur qui facilitent l’échange. Les licences libres ne se substituent pas au droit d'auteur qui s’applique d’emblée dans tous les pays signataires de la Convention de Berne, mais elles définissent de nouveaux équilibres entre l'auteur et l'utilisateur. Par exemple une licence CC-BY-SA suppose le partage mais oblige la citation de la paternité et oblige aussi à ce que ce qui est partagé et/ou modifié reste partageable dans les mêmes conditions ;
- Développer, cocréer et mutualiser des contenus pédagogiques ;
- Promouvoir le bien commun ;
- Pouvoir accéder aux contenus à long terme, ce qui présuppose un format garantissant une lisibilité pérenne, e.g. un format ouvert standard comme le format Open Document ;
- Accéder à un large choix de logiciels performants mais qui nécessitent souvent une certaine connaissance de la programmation ou des interfaces en ligne de commande car ils sont faits par des utilisateurs et utilisatrices pour des utilisateurs et utilisatrices. Un exemple ergonomique ne demandant pas de connaissances en programmation est la suite bureautique Libre Office et un exemple inverse, permettant de convertir les formats de fichiers, est le logiciel Pandoc ;
- Disposer de logiciels adaptés à ses besoins propres ;
- Trouver facilement une aide appropriée par la communauté des utilisateurs et utilisatrices d’un logiciel donné ;
- Renforcer la sécurité par l'accès au code informatique d'une part et d'autre part par la communauté de développeurs qui veille, répare et alerte en cas de risque ;
- Investir à bon escient par la promotion d’un processus économique local en optant pour l’indépendance et la souveraineté, plutôt que la dépendance à de grands éditeurs. Le logiciel libre n’est pas synonyme de gratuité et fonctionne selon une économie de service. Ainsi, pour une institution, le coût va se situer dans les différents prestataires de service mandatés et a pour effet de contribuer à développer le logiciel dans la logique de la « pratique de communisation » (Masutti, 2024). Pour un privé, le coût se situe dans la prise en main et la maintenance ;
- Prendre soin de la planète, agir en faveur de la sobriété numérique et lutter contre l’obsolescence programmée des logiciels et matériels informatiques. Les systèmes d’exploitation libres, comme Linux, sont le plus souvent sobres en ressources et peuvent tourner sur de vieux ordinateurs.
Historique et évolution du concept en éducation
S’il est possible d’écrire plusieurs histoires, celle que nous adoptons à la suite de Paloque-Berges and Masutti (2013), consiste à allier développement technologique et analyse des pratiques. Dans les années 1950 / 1960, des modèles d'organisations et d'innovation inédits émergent. Ils sont le fruit à la fois de la recherche menée dans les universités dans le domaine de l'informatique, et de l’industrie qui produisait les ordinateurs. La pratique qui en est née peut se synthétiser dans l’éthique du hacker dont le contrat du logiciel libre est l’expression juridique (Himanen, 2001; Levy, 2013; Turner, 2012). L'éthique est comprise ici comme "un ensemble de principes régulateurs de l'action, une normalisation de l'activité professionnelle" (p. 47). L’éthique du hacker est une éthique du partage et du travail collectif, qui participe à la construction et à l'enrichissement de biens communs numériques en mobilisant les principes suivants :
- Accessibilité à l'information de manière universelle et partage sans restriction ;
- Engagement motivé par "la coopération directe, l'adhésion collective à un projet et l'indépendance par rapport à des instances (académiques, industrielles, etc.)" (p. 49) ;
- Statut d'autorité (au sens de Meirieu, de se voir donner l’autorisation) ouvert à toutes et tous en lien avec ses contributions ;
- Gouvernance décentralisée et autonome qui ouvre un espace commun, échappant ainsi à la logique de la propriété exclusive.
Ces principes résonnent avec la Declaration of Internet Freedom du 1er juillet 2012 ainsi que la création du World Wide Web en 1989. Dans les deux cas, les pratiques inscrites dans l’éthique du hacker ont rencontré une technologie décentralisée, permettant de connecter plusieurs réseaux, protocoles et modèles.
