Evaluer l'argumentation
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Resumé - Abstract
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Introduction
L'argumentation dans l'apprentissage des sciences
L'argumentation est de nature fondamentalement dialogique, puisqu'il s'agit de faire accepter à une autre personne ses idées. Très tôt dans la scolarité, les enfants sont entrainés et se montre capable d'argumenter oralement et de défendre leur point de vue. La capacité de développer une argumentation écrite est beaucoup plus longue à s'installer et des difficultés s'observent chez de nombreux adultes. La pratique visant à développé les capacités d'expression liées à l'argumentation s'effectue généralement dans le cadre de l'apprentissage de la langue première. Cependant, la pratique de l'argumentation revêt une importance particulière dans l'enseignement des sciences :
- Elle remplit une fonction épistémique lié à au mode de production du savoir scientifique;
- Elle est au service de la construction et la structuration des connaissances; on attend d'elle qu'elle augmente la compréhension profonde des concepts (Leitao) ou encore qu'elle améliore la capacité à produire des raisonnements (Baker)
- La tâche de production argumentative n'est pas un exercice isolé. Dans un scénario pédagogique comme une enquête scientifique, l'argumentation se combine à d'autres composantes comme la prédiction, l'observation ou l'expérimentation.
La capacité de produire une argumentation convaincante reliant faits et théories pour défendre ou réfuter un point de vue est un élément essentielle. Pour de nombreux auteurs, comme M.C. Linn, les processus spécifiquement mis en jeux dans l'argumentation [1] sont :
- l'identification des idées et des preuves à propos d'un phénomène;
- la construction un point de vue et son étayage avec des faits et des preuves;
- l'évaluation de la pertinence d'un point de vue selon divers critères;
- la révision d'un point de vue, suite à l'introduction de nouveaux faits.
Artefacts technologiques soutenant la production d'une argumentation
Baker défend la pratique du dialogue comme processus d'apprentissage en développant des interfaces spécifiques pour structurer l'activité d'argumentation (C Chene, Damocles, DREW). Cette structuration de l'interface vise à favoriser l’émergence d’interactions épistémiques sur des notions scientifiques. Les interactions sont considérées comme les traces de la construction même des connaissances (Baker 2002, 2004).
Il existe une large palette d'outils synchrone et asynchrone existe pour soutenir des étudiants engagés dans un dialogue argumentatif.
Ces outils cognitifs ont comme point commun d'enrichir et d'organiser ce que C. Golder nomme l'espace de production du discours argumentatif et d'apporter une avantage attendu. Citons:
- Les forums, qui permettent une participation plus équitable, et offre plus de temps pour poser les idées et élaborer les arguments
- Les outils de communication synchrones, qui permettent un engagement collaboratif plus intense, offre une meilleure aide à une construction conjointe, mais à le désavantage d'engendrer plus de pression sur les participants
- Les wikis, carte conceptuelle, qui facilitent la comparaison et l'élaboration fine des arguments et leur juxtaposition.
- Les environnements d'informations enrichi (par ex BSD), très utiles lorsque le contenu du domaine est moins bien maitrisé.
- Les script et outils d"awarness", qui proposent des feedback rapides aux participants.
Définition et enjeux
Les étudiants sont confrontés au discours argumentatif de deux manières:
- Dans le cadre de l'apprentissage formel, le texte est la source primaire d'information. Les apprenants sont amenés à changer ou faire évoluer leurs conceptions sur divers sujets à partir de textes qui "fonctionnent" grâce à un contenu de qualité et une structuration rigoureuse.
- Pour juger de la qualité de l'intégration des connaissances, on leur demande de produire, seul ou collectivement, des discours argumentatifs. En sciences, il leur est demandé de répondre à des questions, de produire des idées, d'identifier des preuves, d'articuler des points de vue divergents, d'intégrer des connaissances. Le regard évaluatif porte sur le contenu disciplinaire, mais également sur la structure de l'argumentation. La pratique de l'argumentation porte en elle un but épistémique sur la nature de la production du savoir scientifique
L'évaluation d'une production argumentative nécessite de distinguer la qualité de l'argumentation (en terme de structure et de processus) et la qualité des arguments (en terme de contenu). Trois points de vue sur la question nous permet de juger de la difficulté de cet exercice.
Point de vue psycholinguistique
Selon Golder et Favart [2], les composantes fondamentales des discours argumentatifs sont la justification, la négociation, ainsi que le processus de planification de l'écriture.
- La maitrise de la justification ne peut être évaluer qu'à travers le contenu des énoncés. Cela renvoie en particulier à la recevabilité des arguments. Produire une argumentation valable implique un effort d’explication de la source (adaptation à l'interlocuteur visé) et - particulièrement en science - un respect de la normalité scientifique (pour l'enseignant ou en terme de respect du document source).
- Négocier, c'est prendre ses distances vis-à-vis de son discours pour pouvoir articuler arguments et contre-arguments. Cela implique d'avoir une certaine connaissance du domaine débattu. Un manque de connaissances dans le domaine spécifique du problème abordé influence négativement cette capacité de négociation. Des stratégies pédagogiques existe pour pallier à cela. Elles consistent à enrichir et structurer les connaissances du domaine, par exemple par un débat en classe, et l'élaboration et la structuration d'une liste d'arguments. Ce qui se fait parfois aisément à l'oral devient difficile à l'écriture, où il est nécessaire de se représenter la position du destinataire pour mettre en valeur ses propres arguments.
