Apprentissage et enseignement des langues secondes à de jeunes apprenants
Introduction
Multiculturalité, voilà un mot qui définit bien la Suisse. Ce petit pays en plein cœur de l’Europe jouit d’une situation bien singulière. Contrairement à ses pays voisins qui ont chacun une seule langue nationale bien définie, la Confédération Helvétique en a quant-à-elle quatre : l’allemand1, le français, l’italien et le romanche (les trois premières étant des langues officielles). La place des langues à l’école est depuis longtemps un sujet de discussions et de controverses. Si au début du XXe siècle certains courants de pensée décrétaient encore que le bilinguisme pouvait être nocif (Tabouret-Keller, 2011), les mentalités ont depuis énormément évolué, celles-ci prônant dorénavant la richesse du plurilinguisme inhérent à nos sociétés multiculturelles. Comme l’évoquait Isabelle Chassot en 2013 alors qu’elle était présidente de la CDIP, « la conception que nous avons en Suisse de l’enseignement des langues au niveau de la scolarité obligatoire est ambitieuse, mais elle est appropriée à la situation linguistique particulière de notre pays » (p.3). Ainsi en Suisse, l’apprentissage d’une deuxième langue officielle est préconisé, ce avant l’instruction de tout autre langue étrangère. Les cantons de Suisse alémanique suivent cette recommandation diversement, contrairement aux cantons romands qui l’appliquent. Quant au Tessin, seul canton italophone, l’apprentissage à l’école primaire de trois langues étrangères, dont deux officielles, a été décidé de par sa situation linguistique particulière. Alors quels sont les arguments en faveur de l'enseignement d'une deuxième langue? Quid de l'évolution des méthodologies? Y a-t-il des recommandations pour les enseignants? État des lieux de ce que préconise les dernières recherches en didactique des langues.
1 ou suisse-allemand
Contexte insitutionnel
Arguments en faveur de l’enseignement de deux langues étrangères à l’école primaire
Au-delà d’être un objet culturel, une langue est avant tout un outil régi par un impératif communicatif, lui-même défini par un contexte. D’après Mario Wandruszka (1979), chaque personne est plurilingue car elle use de registres langagiers différents selon la situation. En suivant cette logique et en reprenant les termes de Hans Jürgen Krumm (2008), « la personne plurilingue dans sa propre langue ne [devrait] pas rester enfermée dans sa langue maternelle, (…) chaque langue [étant] un grand "dépôt" dont il faut savoir se servir » (p. 113). De la sorte, la construction de compétences plurilingue et pluriculturelle chez les élèves est fondamentale, telle que décrite dans la déclaration de la CIIP en 2003 (Béguin & Boillat).
Justement, apprendre à s’en servir, telle est la tâche qui incombe à l’école. Il est indéniable que l’instruction publique se doive d’assumer sa part de responsabilité dans ce qu’on appelle la conscience langagière, sorte de perception générale que chacun a des langues ; sans oublier l’opinion que ses apprenants s’en font. L’étude de Blondin et al. (1998) démontrait notamment le lien entre apprentissage précoce des langues et motivation à son égard. Dans la même optique, les auteurs d’une étude plus récente (Edelenbos, Johnstone & Kubanek, 2006) indiquent eux aussi « qu’un âge précoce peut offrir de considérables avantages pour les enfants en stimulant les mécanismes d’acquisition naturels » (p. 151). Ainsi, commencer tôt l’instruction de nouvelles langues c’est non seulement faciliter leur apprentissage mais également renforcer la motivation des apprenants. Toutefois le véritable avantage d’un enseignement multilingue se trouve dans son apport métalinguistique. Sans prendre en compte la contribution évidente qu’a une langue dans la structuration mentale d’un enfant, le plurilinguisme amène cependant les élèves à posséder une conscience plus élevée des différences entre les langues, des liens entre celles-ci ainsi que de leurs ressemblances. Enseigner plusieurs langues favorise par conséquent une réflexion sur le fonctionnement des langues, en faisant raisonner les élèves sur cet aspect (PER, 2010). Enfin, comme mentionné précédemment, le caractère multiculturel de nos sociétés implique la nécessité de compétences de communication opérationnelles : « la connaissance des langues étrangères est une compétence clé dans le monde d’aujourd’hui. Elle ouvre les portes de la mobilité, privée ou professionnelle, et son rôle est particulièrement important dans un pays plurilingue » (Chassot, 2003 - p. 2).
