Communauté virtuelle

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Qu’est-ce qu’une communauté, virtuelle ou non ?


Le débat entourant le concept de « communauté » et son mode d’organisation se complexifie avec l’apport des technologies de la communication et de l’information.
Wellmann, B (1995) démontre comment les gens, plutôt que de rencontrer leurs voisins dans des espaces publics, au café, sur la place du village, utilisent téléphone ou e-mail pour communiquer avec leurs proches. Ces technologies permettent ainsi de rester en contact avec ses amis sans que la proximité géographique ne soit nécessaire. Cette analyse de la perte de sens de l’espace public comme espace communautaire est aussi partagé par Oldenburg (1977). Selon lui cet espace est nécessaire à la santé des communautés, son absence implique une dégradation de la qualité des liens unissant les membres d’une communauté.
En effet, la dynamique des interactions avec les media électroniques est différente de celle des interactions présentielles. Ces nouvelles technologies appauvrissent les communications dans les aspects non-verbaux ou contextuels. Toutefois, les medias développent des codes de communication afin de compenser partiellement cette perte comme le profil utilisateur pour s’identifier, un mot de passe pour que l’interaction devienne partiellement privée, l’espace virtuel ou lieu de l’interaction.
Ce terme de « communauté » a pris de l’importance particulièrement en Sciences de l’Education par l’intérêt porté aux communautés en tant que lieux, cadres de vie ou cadres de travail favorisant l’apprentissage. Pour Dillenbourg, P., & Poirier, Ch., & Carles, L., (2003) :
« une « communauté » est un type de groupement d’individus qui partage des caractéristiques aussi bien avec les groupements formels en ce que les membres ont un but commun, qu’avec un groupe de copains qui se rencontrent pour le plaisir de leurs compagnies mutuelles. » (p. 3)
Ces chercheurs font la remarque que le fait de renommer « communauté » un simple groupe d’apprenants ne garantit en rien qu’une dynamique socio-cognitive soit établi au sein du groupe. A l’instar, un groupe d’étudiants qui interagit par courriel ne constitue pas automatiquement une communauté au sens forte du terme. Or, aucun media n’a pour effet intrinsèque de transformer automatiquement un groupe d’utilisateurs en une « communauté ».

Le caractère éminemment paradoxal du terme « virtuel » a été glosé par de nombreux auteurs notamment par Quéau dont on peut citer cette définition :
« Le mot virtuel vient du latin virtus, qui signifie force, énergie, impulsion initiale. Les mots vis, la force, et vir, l’homme, lui sont apparentés. (…) [La virtus] est à la fois la cause initiale en vertu de laquelle l’effet existe mais aussi ce par quoi la cause continue d’exister présente virtuellement dans l’effet. Le virtuel n’est donc ni irréel ni potentiel : le virtuel est de l’ordre du réel. » (1993, p.23)
Dillengbourg & al., (2003, p. 11) sont de l’avis que cet adjectif « virtuelle » est souvent maladroitement adjoint au terme communauté. En fait, cet adjectif se réfère plutôt à un « mode de communication » de la communauté. Ces chercheurs confirment que les communautés virtuelles sont bien réelles. Il s’agit alors d’un contexte dans lequel se déroulent des interactions, émotionnellement chargées, entre des personnes humaines, qui adaptent leurs modes d’interaction à ce contexte. Or, le terme « virtuel » indique simplement qu’une partie importante des communications reposent sur des outils de communication électronique.
Le terme de « communauté virtuelle » est apparu pour la première fois dans l’ouvrage de Howard Rheingold, The Virtual Community, en 1993.
« Les communautés virtuelles sont des regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y mettant suffisamment de cœur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du cyberespace »
Wellman, B et d'autres chercheurs associés au Centre for Urban and Community Studies, de l'U. de Toronto énoncent que : Une interaction « communautaire » intense et fréquente repose sur des intérêts communs, et les participants ne se sont jamais vus ou entendus parler et n'auront probablement jamais l'occasion de se voir ni d'entendre leurs voix : c'est la communauté virtuelle (en ligne).
Les communautés virtuelles apparaissent alors comme des réseaux de relations qui transcendent les configurations de l’espace. Ces réseaux sont multiples et mouvants, chacun avec ses objectifs, ses raisons et ses propres acteurs. Il s’agit d’un changement structurel profond. Progressivement les relations interpersonnelles deviennent choisies et « aterritorialisées ».