- Le processus de planification de l'écriture constitue la composante de la production d'un discours argumentatif pour laquelle les artefacts technologiques sont d'un grand secours. Il existe un espace rhétorique au sein duquel plusieurs problèmes se combinent : a) quoi dire ? b)comment le dire ?
Scardamalia et Bereiter définissent deux stratégies pour le scripteur: knowledge transforming passage du knowledge telling (scripteur novice) au knowledge transforming (scripteur expert) (avec étape possible)
Point du vue de la logique - le modèle de Toulmin
Toulmin [3] a proposé un modèle de l'argumentation qui prend ses distances avec la logique mathématique dominante et replace l'argumentation dans la langue et son usage. Ce modèle sert de fondement à la grande majorité des cadres d'évaluation destiné à juger de la qualité d'une argumentation dans l'enseignement. Le modèle divise une argumentation (orale ou écrite) en 6 composantes, dont trois forment l'ossature minimale [4]
- les données (data ou ground) qui constitue en quelque sorte les "preuves" qui fondent la conclusion
- les garanties (warrants) qui explicite le lien entre les données et la conclusion. C’est le lieu de la justification. Elles sont parfois implicites.
- la conclusion (claims) , affirmation de ce que l'on estime vrai
Trois autres composantes ne sont pas toujours présentes. Elles consolident et étayent l'argumentation. Ce sont :
- les modalités (qualifiers) qui précisent les conditions particulières à respecter pour que la conclusion soit vrai;
- les restrictions (rebuttals) qui signale les exceptions éventuelles;
- les fondements (backings) constitue la « structure profonde » du raisonnement. Ce sont des références à des textes et des savoirs reconnus.
Toulmin précise que le contexte détermine quelles composantes est structurellement nécessaire à un moment donné. Il précise que son modèle ne dit rien sur la qualité de chaque composante, qui dépend du champ. Le modèle de Toulmin va servir de modèle prescriptif dans de nombreux environnements asynchrone, parfois simplifiée, pour aider les apprenants à structurer et enrichir leur argumentation.
Point de vue pragmatique
Un constat général fait à l'école secondaire est la difficultés des élèves à produire des discours argumentatifs en situation écrites.
- pas ou peu de contre-arguments (les contre-arguments apparaissent vers 13-14 ans)
- développement limités de leur propres arguments
- dépersonnalisation progressive des arguments ( puis re-personalisation, mais en considérant les autres)
Les facteurs facilitant la tâche de production sont : Une forte implication subjective incite à la négociation
- aide au passage ? prise ne compte de l'autre, réorganisation des arguments, texte de synthèse qui doit être présenter de manière équilibrée les avis.
- développement des idées scientifiques -- enrichissement des concepts par l'apport de l'autre, par l'énonciation de limite de validité, par l'exemplification....
Recherches récentes
Cadres d'analyse généralistes
Erduran (2004)
Schwartz, Neumann, Gil et Ilya
Cadres d'analyse spécifiques à l'argumentation en science
Clark et Sampson (2007)
De Vries,Lund et Baker (2002)
Jimenez, Alexandre & al. (2000)
Zohar et Nemet (2002)
Duschl (2007)
Leitao (2000)
Critique de la littérature
Implication pour l'enseignement et l'apprentissage
L'argumentation est à considérer non comme une activité d'acquisition de connaissance, mais comme une activité d'intégration. Baker considère ainsi que la stabilité dans l'argumentation n'est pas atteignable si les savoirs sont en construction. Ainsi, il affirme : "Il peut paraître trop ambitieux d’exiger de l’argumentation qu’elle suffise à elle seule à susciter la co-construction de concepts scientifiques; elle est davantage un moyen de développer l’esprit critique, pour en définitive améliorer la compréhension du problème posé[5]". On peut l'associer à ce que les didacticien francophone nomme la dévolution du problème.
A partir de sa longue expérience de mise au point d'outils destiné à faciliter le dialogue argumentatif en science, Baker défini également les conditions qu'il juge importante :
- une tâche propice au débat,
- une préparation cognitive des participants,
- la mise en œuvre de représentations multiples,
- le choix des bons partenaires
- une description claire de ce qui doit être débattu."
Conclusion
Références
- ↑ M.C. Linn, B-S. Eylon, (2006) Science Education: Integrating views of Learning and Instruction, in Handbook of Educational Psychology , P. Alexander, P Winne 2nd (2009), p.526
- ↑ Golder. C.,Favart,(2006) M., Argumenter c'est difficile...Oui, mais pourquoi ? Approche psycholinguistique de la production argumentative en situation écrite (2006) Revue de didactologie des langues-cultures et de lexiculturologie 2006/1, N°141, p.187-209
- ↑ Toulmin, S. (1958) The Uses of Argument. Cambridge: Cambridge University Press
- ↑ cette partie est une adaptation de la présentation du modèle de Toulmin par Douglas B. Clark et Victor Sampson dans l'article déjà cité)
- ↑ M. J. BAKER, Recherches sur l'élaboration de connaissances dans le dialogue,(2004) Université Nancy 2, p.170
Weblio-Biblio
Le département de philosophie de l'université Carnegie melon de Pittsburgh (PA) propose une page dédiée aux "Argument mapping tools", tout une série d'outils permettant de produire des cartes conceptuelles organisant des arguments.[[1]]
Présentation de quelques outils intégrés d'aide à l'organisation des idées présents dans l'environnement informatisé WISE centré sur des démarche d'enquête: [[2]]
Une courte présentation de l'argumentation en école secondaire (UK) (pourquoi, comment), se fondant sur le modèle de Toulmin [[3]]