Ils sont par contre en contradiction avec l’approche du logiciel Open Source, crée en 1998 par la Open Source Initiative. Se séparant du mouvement du logiciel libre, l’initiative Open Source en garde certains éléments mais s’inscrit dans une approche néo-libérale qui brise le cercle vertueux d’un projet collaboratif ayant pour objectif l’enrichissement d’un bien commun. La naissance du logiciel Open Source en tant que telle, s’explique par une triple problématique en lien avec l'innovation: le coût incrémental du développement logiciel ainsi que des besoins matériels; l'industrie qui est seule à pouvoir assumer ces coûts mais dont la finalité est capitaliste; l'efficacité prouvée de travailler de manière décentralisée avec un code ouvert. La licence Open Source donne des droits d’accès au code source, avec des gradations différentes. Le droit d’accès est indépendant du droit de partager. Les licences Creatives Commons, utilisées notamment avec les Ressources Educatives Libres (REL) reproduisent le même modèle. Seules les licences CC-BY et CC-BY-SA sont des licences orientées bien commun.
Débats et enjeux théoriques du concept en éducation
Les enjeux se cristallisent autour de deux points principaux :
- L’extension du Libre à des œuvres autres que du logiciel
- Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées et leurs finalités
L’extension du libre à des œuvres autres que du logiciel informatique a débuté avec la Licence de Documentation Libre GNU initiée par Stallman et Moglen en 1999 . Cette licence est équivalente à la licence Creative Commons CC-BY-SA, crée en 2002 (Stacey & Hinchliff Pearson, 2017). Le libre s’est ensuite étendu aux œuvres d’art avec la licence ArtLibre notamment. Aujourd’hui, pour protéger des savoirs traditionnels, les labels TK viennent apporter une dimension nouvelle au partage et à la diffusion de savoirs communautaires en dehors de la communauté. La licence libre se voit d’une certaine manière dotée d’une nouvelle liberté, celle de ne pas partager du savoir « protégé » par les Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou, en anglais, TRIPS : Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights) qui créent des déséquilibres économiques entre pays riches et pays pauvres (Drahos, 2005, p. 27). Enfin, la licence copyleft, en tant que hack d’un système dysfonctionnel du copyright, a permis de remettre en équilibre le pouvoir des créateurs face à celui des éditeurs. En effet, la licence copyleft donne le pouvoir aux créateurs d’imposer le contrat d’utilisation de leur œuvre. Ce pouvoir est aujourd’hui face au défi des IA génératives commerciales qui font fi et du copyright et du copyleft dans la phase initiale d’entraînement (tante, 2024; Wells, 2024).
Le paradigme d’ancrage des pratiques décentralisées est fondamental comme cela a été mis en exergue pour expliquer la différence subtile existant entre logiciel libre et Open Source. Le paradigme permet de comprendre l’ancrage d’un concept, son interprétation et son opérationnalisation. En effet, il détermine la finalité (partie immergée de l’iceberg) et oriente les pratiques et modes de gouvernance (partie émergée d’un iceberg) (Sterling, 2021, 2024). Deux paradigmes principaux sont à l’œuvre : le paradigme systémique / holistique et le paradigme mécaniste / positiviste. Le paradigme systémique focalise sur le tout dans son agencement en lien avec une unité alors que le paradigme mécaniste focalise sur les parties, considérées séparément (Bourg & Swaton, 2021).
Une pratique décentralisée guidée par le bien commun s’inscrit dans un paradigme systémique alors qu’une pratique décentralisée guidée par le capital s’inscrit dans un paradigme mécaniste [De manière intéressante, l’étymologie, du latin capitalis signifie « qui peut coûter la tête, dangereux » ou « qui se trouve en tête, important » (https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C0612 ; https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C0613 )]. Dans le domaine de l’éducation, les deux concepts de libre et d’ouvert co-existent dans la langue française – e.g. Ressource éducative libre ; Science ouverte - et témoignent d’une base philosophique fondée sur le relationnel dans un ancrage systémique d’un côté et sur le transactionnel dans un ancrage capitaliste de l’autre (Bollier, 2024; Leonelli, 2023; Sterling, 2021). La création de la propriété privée capitaliste au XVIème siècle incarne le passage de l’une à l’autre avec le tristement célèbre mouvement des enclosures dans les campagnes anglaises. De manière similaire, l'enclosure des communs informationnels se réfère à l’économie du savoir soumise au copyright anglo-saxon.
Principales retombées et applications en éducation
Les principales retombées de l’éthique du hacker et du mouvement du logiciel libre se situent dans des pratiques et une compréhension du bien commun ancrées dans un paradigme systémique. Si certains parlent aujourd’hui de « « libérer » le numérique éducatif » (Joffredo, 2023, p. 79), c’est pour sortir de l’enclosure informationnelle due à l'adoption de solutions numériques propriétaires à finalité de captation et de marchandisation des données. Le logiciel libre offre une voie alternative basée sur une approche démocratique d’utilisateur à utilisatrice qui non seulement a fait ses preuves mais est à la base de la culture du développement logiciel à l’université dans les années 1950 et 1960 (Levy, 2013).