Situation en Suisse Romande
Suite au concordat sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire entre les différents cantons suisses (HarmoS) en 2010, puis également avec l’instauration du plan d’études romand (PER), l’instruction publique de la Suisse romande poursuit son intention de modernisation avec actuellement le renouvellement progressif des moyens d’enseignement. Véritable pierre angulaire de la scolarité obligatoire, le PER a justement été conçu pour éviter une rupture didactique entre l’école primaire et secondaire, et ce en définissant clairement les contenus d’apprentissage. Dans le domaine langue, celui-ci édicte quatre visées prioritaires qui illustrent bien l’approche privilégiée par les autorités : la langue de scolarisation, à savoir le français, est ainsi épaulée par d’autres langues et ce dans le but de constituer un répertoire langagier plurilingue.
Recherches en didactiques des langues
Répertoire plurilingue
Dans la recherche sur l’acquisition et l’apprentissage des langues, le répertoire plurilingue de l’élève prend une place importante car il est directement lié à l’assimilation de la grammaire et du vocabulaire. Ce catalogue langagier, l’élève va l’enrichir au fil du temps. De plus, en étudiant une autre langue, celui-ci va alors être en mesure de faire des liens avec sa langue maternelle. De cette manière, il est essentiel que l’apprenant soit accompagné dans la mise en place de stratégies pour l’identification et le décodage de nouveaux mots, aspect que nous aborderons plus loin.
Caractéristiques des jeunes apprenants
Avant de pouvoir apprendre une langue étrangère, les jeunes apprenants doivent déjà maîtriser leur propre langue maternelle. Cela n’est pas sans raison : afin de pouvoir développer des stratégies qui aideront les élèves à évoluer dans l’apprentissage d’une langue et de progresser dans celle-ci, l’apprenant se doit d’avoir une base de référence, à savoir sa langue maternelle. Les stratégies qu’il aura mises en œuvre pour apprendre cette dernière sont ainsi réutilisées pour l’apprentissage d’une nouvelle langue. Lorsqu’un élève commence l’apprentissage d’une deuxième langue, il s’appuie sur les acquis de la L12, surtout dans le domaine de la lecture. Selon Giasson (2005), les jeunes apprenants passent par cinq différents stades au niveau de la lecture avant de pouvoir acquérir une L23. Chacune de ces étapes repose sur des stratégies que l’enseignant se doit d’expliciter aux élèves afin qu’ils puissent en faire bon usage et ainsi développer leurs habiletés langagières pour passer du stade de lecteur débutant à celui de confirmé (Balsiger, C., & Wokusch, S., 2006).
La première étape est celle de l’enfant avant son entrée formelle dans l’écrit. Puis vient la période du lecteur débutant : l’élève comprend que la lecture est une recherche de sens, il sait recourir au vocabulaire global et se servir du contexte pour identifier un mot inconnu. Les élèves atteignent ce palier quand ils peuvent mettre en œuvre des stratégies de compréhension et d’identification de mots. Le troisième stade est celui du lecteur en transition, l’élève développe alors non seulement une certaine fluidité, mais également l’habileté à reconnaître des mots instantanément. La quatrième étape est celle de "l’apprenti-stratège". Arrivé à ce point, l’apprenant se doit de développer des stratégies de compréhension efficaces pour aborder des textes de plus en plus compliqués. Enfin, l’élève devient un lecteur confirmé, arrivant désormais à dégager les informations principales d’un texte, à le résumer. L’apprenant va s’appuyer sur les stratégies qu’il aura développé pour acquérir une L2 et L3. L’apprentissage d’une nouvelle langue est un travail complexe : l’apprenant ne réussit pas automatiquement à transférer ses savoir-faire face à un nouvel apprentissage. « Un bon lecteur de L1 devient, du moins provisoirement, un lecteur médiocre en L2 et les apprenants peu performant en L1 perdent encore plus en L2 » (Balsiger, C., & Wokusch, S., 2006 - p.53).
