Les EIAH: une conception complexe avec de nombreuses problématiques

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Tamara Crétard - Volée Baldur

Résumé

Dans cet article, nous allons aborder la conception des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH). De cette manière, nous comprendrons mieux à quelles problématiques ils sont exposés. L’idée est de proposer des arguments appuyés sur différents auteurs experts dans le domaine des technologies numériques au service des apprentissages.

Introduction

Cela fait des années que l’on se questionne sur l’utilisation des technologies numériques pour l’apprentissage, malgré son utilisation de plus en plus massive dans les classes. En effet, « depuis la première introduction de l’informatique dans l’enseignement secondaire, en 1970 » (Leroux, 2017, p. 434), l’usage de ces technologies se multiplie : tuteurs intelligents, hypermédias, micromondes, apprentissage collaboratif assisté par ordinateur…" (Tchounikine & Tricot, 2011 ; Mayer, 2010). Aujourd’hui, beaucoup se questionnent quant à leur efficacité sur l’apprentissage, notamment car par le passé, de nombreuses technologies étaient décrites comme allant révolutionner le système éducatif, mais cela n’a pas été le cas (Mayer, 2010).

Développement

Conception des EIAH

Une idée que l’on a des EIAH est que leur conception relève d’un travail d’ingénierie : « à partir de savoirs de la recherche, on va concevoir des dispositifs informatiques adaptés à leurs usagers » (Sanchez, 2018), parmi eux les enseignants. Cependant, la recherche montre que ceux-ci « ne sont pas de simples usagers, mais ce sont des acteurs, des concepteurs qui lorsqu’ils adaptent les EIAH à leurs pratiques vont être amenés à les reconcevoir » (Sanchez, 2018). De cette vision on peut ressortir une méthodologie de recherche : la recherche orientée par la conception (Design Based Research). Cette méthodologie est en fait une recherche collaborative et elle nécessite donc une collaboration entre chercheurs et praticiens (enseignants, ingénieurs pédagogiques, parfois les élèves…). Pour la conception, il est utile de comprendre les objectifs et les besoins pour ensuite concevoir un prototype d’outil qui sera alors testé, puis remodelé en fonction des retours obtenus.

Chez Tchounikine et Tricot (2011), on retrouve une description similaire du processus de conception. En effet, pour ces auteurs, la conception d’un EIAH repose sur plusieurs phases :

  • Inventer l’EIAH (imaginer l’environnement IT, ses utilisateurs, son contexte, ses utilisations attendues etc.)
  • Le spécifier (propriétés et caractéristiques)
  • Le réaliser (construire les modèles et le code)
  • L’expérimenter (vérifier qu’il correspond aux attentes)
  • Le raffiner et le faire évoluer

On voit donc que la conception d’un EIAH n’est pas aisée, il faut faire collaborer plusieurs personnes entre-elles afin d’arriver à quelque chose, même s’il faudra toujours faire évoluer cet EIAH.

À quoi faut-il prêter attention lorsqu’on veut concevoir un EIAH?

Comme nous l’avons vu, il n’est pas facile de concevoir un EIAH. En effet, plusieurs problématiques apparaissent lorsqu’on se plonge dans le sujet.

Peu de ressources

Tout d’abord, il faut savoir que peu de « travaux [sont] consacrés aux effets des technologies numériques sur le développement des compétences collaboratives, d’interaction, de communication et de résolution de problème » (Leroux, 2017, p. 449). Leroux (2017) dit également qu’il faut « de nouvelles recherches pour déterminer précisément les conditions de l’efficacité des usages numériques éducatifs, selon le type d’usages technologiques et le contexte » (p. 459). Cela signifie donc qu’il y a un manque de ressources utiles sur lesquelles s’appuyer pour la conception des EIAH.

