Artefact

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Définition

Le terme d'artefact désigne de manière générale un objet fait de la main de l'homme. C'est une notion fréquemment utilisée en anthropologie présentant deux intérêts :

  • Le caractère de neutralité que lui confère l’anthropologie.
  • La possibilité de considérer les systèmes symboliques comme inclus dans la classe des instruments.

L’artefact constitue seulement une partie de l’instrument, sa partie neutre ou universelle. Cette partie est relativement indépendante de l’usage de l’instrument par un utilisateur. On dira qu'elle est relativement indépendante puisque cet artefact n’est pas le produit d’une création spontanée et insensée. Sa réalisation est le résultat d’une activité finalisée pendant laquelle le concepteur s’est imaginé l’utilisation future de cet artefact. L’artefact comprend donc une fonction d'anticipation ajoutée explicitement ou implicitement par le concepteur. L'instrument est l’artefact en situation, inscrit dans un usage (Rabardel, 1995).

En fait, ce que Rabardel étudie c'est l'action instrumentée, c'est à dire l'utilisation d'objets techniques dans une activité. Dans le cours de cette activité, l'objet technique devient un instrument pour le sujet, en ce qu'il lui permet d'effectuer des tâches déterminées.

Toutefois, l'objet technique en lui même, ne permet pas de déterminer l'instrument. Les catachrèses ou détournements en sont les preuves. Par exemple, on peut utiliser un couteau pour dévisser, ou une clef anglaise pour enfoncer des clous.

Ainsi, l'instrument comprend une partie de l'objet technique mais aussi une partie du sujet lui même, qui lui assigne des fonctions dans son activité. La partie de l'objet technique qui est reconnue par le sujet est ce que Rabardel désigne par "artefact". Et la partie du sujet qui intègre l'instrument ce sont les schèmes d'action.


En fait, l'instrument actualise dans son utilisation un ou des artefacts associés aux schèmes du sujet, dont la portée peut-être limitée ou moulée par certaines caractéristiques techniques, Rabardel (1995, p. 74) : "Les sujets développeraient, en fonction des objets sur lesquels ils doivent agir, des modalités d'usage différenciées d'un même artefact, des schèmes d'utilisation spécifiques, qui tendent à rendre cet artefact multi-fonctionnel et à constituer ainsi, à partir d'un même artefact, plusieurs instruments individualisés en fonction de la spécificité des objets et des tâches. Ce serait donc par une différenciation accommodatrice de la composante schème de l'instrument que se développerait ici une multi-fonctionnalité de l'artefact." Rabardel (1995, P. 103) "L’exemple banal de la multiplicité des utilisations réelles d’un objet aussi théoriquement spécifique qu’un sèche-cheveux suffit à le montrer : sécher un vêtement, dégivrer une serrure, voire chauffer une pièce... Cependant derrière cette diversité, il est possible de retrouver des éléments relativement stables et structurés dans l’activité et les actions de l’utilisateur.Nous avons proposé de les caractériser comme des schèmes d’utilisation." Rabardel (1995, P. 74) "Une clef anglaise a, par exemple, une masse assez importante, c’est pourquoi elle se prête à frapper. Un tournevis de longueur égale a une masse faible, et peut à peine être utilisé pour enfoncer un clou dans un morceau de bois." Rabardel (1995, P. 102) En d'autres termes, le sujet qui utilise un instrument informatique, s’en construit des modes opératoires ou des algorithmes humanisés d’utilisations projetées et finalisées. A travers ces processus bio-psycho-sociologiques et techniques, un savoir actualisé se cristallise dans l’instrument et se transmet socialement : par exemple manuel d’utilisation, formation à l’école, transmission orale, etc.. De ce fait, l'utilisation que l'on fait d'un outil peut souvent en retour modifier certaines de ces caractéristiques techniques. On peut penser par exemple aux robots ménagers, dont les gadgets ne cessent de s'améliorer au fil du temps, pour en optimiser l'utilisation de plus en plus économique pour tout en chacun. Ils s'inscrivent dans une historique d'utilisations. En outre, ces opérations actualisées par l'utilisateur sont combinatoires et présentent des régularités. Ainsi l’utilisateur peut associer plusieurs schèmes d’utilisation à un artefact, qu’il soit matériel (ex. une carte mère matérielle), sémiotique (ex. le langage en tant qu'outil de communication sur l'écran d'ordinateur), psychologique (le profil perso sur le web) ou cognitif (ex. un système expert). Il peut inversement associer plusieurs artefacts à un schème. Par ces associations l'artefact peut se réaliser en une diversité d'instruments. Par exemple, afin de rédiger un texte pour un exposé, un adolescent peut adopter un traitement de texte comme artefact et opérer avec les schèmes : « écrire du texte sur l’écran », mais aussi « effacer un mot dans le texte », «  copier – coller », « imprimer », etc.. Ici le traitement de texte artefactuel devient un instrument informatique de rédaction. Cependant, le jeune pourra aussi utiliser ce même traitement de texte non pas pour rédiger un texte, mais pour publier sa page Web perso. Pour cela, il devra adjoindre aux schèmes d’utilisation précédents, des schèmes comme « publier la page sur Internet », «  appliquer une couleur à une forme », etc.. Dans cette situation d'utilisation, ce traitement de texte artefactuel deviendra un instrument informatique de publication pour le Web.

L'appropriation de l'objet technique par le sujet pour en faire un instrument est ce que Rabardel appelle la Genèse Instrumentale, pour signifier un processus plus ou moins long, et toujours en développement, composé de deux mouvements:

  • l'instrumentalisation, qui désigne le mouvement du sujet vers l'artefact, et qui comprend la reconnaissance et la création de fonctions de l'artefact.
  • l'instrumentation, qui designe le mouvement de l'artefact vers le sujet, et qui comprend la modification des schèmes d'action et de pensée du sujet.

Application

Les TIC constituent des artefacts qui tout en permettant à l’homme d’effectuer des actions de contrôle et de transformation de son environnement, déterminent et modèlent les actions qu’ils médiatisent et instrumentent (Lameul, 2002).

L'intervention d'un objet technique (TIC) dans une activité ne garantie pas qu'il sera utilisé d'une manière ou d'une autre. Le processus de genèse instrumentale prendra du temps, et les tâches assignées doivent viser à l'appropriation des fonctions de l'artefact (instrumentalisation) et à son utilisation la plus pertinente (instrumentation).

D'une autre part, l'intervention d'artefacts nouveaux dans une tâche déjà connue transforment cette tâche, et ajoutent un facteur de difficulté, puisqu'il faut tenir compte de la genèse instrumentale du nouvel artefact. Ainsi, la transposition d'une pratique d'enseignement présentiel à une pratique d'enseignement par internet se heurte à beaucoup de difficultés, notamment due au besoin de développer les nouveaux instruments de cette pratique. Mais aussi l'introduction de logiciels ou calculatrices dans l'enseignement suppose une transformation des pratiques et une double genèse instrumentale pour les enseignants: une première genèse de l'instrument pour effectuer des tâches liées à la connaissance, et une deuxième genèse de l'instrument pour effectuer des tâches d'enseignement.

Références

Lameul, G. (2002). Médiatisation de la relation pédagogique et posture enseignante.[Site Web]. Accès : http://archiveseiah.univ-lemans.fr/EIAH2003/Pdf_annexes/Lameul.pdf

Rabardel, P. (1995). Les Hommes et les technologies une approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Université de Paris 8. pdf1 et pdf2