Caractéristiques des communautés virtuelles


Preece et Maloney-Krishmar (2003, p.597) proposent cinq caractéristiques inspirées de Whittaker, Isaacs et O’Day (1997) :

  • les membres ont un but, un intérêt, une activité ou un besoin commun qui constitue la raison principale de leur appartenance à la communauté ;
  • les membres s’engagent dans une participation répétée, active et il y a souvent des interactions intenses, des liens émotionnels forts et des activités communes entre les participants ;
  • les membres ont accès à des ressources partagées et des règles déterminent les modalités d’accès à ces ressources ;
  • la réciprocité des informations, des soutiens et des services entre les participants est importante ;
  • il y a un contexte de conventions sociales, d’utilisation du langage et de façons de se comporter.

Selon Preece et Maloney-Krishmar (2003) soulignent également que les caractéristiques essentielles d’une communauté sont :

  • la force du lien social qui unit ses membres et qui s’observe au travers du temps que passent les participants à interagir, l’intensité émotionnelle avec laquelle ils parlent de « leur » communauté et le degré de réciprocité des échanges. Ce dernier élément est très proche de la notion de don mise en évidence en ethnographie par Mauss (1973, cité par Bélisle, 2001) : au sein d’une communauté, d’un groupe social restreint, les membres sont liés par des relations complexes de don/contre-don qui se traduisent par des rapports où tour à tour on donne, reçoit et rend.
  • la communication par les réseaux informatiques, le nombre de correspondants avec lesquels une personne peut entrer en contact est prodigieusement décuplé. Quand l’objet de la communauté virtuelle est bien clair et que le thème de la discussion est précis pour toutes les parties, se créer de nouveaux contacts est très facile et surtout beaucoup plus rapide. Ces chercheurs citent des travaux de sociologie qui montrent que les réseaux sociaux « virtuels » ou « à distance » d’une personne peuvent être beaucoup plus étendus que ses réseaux sociaux « présentiels ».
  • sur le plan technologique, Dillenbourg & al., (2003, p.14) argument qu’une communauté virtuelle intègre une gamme d’outils qui n’est pas limitée techniquement : de multiples outils de communication synchrone et asynchrone (e-mails, forums, chats, audio et vidéo, wikis, « whiteboards », « workflows », …). Cette intégration technique permet toutefois un débat plus intelligent, moins sectaire, dans la mesure où les choix ne sont plus mutuellement exclusifs. Ces moyens de communication permettent aux membres d’une communauté d’échanger des « objets » (documents, messages…) qui peuvent être réutilisés par la suite même dans un autre contexte, en coélaborant des documents pour, par exemple, définir l’objet de la communauté ou ses règles de fonctionnement et lui donner dès lors une identité propre…

Les communautés virtuelles ont donc des caractéristiques de fonctionnement qui leur sont propres, liées à leur caractère distribué, c’est-à-dire au fait que leurs membres ne sont jamais (ou presque) en contact physique et qu’ils utilisent les technologies des réseaux informatiques pour communiquer.

Exemples de communautés


Poplin (1979, cité dans Hamman, 2001) aurait identifié 125 définitions sociologiques du terme « communauté ». Lorsqu’on lie à ce terme d’autres expressions tout aussi polysémiques, on essaye d’illustrer les différentes formes d’organisations sociales qui les constituent, ainsi :

Références


Barry Wellman et d'autres chercheurs associés. (1995). Centre for Urban and Community Studies, de lU. de Toronto. Net Surfers Don't Ride Alone: Virtual Communities as Communities

Bélisle, R.(2001). Pratiques ethnographiques dans des sociétés lettrées: l’entrée sur le terrain et la recherché impliquée en milieux communautaires. Recherches qualitatives, Vol. 22, 55-71.

Dillenbourg, P., Poirier, C. & Carles, L. (2003). Communautés virtuelles d’apprentissage : e-jargon ou nouveau paradigme ? In A. Taurisson et A. Sentini. Pédagogiques.Net. Montréal, Presses.

Hammam, R. B. (2001) Computer Networks Linking Network Communities. In C. Werry and M. Mowbray (Eds)Online Communities. (pp. 71-95). Upper Saddle Rive: Prentice-Hall.

Preece, J et Maloney-Krichmar, D. (2003). Online communities: focusing on sociability and usability. In J. Jacko et A. Sears (Eds.). Handbook of Human-Computer Interaction. Mahwah, NJ : Lawrence Erlbaum Associates, p. 596-620.

Rheingold, H., (1993) The Virtual Community: Homesteading on the Electronic Frontier, MA: Addison-Wesley Pub Co., Reading.