2 L1 = langue première, langue de scolarisation
3 L2 = langue seconde, deuxième langue enseignée
L’acquisition du vocabulaire et de la grammaire
Comme mentionné plus tôt, l’enrichissement du répertoire plurilingue repose sur l’acquisition de la grammaire et du vocabulaire de la langue étrangère. Elisabeth Van der Linden (2006), décrit de manière très précise les différentes manières que l’élève à d’apprendre de nouveaux mots. L’auteur mentionne notamment l’expérience de « la décision lexicale », qui a pour but d’observer la rapidité dont fait preuve l’apprenant pour dire si les mots qui lui sont présentés existent ou non. Les résultats montrent que les mots fréquents ou concrets sont rapidement repérés et jugés comme existants, tandis que les mots moins courants ou plus abstraits prennent plus de temps à être identifiés.
Il y a trois types de relations au niveau du stockage des mots, entre L1 et L2 : le premier est lorsque les deux lexiques sont intégrés ; le mot de la langue maternelle et celui de la langue étrangère sont au même niveau. Le second lorsque les deux lexiques sont séparés, l’apprenant peut accéder aux mots de la L1 et L2 à partir d’un concept. Enfin, dans le dernier type, les lexiques sont séparés et il faut passer par la L1 pour accéder aux mots de L2 depuis le concept.
« Les estimations du nombre des mots que nous possédons dans notre langue maternelle varie de 20'000 à 150'000, mais la plupart des estimations tournent autour de 50'000 » (Aitchison, 1987, cité par Van der Linden, E., 2006 - p.34). Tous ces mots sont organisés d’une manière bien précise, dépendant notamment de la vitesse avec laquelle ceux-ci peuvent être retrouvés dans la mémoire, ainsi que les relations qui existent entre ceux-ci dans le lexique mental. Lors de l’apprentissage d’une langue étrangère, la connaissance du vocabulaire et encore fragmentaire et la syntaxe n’est pas maîtrisée (Van der Linden, E., 2006).
En ce qui concerne la grammaire, nous pouvons lire dans le PER (2010) que « [son] enseignement (…) fait partie intégrante d’un enseignement des langues étrangères qui vise le développement de la compétence de communication. Pour atteindre ce but, les enseignants ont besoin de connaissances sur les processus d’apprentissage en jeu, de sorte à pouvoir aider les apprenants à développer leurs connaissances de la langue et leur capacité à communiquer, dans un travail autour de la grammaire qui fasse sens » (Extrait PER - Section Domaine langues).
La grammaire a donc toute son importance dans l’apprentissage d’une langue. L’articulation de la phrase est la base des activités de production, qu’elles soient orales ou écrites. Si l’on veut pouvoir s’exprimer et être compris, il est nécessaire de construire des phrases correctes (impératif communicatif). Un des objectifs du PER consiste justement à « maîtriser le fonctionnement des langues », à réfléchir sur celles-ci. La grammaire et le lexique vont donc de pair avec l’apprentissage d’une langue. Partir du sens pour aller jusqu’à la forme, voilà la manière d’apprendre : assimiler du vocabulaire puis pouvoir l’utiliser dans des phrases, tout en suivant les normes relatives à la production d’un texte oral ou écrit.
Évolution des méthodologies
Afin de pouvoir mieux appréhender la complexité de la situation actuelle, il est important de connaître l’histoire des méthodologies au niveau de l’enseignement des langues étrangères (Cuq & Gruca, 2005). Tout d’abord, sur un étalement de plus de trois siècles, nous trouvons la méthodologie traditionnelle. Celle-ci était basée sur un apprentissage basé sur la grammaire et la traduction de lecture. « Il n’est pas facile de dresser un bilan succinct de la méthodologie traditionnelle d’enseignement des langues vivantes parce qu’elle s’étale sur une longue période, et qu’elle prend des formes variées au cours de son évolution » (Cuq & Gruca, 2005 - p.254). Nous pouvons toutefois noter quelques particularités communes : l’importance donnée à la grammaire, l’enseignement de l’écrit qui est prédominant, le rôle important de la traduction et l’accès à la littérature comme but ultime de l’apprentissage d’une langue.