Le concept de liberté, fondement du mouvement du logiciel libre, résonne, en éducation, avec le concept de liberté académique. Ce dernier a été créé dans l’universitas naissante de Bologne, au Moyen-Age (Barblan, 2016; Rangel, 2007; Ruegg, 1992), pour pouvoir créer des pratiques et du savoir autre que le savoir véhiculé par les autorités de l’époque. Etymologiquement, libertas signifie : « état de celui qui n'est pas esclave » « état de celui qui jouit de ses droits de citoyen » « état d'un peuple qui n'est pas soumis à une autorité arbitraire (ou extérieure)» […] » .
A l’ère d’un numérique qui confirme les valeurs et finalités initiales de l’informatique militaire et commerciale (Peters, 2016; Turner, 2012), les libertés que le logiciel libre donne à l’utilisateur et à l’utilisatrice, tout comme la liberté académique que l’université donne à son corps académique, sont des expressions de la « responsabilité à l’égard du savoir » (Ricoeur cité par Beaud, 2021, p. 635). En éducation, elles appuient la réintroduction de connaissances philosophiques et historiques approfondies (Laot & Rogers, 2015; Tesar et al., 2022) pour chercher la vérité. La recherche de la vérité représente en effet la finalité des missions des universités telles que décrites dans les différentes chartes de déontologie. Elle remonte au modèle de Von Humboldt et s’inscrit dans le plus large projet de la Bildung, soit le développement de la personne en tant qu’être humain (Deimann, 2013; Barblan, 2016).
Un numérique éducatif reposant sur le Libre offre aujourd’hui à l’université une possibilité de renouer avec l’essence du modèle de Von Humboldt duquel elle se réclame généralement.
Références
Références incontournables
- Levy, S. (2013). L'éthique des hackers (G. Tordjman, Trans.). Globe. Cet ouvrage donne les clés de compréhension de la démarche d’innovation dans le monde numérique et la place des pratiques de partage des hackers, fondateurs d’une cuture informatique faite à la fois de travail collectif, d’accomplissement personnel et d’esprit entrepreneurial. Un hack est simplement une solution créative et rapide, sous forme de bout de code informatique, apportée à un problème informatique partagé au sein d’une communauté donnée.
- Stallman, R., Williams & Masutti, C. (2010). Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. Une biographie autorisée (1st ed.). https://archives.framabook.org/docs/stallman/framabook6_stallman_v1_gnu-fdl.pdf . Cet ouvrage part d’une traduction de la biographie de Stallman, relue et augmentée par Stallman lui-même. La biographie retrace la vie de Richard Stallman, mathématicien et informaticien, fondateur du mouvement GNU à l'origine du mouvement pour le logiciel libre en 1983 puis de la Free Software Foundation (FSF). En 1989, avec Eben Moglen, il crée la première version de la licence GNU GPL, inventant par là-même le concept de copyleft, une manière de hacker le copyright. Il décrit le mouvement du logiciel libre comme un mouvement social et l'oppose au code source qu'il qualifie de méthode de développement.
- Lessig, L. (2005). L’Avenir des idées. Presses universitaires de Lyon. https://doi.org/10.4000/books.pul.30872 . Cet ouvrage est une étude rigoureusement documentée sur l'architecture de plus en plus fermée, propriétarisée et centralisée de l'Internet. Le juriste montre comment les media utilisent la technologie et l'excès de règlementation monopolistiques pour confisquer la culture et contrôler la créativité.
- Paloque-Berges, C., & Masutti, C. (Eds.). (2013). Histoires et cultures du Libre. Des logiciels partagés aux licences échangées. Framasoft. https://archives.framabook.org/histoiresetculturesdulibre/index.html . Cet ouvrage retrace l'histoire du Libre en repassant tous les moments clés de l'informatique et de "l'informatique communicante", i.e. l’Internet et le Web. Il permet de comprendre ce qu'est la culture du Libre et sa genèse en tant que mouvement social. Avec des auteurs d’horizon différents, il présente une analyse des représentations sociales, des pratiques et des usages. Cette documentation historique permet de saisir ce que ce mouvement révolutionnaire représente en termes de libertés.
Références citées dans l'article
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