Catégories et codes dans l'analyse qualitative
Manuel de recherche en technologie éducative | |
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Module: Analyse de données qualitatives | |
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⚒ 2016/04/15 |
Le codage
La première étape de l’analyse des données qualitatives est le codage. Un code est une étiquettes (ou label ou balise ou tag) utilisé pour marquer une variable (concept) et/ou une valeur trouvée dans un texte. Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’avantage du codage est qu’il permet de trouver toutes les informations sur les variables intéressantes pour votre recherche. De plus, il améliore la fiabilité de votre recherche.
Le principe de base de la technique du codage est assez simple:
- Un code est assigné à chaque (sous)catégorie, i.e. chaque variable théorique avec laquelle vous travaillez. En d’autres termes, vous devez identifier des noms de variables
- En outre, vous pouvez assigner pour chaque code un ensemble de variables possibles, e.g. positives/neutres/négatives
- Vous devrez ensuite passer en revue systématiquement tous vos textes (documents, entretiens, transcriptions, dialogue enregistrés, etc.) et marquer toutes les occurrences de variables.
- Il existe plusieurs stratégies de codages très différentes:
- Création de manuels de codage (codebooks) en partant de votre théorie
- Codage par induction (selon la théorie ancrée)
- Codage hybride (demi-codebook, demi-inductif)
- Codage par catégories ontologiques
Tableau 15: Principes de codage pour les données qualitatives
Le moyen le plus sûr et le plus fiable de coder est d’utiliser un logiciel spécialisé, e.g. Atlas ou Nivo, mais cela nécessite du temps d'apprentissage qui sera, en partie gagné lors de l'analyse. Pour de petites études et/ou pour vous familiariser avec le codage, vous pouvez tout à fait utiliser du papier et marquer les textes selon la méthode suivante:
- Faites des photocopies réduites des textes pour gagner un peu d’espace dans les marges.
- Soulignez ou entourez les éléments de texte que vous pouvez lier à une variable, puis écrivez le code dans la marge. Utilisez un stylo effaçable!
- Assurez-vous de passer en revue les différents codes et autres marques que vous pourriez laisser sur le papier.
En ce qui concerne l’étiquetage de codes, nous suggérons de procéder de la façon suivante:
- N’utilisez pas de longues listes de codes «à plat», mettez en place une hiérarchie (selon les dimensions identifiées)
- Chaque code doit être court et mnémotechnique (optimisez). E.g. pour coder «catégorie principale» – «sous-catégorie» («valeur»), utiliser un code tel que:
CE-CLIM(+)
- Au lieu de:
contexte externe - climat (positif)
- Ne commencez jamais à coder sans avoir une idée de votre stratégie de codage. Soit votre manuel de codage est déterminé par vos questions de recherche et les théories, cadres et grilles d’analyse associés, soit vous apprenez vraiment à utiliser une stratégie inductive telle que la «théorie ancrée» qui est beaucoup plus difficile.
Voici un exemple de manuel de codage.
Fiabilité de codage
Assigner un code à un segment de texte n’est pas toujours évident et coder des passages similaires exactement de la même manière l’est encore moins. En d’autres termes, la question de la fiabilité du codage se pose.
Il y a deux façons d’améliorer la fiabilité:
- Utilisez des catégories claires et opérationnelles
- Utilisez deux ou trois codeurs (vous et d'autres chercheurs) et calculez un indice d’intercodage. S’il est bas, vous devrez revoir votre schéma de codage.
Il existe plusieurs formules pour calculer la fidélité inter-codeurs, dont la plus simple est celle proposée par Miles & Huberman (2003):
Fiabilité = nombre d’accords / (nombre total d’accords + nombre total de désaccords)
Il existe également des logiciels, comme CAT, qui permettent de calculer statistiquement la fiabilité du codage à l'aide du Kappa de Fleiss lorsqu'il y a plus de deux codeurs mais l'interprétation reste controversée.
Création et gestion d’un manuel de codage
Création d’un manuel de codage selon la théorie
Dans cette stratégie de codage, la liste de variables (et leurs codes) est définie par l’intermédiaire d’un raisonnement théorique (e.g. cadres analytiques, grilles d’analyse) et par conséquent également par des concepts que vous avec utilisé pour formuler vos questions de recherche et/ou vos hypothèses. Voici un extrait d’un manuel de codage d’études en innovation (environ 100 codes):
Catégories | Codes | Références théoriques |
---|---|---|
propriétés de l’innovation | PI | .... (remplissez pour votre propre manuel de codage)..... |
contexte externe | CE | |
démographie | CE-D | |
soutien pour la réforme | CE-S | |
contexte interne | CI | |
processus d’adoption | PA | |
chronologie officielle | PA-CO | |
dynamique du site étudié | DS | |
assistance externe et interne | AEI | |
liens de causalité | LC |
Tableau 16: Manuel de codage d’études en innovation (extrait)
Avant de penser à votre propre manuel de codage, vous devez vraiment passer en revue la littérature pertinente et essayer de trouver des manuels de codage existants (qu’il vous faudra peut-être adapter). E.g. ci-dessous se trouve un exemple d’utilisation de codes pour l’analyse des types de problèmes professionnels d’enseignants en informatique en Turquie (Deryakulu & Olkun, 2007).