La méthodologie directe
En 1901, la méthodologie directe est officiellement imposée par les instructions ministérielles. Avec la révolution industrielle, de nouvelles exigences sociales émergent. En effet, face à l’extension de l’industrie et du commerce les besoins de la population changent. « Le but principal de l’enseignement des langues consiste à apprendre à les parler, puis à les écrire, et que leur connaissance pratique [puisse] prévaloir sur l’acquisition d’une culture littéraire » (Cuq & Gruca, 2005 - p. 256). Les différents points essentiels de cette méthodologie étaient par exemple l’apprentissage de mots concrets de la vie courante, la présentation d’exemples en lien avec de la grammaire ainsi que l’acquisition et l’étude de la prononciation. De plus, les besoins de l’étudiant étaient pris en compte et on attendait de lui une compréhension globale. A noter que cette méthodologie a été particulièrement active et a modernisé l’apprentissage des langues (Cuq & Gruca, 2005).
La méthodologie audio-orale
Quelques temps plus tard, lors de la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine avait besoin de soldats qui sachent parler et comprendre rapidement une langue étrangère. La méthode était alors simple : les soldats devaient mémoriser des petits dialogues de situations courantes sans forcément se préoccuper de l’aspect grammatical. Cette technique a fait naître entre 1940 et 1970 aux Etats-Unis la méthodologie audio-orale. « Comme l’indique son appellation, cette méthodologie donne la priorité à la langue orale et la prononciation devient un objectif majeur » (Cuq & Gruca, 2005 - p. 259). L’enseignement des langues change du tout au tout avec cette manière d’apprendre, notamment grâce à l’utilisation du magnétophone puis du laboratoire de langues. Chaque leçon était basée autour d’un dialogue de la vie courante représentée par des images ou des films, et le vocabulaire de base était en lien avec le dialogue vu (Thonhauser, 2017).
L'approche communicative
Enfin l’approche communicative est apparue, induite par différents facteurs politiques et sociaux, tout comme les méthodologies précédentes. L’élargissement de l’Europe a joué un grand rôle dans ce changement. « L’approche communicative a pour objectif essentiel d’apprendre à communiquer en langue étrangère » (Cuq & Gruca, 2005 - p. 264). Dans cette méthodologie, la communication n’est pas seulement un outil oral mais aussi un outil écrit. La communication comprend donc les deux aspects et c’est pourquoi le terme "approche" est plus représentatif que son prédécesseur "méthodologie". Une des grandes particularités de cette approche est qu’elle met l’accent sur des documents dits "authentiques" afin de tenter de faire comprendre aux apprenants l’utilité et le but de l’apprentissage de la langue. L’apprenant est ainsi au centre de son apprentissage, il est actif car il travaille ses besoins langagiers et comprend qu’il y a, derrière son apprentissage, un but de communication (Thonhauser, 2017). Cette approche comprend trois composantes principales:
- La composante linguistique - elle contient la connaissance des règles grammaticales, la structure de la langue et le vocabulaire - partie importante mais pas suffisante à l’apprentissage d’une langue.
- La composante sociolinguistique et discursive - elle permet aux apprenants d’utiliser des formes linguistiques en fonction de la situation de communication, ce qui assure une certaine cohésion au niveau des différents types de discours.
- La composante stratégique - elle permet aux apprenants de travailler différentes stratégies de compréhension surtout au niveau des deux aspects cités précédemment.
Dimensions de l'approche communicative
Les activités de compréhension
Pour aller plus loin dans l’approche communicative, il est intéressant de voir comment cette méthode permet aux apprenants de communiquer. Les activités de "hören" (compréhension orale) et de "lesen" (compréhension écrite) amènent les élèves à comprendre des situations familières et quotidiennes.
Compréhension orale
Afin de pouvoir communiquer, il faut avant tout pouvoir comprendre ce que l’on nous dit. Il est d’ailleurs établi qu’un individu comprend plus de mots qu’il ne peut en dire lui-même. Cependant un des aspects problématiques de cette compréhension orale est que les apprenants sont confrontés à la langue par le biais de l’enseignant qui, dans la plupart des cas, n’est pas un germanophone natif. Cela risque ainsi de pénaliser la compréhension orale des apprenants. De ce fait, quelles stratégies et méthodes sont utiles pour augmenter la compréhension orale ? Tout d’abord, comme le souligne une étude (Edelenbos, Johnstone & Kubanek, 2006), il est nécessaire d’exposer fréquemment les élèves à la langue étrangère. Il faut multiplier les occasions de contact et également varier les situations afin que les élèves n’aient pas comme unique référence la voix de l’enseignant. Pour cela, il y a bien évidemment des activités présentes dans les MER4 mais pas uniquement : afin de proposer des écoutes différentes, l’enseignant doit utiliser des documents authentiques. Nous entendons par là des extraits d’émissions radiophoniques, des chansons, etc. Comme dit précédemment, l’apprenant est actif dans son apprentissage et va par conséquent devoir utiliser des stratégies de compréhension, ceci afin de ne pas tomber dans une écoute passive.
