Régulation de la charge cognitive lors de nouveaux apprentissages
Régulation de la charge cognitive lors de nouveaux apprentissages
Résumé
Lors des apprentissages de type scolaire, la charge cognitive est importante pour l’apprenant. Pour ne pas le mettre dans une situation de difficulté insurmontable qui le mène à l’échec, il est important de proposer des modalités d’apprentissages qui diminuent les charges cognitives non essentielles. Ainsi, l’apprenant peut disposer de toutes ses ressources cognitives pour l’apprentissage lui-même. Des pistes de régulation de la charge cognitive issues des textes de Tricot (2017) sur la différenciation, de Dillenbourg (2007) sur l’apprentissage collaboratif et de Cosnefroy (2010) sur l’apprentissage autorégulé sont présentées ici.
Introduction
Les apprentissages sont regroupés en deux catégories. D’un côté les connaissances primaires et de l’autre les connaissances secondaires (Geary, 2008, cité par Tricot, 2017, p.1). On entend par connaissances primaires les connaissances qu’acquièrent les humains, de façon implicite, pour s’adapter à leur environnement (parler, vivre en groupe…). Les connaissances secondaires sont les connaissances qui demandent un apprentissage explicite, comme les connaissances scolaires (lire, compter…). Ces deux types de connaissances interagissent constamment, par exemple l’apprentissage de la langue maternelle (connaissance primaire) soutiendra l’apprentissage de la lecture (connaissance secondaire) (Karmiloff-Smith, 1992, cité par Tanguy et al., 2013, p. 164). Les connaissances secondaires sont apparues beaucoup plus récemment dans l’histoire du développement humain et par conséquent, le cerveau n’a pas pu s’adapter suffisamment pour gérer la charge cognitive inhérente à leur apprentissage (Geary, 2007, cité par Tanguy et al., 2013, p.159). Selon Sweller, les apprentissages des connaissances secondaires demandent à l’apprenant des efforts cognitifs plus importants que ceux fournis pour les connaissances primaires (Sweller, 2015, 2016; Sweller, Ayres & Kalyuga, 2011 ; voir en français Chanquoy, Tricot & Sweller, 2007, cités par Tricot, 2017, p.1). Dans les apprentissages adaptatifs (connaissances primaires), les connaissances s’acquièrent en faisant, donc le but et le moyen sont identiques. Quant aux apprentissages scolaires (connaissances secondaires), ils se font au travers des supports qui doivent permettre d’acquérir des connaissances (Tricot, 2017). Les exigences cognitives de ce type d’apprentissage dépendent de trois charges : intrinsèques (l’information à traiter pour réaliser la tâche), extrinsèques (informations inutiles présentes sur les supports) et essentielle (les apprentissages). Le but étant de diminuer, voire d’éliminer les deux premières charges pour permettre à l’apprenant de garder ses ressources cognitives pour la charge essentielle (Sweller, Van Merrienboer & Paas, 1998, cité par Tricot, 2017).
Développement
Comme cela a été mentionné dans l’introduction, les apprentissages des connaissances secondaires engendrent une charge cognitive importante qui peut mettre en difficulté les apprenants. Afin d’éviter ce processus, le guidage et le travail de groupe sont des solutions adéquates pour autant qu’elles soient adaptées au contexte et au niveau de chaque apprenant.
Guidage et charge cognitive
Le guidage au début du processus d’apprentissage de nouvelles connaissances secondaires permet à l’apprenant d’identifier les différentes étapes qui lui permettront d’atteindre le but. Que ce soit en lui fournissant les réponses aux problèmes qu’il doit analyser (Tricot 2017) ou en le guidant pour apprendre à s’auto-observer afin de mettre en place un schéma permettant une autorégulation efficace lors des apprentissages, le guidage permet à l’apprenant de se concentrer sur l’analyse de l’activité plutôt que sur le résultat qu’il obtiendra à la fin de l’activité. Ce type de guidage évite que l’apprenant soit déçu du résultat, ce qui le démotiverait pour poursuivre l’effort d’apprentissage qui ne serait pas récompensé malgré un grand investissement pour résoudre la tâche (Zimmerman, Kitsantas, 1997, cité par Cosnfoy, 2010, pp.19-20).
Selon Tricot (2017), le guidage montre le plus d’intérêt lorsque l’apprenant a le moins de connaissances dans le domaine. Plus ses connaissances sont éloignées du but à atteindre, plus le guidage sera nécessaire pour aider l’apprenant en lui évitant une charge cognitive importante. À l’inverse, plus l’apprenant aura de connaissances dans le domaine, moins le guidage sera nécessaire. Dans ce contexte, il faut tenir compte des connaissances préalables des apprenants pour déterminer s’il est pertinent d’établir un guidage afin d’éviter qu’il devienne contre-productif à cause de l’effet de renversement dû à l’expertise (Tricot 2017).
Travail de groupe et charge cognitive
Le travail de groupe est bénéfique lors des apprentissages pour autant qu’il respecte certains éléments qui permettent aux élèves de progresser en allégeant la charge cognitive. S’il est appliqué de manière inadéquate, il génère l’effet inverse en augmentant la charge cognitive. En tenant compte de certains éléments, le travail de groupe permet d’atteindre le but d’apprentissage en ayant un impact positif sur la charge cognitive. En effet, lors du travail de groupe, la charge sur la mémoire de travail individuelle est diminuée, puisqu’elle devient collective. Pour atteindre ce but, il faut que la tâche soit suffisamment complexe pour que le travail de groupe soit plus efficace que le travail individuel. Si la tâche est simple, le travail de groupe engendre une charge cognitive inutile (Tricot 2017). Lors du travail de groupe, l’hétérogénéité des compétences doit être respectée lors de la composition des groupes. La différence entre les apprenants les plus compétents et les apprenants les moins compétents ne doit pas être trop importante, sinon les seconds adoptent une attitude passive et ne progressent pas en compétences (Salomon et Globerson, 1989 ; Mulryan, 1992, cité par Dillenbourg et al. 2007, p.8). L’avantage de la collaboration entre apprenants permet à celui qui a le plus de compétences de continuer à les développer en les expliquant et permet au second de développer ses compétences en intégrant de nouvelles stratégies. Le fait d’expliquer un concept à quelqu’un a le même effet que l’auto-explication (Tricot 2017, Chi, Bassok, Lewis, Reimann & Glaser, 1989, cité par Dillenbourg, 2007, pp.13-14) et permet d’intégrer plus durablement les nouvelles connaissances. Ces exemples montrent que le travail de groupe en plus de diminuer la charge cognitive grâce à la mémoire de travail partagée, implique d’autres mécanismes qui favorisent l’acquisition de nouvelles connaissances.
Conclusion
Il est important que les apprenants puissent utiliser toutes leurs compétences cognitives sur la tâche qui leur apportera de nouvelles connaissances. Pour que cela soit possible, une différenciation de l’approche des apprentissages doit être mise en place selon les compétences de l’apprenant dans le domaine étudié (Tricot 2017). Le but étant de diminuer la charge cognitive sur la mémoire de travail afin de libérer le maximum de capacités cognitives pour le transfert des connaissances dans la mémoire à long terme. Le guidage et le travail de groupe, s’ils sont correctement mis en place, sont deux modalités parmi d’autres qui permettent de diminuer la charge cognitive due aux apprentissages des connaissances secondaires.