Conflit de rôle
Procédures d’initiation des enseignants inadéquates
Absence d’infrastructures technologiques et de soutien technique requis
Statut de l’informatique dans le programme scolaire
Absence d’appréciation et de retours favorables des collègues
Absence de soutien des administrateurs
Evolution rapide des connaissances nécessaires pour l’enseignement de l’informatique
Absence de programme informatique cohérent
Absence de programmes de formation des enseignants avant leur entrée en fonction
Classes très grandes
Etudiants indifférents
Inspection et supervision inadéquates
Codage par induction conformément à la théorie ancrée
La théorie ancrée (Glaser, Strauss) correspond à un ensemble d’approches qui se focalisent sur l’interprétation et sur la construction de théories, i.e. c’est une approche totalement inductive. Le chercheur commence par coder un petit ensemble de données puis augmente l’échantillon en fonction des questions théoriques qui apparaissent. Les catégories (codes) peuvent être révisées à tout moment.
La théorie ancrée commence avec une situation de recherche. Au sein de cette situation, votre tâche, en tant que chercheur, consiste à comprendre ce qui se passe, comment les acteurs remplissent leurs rôles. Vous ferez cela principalement par l’intermédiaire d’observations, de conversations et d’entretiens. Après chaque période de collecte de données, vous devez noter les éléments clés: j’ai étiqueté cela comme «prise de notes».
La comparaison constante est le cœur du processus. Il s'agit de comparer les interviews (ou d’autres données) jusqu'à saturation. La théorie prend forme rapidement. Lorsque c’est le cas, comparez les données à la théorie. Les résultats de cette comparaison sont écrits dans la marge comme du codage. Votre tâche consiste à identifier les catégories (qui correspondent à peu près aux thèmes ou aux variables) et leurs propriétés (leurs sous-catégories).
Théorie ancrée: un schéma concis, extrait le 15 octobre 2008.
Le codage de phénomènes s’effectue à la fois de façon isolée et avec des relations (codage axial). Les catégories d’observation abstraites suivantes pourraient constituer un point de départ pour le codage axial.
- conditions (causes d’un phénomène perçu)
- interactions entre les acteurs
- stratégies et tactiques utilisées par les acteurs
- conséquences des actions
Pour utiliser cette approche, vous devez vraiment vous documenter, car en tant que débutant, vous pouvez facilement tomber dans un piège, en particulier les biais de sélection et de confirmation, i.e. vous regardez uniquement les choses qui vous intéressent pour une raison ou pour une autre.
Codage par catégories ontologiques
Au lieu de créer initialement un manuel de codage à partir de variables trouvées dans vos questions de recherche ou de réaliser un codage «inductif» dans le contexte de la théorie ancrée, il est possible de commencer en utilisant un vocabulaire pour un domaine donné. Cette stratégie est un compromis entre la théorie ancrée et la méthode axée sur la théorie que nous avons présentée initialement.
Le tableau suivant comprend une liste d’éléments que vous pouvez observer dans une organisation (Bogdan et Biklen, cité par Miles & Huberman: 1994 61)
Types | Explication |
---|---|
Contexte/situation | information sur le contexte |
Définition de la situation | interprétation par les gens de la situation analysée |
Perspectives | façons globales de voir la situation |
Façons de voir gens et objets | perception détaillée de certains éléments |
Processus | séquences d’événements, flux, transitions, points de changements, etc. |
Activités | structures des comportements réguliers |
Evénements | activités spécifiques (non régulières) |
Stratégies | façon d’attaquer un problème (stratégies, méthodes, techniques) |
Relations et structure sociale | liens informels |
Méthodes | commentaires du chercheur sur le travail (annotations) |
Tableau 17: Les codes Bogdan et Biklen pour analyser des organisations
Dans la littérature, vous trouverez de nombreux autres «schémas explicatifs». En technologie éducative, par exemple, il existe plusieurs manuels de codage relativement simples pour l’analyse de conversations et de groupes de discussion asynchrones (forums). De Wever et al. (2006) fournissent un bon aperçu global. Certains schémas de code sont simples. E.g. Cobos et Pifarré (2008) ont analysé la «construction collaborative de connaissances sur internet» avec le schéma de codage suivant:
Code | explication | exemple |
---|---|---|
Explication | Demande à clarifier certaines parties du document | Le lien suivant, qui apparaît dans votre document, ne fonctionne pas à présent, mais était-ce le cas il y a une semaine? |
Support | Exprime un accord explicite avec les idées du document ou l’organisation des informations | J’estime que ce document est très utile et facile à lire |
Ajouts | Suggère des ajouts au document: idées, opinions ou organisation des informations | Je pense qu’il conviendrait d’ajouter un index des différentes parties de l’article |
Suppression | Suggère des suppressions du document: idées, opinions ou organisation des informations | Le résumé contient des exemples; étaient-ils vraiment nécessaires? |
Correction | Suggère des changements au document. Ils se rapportent à des idées, à des opinions ou à l’organisation des informations | Je pense que la conclusion du premier paragraphe contient une erreur: «moteur» devrait être «motivation». |
Tableau 18: Codebook pour la «construction collaborative de connaissances sur internet»
Pena et Nichols (2004) ont utilisé les catégories suivantes pour analyser les interactions entre étudiants et la construction de signification dans les discussions d’un système de bulletins électroniques:
- Questions
- Réponse
- Clarification
- Interprétation
- Conflit
- Affirmation
- Construction de consensus
- Jugement
- Réflexion
- Support
- Autres
Il existe des codebooks plus complexes: à titre d’exemple, voici un résumé des messages d’étudiants dans le codebook d’Eilon et Kliachko (2004).