4 MER = Moyens d'Enseignement Romands
Compréhension écrite
La compréhension de textes au travers de la lecture n’est pas seulement un point clé au niveau d’une langue étrangère, mais également « un enjeu majeur dans l’éducation et la réussite scolaire des élèves, en permettant un accès privilégié aux savoirs » (Balsinger & Wokusch, 2006). La compréhension d’une langue étrangère se construisant sur les bases de l’apprentissage de la lecture de la langue première (cf. caractéristiques des apprenants), l’élève doit donc avoir déjà acquis ce qu’on appelle la conscience phonémique, capacité à identifier et manipuler des phonèmes dans les mots, ainsi que les relations entre graphèmes et phonèmes afin de pouvoir comprendre le lien entre les unités de l’écrit et celles de l’oral ; sans oublier une certaine fluidité. Tout comme la compréhension orale, la compréhension écrite est une activité qui demande un apprentissage actif de la part de l’apprenant et par conséquent l’utilisation de stratégies de compréhension. L’enseignant va de ce fait devoir faire comprendre aux élèves l’utilité de celles-ci. Lors des activités de compréhension écrite, le but n’est pas une compréhension parfaite du texte. Le contexte est donc une grande aide pour les apprenants dans leur compréhension globale d’un texte (Balsiger & Wokush, 2006).
Les activités de production
Production orale
Cependant l’apprentissage d’une langue ne s’arrête pas aux activités de réception, celles qui concernent la production, à savoir "sprechen" et "schreiben" , sont tout aussi importantes. Selon le PER (2010), les élèves doivent être capables de s’exprimer en continu au niveau de la production orale. Ils doivent pouvoir s’exprimer dans des situations familières simples et quotidiennes, et ce en utilisant un vocabulaire simple. De plus, l’élève doit pouvoir prendre part à une conversation, à condition que ses interlocuteurs puissent prendre en compte son niveau et ainsi s’adapter à lui. Mais pour apprendre à parler une langue étrangère, le meilleur moyen est encore de justement s’y entraîner. Pour pouvoir donner tous les outils nécessaires aux apprenants, l’enseignant a trois stratégies à sa disposition : Il y a tout d’abord la modélisation, moment où l’enseignant va avoir le rôle de modèle dans la communication, donnant ainsi l’envie aux apprenants d’avoir une conversation entre eux. Puis celle de la correction, stratégie cruciale du fait qu’il faut savoir garder un juste équilibre : corriger systématiquement chaque erreur risque de bloquer certains individus, tandis qu’un laxisme trop important les empêchera de progresser. La dernière stratégie est l’interaction entre l’enseignant et ses élèves ou entre les élèves entre eux lors d’activités de groupe. L’apprenant va se concentrer sur le message qu’il veut transmettre aux autres lors de ces activités ce qui lui permettra d’automatiser l’usage de la langue (Germain & Netten, 2005).
Production écrite
Concernant la production écrite, le plan d’études demande également à ce que les élèves soient capables de se présenter brièvement eux-mêmes, leur famille et leurs loisirs. Ils doivent être capables d’utiliser un vocabulaire simple afin de rédiger de courts textes (PER, 2010). La production écrite peut avoir deux finalités bien distinctes. La première est l’appropriation des normes sociolinguistiques : elle prend en compte les compétences langagières et formelles . La deuxième visée est l’expression personnelle qui permet aux apprenants de prendre part à une activité plus ludique où l’accent n’est pas mis sur une correction formelle (Beacco, 2010). Lors de ces activités il est très important de prendre en compte le niveau des élèves. Leur demander d’écrire un texte trop simple n’aura aucun impact sur leur apprentissage mais leur demander d’écrire des textes trop difficiles pourrait les décourager. Comme pour tout apprentissage, un juste équilibre, ou plutôt déséquilibre, doit être trouvé.