Design pédagogique

En concevant un EIAH, on peut rapidement être tenté de multiplier les façons de distribuer une information, car on pense que plus on donne de possibilités à l’apprenant, plus il y a de chances qu’au moins une de ces façons lui convienne. Cependant, cela n’est pas la méthode la plus efficace. En effet, même si cela n’est pas simple, l’objectif de « l’enseignement par la technologie est de soutenir un traitement cognitif actif au cours de l’apprentissage sans surcharger les capacités cognitives de l’apprenant » (Mayer, 2010, p. 203). Cet objectif peut notamment être atteint en « réduisant le traitement inutile, en contrôlant le traitement essentiel et en favorisant le traitement génératif » (Mayer, 2010, p. 208).

Une hétérogénéité des effets observés sur l’apprentissage

Pour démontrer l’efficacité des EIAH, des études sont réalisées. Les résultats de ces études, « synthétisées dans le cadre des méta-analyses suggèrent que les usages numériques à visée éducative ont un effet positif et significatif sur les apprentissages, bien que la taille de cet effet soit très variable et, dans la majorité des cas, modeste » (Leroux, 2017, p. 440). Des méta-analyses ont été faites et en « s’intéressant aux facteurs qui pourraient rendre compte de l’hétérogénéité des tailles d’effet observées, [elles] permettent de repérer les éventuels déterminants de l’efficacité des usages numériques éducatifs » (Leroux, 2017, p. 441). Parmi ces déterminants, on peut retrouver : l’âge des élèves, la discipline scolaire ou encore des modalités d’usages (fréquence et durée, motivation, usages collectifs vs. usages individuels).

L’utilisation des traces

Un EIAH se doit d’être un système adapté, adaptable et adaptatif (Michel, 2018). Ses objectifs sont de correspondre aux besoins de l’utilisateur, de s’adapter aux évolutions de l’utilisateur et de faire en sorte que l’utilisateur puisse adapter le système à ses besoins (Michel, 2018). Ces objectifs sont atteints « lorsque l’utilisateur s’approprie le système en contexte » (Michel, 2018). Pour se rendre compte de cette appropriation ou non, les traces laissées par l’utilisateur peuvent être efficaces. Leur volonté est d’avoir un « retour sur l’activité » (Caron, 2018). En étudiant ces traces, on va pouvoir remodeler l’EIAH afin qu’il s’adapte à chaque apprenant et ainsi, qu’un apprentissage soit permis. Pour terminer, il ne faut pas oublier qu’un outil numérique peut être très bien fait, mais « ce sont les méthodes pédagogiques, et non les supports, qui permettent l’apprentissage » (Mayer, 2010, p. 208).

Conclusion

Pour conclure, la conception des EIAH peut être complexe. Elle nécessite plusieurs étapes et il faut constamment remodeler l’outil numérique. De plus, il faut faire attention à divers aspects. En effet, il faut savoir qu’il manque encore beaucoup d’études sur l’effet des technologies numériques et celles existantes montrent une hétérogénéité des effets sur l’apprentissage. De surcroît, toutes les technologies ne sont pas adaptées à tous les apprenants, il faut ainsi prêter attention au design pédagogique et ne pas hésiter à utiliser, par exemple, les traces laissées lors de l’utilisation d’un outil.

Bibliographie

  • Leroux, Monteil, J.-M., & Huguet, P. (2017). Apprentissages scolaires et technologies numériques : Une revue critique des méta-analyses. L’année Psychologique, 117(4), 433–465. https://doi.org/10.4074/S0003503317004018
  • Mayer, R.E. (2010). Apprentissage et technologie. In H. Dumont, D. Istance & F. Benavides (Eds). Comment apprend-on ? : La recherche au service de la pratique (pp. 191-209). Éditions OCDE.
  • Tchounikine, P., & Tricot, A. (2011). Environnements informatiques et apprentissages humains. In C. Garbay & D. Kayser (Eds.), Informatique et Sciences Cognitives : influences ou confluences ? (pp. 167-200). Ophrys/MSH.