Groupe «Niveau A» | Ces catégories indiquent la construction de connaissances et une contribution significative à l’apprentissage par pairs |
---|---|
Compréhension | Fournit une preuve écrite de la compréhension des sujets étudiés par les catégories suivantes: |
Reproduction- 1 | Reproduit les points, les idées, les arguments ou les messages principaux trouvés dans les informations entrantes en référence à leur source et avec une évaluation critique. |
Direction | Redirige les autres aux sources pertinentes pour les sujets étudiés (imprimés et en ligne). |
Clarifiaction par questions | Localise les domaines ambigus, difficiles ou problématiques dans le nouveau matériel. Décrit le contexte de la question et la raison de la poser. |
Clarification par réponses | Fournit des explications et des réponses correctes, pertinentes et complètes. Fonde les réponses sur les informations récupérées tout en critiquant ses origines. |
Réflexion | Fournit des preuves écrites des processus métacognitifs que l’apprenant applique lorsqu’il étudie de nouveaux sujets dans les catégories suivantes: |
Liens/diffusion | Combine les nouvelles informations avec ses connaissances préalables. Transmet les nouvelles connaissances aux autres domaines, en particulier les problèmes STS. |
Evaluation critique | Evalue les nouvelles informations de façon critique. |
Transformation | Applique les nouvelles informations d’une façon originale et créative, établit des inférences, donne des exemples originaux. |
Groupe «Niveau B» | Ces catégories indiquent une contribution probable à l’apprentissage par pairs, par les catégories suivantes: |
Documentation | Documente les expériences relatives à l’apprentissage ou les contributions individuelles au groupe. |
Reproduction- 2 | Reproduit les points, les idées, les arguments ou les messages principaux trouvés dans les informations entrantes sans évaluation de ces dernières ou ajouts originaux. |
Résultats d’apprentissage | Présente le groupe et les résultats individuels d’apprentissage. |
Questions/réponses techniques | Questions ou remarques à propos de tout sujet qui n’est pas en lien direct avec la compréhension des sujets étudiés. |
Connaissance personnelle | Présente les connaissances personnelles ou les expériences de la vie de tous les jours. |
Groupe «Niveau C» | Ces catégories indiquent aucune contribution (ou contribution contraire) à l’apprentissage par pairs, par les catégories suivantes: |
Questions non pertinentes/non expliquées | Pose des questions sans donner de contexte ou de raisons pour les poser. |
Citations ponctuelles | Inclut des citations sans leur contexte et sans explication. |
Réponses non pertinentes/sans réponse | Fournit des réponses non pertinentes ou incorrectes aux questions envoyées par d’autres étudiants. |
Commentaires émotionnels/personnels | Inclut des commentaires personnels, qui auraient dû être envoyés par e-mail, comme l’a demandé l’enseignant. |
Tableau 19: Manuel de codage des messages d’étudiants (Elion et Kliachko, 2004)
Codes de deuxième niveau (de type pattern)
Certains chercheurs codent également des patrons (relations). Alors que le codage simple (ci-dessus) transforme les données en atomes (catégories), le codage pour révéler des patterns identifie les relations entre les atomes. Le codage pour révéler des patterns est également l’une des étapes de la théorie ancrée inductive. Le but ultime est de détecter (et de coder) des régularités, mais également des variations et des singularités.
Voici quelques opérations suggérées:
- Détection de co-présence entre deux valeurs de deux variables:
- E.g. les personnes favorables à une nouvelle technologie (e.g. TIC en classe) ont tendance à l’utiliser.
- Détection d’exceptions
- E.g. les enseignants favorables à la technologie mais qui ne l’utilisent pas en classe.
- Dans ce cas, vous pouvez introduire une nouvelle variable pour expliquer l’exception, e.g. l’attitude du supérieur hiérarchique, de l’administration, un conflit de but (la culture du groupe s’y oppose), etc.
- Les exceptions peuvent également provoquer un changement de niveau d’analyse (de l’individu à l’organisation)
Attention: comme dans l’analyse statistique, la co-présence ne prouve pas la causalité.