Recommandations pour l'enseignement
L’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère est un sujet complexe, que ce soit du côté de celui qui étudie ou de celui qui l’enseigne. Cependant ces quelques points cruciaux devraient être mis en place par tout professeur désireux de transmettre de manière optimale la langue de Goethe :
- Parler régulièrement en allemand lors de la classe pour familiariser l’élève avec la langue (Klassensprache, "chunks"), que ce soit en instaurant des rituels et/ou en répétant des expressions.
- Utiliser des documents authentiques afin de pouvoir faire entrer l’élève dans la culture même de la langue, et ce en donnant des documents concrets qui seront à même de le motiver.
- Donner du sens à l’apprentissage de la langue en faisant comprendre à l’élève que l’aspect important d’une langue se trouve être la communication.
- Enseigner des stratégies de compréhension pour que l’élève ne se sente pas perdu et qu’il puisse être actif dans ses apprentissages.
- Encourager l’élève à s’exprimer le plus possible en allemand en lui donnant confiance en lui et en ne le corrigeant pas de manière excessive.
- Prendre en compte le niveau de chaque élève afin de ne pas le brusquer et de pouvoir mieux l’accompagner dans ses apprentissages.
Bibliographie
- Aitchison, J. (1987). Words in the Mind: an introduction to the mental lexicon. Oxford: Blackwell.
- Balsiger, C., & Wokusch, S. (2006). Enseigner la compréhension écrite dans une perspective intégrée. Quelques réflexions. Babylonia (3-4), 51-56.
- Beacco, J.-C. (2010). La didactique de la grammaire dans l'enseignement du français et des langues. Paris : Didier, chapitre 8.3.
- Béguin, T. & Boillat, J.-M. (2003). Déclaration relative à la politique de l’enseignement des langues en Suisse romande. Neuchâtel : CIIP.
- Blondin, C., Candelier, M., Edelenbos, P. Johnstone, R., Kubanek-German A. & Taeschner, T. (1998). Foreign languages in primary and pre-school education: context and outcomes. A review of recent research within the European Union (French Version : De Boeck). London : CILT.
- Chassot, I. (2013). J’apprends les langues, apprentissage de deux langues étrangères dès l’école primaire : brochure d’information (pp. 2-3). Fribourg : Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique.
- Cuq, J.-P., & Gruca, I. (2008). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde. Nouvelle édition. Grenoble : Presses universitaires de Grenoble.
- Edelenbos, P., Johnstone, R., & Kubanek, A. (2006). Les grands principes pédagogiques sur lesquels se fonde l'enseignement des langues aux très jeunes apprenants. Les langues pour les enfants en Europe - Résultats de la recherche, bonne pratique et principes essentiels. Rapport final de l’étude du lot 1 d’EAC 89/04 (p. 151). Bruxelles : Commission Européenne.
- Germain, C & Netten, J. (2005). Place et rôle de l’oral dans l’enseignement/apprentissage d’une L2. Babylonia 2, 7-10
- Giasson, J. (2005). La lecture : de la théorie à la pratique. Bruxelles : De Boeck.
- Krumm, H.-J. (2008). Plurilinguisme et subjectivité : « portraits de langue », par les enfants plurilingues (pp. 114-117). Traduit de l'allemand par A. Hu et D. Vandystadt. In G. Zarate, D. Lévy & C. Kramsch (Eds.), Précis du plurilinguisme et du pluriculturalisme (pp. 109-112). Paris : Éditions des archives contemporaines.
- Plan d’Études Romand - PER (2010). Commentaires généraux du domaine Langues. Suisse : CIIP.
- Tabouret-Keller, A. (2011). Le bilinguisme en procès, cent ans d’errance (1840-1940). Limoges : Éditions Lambert-Lucas, 15.
- Thonhauser, I. (2017). Introduction à l’apprentissage et à l’enseignement des langues étrangères à de jeunes apprenants. Lausanne : HEP Vaud, cours BP22LAC.
- Van der Linden, E. (2006). Le lexique mental et apprentissage des mots. Revue Française de Linguistique Appliquée, XI (1), 33-44.
- Wandruszka, M. (1979). Die Mehrsprachigkeit des Menschen. München : R. Piper.
Page rédigée par Alexandre Tsiklis (discussion) le 17 octobre 2023 à 01:03 (CEST), d'après un travail académique réalisé en 2017